1. Lana
Toujours dans les vapes de la veille, je bois mon café bouillant en observant les arbres à l'extérieur et en écoutant les oiseaux gazouillants du matin. Ce petit coffee shop est mon seul refuge. En dehors du brouhaha de la ville, il offre un petit coin de paix, où l'on peut respirer tranquillement. Il me donne chaque matins, la force de continuer ma journée.
Une fois ma tasse avalée, je souffle un grand coup, prends mon sac et repars en enfer. J'ère dans les rues encore et encore, en posant mon CV très peu fournit à des entreprises qui n'en ont rien à foutre. Après tout, qui voudrait embaucher une fille sans aucune expérience et sans logement officiel ?
Chaque jour une petite lueur d'espoir entre en moi, je me dis qu'on va me rappeler, que je vais leur plaire, qu'une âme bienveillante voudra bien de moi... Après tout, on dit partout que la roue tourne, que, si on fait des efforts, on peut se sortir de la merde dans laquelle on est. J'ai compris avec le temps que ce ne sont que des désillusions et des conneries. Chaque jour passé m'enfonce juste un peu plus dans le trou béant qu'est ma vie.
Après une matinée à poser ma candidature pour une multitude de jobs, je rejoins mon travail à mi-temps dans un bar miteux.
Le patron me salue d'un signe de tête peu chaleureux et je vais immédiatement me changer à l'arrière. Bien-entendu, pour attirer les clients, le boss veut qu'on porte un mini-short et un débardeur au décolleté indécent, je le soupçonne d'ailleurs de se rincer l'œil lui-même. N'ayant pas vraiment le choix, j'enfile ces vêtements à contre-cœur, attache mes longs cheveux bruns avant de me dirige derrière le bar.
- Comment ça va aujourd'hui Lana ? M'accueille ma collègue Sandy un grand sourire au lèvre.
- Tout roule, comme d'habitude... Répondis-je sur un ton monotone.
Je n'arrive jamais à exprimer mes sentiments ou a être expressive mais celle-ci ne m'en tient pas rigueur, elle à l'habitude.
La foule n'afflue pas aujourd'hui et toutes les personnes qui passent ne laissent pas un seul pourboire alors que je fais mon possible pour paraître accueillante et courtoise.
- Lana ? M'interpelle le boss.
- Oui ?
- Je peux plus te garder, aujourd'hui est ta dernière journée.
J'ouvre la bouche complètement sous le choc et en colère.
- Vous rigolez ?! J'ai pas reçues mes deux dernières payes, si je travaille pas je vais crever bordel !
- J'en ai rien à foutre de ta vie personnelle, je te donnerais ce que je te dois avant que tu partes ce soir mais ne reviens pas, j'ai plus assez de clients, si tu restes, moi, je coule.
Je le fusille du regard et vais à l'arrière du bar, dans la petite cour. Je frappe mon pied dans les poubelles et ne peux m'empêcher d'hurler ma frustration.
- Tout va bien ? Rigole une voix qui me fait sursauter.
Je me retourne et me retrouve face à un homme d'à peut près mon âge en train de fumer une cigarette.
- Journée de merde.
Il sourit l'air compatissant et me tend son paquet. Je prends immédiatement une cigarette qu'il allume avec son briquet. Je ne fume pas habituellement, mais là, j'ai vraiment besoin de me détendre.
- Je t'avais jamais vu, m'annonce le garçon, t'es d'ici ?
- Je suis de partout et nulle part. Répondis-je d'un ton lasse en m'asseyant contre le mur du bâtiment.
- Je m'appelle Max.
- Lana.
Max s'assoit à mes côtés sans dire un mot de plus. Sa présence ne me dérange pas, il affiche un air bienveillant qui m'inspire confiance.
Je suis vraiment dans une situation de merde, je ne sais même pas comment je vais pouvoir bouffer ces prochains jours. L'argent que va me donner mon patron va seulement me servir à payer le loyer de l'appartement de merde non déclaré que je loue et que je vais bientôt devoir rendre. Excédée par tant d'incertitude je prend ma tête entre mes genoux, tentant de réfléchir du mieux que je peux.
- Que se passe t-il, finit par demander Max curieux.
- Je viens de perdre mon job, répondis-je dans un ricanement amer.
- Tu travaillais où ?
- Ici, dans ce bar.
- Oh bordel, mais ce bar est le plus pourrie de la ville t'aurais pu trouver mieux. Rigole le garçon.
- J'avais pas vraiment le choix.
Mon visage doit afficher une grimace puisque Max perd sa mine amusée. Je me lève résignée à mon sort salue ma nouvelle rencontre et me redirige vers le bar.
- Donnez-moi mon argent directement, je me casse.
Mon patron semble surpris par ma requête mais obtempère immédiatement en voyant ma mine furieuse. Il me tend une liasse de billet que je range après avoir compté que le compte est bon et prend bien soin de faire un doigt d'honneur au boss en sortant. Connard... À la sortie, je suis surprise de trouver Max qui semble m'attendre.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
Il me tend alors un bout de papier que je prends machinalement.
- Si t'as besoin, appelle moi.
- Besoin pourquoi ?
- N'importe quoi, si t'as un problème quelconque.
Je fronce les sourcils suspicieuse, on vient à peine de se rencontrer et il me propose déjà son aide ; ce n'est pas très habituel.
- Tu a l'air d'une personne bien malgré ton air détaché, sourit Max, j'ai une connaissance qui me fait penser à toi.
- Hum, c'est gentil je suppose, mais je n'ai pas besoin d'aide, merci quand même.
Sur ces mots, je pars à pied en direction de mon appartement. Quand j'entre dans l'immeuble, mon voisin pervers me reluque de haut en bas, je l'ignore comme d'habitude et m'empresse d'entrer chez moi. Mon appartement est un petit 15 mètre carré, où l'eau chaude et le chauffage marchent une fois sur dix. Je balance mon sac sur mon canapé qui me fait office de lit et me prends un grand verre d'eau. Je sens mes mains trembler et je tente du plus que je peux de les calmer. Pas de crise Lana...Je m'ordonne intérieurement.
Aujourd'hui, je suis vraiment perdue, je ne sais plus comment faire pour m'en sortir. J'ai écumé tous les postes libres de la ville et je n'ai rien. L'espoir me quitte de plus en plus et l'angoisse se fait ressentir. Je regarde alors le papier que Max m'a passé et vois un numéro de téléphone. Je ne comprends vraiment pas pourquoi il me l'a donné. Il n'avait vraiment pas l'air de vouloir me draguer donc cette action est encore plus étrange. Soudain, mon téléphone à clapet sonne et affiche un numéro inconnu. Je réponds rapidement.
- Oui allô ?
- Oui bonjour Lana Jones, c'est la police, nous aimerions en savoir plus à propos de l'affaire de violence à l'orphelinat Dubois, puis-je vous interroger ?
- Je n'ai rien à dire. J'annonce d'un ton froid avant de raccrocher.
La police me harcèle depuis quelque temps mais le passé est le passé et je ne veux pas le remuer... J'ai réussi à me forger un mental presque sans faille ces deux dernières années et parler de ce qu'il s'est passé ne ferait que briser ma carapace qui a été si dure à construire.
Dans un geste décidé, je me lève rapidement et enfile une des seules robes que je possède. Je me maquille légèrement et sors dans la rue à la recherche d'un bar. Je m'arrête vers le plus connu de la ville et entre. Je m'assois au bar et, deux minutes plus tard, un homme me propose un verre. L'avantage d'être une femme dans ces moments là... Au moins je n'ai pas à payer mes consommations. J'accepte et je reçois rapidement mon cocktail que je m'empresse de boire, ignorant la drague lourde du gars déjà bourré à côté de moi. Après trois verres, l'alcool se fait déjà ressentir et je me sens un peu moins tendue.
Soudain, j'aperçois un visage familier qui n'est autre que Max. Je me lève le sourire aux lèvres et m'approche de lui légèrement tanguante.
- Maaax !
- Lana ? Dit-il surpris, qu'est-ce que tu fais ici ?
- Je prenais un verre... Ma voix est un peu trop trainante pour que je paraisse sobre.
- T'es déjà bourrée ? Il est que 21 heures !
Il semble plus amusé par mon état qu'autre chose. Quand je chancèle sur lui, il me prend par le bras et m'emmène vers une banquette à l'écart.
- Pourquoi t'es ici ?
- Je suis venu avec des potes, on sort tous les vendredi et toi, t'es toute seule ?
J'hoche la tête et il me regarde bizarrement.
- Quoi ?
- Rien, c'est juste pas très habituel qu'une fille sorte toute seule un vendredi soir.
- Mmh, surement...
À vrai dire, je viens uniquement ici pour l'alcool et pour me changer les idées. Je sais que j'ai de plus en plus l'air d'une épave et que je coule un peu plus chaque jour mais je n'y peux rien. J'ai tout fait pour m'en sortir mais rien n'a marché. Au moins l'alcool me fait me sentir vivante.
Perdue dans mes réflexions, je suis surprise et sursaute quand je sens quelqu'un s'assoir à côté de moi. J'interroge Max du regard.
- Je te présente mes potes, il y a Gavin, Ethan et Ally, les gars voici Lana.
Je les regarde tous un par un en leur faisant un petit sourire, Gavin semble être le plus âgé tandis que Ethan et Ally ont une ressemblance qui me frappe. Blonds tous les deux avec de grands yeux bleus. J'en conclue qu'ils sont frère et sœur.
- T'as trouvé une nouvelle conquête, Demande Ethan à Max en se moquant.
- Absolument pas ! On s'est rencontrés cette après-midi et on fait un peu connaissance c'est tout.
Je sens que Max ne souhaite pas me draguer, il m'inspire confiance ce qui est assez rare pour le souligner.
- Alors Lana, d'où viens-tu ? Me demande Ally gentiment.
Je me racle la gorge avant de répondre calmement :
- J'ai toujours vécue dans cette ville.
- Tu as étudié au lycée de la ville ?
- Non j'étais en dehors...
Ces questions sur ma vie privé m'agacent, je déteste parler de moi et de mon passé. Voyant que je ne suis pas très coopérative, Ally détourne son attention vers ses amis. Ethan part et reviens une minute plus tard avec une bouteille de Vodka, il me propose un verre que j'accepte immédiatement en le buvant d'un coup.
Max se lève alors pour venir s'assoir à mes côtés.
- Tu devrais éviter de boire autant...
Je le regarde amusée.
- Oui papa !
Il prend un air sérieux en secouant la tête.
- Je suis très sérieux, l'alcool ne résout rien.
- Peut-être pour toi, mais moi elle m'aide beaucoup. Écoute Max je t'aime bien mais on se connaît seulement depuis quelques heures donc me casse pas les ovaires et laisse moi faire ce que bon me semble.
Je vois Gavin et Ethan me dévisager bizarrement mais je n'y fais pas attention. Je sais que je ne suis pas une fille comme les autres et c'est bien pour ça que je ne traine avec personne, mais, honnêtement je n'en ai plus rien à foutre. J'ai été bien trop gentille par le passé, ça ne recommencera plus.
- Oh un revenant ! S'écrie Ally en regardant derrière ma banquette le sourire aux lèvres.
Je me retourne afin de voir de qui elle parle. Quand je lève les yeux et que je vois le visage du garçon qui me fait face. Je me fige, mon sang se glace. Je me relève d'un coup faisant basculer la petite table qui se trouve devant moi ce qui fait tomber plusieurs verre. Mais je n'y prête pas attention, mon regard est focalisé sur le garçon qui se trouve en face de moi et qui m'observe d'un air déconcerté. Ses magnifiques yeux noirs et ses cheveux bruns me ramènent à des souvenirs que j'aurais voulu oublier. En un regard, il a brisé ma carapace, il a anéanti ma bulle. Alors je fuis, je ramasse ma veste d'un geste sec et pars sans lui adresser un seul autre regard, les larmes ayant déjà franchi depuis longtemps la barrière de mes yeux.
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J'espère que ce premier chapitre vous donnera envie de lire la suite !
N'hésitez pas à voter et à commenter pour me donner votre avis.
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