Prologue
Tijuana, Mexique, 6 ans plus tôt
Les rues grouillaient de monde. Le défilé incessant de ces multitudes de robes colorées qui virevoltaient au gré des mouvements me faisait perdre tout repère. Des femmes tenaient un cierge tandis que d'autres dansaient fièrement dans leurs costumes de Catrina.
Où était-il ? Me cherchait-il ?
Je me frayai difficilement un chemin à travers la foule. Ma longue robe blanche qui était à présent déchirée menaçait de me faire trébucher à tout instant. Animée par l'adrénaline, je continuai de courir. Il ne fallait pas que je m'arrête.
Lui ne s'arrêterait pas.
Mon corps se déplaçait à une vitesse folle. Le souffle commençait à me manquer. La netteté du paysage qui m'entourait s'effaçait au profit des pleurs qui inondaient mon visage. Je pouvais encore sentir la chaleur du canon qui caressait ma tempe. Il en avait déjà tué une. Je n'aurais pas pu y échapper. J'aurais dû l'écouter. Tout était de ma faute.
À mesure que j'avançais, la musique s'estompait. La foule s'éparpillait et les quelques passants errant encore dans cette partie de la ville observaient timidement le sang qui s'échappait de mon crâne avant de détourner le regard. Ils savaient qui j'étais. Ils m'auraient reconnu entre mille. Seule la peur leur dictait de ne pas me venir en aide. Personne ne voulait tomber entre les mains de ces hommes. Je ne faisais pas exception.
J'avais l'impression que le sol allait s'effondrer sous mes pieds. Le peu de tissus qu'il restait sur mon corps me semblait être de trop. La chaleur devenait insupportable. Les perles de sueur qui glissaient sur mon dos commençaient à dangereusement chatouiller mes brûlures et les poches de pue qui frottaient contre mon vêtement m'arrachèrent un cri de douleur. Je n'en pouvais plus.
Continue de courir Isabella. Il ne posera plus jamais les mains sur toi.
Les rayons du soleil qui s'infiltraient sur ma peau recouverte d'eau de javel me provoquaient des irritations. Je devais continuer. Vite. Toujours plus vite. Toutes ces tortures qu'il m'avait infligé. Tous ces jours passés sans ne rien voir d'autre que la vieille ampoule qui ne tenait qu'à un fil sur le plafond bétonné de notre cave. Toutes ses excuses après mes supplications...
« C'est de ta faute Isa, je n'avais qu'elle. », alors que moi, je n'avais que lui.
Je savais qu'ils étaient à mes trousses. Je pouvais sentir leur présence, comme des ombres malveillantes qui me collaient à la peau. Les ruelles de Tijuana semblaient se resserrer autour de moi, me piégeant dans un labyrinthe sans fin. Mes jambes flageolaient, mes pieds saignaient, mais je devais continuer. Mon cœur battait à un rythme effréné, alimenté par l'angoisse qui dévorait mon esprit.
Soudain, un cri déchirant émanant d'une ruelle adjacente me fit sursauter. Mon instinct me poussa à m'éloigner de cette direction, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à la personne qui venait de hurler. Était-il là ? Mon esprit vacillait entre l'envie de fuir et celle de me retourner pour l'affronter.
Je tournai brusquement à gauche, m'engouffrant dans une allée étroite et sombre. Les murs rapprochés me donnèrent un semblant de protection, mais je savais que cela ne durerait pas. L'odeur putride des ordures abandonnées agressait mes narines, mais j'ignorai la nausée montante. Il fallait que je trouve un endroit pour me cacher, pour reprendre mon souffle, pour réfléchir à un plan.
Au bout de l'allée, une porte entrouverte attira mon attention. Sans hésitation, je m'y précipitai, la poussant doucement pour éviter de faire du bruit. La pièce à l'intérieur était faiblement éclairée, probablement une vieille boutique abandonnée. Je m'adossai contre le mur, essayant de calmer ma respiration bruyante, tentant de rendre mon souffle aussi silencieux que possible.
Les minutes passèrent, interminables, chaque bruit extérieur amplifiant ma terreur. Je pouvais entendre les pas précipités à l'extérieur, le son des voix résonnant contre les murs de la ville. Ma main tremblante se posa sur la blessure à ma tête, ressentant une douleur sourde et continue. Le sang collant sous mes doigts me rappelait la gravité de ma situation.
Puis, une silhouette apparut à l'entrée de la boutique. Mon cœur s'arrêta. Je retins mon souffle, espérant qu'elle ne me verrait pas. Elle avançait lentement, scrutant chaque recoin de la pièce. Je me recroquevillai davantage dans l'ombre, priant pour devenir invisible. Mais mon espoir fut de courte durée.
- Tu penses vraiment pouvoir nous quitter comme ça ?
Sa voix, froide et menaçante, résonna dans la pièce, faisant vibrer chaque fibre de mon être. C'était l'un de ses hommes. Cette ordure n'avait même pas le courage d'affronter sa fille.
Il fit un pas de plus, ses yeux perçants cherchant ma silhouette dans l'obscurité. Je sentis mes muscles se contracter, prêts à réagir. Je ne pouvais pas rester là. Je ne pouvais pas lui laisser la satisfaction de m'attraper.
D'un bond, je me relevai et courus vers l'arrière de la boutique. Une fenêtre entrouverte m'offrit une échappatoire. Sans réfléchir, je me hissai à travers l'ouverture, ignorant difficilement les éclats de verre qui s'enfonçaient dans ma peau. Une fois de l'autre côté, je tombai lourdement sur le sol poussiéreux d'une autre ruelle.
Un cri de rage résonna derrière moi, mais je n'avais pas le temps de m'arrêter. Je me relevai péniblement et recommençai à courir, mon corps épuisé luttant contre la douleur et la fatigue. Les bâtiments devinrent flous et les sons de la ville se transformèrent en un bourdonnement lointain.
Je n'avais qu'une seule pensée en tête : survivre. Tant que je respirais, tant que je pouvais encore courir, il y avait une chance. Une chance d'échapper à cet enfer, de trouver la liberté, de reconstruire ma vie.
Alors je courus, m'éloignant toujours plus de mon passé, me dirigeant vers un futur incertain, mais libre.
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