Chapitre 2. Sans espoir

Isabella

- Joyeux anniversaire Bella !, hurla ma meilleure amie au téléphone. Tu me manques terriblement.

Enfin, ex-meilleure amie. Cette fille n'était qu'une faux cul que je ne pouvais plus encadrer. Cependant, c'était mon anniversaire et j'étais seule chez moi. Encore une fois.

- Merci Joyce, soufflai-je tandis que je tentais rageusement de ranger l'aspirateur dont le fil n'arrêtait pas de s'emmêler. Je dois te laisser, j'attends du monde pour le dîner.

Je ne lui laissai pas le temps de répondre et appuyai précipitamment sur le bouton rouge de mon téléphone. Évidemment, je n'attendais personne. Ma soirée se résumait à nettoyer mon appartement. J'avais pris mon courage à deux mains face à tout le bordel qui s'était accumulé depuis deux semaines.

Qu'est-ce que j'aimerais nettoyer cette tâche de Joyce avec autant de ferveur que le miroir de ma salle de bain actuellement.

Depuis que je m'étais installée à San Francisco, tous mes amis m'avaient tourné le dos. Au début, je tentais de garder le contact. Et puis les rapports se sont effrités au fil du temps, ne laissant place qu'à quelques notifications par-ci par-là. Jusqu'au jour où... Plus rien. Et je m'en portais mieux ainsi. J'avais besoin de cette bulle de solitude.

Le loup solitaire qui sommeillait en moi me remerciait à chaudes larmes d'avoir écarté tous ces parasites de mon chemin.

Bande de lâches.

Je n'avais pas suivi la voie conventionnelle. Aucune étude prestigieuse ne figurait sur mon curriculum. Le Mexique ne m'avait effectivement pas laissé cette chance.

Lui non plus ne m'avait pas laissé cette chance.

Fuir était devenue la seule solution. Si je considérais mes anciens amis comme lâches, je ne valais pas mieux qu'eux.

Alors que je sentais un poids comprimer ma poitrine, je décidai d'abandonner mes produits ménagers pour m'asseoir sur le canapé. J'allumai la télévision afin de lancer Netflix.

- Gilmore Girls, c'est tout ce dont j'ai besoin aujourd'hui.

Ma respiration s'accélérait sans aucune raison tandis que je tentais de la calmer comme d'habitude lorsque mon angoisse refaisait surface. Je commençais à ressentir des picotements dans mes membres supérieurs tandis que la pression qui s'exerçait sur ma cage thoracique ne semblait pas décidée à partir.

La seule compagnie à laquelle j'avais droit le jour de mes vingt-deux ans était ce fichu stress. À chaque fois que ça me prenait, j'avais l'impression de mourir. Plus je bataillais pour la réprimer, et plus mon corps donnait l'impression de faillir.

Par pitié, va-t'en et ne reviens jamais.

La voix de Lorelei tentant d'éviter une énième dispute avec sa mère me ramenait toutefois à la réalité. J'aimais cette série pour le sentiment de paix qu'elle me procurait.

Après quelques heures à somnoler dans mon salon, je sentis mon ventre gargouiller. Je mourrais littéralement de faim mais repoussais le moment fatidique jusqu'à n'en plus pouvoir. J'ouvris mon frigo mais rien ne s'y trouvait. Cet appartement était décidément aussi lamentable que mon état. Ma crise d'angoisse ayant enfin pris la décision de me laisser pathétiquement seule en ce jour, je me résolus à sortir acheter à manger.

L'air frais et humide de la ville fouetta mon visage lorsque je franchis le pas de la porte de l'immeuble. Février et son temps pluvieux n'étaient pas ce que je portais de plus cher dans mon coeur.

Tandis que je marchai vers mon restaurant favori, j'observai les nombreux sans-abri du quartier de Tenderloin qui tentaient de se réchauffer sous leurs tentes. On était loin du strass et des paillettes habituellement voués à la côte ouest mais avoir un toit sur la tête était tout ce qui m'importait à l'heure actuelle.

Je savais cependant que les jours étaient comptés avant que l'on ne m'expulse. Angoisse et rythme de travail ne font pas bon ménage. J'ai été virée après quelques jours d'absence, lorsque mes crises étaient à leur paroxysme et que mon état était devenu incontrôlable.

J'avais l'impression d'être un déchet que l'on jetterait bientôt à la poubelle. Et rien que d'y penser m'oppressait encore plus la gorge. J'étais en train de rater ma vie et mon manque de diplômes semblait y être pour quelque chose. Toutes les demandes d'entretien que j'avais pu adresser m'ont été refusées. Je ne savais cependant plus quoi faire ni comment le faire pour reprendre mon destin en mains.

Tout m'échappait, absolument tout.

Alors que je m'approchai du restaurant, je ne vis aucune lumière d'allumée. Fais chier. Je vérifiai l'heure sur mon téléphone et m'aperçus qu'il était presque une heure du matin. Mon nouveau rythme de vie était devenu un enfer. Je vivais quand les autres dormaient et ça commençait à m'agacer. J'entrepris alors de faire le chemin en sens inverse.

J'entendis soudainement le crissement de pneus d'une voiture. Puis deux. Puis trois. Les moteurs vrombissaient d'une force qui me parut surnaturelle. En l'espace d'une seconde, je me retrouvais encerclée par les véhicules qui semblaient quelques instants plus tôt beaucoup plus loin de moi. Plusieurs hommes en sortirent alors que je cherchais une échappatoire face ce qui me semblait être un règlement de comptes.

Pas encore cet enfer...

Le quartier malfamé dans lequel je vivais renfermait souvent des échos de coups de feu. Et pourtant, je n'avais encore pas été assez idiote pour sortir seule aussi tard le soir. Jusqu'à aujourd'hui. Moi qui avais toujours été angoissée par la mort, je ne m'attendais pas à connaître la fin d'une façon aussi brutale. Et bien que mon cerveau me hurlait de m'enfuir, mon corps était comme tétanisé face à ce silence soudainement devenu trop lourd à supporter.

- Baisse ta putain d'arme, je ne le dirai pas deux fois, hurla un homme dont je ne parvenais pas à percevoir le visage.

Mes yeux commencèrent à s'embuer de larmes tandis que je sentais mes membres défaillir à mesure que le temps passait. L'angoisse était là. Elle s'insinuait malicieusement dans chacune des particules de mon être.

Je t'en prie Isabella, pas maintenant. Reprends le contrôle.

Des coups de feu retentirent soudainement. Je hurlai de terreur tandis que mon corps refusait encore de bouger. Je suppliai que le temps se suspende mais en vain.

Une balle vint alors se loger dans ma cuisse gauche et une douleur irradia instantanément toute ma jambe. J'étais paralysée. Je ne l'étais non plus de peur mais de souffrance. Le sang s'échappait abondamment de la plaie tandis que mon pantalon en toile, à présent troué, ne semblait pas suffisant pour retenir la quantité de liquide qui quittait mon corps.

- Merde, Cole ! Il faut qu'on se tire de là, s'écria un autre homme qui me regardait fixement.

Deux voitures partirent alors à une vitesse effrénée de l'endroit qui allait bientôt se transformer en une scène de crime. Et mon corps allait y être retrouvé et jeté dans la fosse commune comme dans mes pires cauchemars.

Je m'écroulais finalement sur le bitume mouillé, ma jambe meurtrie ne pouvant plus supporter le poids de mon corps. J'allais être abandonnée au milieu de cette ville pourrie et me vider de mon sang jusqu'à ce que le soleil se lève. Je ne pouvais réprimer la boule de stress qui se logeait dangereusement près de mon coeur.

Personne ne viendrait me sauver. Personne ne viendrait me chercher. Et égoïstement, je regrettai instantanément tous ceux que j'avais pu rejeter de ma vie.

Tout cela était de ma faute. Il avait raison.

J'entendis alors des bruits de pas s'approcher de moi. Je sentais le danger mais la douleur que m'infligeait la blessure m'empêchait de bouger. Je tentais d'extirper le téléphone de ma poche mais la silhouette qui était à présent au-dessus de moi écrasa ma main d'un coup sec. Un cri de douleur que je ne pus réfréner m'échappa. Mon écran était à présent brisé et le peu d'espoirs que j'avais de m'en sortir volait en éclat.

- La voilà, notre monnaie d'échange, prononça-t-il finalement dans un rictus qui fut la dernière image que je pus enregistrer avant de m'évanouir.

***

Notre pauvre Bella n'est pas au bout de ses peines !

Je suis super contente de publier cette histoire ici et j'espère qu'elle vous plaira tout autant qu'à moi 🤍

Avec tout mon amour,
Ox

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