Chapitre 11. Le jeu
Isabella
Quelle enflure.
J'avais passé la nuit attachée à une chaise dont le bois était à moitié pourri. Je ne savais même pas depuis combien de temps j'étais enfermée ici mais je voyais à présent la lumière du jour s'infiltrer entre les trous de la bâche qui recouvrait la seule fenêtre de l'habitacle.
« Tu vas passer la nuit ici, à réfléchir à ta situation ». Tu parles. La seule chose à laquelle je pensais était son comportement, l'explosion, et le poids de son corps sur le mien. Lorsqu'il s'est jeté sur moi pour me faire taire, j'ai cru défaillir. L'angoisse montait de plus en plus et s'il était resté quelques secondes de plus sur moi, j'aurais sûrement fait une crise cardiaque.
Le bruit d'un moteur se fit alors entendre. C'était lui. J'en étais persuadée. J'avais une envie folle de lui sauter dessus et de l'étrangler, mais je ne devais pas faire de vagues. Pas maintenant. Tout ce que je souhaitais était d'avoir un toit sur la tête, me réchauffer, et prendre une douche de deux heures.
- C'est bon ? T'es calmée ?, prononça-t-il en entrant.
Espèce d'enfoiré.
- Oui ! Ça m'a fait un bien fou, merci, répondis-je en affichant mon plus grand sourire.
Il me jeta un regard noir et sortit de la pièce. Cole s'apprêtait à me laisser seule dans cet enfer, encore une fois.
J'étais trop bête.
Mais je ne pouvais pas m'en empêcher, c'était plus fort que moi. Il me faisait sortir de mes gonds avec ses provocations et son comportement de psychopathe. J'avais tout sauf envie de subir le même sort que la maison de ce sénateur. Je savais de quoi les mafieux étaient capables et je préférerais mourir que de passer une nouvelle nuit dans ce taudis.
Là, je devais prendre sur moi.
- Attends, criai-je en espérant qu'il m'entende.
Cole passa alors sa tête dans l'embrasure de la porte et afficha un sourire de vainqueur. S'il prenait tout ça pour un jeu, alors j'allais lui donner matière à jouer. Si je le brossais dans le sens du poil, je pourrai peut-être bientôt avoir assez de liberté pour m'enfuir.
- Je... Je suis désolée. Tu avais raison, m'exclamai-je finalement.
Franchement, mon égo en prenait un coup. Mais il fallait que je joue la comédie jusqu'à acquérir un minimum de liberté. Au moins, il ne semblait pas prévoir de me tuer.
- Raison sur quoi ?, renchérissait-il, un immense rictus collé au visage.
Cole Blake, je vais t'étouffer dans ton sommeil.
- J'aurais dû t'écouter et livrer le tableau lorsque tu me l'as demandé. Je n'aurais pas dû essayer de m'enfuir ou de tenter d'assassiner ton frère, grommelai-je finalement sans lâcher son regard.
- Tenter de quoi ? Ses mots étaient glacials, coupants comme une lame.
Merde, merde, merde ! Il n'était pas au courant de ma tentative de la veille sur Riley.
Isabella, tu es vraiment la reine des idiotes.
Je vis ses poings se serrer tandis que je me tortillais sur ma chaise, mal à l'aise. J'avais l'impression que la cabane manquait cruellement d'air tout à coup.
- Je... Je voulais juste..., bégayai-je, cherchant désespérément une excuse. Je voulais juste te faire comprendre que je ne suis pas une menace. J'ai paniqué et...
Son regard se fit encore plus perçant et cette vision m'empêchait de continuer à parler. Il posa une main ferme sur le dossier de la chaise et se pencha vers moi.
- Je veux juste... sortir d'ici, soufflai-je finalement avant qu'il ne réponde. Je ferai tout ce que tu veux, mais s'il te plaît, ne me laisse pas une nuit de plus.
Il resta silencieux un moment, ses yeux cherchant la moindre trace de mensonge sur mon visage. Puis, contre toute attente, il recula d'un pas et se redressa.
- Très bien, dit-il enfin, avec un sourire en coin. Tout ce que je veux, répéta-t-il comme si je ne regrettais déjà pas d'avoir prononcé ces mots.
Je hochai la tête, trop soulagée pour répondre. Il sortit un couteau de sa poche et s'approcha de moi. Mon souffle se coupa, mais au lieu de me blesser, il trancha les cordes qui me retenaient. Mes poignets étaient endoloris, marqués par les liens et les chaînes qui me maintenaient encore quelques heures plus tôt. Mais je ne fis aucun commentaire.
Je le suivis à l'extérieur de la cabane. La lumière du jour m'éblouissait après tant d'heures passées dans l'obscurité. Cole se dirigea vers sa voiture, m'indiquant de le suivre. Je m'exécutai sans un mot, mais je sentais son regard pesant sur moi.
Alors que nous roulions, je jetai un coup d'oeil furtif à son visage. Dur, impassible. Il n'avait rien du visage enfantin de son frère. Alors que Riley avait les cheveux blonds, ceux de Cole étaient noirs et mal coiffés. Ses yeux bleus ne quittaient pas la route. L'encolure de son t-shirt noir laissait entrevoir le début d'un tatouage. Je ne parvenais pas à le distinguer mais il semblait imposant et continuer à s'étendre sur tout son torse.
- Tu veux ma photo ?, demanda-t-il finalement sans pour autant me regarder.
Je détournai alors vivement la tête. Je sentais mon visage s'enflammer. C'était débile, mais je me sentais gênée d'avoir été interrompue dans ce moment. Non pas parce que je le matais, mais parce qu'il pensait à présent que c'était précisément ce que j'étais en train de faire. Et ça, ça me dérangeait.
- Tu as perdu la parole ? Toi qui étais si bavarde hier..., continua-t-il en jetant cette fois-ci un bref regard dans ma direction.
- Je n'aime pas les tatouages, répondis-je sèchement. C'est moche.
Il se racla la gorge avant de rire.
- Parce que tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de ton avis ?
- C'est toi qui m'as demandé de parler.
- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire, soupira-t-il en secouant la tête. Ce que je veux, c'est que tu comprennes bien ta situation. Tu m'as promis de faire tout ce que je veux, et je compte bien te le rappeler chaque fois que tu penseras avoir une chance de t'en sortir.
Je me pinçai les lèvres pour ne pas répliquer. La voiture avançait sur une route sinueuse, bordée d'arbres qui semblaient se resserrer autour de nous. Seuls le ronronnement du moteur et le bruit des pneus sur le gravier perturbaient à présent le silence.
- Et arrête de faire cette tête, ajouta-t-il en jetant un coup d'œil dans ma direction. On dirait que tu vas pleurer.
- Peut-être parce que je suis en train de le faire, crétin, rétorquai-je sèchement.
Il éclata de rire, un rire froid et sans joie. Quant à moi, j'avais envie de pleurer de rage.
- Tu es vraiment quelque chose, toi. Tu crois que chialer va changer quoi que ce soit ?
Je détournais la tête pour regarder par la fenêtre, essayant de contrôler la montée de colère en moi. Il jouait avec mes nerfs, et il le savait.
- Alors, c'est ça ton plan ? Me rendre folle avec tes petites provocations ? demandai-je en croisant les bras.
- Peut-être, répondit-il avec un sourire en coin. Ou peut-être que je m'ennuie simplement et que j'ai envie de voir à quel point tu peux être agaçante.
- Oh, je peux être très agaçante, répondis-je en retour.
Il me lança un regard curieux avant de reporter son attention sur la route.
- Je n'en doute pas une seconde. Mais je le suis encore plus, dit-il en appuyant sur l'accélérateur, faisant gronder le moteur de la voiture.
Je me cramponnai à mon siège, le cœur battant à tout rompre. La voiture gagnait en vitesse, rendant la route encore plus dangereuse.
- Ralentis putain !
- Quoi, tu as peur ? demanda-t-il avec un sourire moqueur. Où est passée la grande gueule de tout à l'heure ?
Je serrai les dents, essayant de ne pas montrer la panique qui montait en moi. Il jouait avec le feu, et il le savait. Mais je ne pouvais pas lui donner la satisfaction de voir ma peur.
- Tu es vraiment un sale con, soufflai-je finalement.
- Et toi, tu es une gamine gâtée qui pense que tout lui est dû. Bienvenue dans mon monde, Isabella. Ici, personne ne se soucie de ce que tu veux ou de ce que tu penses.
Je le regardai fixement, ressentant une montée de colère comme jamais auparavant. Il se trompait sur toute la ligne. J'étais tout sauf gâtée et je connaissais bien plus son monde qu'il ne le croyait. Mais je ne pouvais pas lui dire, ni le laisser me briser. Je devais trouver un moyen de le combattre, de lui montrer que je n'étais pas qu'une pauvre fille en détresse.
- Arrête la voiture, ordonnai-je soudainement.
Il me lança un regard surpris avant d'éclater de rire.
- Tu es sérieuse ? Tu veux descendre ici, en plein milieu de nulle part ?
- Oui, répondis-je avec détermination. J'en ai marre de t'entendre. J'en ai marre de ta voix, de ton visage, de tout chez toi. Alors arrête cette foutue voiture.
- Comme tu voudras, dit-il en donnant un coup de volant pour s'arrêter brusquement sur le bas-côté de la route.
Quoi ? C'était aussi simple ?
Mais sans me faire prier, je déverrouillai ma ceinture de sécurité et ouvris la portière avec précipitation. Avant que je ne puisse sortir, il attrapa mon bras et me tira violemment vers lui.
- Pas si vite, princesse. Tu penses vraiment que je vais te laisser partir comme ça ?
- Lâche-moi !, hurlai-je en me débattant.
Il serra un peu plus fort, son regard devenu glacial.
- Ne joue pas à ce jeu avec moi, Isabella. Tu perdras à chaque fois.
Évidemment que ça n'aurait pas pu être aussi simple de m'échapper d'ici.
Je le fixai, sentant ma colère se transformer en une détermination froide. Il devait comprendre que je n'étais pas une proie facile.
- Tu te trompes. Je ne perds jamais.
Il éclata de rire, mais je vis une lueur d'intérêt dans ses yeux.
- On verra bien, répondit-il en me relâchant. Pour l'instant, retourne dans cette foutue voiture.
Je le regardai une dernière fois avant de refermer la portière. Je devais rester forte.
Cole ne m'avait peut-être pas encore brisée, mais le jeu ne faisait que commencer.
***
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Eh oui, je vous vois...
Avec tout mon amour,
Ox
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