26. « À ton âme éternelle »













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Chapitre vingt-six













« Mon amour,

Voilà maintenant un an que tu es parti conquérir courageusement le ciel.

Un an que tu as atteint une tout autre forme d'éternité. Une forme pure, angélique, à l'image de ta beauté éthérée et ta personnalité mirifique.

Je suis fier de toi.

Et j'espère que tu t'amuses bien, là-bas.

Qui sait, peut-être que tu es en train d'écrire un livre ? Ou même deux ? Trois ?

C'est comme cela que je t'imagine.

Toi, si beau, si grand, au pied d'un arbre avec ton éternel carnet à la main et un horizon blanc qui s'étale à perte de vue. Un monde lumineux, bien loin du monde noir de la Terre.

Mon monde noir.

Tu sais, j'ai eu beaucoup de mal quand tu es parti, car il y a ton âme qui vit encore à l'intérieur de mon corps. C'est douloureux et ça me brûle. J'entends encore l'écho de ta voix résonner dans le silence de ton départ.

Je ne mange plus beaucoup et j'ai perdu du poids.

J'ai également perdu mon travail parce que je n'y allais plus, enfin je n'avais plus la force d'y aller, d'être confronté aux sourires et questions innocentes des enfants, mais ne t'en fais pas, c'est temporaire. Jin a gardé ma place et mon contrat donc, ne t'inquiète pas.

J'ai pensé à te rejoindre, tu sais ?

De nombreuses fois.

Je pense que Jimin a eu peur, il est devenu mon colocataire d'ailleurs. J'ai déménagé chez lui. Il ne m'a pas tellement laissé le choix, tu le connais. Puis, ça me fait de la compagnie.

Il y a moins de vide entre les murs ancrés de ta présence, de même que de ton absence. Tu es partout.

Dis-moi, te souviens-tu de la maison ?

Je me sens triste et nostalgique chaque fois que je m'y rends. Comme aujourd'hui.

Triste pour l'abandon de ce petit bout de paradis.

Nostalgique du temps passé.

Et malgré cela, la maison est toujours là.

Elle tient tête et se bat sans cesse avec la nature grimpante. Des animaux ont trouvé refuge dans les recoins abîmés. La carcasse de la barque au milieu du lac, quant à elle, s'est immobilisée.

Figée dans le décor à tout jamais.

La légère brise fait bruisser les quelques feuilles survivantes sur les branches des arbres qui se balançaient. Les oiseaux tournent en rond dans le ciel à la recherche d'un endroit pour s'abriter face à l'arrivée de l'hiver.

Et enfin, il y a ces ombres.

Ces ombres gigantesques qui se reflètent contre la façade de nouveau défraîchie par le temps.

Et, pourtant, elle est toujours là.

Aujourd'hui, je m'y promène, au milieu de cette obscurité.

Une ultime balade, avec toi, pour te raconter une dernière fois tous nos souvenirs du passé.

Ça te dit ?

Je m'accroche de toutes mes forces à la rambarde remise à neuf l'année dernière et grimpe les quelques marches qui me séparent du palier. Il y a encore le rocking-chair en bois, tu sais ? Il est installé devant la petite fenêtre du salon, là où tu l'as laissé avec la vieille radio. On aurait pu croire que la place de ce vieux fauteuil a toujours été là. Il contemple le vide et se balance au gré du vent, se sentant certainement très seul par moments.

Crois-tu que si j'allume la radio, notre chanson passera sur la station ?

La poitrine agitée et le cœur fragile, j'ai eu du mal à ouvrir la porte d'entrée. Cette porte si immense pour un si petit cocon.

Mais c'était notre cocon à nous, et on l'aimait bien.

Les fenêtres filtrent la lumière extérieure qui se répand dans le salon, venant éblouir les souvenirs du passé avec majesté. Sur les murs, il y a toujours quelques photos relatant un bonheur joyeux, mais abandonné.

La cheminée, quant à elle, semble triste. Elle est là, dans un coin de la pièce, mais orientée de sorte à se trouver au milieu de toutes les attentions lorsqu'elle est allumée. Seulement, tout est différent à présent.

Car malgré le froid mordant de l'hiver, elle ne s'allumera plus jamais.

Et, pourtant, elle est toujours là.

Ma tête tourne vers les escaliers. La crise d'angoisse est montée. C'est dur, tu sais.

Penses-tu que je vais arriver jusqu'au bout ?

À l'étage, il y a toujours ces longs couloirs blancs qui mènent aux chambres vides. Vides de tout, vides de vie.

Ma respiration s'accélère.

C'est un retour en arrière pénible lorsque mon regard rencontre le bleu de notre chambre. Un bleu honteux, un peu miséricordieux.

La salle de bains ?

J'ai détourné les yeux.

Je n'ai pas pu. Pardonne-moi. Je suis lâche.

J'ai préféré prendre la direction de la fenêtre et venir m'asseoir sur le rebord comme toi tu le faisais.

Il y a des fleurs juste à côté.

Elles sentent bon et sont colorées. Tu les aurais aimés.

Hobi, certainement. C'est le plus courageux d'entre nous. Il vient souvent. Parfois avec Jin, parfois avec Yoongi et Jimin, aussi. Tout le monde passe.

Sauf moi.

Et, pourtant, elle est toujours là.

Parce que je t'en voulais. Affreusement.
Je t'ai haï. Férocement.

J'avais échoué à ma mission. Je n'ai pas réussi à te protéger ni même réussi à te sauver. Et j'en ai tellement pleuré, si tu savais...

Mon être réclamait ta présence à chaque instant de la journée.

Mais tu n'étais plus là, et j'ai dû avancer.

Puis, un jour, je t'ai pardonné parce que j'ai compris que, de toute façon, la fin était écrite depuis le début, depuis les premières lignes et que je n'aurais rien pu changer.

C'était comme ça.

Peut-être que dans une autre réalité, je ne t'aurais pas laissé partir faire tes études et on aurait vécu une autre vie.

Une vie heureuse où nous serions deux idiots.

Deux idiots qui s'aiment à en crever.

Ça sonne bien mieux, tu ne trouves pas ?

Sache que je ne t'oublie pas. Jamais. Je continue de conter les cicatrices de ton âme à nos amis, à nos familles, à mes collègues, au boucher, à l'épicier, aux inconnus, au monde entier, juste pour ne pas oublier. Juste pour que ton souvenir persiste en nous. Et partout.

Et, pourtant, elle est toujours là...

Notre maison verte abandonnée.



À toi, mon ange,
Et à ton âme éternelle
Qui a pris le terminus des étoiles.

Je t'aime jusqu'à l'éternité.

Ton Taehyung. »



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