25. Épilogue













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Chapitre vingt-cinq




















Le marteau fait de bois d'érable frappa violemment le socle.

La sentence était tombée.

Malgré le fait que le silence se fit réclamer par le président, un certain brouhaha conflictuel persistait.

C'était comme si toutes les personnes présentes dans la pièce, à l'exception de la défense adverse, tentaient par tous les moyens de prendre part à la décision finale, et ce, même si la réponse avait été soufflée juste à l'instant et que rien n'allait changer.

Les arguments désapprobateurs fusaient à tout va. Tous criaient comme des animaux de foire.

Ça faisait peine à voir.

Personne ne s'écoutait réellement. Ils se crachaient leurs venins à la figure tels des serpents voraces à la recherche de sang. Ils assassinaient les opposants par les mots pour ne pas perdre espoir, pour croire à un renversement, mais c'était perdu d'avance.

Jeongguk le savait. Taehyung le savait.

Le monde entier le savait.

Les oreilles du châtain captaient des bribes de conversations sans réelle importance, son esprit était focalisé ailleurs. Plus rien n'avait retenu son attention depuis l'annonce brutale de la sentence.

Libre.

Kim Namjoon demeurerait libre.

Libre de marcher dans la rue, de voyager, de sortir en soirée. Libre de travailler, de continuer sa vie telle qu'elle était. Mais surtout, il était libre de recommencer.

Namjoon détenait le pouvoir de détruire d'autres existences s'il le souhaitait. Tout ça parce qu'il n'allait pas être condamné pour ses actes immondes et sa violence monstrueuse, et ce, malgré les quelques témoignages que l'avocat de Jeongguk avait pu dénicher.

Il ne payera jamais pour tout le mal commis et c'était ça le plus dur à avaler.

Parce que Namjoon s'en sortait alors que Jeongguk, lui, restera à jamais prisonnier d'un passé qui le brisait...

...Et qui le condamnait.

Pourtant, Namjoon l'avait prévenu de la puissance qu'était sa famille. Que face à eux, ils n'étaient rien de plus que de misérables insectes qui gênaient son chemin.

― Est-ce que... ça va ? ne put s'empêcher de demander Taehyung malgré la situation.

Le grisé était inquiet face au silence alarmant de son amant.

Jeongguk ne lui offrit qu'un simple et faible haussement d'épaules, quasiment imperceptible, en guise de réponse. Cela suffit à son compagnon.

Il avait au moins réussi à obtenir durant quelques secondes son attention.

― On va faire appel, Gguk.

Le romancier détourna ses yeux du vide pour venir à la rencontre du regard sérieux et combatif de Taehyung.

― Je ne laisserais pas passer ça, je le refuse.

― Tae...

― Je ne laisserais certainement pas ce connard s'en tirer ! Après tout ce qu'il t'a fait, il mérite de souffrir.

Taehyung fulminait de ce verdict.

― Je te le jure, Jeongguk, qu'il va me trouver sur son chemin et qu'il va payer !

Il n'était pas d'accord avec celui-ci et comptait bien le faire comprendre à quiconque oserait le contredire.

― Ça ne sert à rien... émit Jeongguk d'une petite voix.

Ce fut plus un murmure prenant la forme d'un soupir qui s'éleva faiblement entre leurs deux silhouettes assises au premier rang.

Juste derrière eux, la bande de copains était là.

Ils ne prirent pas la parole, tous étaient encore sous le choc de l'annonce, mais chacun avait posé sa paume sur l'épaule du châtain en guise de soutien.

― Si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais déjà tué de mes propres mains, grogna le professeur.

― Il a gagné, hyung, on peut plus rien faire... Il a gagné... Il a toujours gagné, répéta Jeongguk, en proie à une peine immense.

Mais Taehyung ne l'entendait pas.

― Un accident de voiture c'est vite arri...

― Taehyung, calme-toi, intervint Jimin. Jeongguk a besoin de toi et si tu continues, c'est toi qui vas te retrouver derrière les barreaux.

Le professeur sursauta en entendant la voix de son meilleur ami résonner proche de son oreille. Il cligna des yeux et se rendit compte de son comportement égoïste alors qu'à côté de lui se trouvait l'amour de sa vie complètement éteint et détruit.

― Désolé, mon ange, fit-il en lui attrapant la main et en lui embrassant le dessus.

Jeongguk ne prononcera rien d'autre ce jour-là et Taehyung n'insistera pas.

Il n'insistera pas parce qu'il savait.

Jeongguk avait jeté les armes et abandonné le combat face à ce destin trop ingrat.



☆★☆



Le couple était de retour chez lui après avoir passé la nuit chez Hoseok et Yoongi.

Le jour s'était levé, mais il était abrité par des nuages de pluie plutôt denses qui avaient déposé un voile sur le monde. La lumière était sombre et cela rendit l'ambiance encore plus misérable. Encore plus désespérée.

En rentrant dans la maison, Jeongguk ne prit pas la peine de se déchausser. Il monta directement au premier étage, vide de forces. Il traversa le long couloir blanc, agrémenté d'une copie du « Bassin aux nymphéas » du peintre Claude Monet et d'autres œuvres moins connues, puis se dirigea vers sa chambre, la dernière porte à droite.

Arrivé dans la pièce aux murs profondément bleus, Jeongguk s'effondra sur le lit sous le poids des images incessantes et des paroles agaçantes qui l'accablaient de tous les côtés à la fois. Il y a des pensées qui étaient destructrices et des souvenirs effrayants qu'il n'arrivait pas à oublier, même le temps d'une seconde.

Et c'était trop. Beaucoup trop.

Le romancier était épuisé de tout ça. Il en avait marre. Tout lui paraissait insurmontable.

Il se sentait si faible, si impuissant et tourmenté face à cette tristesse débordante de vérité. Face à sa souffrance criante de réalité. Semaine après semaine. Jour après jour. Heure après heure. C'était tout le temps. Absolument tout le temps. Les perles d'écume salée dévalaient sans cesse ses pommettes marquant son visage d'un rouge vif et révolté, témoin d'une frustration aussi écrasante que douloureuse. Parce que, juste là, au plus profond de lui, enfermé dans un amas de doutes et de regrets, logeait son cœur habité par ces tourments les plus cruels.

Les yeux vides d'espoir, allongé sur le lit conjugal aux draps éternellement blancs, Jeongguk observait le vide.

Un vide mortel et puissant.

Un groupe d'oiseaux passa dans le ciel projetant de l'ombre par la fenêtre entrouverte, plongeant son profil dans une obscurité éphémère qui le fit à peine cligner des yeux. La vie autour de lui semblait continuer sa course, alors que lui, il avait l'impression de ne plus pouvoir le faire.

De ne plus avoir l'envie.

La vérité était telle qu'il n'était plus capable d'affronter cela encore une fois. Il n'en avait plus la force ni le courage.

C'était devenu beaucoup trop dur à surmonter.

Alors, il s'était décidé.

Décidé à lâcher prise parce que c'était ce qui lui semblait être la meilleure décision pour que tout s'arrête.

C'était certainement une mauvaise décision.

Sûrement la pire de sa vie.

Mais il allait quand même le faire pour enfin souffler. Pour enfin vivre autrement. Ne plus avoir ce poids que la vie ne cessait de lui imposer.

Le concept de la mort était quelque chose de profondément ancré dans ses cellules depuis bien des années. Ce n'était pas une décision prise sur un coup de tête. Non, elle avait été mûrement réfléchie.

Parce que n'importe quel endroit mirifique serait mieux qu'ici. Mieux que cet enfer hypnotique dans lequel il vivait.

Jeongguk le savait.

Depuis longtemps, il le savait. Qu'au milieu de ses larmes dévalant ses courbes, il avait perdu.

Un échec au jeu de la survie.

Et cette fois-ci, ce fut la mort qui l'emporta.

Alors, après avoir jeté un dernier coup d'œil sur la dernière page du livre entrouverte sur le lit, il se leva.

Son corps empêtré dans les draps s'extirpa avec beaucoup de mal, comme si, prophètes de l'avenir, ils souhaitaient empêcher ses futurs gestes. Mais ils n'y parvinrent pas et, comme un automate, le châtain se dirigea jusqu'à la salle de bains.

De là, son cerveau se déconnecta.

Jeongguk ouvrit le premier tiroir en dessous du lavabo. D'une main tremblante, il vint attraper une lame grise et froide, puis dans l'autre, un petit sachet en plastique qui comportait diverses pilules toutes aussi colorées les unes que les autres. Il laissa un instant son regard dériver sur le contenu, puis prit une grande inspiration et deux secondes plus tard, dans un geste aussi désespéré que précipité, les pilules se retrouvèrent au fond de son estomac.

Puis d'un autre geste moins certain, mais tout aussi rempli d'adrénaline, Jeongguk traça la première ligne. Une ligne rouge qui vint érafler ses cicatrices blanches. Une ligne carmin qui s'ajouta à toutes celles précédentes pour en faire quelque de plus récente.

Une deuxième fut tracée. Puis une troisième.

La lame meurtrière continua son massacre pendant de longues minutes. Ligne après ligne. Trace après trace. Larme après larme. Elle écaillait les morceaux de son épiderme déjà trop abîmé. Elle descendait toujours plus bas, se rapprochait toujours plus de ces veines saillantes tant convoitées. Des veines d'un bleu fabuleux qui attendirent avec impatience la fin de ce dernier instant de liberté.

― Je suis désolé... se mit-il à chuchoter.

La douleur physique ne lui semblait plus aussi étouffante, bien au contraire, elle lui était supportable.

Parce que celle dans son cœur, c'était pire.

― Tellement désolé...

Sur son bras courait le sang aux allures écarlates.

Cette brillance éclatante de beauté s'écoulait au rythme de ses larmes abondantes. Son visage autrefois harmonieux se retrouvait déformé par sa détresse ravageuse et ses sanglots étouffés malgré le sourire paisible qui l'habillait.

Lorsque le septième trait fut tracé, le châtain finit par s'effondrer.

Son corps chuta lourdement.

Et sur le sol froid, Jeongguk se mourait.

― Pardonne-moi, Tae...

Ce fut dans ce dernier murmure que Taehyung entra dans la salle de bains.

Le souffle retenu et les yeux écarquillés par cette horreur, il s'approcha d'un pas lent du corps de Jeongguk qui, petit à petit, était en train de quitter ce monde en espérant rejoindre un meilleur.

Un moins sombre.

― Mon ange... ? fit-il tout bas, de peur de brusquer son amant.

Il s'accroupit et enveloppa ce corps froid qui perdait en chaleur humaine, dans ses bras forts et sécurisants.

― Hé, Gguk, s'il te plaît...

Le professeur le berça et se mit à fredonner l'air d'une chanson mélodieuse que Jeongguk adorait chanter dans l'espoir que ce dernier réagisse.

Mais il ne se passa rien, hormis un léger frétillement de la paupière.

― Non, non, non, pas ça... Tout, mais pas ça...

Le torse du romancier se souleva de plus en plus faiblement.

Et la peur de Taehyung devint insupportable.

Sa tension monta en flèche. Elle grimpe au rythme de cette angoisse mortelle qui escaladait son épiderme. Il était effrayé par cette tournure si soudaine.

― Jeongguk ! hurla-t-il.

Sa respiration s'affola.

Ses poumons criaient à l'agonie.

― Réponds-moi, putain. Allez, réponds-moi !

Tout le haut de son corps tremblait sous les soubresauts frénétiques.

― Ouvre les yeux ! Je t'en supplie... pleura-t-il, le cœur au bord des lèvres et l'âme éplorée. Reste avec moi, s'il te plaît... Ne me laisse pas...

Ses lèvres baisèrent celles qui restaient irrémédiablement fermées, laissant une larme s'écouler entre leurs deux croissants de chairs.

― Je suis désolé, tellement désolé, Ggukie....

Taehyung lui picora le visage de baisers tandis que sa main droite partit caresser une dernière fois les mèches chocolat de son compagnon éteint. Il colla ensuite le haut de son corps à celui de Jeongguk, son torse collé au dos du châtain, et reprit son fredonnement.

Il commença à bouger au rythme de cette mélodie, accompagnant Jeongguk jusqu'à la fin comme il lui avait promis.

« Viens, retournons danser, Tae. Dansons jusqu'à l'épuisement de nos corps et de nos esprits, dansons jusqu'à la fin de la nuit. Je t'en prie, accompagne mes pas et danse avec moi jusqu'à la fin de mes jours. »

Et ils dansèrent pendant des heures.

Ils dansèrent jusqu'au dernier souffle de vie de Jeongguk, jusqu'aux dernières larmes de Taehyung et jusqu'à la fin du jour.

Dans un dernier mouvement, le professeur tendit la main jusqu'à la joue de l'écrivain et lui effectua quelques douces caresses. Il sourit, prit le temps de le contempler, puis lui murmura à voix basse, le cœur brisé :

― Dors, mon amour, je te promets qu'on se retrouvera un jour. On se retrouvera dans l'éternité.

Puis Jeongguk s'envola pour toujours.

La nuit tomba sur la maison du lac.

Et une dernière brise fit tourner la dernière page du livre, le refermant ainsi pour toujours.




« Dans le dernier élan d'un désespoir bien trop accablant, le jeune homme mit fin à ses jours d'une manière aussi douce que cruelle.

Son amant, quant à lui, observait la scène, impuissant.

Il ne put rien faire d'autre que crier sa souffrance.

Celle-ci résonnait en plusieurs échos qui se répercutèrent contre les murs de la chambre bleue.

Tous deux incarnaient l'amour véritable et éternel qui, sans doute, continuera d'exister même au-delà de la mort.

Fin. »


Nos âmes éternelles.



☆★☆

Allez, courage, il reste encore un chapitre et une note d'auteure à lire (svp c'est important pour comprendre l'histoire de NAE)

Merci pour tout l'amour que vous avez donné à ce récit ♡

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