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Chapitre cinq

« Mes complexes portent mes faiblesses,
c'est lourd, le poids de la culpabilité. »

― Excuse-moi pour le retard, Taehyung.

L'éclat joyeux dans les iris nébuleux du grisé brillait de mille feux. Une infinie tendresse se reflétait à l'intérieur de ses prunelles, il était tellement heureux.

Un doux sourire vint étirer ses lèvres.

Jeongguk était là. Il était venu.

Il avait tenu sa promesse.

À sa silhouette masculine, mais plutôt fragile, Taehyung l'avait immédiatement reconnu. Tout comme ses yeux, ses lèvres, son nez, chacun de ses grains de beauté jusqu'à la minuscule cicatrice sur sa joue, chaque partie de son corps qui était gravée dans sa mémoire.

Et jamais il ne pourrait oublier.

Aujourd'hui, le châtain portait un jean noir serré, près du corps, agrémenté d'une chemise légère en flanelle blanche. Dans sa main se trouvait tout de même un pull, doux et molletonné, qu'il gardait précieusement au cas où le temps se rafraîchirait. Aux pieds, il exhibait ses fidèles Dr. Martens, noirs également, sa fierté qu'il portait depuis bien des années. Peut-être depuis l'époque de l'université. Il avait accompagné sa tenue de quelques bijoux en argent au poignet, d'une chevalière au pouce gauche, de sa bague de fiançailles et de quelques piercings aux oreilles. Jeongguk avait également coiffé ses cheveux, laissant sa frange retomber devant ses yeux, certaines mèches volant au vent à cause de la légère brise automnale du jour.

Il était superbe, habillé ainsi.

Et le professeur ne l'avait jamais trouvé aussi beau qu'à cet instant.

Jeongguk était merveilleux.

C'était comme s'il le redécouvrait, après des années d'absences. Des années loin de lui.Et pourtant, la nostalgie de ces moments rendait ce rendez-vous encore plus important.

Taehyung n'avait qu'un seul objectif aujourd'hui : s'assurer du bonheur de son cadet.

C'était tout ce qui comptait.

― Ce n'est rien Jeongguk, je suis heureux et sincèrement reconnaissant que tu sois venu, lui avoua Taehyung.

Le plus jeune acquiesça d'un petit mouvement de tête, en gardant son sourire de lapin au visage et prit place face à Taehyung.

Dès lors, un échange visuel intense emporta nos deux protagonistes. Ils s'analysaient. S'observaient. Se redécouvraient. S'admiraient.

Plus rien autour d'eux n'existait.

Le grisé fut le premier à vouloir ouvrir la bouche, mais alors qu'il s'apprêtait à parler, Hoseok, le serveur, fit son apparition.

― Salut, mon mignon, qu'est-ce que je te sers ? questionna ce dernier en direction du plus jeune, un sourire lumineux aux lèvres.

― Euh... j-je... balbutia Jungkook, peu habitué aux personnes aussi enjouées que ce drôle d'énergumène à la prestance divinement solaire.

― Je ne vais pas te manger, ce n'est pas à moi de le faire, donc ne t'en fais pas, mon lapinou !

Lapinou ?

― Hobi... !

― Un thé noir... m-merci, émit finalement comme réponse le plus jeune.

― Très bien ! Je suppose que je te remets une autre tasse également TaeTae ? renchérit ledit Hobi avant de partir joyeusement vers le comptoir sans attendre une quelconque réponse du grisé.

Jeongguk cligna des yeux, encore un peu troublé par cette interruption et se tourna de nouveau face à Taehyung, un air moqueur au visage.

― TaeTae ? pouffa-t-il, légèrement.

― Ne te moque pas ! Il sait que je déteste ce surnom, alors il le fait exprès, rouspéta gentiment ce dernier.

― Moi j'aime bien, bon, ça ne fait pas très viril, mais c'est mignon.

Des rougeurs prirent position sur les joues du châtain. Peut-être même sur celles de son vis-à-vis.

Taehyung allait pour le remercier quand son ami aux cheveux blond platine revint vers eux, un plateau à la main. Il déposa les deux tasses de thé sur la table et offrit un clin d'œil au grisé avant de s'en aller.

Taehyung, sur le moment, ne comprit pas son geste. Il ne réussit pas à l'interpréter jusqu'à ce que la voix excitée d'Hoseok retentisse encore une fois :

― Au fait TaeTae, tu ne m'avais pas menti, il est absolument à croquer le petit ! s'esclaffa-t-il, fier de son coup.

Oh, le fourbe.

Taehyung, beaucoup trop gêné, se racla maladroitement la gorge, n'osant plus bouger.

Ni même respirer.

Jeongguk, quant à lui, ne savait pas quoi dire, ses joues se réchauffant de plus belle. Il était tout aussi gêné que son aîné, mais également heureux de savoir que ce dernier avait parlé de lui à son ami.

Alors, naturellement, il se mit à sourire.

Parce qu'il réalisa que Taehyung était tout le contraire de Namjoon.

Tandis que l'un faisait son malheur, l'autre faisait son bonheur.

À cette réalisation, son cœur se mit à battre au rythme des souvenirs oubliés. Ceux du passé qu'il avait autrefois partagé avec l'homme face à lui.

De beaux souvenirs. Des souvenirs magnifiques, qui méritaient de refaire surface.

Et à ce moment-là, il se rendit enfin compte que finalement, la mort n'était plus une option envisageable.

Il ne voulait plus mourir.

Son regard se reporta sur son amour de jeunesse, un amour qu'il n'avait jamais vraiment pu se résoudre à effacer de sa mémoire.

La suite de leur discussion disparut dans la cacophonie des bruits de la ville, des passants pressés, des cris d'enfants et des klaxons de voitures. Une véritable symphonie de sons, accompagnée par un ballet de feuilles orangées virevoltant dans le vent. Les silhouettes se saluaient, se mélangeaient, se bousculaient, dans ce monde qui continuait de tourner.

C'était beau, de voir la capitale s'animer.

Jeongguk était ravi de ce spectacle. Ravi de voir autre chose que sa vie pathétique et son quotidien chaotique.

Une légère pointe à la poitrine accompagna cette dernière pensée.

D'un revers imaginaire de la main, il la chassa de sa tête avant que ses pensées ne prennent une tournure plus sombre et triste. Il ne voulait pas gâcher ce rendez-vous. Il ne voulait pas enlaidir ce moment avec Taehyung, juste en raison d'une baisse de morale passagère.

Et puis, son aîné était mignon à lui parler de la pluie et du beau temps, faisant la conversation pour que celle-ci ne s'arrête jamais.

Même lorsque les sujets n'étaient pas bien passionnants.

Les picotements froids d'un automne bien avancé vinrent parcourir leurs visages frigorifiés. Les nez rougissaient, les mains tremblaient, quelques fois les dents claquaient, mais pour rien au monde ils ne comptaient bouger. Ils étaient bien trop heureux, bien trop euphoriques d'être l'un avec l'autre pour partir d'ici.

Ou même rentrer à l'intérieur de la brasserie.

Et puis, à l'inverse du froid, le ciel, lui, était de bonne humeur aujourd'hui, comparé aux jours précédents.

Alors, il fallait bien en profiter parce qu'après tout, l'hiver n'allait pas tarder à pointer le bout de son nez.

Les conversations continuaient à aller bon train entre les deux anciens amants. Il y avait des sourires dissimulés sous les fossettes. Des rires timides dansant au gré des souvenirs. Des coups d'œil voyageurs.

Tout allait pour le mieux, ils étaient heureux.

Jusque-là.

Mais, la fin de l'après-midi prit alors, un tout autre tournant lorsque Taehyung interrogea son ancien amant sur sa blessure.

Sans le savoir, il avait posé la question interdite.

Celle qui avait bousculé l'ambiance, passant de joyeuse à triste, de chaleureuse à froide.

Le grisé en était conscient, mais il avait besoin d'une réponse, lui, qui n'avait pas oublié son premier objectif.

Il avait besoin de se rassurer.

Parce qu'il commençait à douter.

― Tu es blessé ? interrogea Taehyung, désignant de son index les légères coupures sur la main de Jeongguk.

― Oh... Euh... Un-n verre m'a échappé des mains, tu sais à quel point je peux être maladroit. Ahah.

Un léger sourire accompagna son aveu fragile qui fut, pour le coup, bien loin de rassurer le plus âgé.

― D'accord... et pour les autres ? Celles qui se trouvent sur ta pommette, Jeongguk. Une maladresse aussi ? rétorqua le grisé d'un ton se voulant neutre, alors qu'à l'intérieur, son organisme bouillonnait de rage.

Sa mâchoire se crispa. Ses poings se serrèrent. Et ses iris gris s'obscurcissant, il ne lâchait pas du regard la joue de son ex-compagnon tandis que dans son esprit, régnait un véritable foutoir de pensées désorganisées.

Jeongguk se retrouva déstabilisé.

Il ne s'était pas préparé à cette éventualité. Jamais il n'aurait pensé que Taehyung puisse remarquer ces ridicules petites blessures.

Il ne sut alors pas comment répondre à cela, entièrement perdu.

À cet instant, ce fut comme si sa situation, son quotidien s'imposaient sans cesse sur la table. Un sujet qui revenait encore, et encore. Même lorsqu'il n'en avait pas envie. Même lorsqu'il essayait d'y échapper. Même lorsqu'il tentait de fuir. Ressassant sans discontinuité sa condition humaine négligée.

Alors, il haussa simplement les épaules.

Et pria de toutes ses forces pour rapidement passer à autre chose.

Taehyung, peu convaincu, jura intérieurement. Il se fit la promesse que tôt ou tard, il découvrirait la vérité et qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir.

― Je suis désolé, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise, c'est juste que... je veux m'assurer que tu ailles bien. Tu me manques, Ggukie. Terriblement.

Jeongguk.exe a cessé de fonctionner.

« Tu me manques. »

Trois mots. Seulement trois. Mais ils signifiaient tellement de choses. Évoquaient tellement de sentiments.

Ses pupilles noisette s'humidifièrent.

Humides de souvenirs. Humides de confessions.

― En réalité, tu me manques constamment depuis que je t'ai laissé partir. Il n'y a pas un seul jour où je regrette, parce que je n'ai jamais pu me résoudre à t'oublier. Putain, Jeongguk, ça a été si compliqué sans toi.

Encore des mots emplis de sentiments, d'émotions.

Taehyung n'avait jamais été doué dans les mots, mais plutôt dans les actes. Et pourtant, ces paroles donnèrent tellement envie à Jeongguk de s'effondrer en larmes dans ses bras puissants et réconfortants.

Comme autrefois.

― Et t'avoir revu la dernière fois, c'est juste... je ne sais pas... je crois que ça m'a rendu nostalgique.

Dire que Jeongguk fut chamboulé par les dires de Taehyung était un réel euphémisme.

Il ne pouvait empêcher les larmes de ruisseler sur ses joues diaphanes, dans des cascades de rivières salées.

Il était terriblement heureux. Peut-être que, finalement, sa vie n'était pas aussi misérable que ça.

Que rien n'était encore perdu.

Il savait que sa relation actuelle était toxique. Que c'était du véritable poison, qui l'abîmait autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Que tout cela n'était plus possible à vivre.

Qu'il lui fallait à tout prix une échappatoire.

Peut-être, prendre cette main tendue par le grisé.

Et pourtant... l'image de Namjoon continuait de le hanter.

― Je... Je suis tellement dé-désolé Taehyung, mais... ça ne change rien, je ne p-peux pas, je suis fiancé maintenant... tu comprends ?

D'une voix brisée, il tenta de convaincre son amour d'antan que ce n'était pas possible de revenir en arrière. Ou peut-être était-ce pour se convaincre lui-même. Il n'était pas très sûr.

De toute façon, il n'était plus sûr de rien.

Et le silence s'abattit entre eux, il redevint roi.

La brise fraîche se levait de plus en plus. Leurs regards se croisaient de temps à autre, cachés derrière leurs mèches rebelles.

Un nouveau jeu débuta.

Leurs yeux ne se quittèrent plus.

Ils étaient là, tous deux assis sur les chaises de cette terrasse, une tasse de thé accompagnée de pensées inachevées et de questions sans réponses. Le soleil couchant, d'une teinte orangée, se reflétait à travers leurs pupilles. Et ils ne se lâchaient toujours pas.

De la part de Jeongguk, les regards étaient un peu gênés, confus, inconfortables, coupables...

Ceux de Taehyung étaient jaloux, inquisiteurs, irrités, inquiets, incertains...

Des regards en coin, un peu en biais, un peu timides, profonds, uniques et qui transmettaient tant de choses. Et malgré l'intensité qu'ils semblaient y mettre chacun de leur côté, ils perduraient dans ce jeu dangereux.

Ce n'étaient que de simples échanges.

Mais ces regards formaient à la fois un tout et un rien. Un tout actuel, un rien du passé.

Un rien que Taehyung cherchait à cerner.

Un rien que Jeongguk tentait de dissimuler.

Un rien qu'ils ne diront jamais.

Un rien qui voudrait redevenir un tout.

Et puis enfin, le soleil partit se coucher, laissant ainsi résonner la fin de soirée.

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C'est un de mes préférés, pour l'instant ヽ(♡‿♡)ノ

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À bientôt ! ♡︎