19. Brise printanière
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Chapitre dix-neuf
« Je n'ai plus rien à craindre si tu me prends la main en jurant de m'aimer bien au-delà des lendemains. »
Le monde nébuleux se faisait de plus en plus rare sur la capitale française. Les jours pluvieux s'espaçaient et le temps grisâtre aspirait à d'autres horizons. La fraîcheur hivernale, quant à elle, avait laissé place à sa consœur la brise printanière. Le temps filait à toute vitesse. Les paysages changeaient, la nature reprenait enfin vie après avoir été si longtemps endormie. Entre deux immeubles, elle revendiquait ses droits. Entre deux parcs, elle profilait à travers les bourgeons et les fleurs grandissantes. Entre deux souffles du monde, avec douceur, elle renaissait.
Jeongguk, lui, était un peu comme le printemps.
Un printemps qui avait la forme d'une rose. Parfois belle et épanouie, d'autres fois, aussi vicieuse qu'épineuse selon la mesquinerie de son esprit. Les semaines passaient, les mois s'écoulaient et pourtant, le châtain souffrait toujours autant de son passé.
Certains jours, ses souvenirs se ravivaient, plus forts que jamais. L'immense bibliothèque de sa mémoire le confrontait à ses peurs les plus terribles. Il enchaînait les crises d'angoisse et de panique. Certaines nuits, ses traumatismes remontaient si violemment à la surface, sous la complexion de songes cauchemardesques, qu'il se réveillait en sueur et hurlait de terreur.
C'était psychologiquement épuisant.
Physiquement mortel.
Jeongguk sombrait petit à petit dans un désespoir aussi grand que l'inquiétude de Taehyung durant ces moments. Le grisé se sentait démuni. Il était impuissant face aux démons de son cadet qui n'en démordaient pas. Ils s'accrochaient au corps de Jeongguk comme une ombre noire et maléfique qui ne le quittait pas, l'étouffant malicieusement. Une obscurité ténébreuse qui prenait plaisir à lui souffler tout bas : je suis là, je serai toujours là, ne m'oublie pas.
Et jamais il ne pourrait l'oublier.
Puisqu'après tout, les blessures de l'âme ne guérissent pas.
☆★☆
Un bruit de pas retentit. Le mouvement s'enflamma encore un peu avant de ralentir. Une paire de jambes se stoppa juste devant le sofa en même temps qu'un buste finement musclé, mais tout de même assez apprécié, se pencha en avant. Une caresse furtive se déposa sur la chevelure châtaine du plus jeune et, doucement, un souffle chaud s'échoua au creux de son oreille :
― Il faut se réveiller ma douce belle au bois dormant, chuchota Taehyung avant de lui déposer un baiser sur la tempe, ses longs doigts retraçant la courbe anguleuse de la mâchoire du romancier.
Jeongguk frissonna.
La chaleur et la proximité de son aîné laissèrent un sillon sur son épiderme redressé.
À la télévision passait une émission de cuisine bateau où un grand chef étoilé présentait ses diverses astuces pour parfaire la maîtrise de la cuisson des œufs mollets. Un truc à base d'huile d'olive et de cellophane que le grisé ne comprit pas très bien.
De toute façon, il ne regardait même pas l'écran coloré. Son regard était focalisé ailleurs et plus exactement sur le bel adonis, toujours allongé sur le canapé, qui avait accaparé toute son attention.
Jeongguk tourna la tête en direction de Taehyung et, les paupières toujours closes, il s'avança et frotta son nez contre la paume du grisé.
― Hm, encore un peu... tenta Jeongguk, gémissant de confort.
Taehyung pouffa légèrement.
Un magnifique sourire rectangulaire et lumineux habilla le bas de son visage, attendri par la vision de l'écrivain et de sa moue enfantine.
― Tu as rendez-vous, mon ange.
Le châtain ouvrit un œil, arquant un sourcil.
― Ah bon ?
― Hm hm, acquiesça Taehyung qui fit parcourir ses dactyles sur les pommettes de Jeongguk avant de s'attarder sur ses lèvres entrouvertes. Un rendez-vous avec moi, finit-il.
Le châtain ouvrit complètement les yeux cette fois-ci. Son regard tomba sur celui percutant du professeur dont les yeux brillaient de mille feux. Ou alors, c'était simplement le reflet de la télévision qui scintillait dans ses iris. Mais Jeongguk s'en fichait. Parce que, dans tous les cas, il était amoureux de ce regard de braise aux multiples nuances orageuses.
― Serait-ce votre façon de me proposer un rencard, Monsieur Kim ? questionna Jeongguk.
― Il se pourrait bien, Monsieur Jeon. J'aimerais te faire découvrir un endroit qui me tient à cœur.
Le châtain ne put dissimuler l'entrain qui l'habitait.
Il se releva du canapé, poussa un cri de joie et se jeta au cou de son aîné. Taehyung le réceptionna, tant bien que mal, mais perdit tout de même l'équilibre. Il tomba en arrière, atterrissant sur le tapis. Ses mains s'agrippèrent aux hanches du châtain qu'il avait emporté avec lui dans sa chute. Jeongguk se retrouva ainsi à califourchon sur son aîné, les pommettes rougies par cette soudaine proximité. Il se rattrapa comme il le put au torse du grisé, ses doigts serrant fermement sa chemise.
Le visage de Taehyung s'empourpra. Il avait terriblement chaud sous la couche de vêtements qui lui collait à la peau. Son corps était en ébullition et cette position où son bien aimé se retrouvait assis sur son bassin n'aidait en rien son état. Il se racla la gorge, mal à l'aise en constatant ce brasier qui prenait possession de lui. Il balbutia quelques syllabes incompréhensibles pour le châtain. Jeongguk, l'attention focalisée sur les lèvres de son vis-à-vis, se baissa lentement en avant afin d'entendre ce que Taehyung avait à lui dire.
― Je, euh, Gguk... Tu... Tu, enfin, ta réponse...? murmura-t-il en se rapprochant inconsciemment du romancier. Ses mains se mirent à trembler légèrement sur les hanches du plus jeune.
Jeongguk sourit et frotta son nez avec celui du plus âgé dans un geste qui se voulait à la fois tendre et rassurant. Les lèvres entrouvertes, son souffle chaud se répercuta contre celles quémandeuses du grisé. Une lueur joueuse traversa ses pupilles. Il laissa son regard charbon rencontrer celui qui lui donnerait le monde et, dans une caresse audacieuse, lécha la lèvre inférieure de Taehyung qui gémit sous l'acte.
― J'accepte ce rendez-vous avec plaisir, mon amour.
☆★☆
Dehors, le soleil déclinait peu à peu, à l'instar des formes duveteuses abstraites qui s'éclipsaient pour laisser entrevoir les premières formes nébuleuses de la soirée.
Il était encore trop tôt pour la surprise de Taehyung.
Mais, impatients, ils avaient quand même quitté l'appartement pour sortir prendre l'air en attendant le rendez-vous. Alors, ils avaient pris le métro, ayant fait une halte pour acheter des croissants dans une boulangerie à la façade haussmannienne et avaient dégusté les viennoiseries dans un parc, juste à côté. L'aîné avait le regard rivé sur le profil de son cadet assis à sa droite. Il sourit et gloussa légèrement avant de tendre son pouce jusqu'à la commissure des lèvres de celui-ci pour atteindre des miettes coincées. Il en effleura lentement le coin, juste en surface, pour faire tomber les fragments feuilletés. Jeongguk le remercia dans un chuchotement timide. Il se racla la gorge et tourna la tête pour cacher le rosé qui commençait à naître sur ses joues.
Depuis le Nouvel An, ce fameux jour où ils s'étaient enfin retrouvés entièrement et déclarés mutuellement leurs sentiments, tout se passait pour le mieux. Ils étaient bien, heureux. S'aimaient un peu, beaucoup, passionnément, à la folie et c'était une réalité fort agréable à constater. Ils souriaient, profitaient de la vie à deux et de ces moments hors du temps dans lesquels ils avaient la chance de pouvoir se réfugier.
― Ggukie ? On y va ?
― Je te suis, Tae, lui sourit-il.
D'un même mouvement, ils se levèrent du banc sur lequel ils s'étaient installés, réajustèrent leurs vestes, échangèrent un rapide baiser et entamèrent une marche jusqu'à la rame du métro parisien. Entre deux stations, quelques caresses s'échouèrent dans les mèches châtaines de Jeongguk qui soupirait de bonheur, s'enfonçant toujours un peu plus sur son siège aux formes géométriques et aux couleurs polychromes.
― Je dois d'abord passer à la brasserie récupérer quelque chose, ça ne te gêne pas ? demanda Taehyung.
― Pas le moins du monde, répondit Jeongguk. J'en profiterai pour saluer Yoongi et Hoseok, ça fait longtemps je ne les ai pas vus.
― C'est de ma faute, désolé, mon ange. Nous n'avons pas eu le temps d'y passer faire un tour...
Jeongguk secoua doucement la tête, en signe de négation et plongea sa main dans celle plus grande et hâlée de Taehyung.
― Non, Tae, je ne veux pas entendre ça. La fin de l'année scolaire approche de plus en plus. C'est normal que tu sois occupé. D'ailleurs, je trouve ça admirable de ta part de donner de ton temps pour les aider et donner des cours particuliers à ceux qui en ont besoin. Tu es un homme bien, Taehyung.
― Merci, trésor.
Le professeur déposa un baiser sur le front de l'écrivain qui se blottit au chaud tout contre lui. La tête du châtain se retrouvait ainsi proche de l'organe vital du grisé qu'il entendait battre mélodieusement, le berçant doucereusement.
Ils descendirent trois stations plus tard, marchèrent quelques pas et atteignirent finalement l'établissement de Yoongi deux minutes plus tard.
Le sourire aux lèvres, Hoseok les accueillit chaleureusement avec de longues embrassades mêlées de plusieurs blagues. Il les fit rejoindre le bar, là où Yoongi s'évertuait à préparer différentes boissons. Ils y commandèrent un thé noir et un chocolat viennois.
Ils discutèrent tous ensemble durant quelques instants, mais Jeongguk perdit le fil de la conversation, laissant ses pensées divaguer et se perdre dans l'atmosphère chaleureuse de la brasserie. Son esprit emprunta un chemin plutôt joyeux et satisfaisant, il se dirigea entièrement vers Taehyung et tout ce que ce dernier lui avait apporté ces derniers mois ― et même ces dernières années, avec le fantôme des souvenirs de leur passé commun. Le grisé était l'amour de sa vie, il en était certain à présent. C'était horrible de penser qu'il avait fallu une séparation, des fiançailles avec la mauvaise personne et un enchaînement de situations catastrophiques pour que le châtain puisse enfin ouvrir les yeux sur ses sentiments véritables. Pourtant, si c'était à refaire, s'il devait repasser par toutes ces étapes, il le ferait sans hésiter. Parce que tout cela lui avait permis d'obtenir un avenir meilleur. Un futur ensoleillé avec le grisé à ses côtés.
Et c'était tout ce qu'il espérait.
Une paume de main chaude sur son avant-bras le fit revenir sur terre. Jeongguk papillonna des yeux, avant de tomber sur le regard soucieux de Taehyung.
― Tout va bien Gguk ?
― Oui, ne t'en fais pas, lui sourit-il. Dis, c'est quoi ce panier ? interrogea le châtain, montrant d'un mouvement de la tête le contenant en osier que tenait Taehyung dans ses mains.
― Oh ! Ça ?
Hochement de tête.
― C'est la surprise, répondit le grisé.
―J'imagine que je n'ai pas le droit de te demander le pourquoi du comment ?
― Tu imagines bien.
―Ni avoir des indices sur le lieu où tu m'emmènes ? tenta désespérément Jeongguk, une moue quémandeuse habitant ses traits masculins.
― Toujours pas, mais si tu es prêt à me dévoiler quelques exclusivités sur ta nouvelle histoire, peut-être qu'on peut éventuellement s'arranger, bébé.
Jeongguk ricana, fortement amusé par son aîné. Décidément, il n'allait pas lâcher l'affaire.
― Tu n'auras rien, Tae.
― Tu ne sauras rien, Ggukie, termina Taehyung en lui faisant un clin d'œil.
Ils se sourirent et pouffèrent tous deux, enjôlés par les bêtises de l'un et de l'autre, puis, sans plus de cérémonie, ils sortirent enfin de la brasserie. D'une main contre le bas de son dos, Taehyung incita Jeongguk à le suivre. Silencieusement, le châtain se laissa guider par la paume chaude du grisé, par la rythmique de ses pas qui les conduisirent lentement vers le lieu du rendez-vous.
Dans une rue déjà loin de la brasserie, entre deux vitrines, trois bâtiments, des arbres, des maisons, des voitures, la route, le soleil, mais aussi entre les passants, Jeongguk avoua qu'il était heureux. Taehyung, lui, rougit un peu. La basorexie prit possession de ses désirs. Il eut une soudaine et furieuse envie d'embrasser le châtain là. Juste là. Sous les yeux curieux du monde. Mais, il ne le fit pas. Pas maintenant. Ce n'était pas encore le bon moment.
Ils continuèrent leur marche durant quelques instants avant de sortir de la zone urbaine. Ici, tout était beau, différent. Le paysage se métamorphosait au fur et à mesure de leur avancée. Les alentours changeaient, le panorama offrait une vision plus brute, plus naturelle, plus fleurie, bien loin du béton de la ville. Et ça faisait du bien. Beaucoup de bien.
― Wow...
Taehyung gloussa face à l'expression béate du plus jeune, fasciné par toute cette verdure ondoyante et les tapis de fleurs.
Le grisé reprit la route, emportant avec lui la main de Jeongguk, sa joie de vivre et son euphorie extasiée. Ils traversèrent un champ ― pas bien grand ― de coquelicots et d'herbes plutôt hautes, qui les mirent dans tous leurs états lorsque certaines de ces herbes s'insinuèrent malicieusement derrière leurs genoux, provoquant chatouilles et fous rires.
Rapidement, ils arrivèrent au pied d'une colline. D'un mouvement de la tête, Taehyung indiqua le sommet à Jeongguk qui comprit directement la suite de l'expédition. Ils allaient devoir grimper.
― On y est presque, tu peux le faire ! encouragea le professeur, voyant que son cadet peinait à avancer. Ce dernier se trouvait encore au milieu du parcours.
C'est qu'elle était sacrément haute cette colline.
Une fois arrivés au sommet, ils se positionnèrent au pied de l'unique et immense chêne qui le surplombait. Considéré comme le roi des arbres par sa majesté et sa noblesse, il symbolisait la puissance et la pérennité. Taehyung s'apprêtait à parler, lorsque la main de Jeongguk entra dans sa vision périphérique, venant s'appuyer contre l'écorce. Le châtain, à bout de souffle, toussa et inhala à plein poumon de l'air frais afin de reprendre une respiration convenable. Taehyung se moqua un peu de lui et se reçut un « de toute façon, c'est nul le sport ». Et il n'avait peut-être pas tort.
― Toujours vivant ? railla le grisé.
― C'est ça, continue de te moquer et tu vas voir... Je vais te...
Jeongguk s'interrompit dans sa menace.
Les yeux ronds et la bouche entrouverte, il tourna la tête dans tous les sens et fit plusieurs allers-retours sur les alentours, observant tout ce qu'il pouvait faire rentrer dans son champ de vision. Il était subjugué. D'ici, il voyait tout : les chemins de terre, les fleurs, les arbustes, le cours d'eau dans le contrebas et tout le reste qui se rejoignait au loin sous le piaillement des oiseaux et leurs chants cristallins.
C'était beau. Merveilleux.
― Magnifique...
― Fais gaffe, mon ange, tu vas finir par gober des mouches.
― Ah ah ah, très drôle Tae, fit Jeongguk en lui tirant la langue. Non, plus sérieusement, j'ai pas les mots, c'est juste... incroyable ? finit-il dans un léger chuchotement, les larmes aux yeux.
Le romancier avait du mal à contenir la myriade d'émotions qui s'emparait de son âme au fur et à mesure qu'il continuait à poser ses yeux sur le paysage apaisant. Il se sentait étrange, mais tellement en paix avec lui-même. Il venait de tomber irrémédiablement amoureux de cet endroit.
― Je suis ravi que ma surprise te plaise, susurra Taehyung en se rapprochant de la silhouette immobile de Jeongguk et en venant se positionner juste derrière lui.
Tous deux soupirèrent de cette proximité qui leur faisait du bien, malgré une hausse évidente des températures dans leurs corps. Taehyung agrippa la taille fine de Jeongguk qu'il sentit trembler entre ses doigts. Il laissa une traînée de baisers papillon sur la nuque du châtain qui lui firent hérisser les poils.
Jeongguk sentit Taehyung sourire contre sa peau, fier de son coup.
― Tu es content ?
― Hm hm, en plus, tu sens bon. Ça me donne envie de te croquer...
Il se rapprocha de son oreille, lécha le lobe de Jeongguk qui gémit faiblement et murmura :
― ...Tout entier.
Le cadet sentit, au sens figuré, le sol se dérober sous ses pieds. Son corps frissonna, son cœur palpita et son âme s'ébranla. Des images toutes plus intéressantes les unes que les autres, affluèrent dans son esprit qui convergea vers des scénarios croustillants. Son bas-ventre s'enflamma tout autant que ses pommettes. Un brasier interne semblait prendre possession de ses entrailles tant il se sentait chamboulé par son aîné.
Il faisait chaud, très chaud.
Jeongguk se racla la gorge avant de reprendre :
― Hm, OK... Je- on va s'arrêter là, euh, qu'est-ce qu'il y a dans ton panier du coup ?
Taehyung pouffa, se décolla du châtain et se retourna avant d'attraper le panier pour le mettre juste au pied du chêne. Il se baissa et attrapa à l'intérieur, une grande nappe à carreaux aux tons bariolés qu'il vint déposer sur l'herbe. Il sortit ensuite un à un les différents mets et boissons qu'il plaça sur le bout de tissu joliment étalé et sous les pupilles à la fois curieuses et comblées de l'écrivain.
Lorsqu'ils s'assirent enfin, la nature autour d'eux remuait doucement sous la brise produisant une euphonie de jolis bruits, incitant ainsi les silhouettes dociles à profiter de l'instant présent et du calme ambiant.
C'était ce genre de moment que Jeongguk souhaitait voir durer pour l'éternité.
Avant que le temps ne finisse par le rattraper.
Mais pas maintenant, pas encore. Pour l'heure, ils profitaient simplement de ce repas confectionné avec soin par Taehyung. Les conversations allaient bon train comme à leur habitude. Ils parlaient de tout et de rien, de choses intéressantes et d'autres qui l'étaient un peu moins pendant que leurs regards, eux, échangeaient des mots en silence. Leurs palpitants avançaient des arguments réels, leurs sentiments développaient des conclusions évidentes et leurs battements de cœur en osmose épiloguaient des émois mutuels. Ils étaient tellement bien, seuls, coupés du monde et complètement apaisés.
Au loin, le soleil printanier n'était plus. Le crépuscule sombre avait enfin laissé place à la nuit qui tombait toujours un peu plus, pas à pas comme une mutation. La voûte céleste, entre chien et loup, offrait une dualité de couleurs plutôt belle à regarder. Le temps semblait se suspendre, et puis voilà le moment : celui où tout se chevauchait. La lumière et les ténèbres, le silence et le bruit, la mort et la vie. Chacun d'eux se joignit à cet instant précis pour mieux se fondre et combler les illusions du ciel. Un magnifique mélange de bleu, de violet, de rose un peu pastel, sublime aquarelle. Et encore une fois, tout cela était merveilleux, mirifique.
Presque irréel.
Et là, juste ici, sur le sommet de cette colline au chêne immense, aux herbes trop hautes, aux fleurs odorantes et à la brise d'air frais, Taehyung et Jeongguk étaient les hommes les plus heureux du monde. Leurs retrouvailles avaient bouleversé une partie de leur existence, mais aujourd'hui, ils se sentaient enfin revivre.
Ce fut sur cette pensée-là que Jeongguk tourna son visage en direction de Taehyung qui avait les paupières fermées. Il le contempla précieusement. Son profil gracieux abordait une jolie courbe ― tout comme sa mâchoire anguleuse ― un petit nez droit, de longs cils, des lèvres rosées, légèrement pulpeuses et plusieurs petits grains de beauté qui formaient à eux seuls la constellation d'Orion. Jeongguk était amoureux de cet univers. Raide dingue, il l'observa dans sa globalité. Le grisé dut le sentir puisque ses commissures s'étirèrent et il ouvrit ses bras pour que son cadet vienne s'y installer. Le châtain y plongea sans hésiter et il comprit alors que c'était sa place. Une place que pour rien au monde il n'échangerait.
― Ggukie ? commença le plus âgé en ouvrant les yeux et en posant son regard sur le plus jeune. Partons, ensemble. Partons et déménageons loin de Paris, enfuyons-nous loin d'ici juste tous les deux, ça te dit ?
Dans une lenteur extrême, dotée d'une douceur inégalable, Jeongguk se redressa légèrement et se pencha vers le corps du grisé. Il se baissa avec prudence et déposa ses lèvres au coin de celles de Taehyung. Il recommença une fois, deux fois, trois fois et au bout de la quatrième fois, il attrapa plus fermement la mâchoire de Taehyung et lui offrit un véritable baiser.
Et sur les lèvres du professeur, le baiser persistait et dans les rêves du romancier, il songeait déjà à un autre échange.
― Je te suivrais jusqu'au bout du monde, Tae.
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