04. Bris de verre et tasse de thé

⚠️ : chapitre potentiellement difficile à lire






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Chapitre quatre





« Il y a sur ta peau opaline, des marques teintées de bleu et de violet.

Une signature artistique. Un joli contraste mirifique.

Il y a dans tes yeux, des traces de perles salées, féroces et indomptables.

Un océan de vérité. Une profondeur illimitée. »













Alors que le ciel automnal semblait mener une bataille entre chien et loup et que personne ne savait précisément où le soleil en était de sa course, un bruit strident retentit entre les murs d'une petite maison à l'allure chic.

À l'intérieur, un tout autre combat était en train de se dérouler. Quelque chose de plus sombre. Quelque chose de terrifiant.

Et si nous tendions l'oreille un peu mieux, nous pourrions entendre les éclats de voix qui se mélangeaient aux éclats de verre.

― Je t'ai demandé une seule chose Jeongguk... une seule... faire cette putain de lessive !

La voix s'approcha petit à petit. D'une manière lente et prédatrice.

Elle était énervée. Brûlante de colère imprévisible.

Et s'arrêta à quelques centimètres de son visage.

― Alors, pourquoi ma chemise n'est-elle pas dans mon dressing ? susurra-t-il au creux de son oreille.

Le jeune homme voulut ouvrir la bouche, prêt à parler, à se justifier. Mais il ne put le faire, un nouveau bruit strident venait de retentir.

Un autre verre se brisa contre le sol de la cuisine.

C'était déjà le quatrième.

Les morceaux de verre étaient aussi éparpillés et fissurés que le cœur de Jeongguk.

― J-Je suis désolé... j'ai ou-oublié hier en rentrant des courses...

Son corps gesticulait. Il s'agitait et tentait de s'échapper de l'aura imposante de son fiancé, lorsqu'un sourire mauvais prit soudainement place sur les traits de ce dernier.

L'homme se recula, de quelques pas à peine, laissant ainsi de l'espace au châtain pour respirer un peu.

Seulement, ce n'était qu'une ruse du chasseur puisqu'une seconde après, peut-être deux, un autre verre vint se briser.

Mais cette fois-ci, il avait été lancé en direction du candide écrivain, qui l'évita de justesse, par un mouvement net de la tête. Cependant, il reçut quand même quelques bris de verres dans les cheveux. Certains éclats avaient également frôlé sa joue droite, le coupant légèrement sur la pommette.

Cette situation énerva davantage Namjoon.

Les pupilles sanguinaires, il s'approcha à une vitesse monstrueuse du corps de Jeongguk, encore. D'une poigne forte il agrippa les cheveux du cadet avant de plonger lentement son regard dévastateur dans celui suppliant du jeune homme.

Puis soudain, une gifle.

Légère, mais sèche, qui atterrit à l'arrière de sa tête.

Le romancier angoissé n'avait encore une fois rien vu venir.

Une autre suivit rapidement, accompagnée d'un sursaut.

Et d'un glapissement horrifié.

Jeongguk tentait de ne pas montrer sa frayeur, sa crainte de subir de nouvelles violences, mais c'était peine perdue.

Son fiancé l'avait abîmé et continuait de le détruire, encore une fois. Que ce soit par des actes ou par des mots, il demeurait blessant. Agressif.

L'homme devenait de plus en plus violent.

Incontrôlable.

Et le châtain ne savait jamais quoi faire, bien trop apeuré pour lui répondre, pour lui tenir tête.

Alors, il baissait les bras, jetait les armes et se laissait faire, priant jusqu'à la fin que l'orage passe rapidement. Il se soumettait. Se laissait dominer.

Avec toujours cette peur au ventre qui se nouait, qui formait un poids conséquent dans son estomac.
Celui-ci se contracta sous l'effet de l'acide bilieux qui remontait petit à petit.

Pas maintenant.

Il ne devait surtout pas se laisser aller.
Il ne devait surtout pas vomir.

Jeongguk se courba, conscient que cela satisfaisait entièrement l'homme face à lui et tenta au mieux de contrôler cette remontée nauséeuse. Le liquide odorant et désagréable se trouva bloqué au niveau de son œsophage. Il ne devait surtout pas sortir.

Pas maintenant.

Ne pas se montrer faible.
Ne pas afficher une quelconque peur, même si cela s'avérait être une véritable difficulté.

Et pourtant, sur ses joues de porcelaines, commençaient à ruisseler des perles salées.

― Redresse-toi, Jeongguk.

Le jeune homme dut obéir, se faisant violence, ravalant ses larmes et le mélange infect de son dernier dîner.

Il se releva assez rapidement pour ne pas lui faire perdre patience et osa jeter un coup d'œil dans sa direction.

― Il est actuellement quinze heures, je pars à seize heures pour une réception, il te reste donc une heure pour laver et repasser ma chemise. C'est compris ?

Jeongguk fut sur le point de parler, mais Namjoon fut plus rapide que lui.

Il se déplaça de nouveau jusqu'au frêle corps près du mur et vint agripper fermement l'arrière de la nuque de son fiancé. Leurs visages à quelques centimètres d'écart, il put plonger ses iris noirs dans ceux clairs et humides face à lui.

― La moindre seconde de retard...et je te punirai sur-le-champ, souffla-t-il de nouveau. J'ai trop de patience avec toi et tu ne la mérites pas, Jeongguk.

Il relâcha sa nuque, brusquement.

Puis il quitta la pièce.

Sans un seul regard en arrière sur son fiancé toujours statique, figé au milieu de la cuisine.

Un courant d'air passa et la porte de la buanderie claqua.

Jeongguk, ayant repris ses esprits, se rua dans la petite pièce derrière la cuisine, à la recherche de la fameuse chemise coupable de toute cette discorde.

Une fois trouvée, il plaça ledit vêtement dans la machine à laver et actionna un programme rapide d'une trentaine de minutes.

Il soupira, bruyamment, avant de revenir dans la cuisine, là où demeurait un chaos total. Une véritable anarchie dont la vision suffit à humidifier de nouveau le regard meurtri du jeune homme.

Ce lieu de trafic culinaire était à présent sens dessus dessous, dans un profond désordre qui n'arrangeait en rien l'état mental du châtain.

Sur le sol, du verre était éparpillé partout, des morceaux de taille hétéroclite. Cinq coupes de cristal en moins, mais un nombre de bris transparents incalculable. Deux chaises étaient renversées, une autre s'accrochait désespérément à un bout de table. Le mur sur la droite avait plusieurs écorchures plus ou moins profondes, mais elles n'étaient pas aussi béantes que celles dans l'âme de Jeongguk à cet instant précis.

Sans réel contrôle sur son corps, il partit toucher inconsciemment un bout de cette partie-là du mur et se rendit compte que s'il n'avait pas réussi à éviter de justesse le puissant lancer de Namjoon, les écorchures auraient fini sur son corps.

Et à cette constatation, un sanglot qui jusqu'alors était coincé au fond de la gorge, finit par sortir, puissamment. Des larmes silencieuses accompagnaient ce moment de faiblesse.

C'était autant la tempête dans la cuisine que dans son cœur.

Le pauvre écrivain n'en pouvait plus de cette vie.

Il ne supportait plus les excès de violence de son fiancé. Excès qui apparaissaient pour un oui ou pour un non. Il se faisait humilier à longueur de temps, puis brutaliser et en allant beaucoup plus loin, certaines fois.

Épuisant.

Ce n'étaient pas des conditions pour vivre.

De toute façon, à ce stade-là, ce n'était plus que de la survie.

Mais il n'arrivait pas à fuir. Il ne pouvait pas se résoudre à le quitter. Les souvenirs et les sentiments étaient toujours là. Bien présent. Puissants.

Ils étaient forts.

Le couple avait vécu tellement de choses, tellement de bons moments, autrefois. Ils avaient été follement amoureux. Namjoon avait été innocemment doux et bienveillant avec Jeongguk. Tellement aimant aussi.

La première année tout comme les premiers mois avaient été magiques, ces témoignages de tendresse résonnaient encore dans sa mémoire.
Comme une douce mélodie sur laquelle on aime se poser pour pouvoir l'écouter en boucle encore et encore, jusqu'à l'infini.
Namjoon était un homme bon qui lui avait fait découvrir une autre facette de la vie, notamment en l'emmenant voyager un peu partout dans le monde, dans des lieux paradisiaques, là où il avait fait sa demande auprès du jeune châtain.

Comblé, heureux et épanoui dans cet amour naissant, il n'avait pas hésité une seule seconde à lui dire oui.

Mais le retour à la réalité avait été brutal.

Une fois revenus à la maison, les choses avaient changé. Drastiquement.

Namjoon n'avait plus jamais été le même. C'était un autre lui, un autre personnage. Il avait délaissé son masque pour revêtir celui de sa véritable personnalité. La découverte avait été douloureuse.

C'était le début de la descente aux enfers.

La soif de pouvoir lui avait monté à la tête, voulant dominer tous les fronts, tant sur le personnel que sur le professionnel. Et c'était sur son tout nouveau fiancé que les conséquences étaient retombées.

Violemment.

Au début, cela n'avait été qu'une simple gifle. Pas tellement douloureuse, juste un peu colérique. Un petit quiproquo qui avait mal été interprété par l'homme. Et Jeongguk lui avait facilement pardonné, parce qu'après tout, ce n'était qu'une simple gifle. Ça arrivait à tout le monde de se disputer. C'était normal.

Ensuite, il y en avait eu une deuxième, plus violente, plus sèche. Plus marquante. Puis une troisième et une quatrième. Mais c'était toujours normal. Les journées au travail étaient épuisantes pour l'homme et Jeongguk parlait trop le soir en rentrant. Sa voix était agaçante. Alors, il lui avait pardonné, encore, et était devenu silencieux au point de ne parler qu'en cas de nécessité.

Encore après, il y eut d'autres coups, qui entre-temps, avaient évolué. S'étaient amplifiés. De la simple gifle, on était passé au tirage de cheveux, puis aux bleus. Une fois, Jeongguk avait cassé un vase en faisant la poussière. Et Namjoon s'était mis en colère. Sauvagement. Brutalement. Là encore, il lui avait pardonné. Après tout, il n'avait pas qu'à être si maladroit.

Puis enfin, le dernier palier avait été franchi.

Une violence pire que tout. Pire que la mort.

Les abus sexuels.

Il l'avait forcé, plusieurs fois, durant divers moments, diverses punitions, à avoir des rapports ― non consentis ― avec lui. Et encore une fois, Jeongguk l'avait laissé faire et l'avait pardonné.
Peut-être deviendrait-il un bon futur époux, dont son mari pourra aisément se vanter ? Il ne souhaitait que s'attirer les bonnes grâces de son fiancé, quitte à se soumettre à lui, entièrement. Après tout, il voulait juste avoir de la valeur aux yeux de Namjoon.

Mais aujourd'hui, le châtain pensait différemment.

Il n'était plus sûr de savoir ce qu'il souhaitait.

― Ma chemise est prête ?

Namjoon apparut dans l'entrebâillement de la cuisine, les yeux noirs et la prestance écrasante.

― O-Oui...

― Bien. Je rentrerai tard ce soir, alors ne m'attends pas et va directement te coucher.

Jeongguk hocha la tête.

Le brun repartit en direction de l'étage pour finaliser sa tenue avant de redescendre, d'attraper sa veste et de claquer la porte.

Un silence prit place.

Les iris noisette du plus jeune naviguèrent en direction de l'unique horloge, dans le salon. Immense. Les aiguilles dorées trottaient faiblement, le temps continuait sa course.

Seize heures cinq.

Il soupira, bruyamment.

Seulement cinq minutes s'étaient écoulées depuis le départ de Namjoon.

Il monta les escaliers et prit la direction de la salle de bains, voulant à tout prix se débarrasser des mauvaises ondes de cette journée.

En se déshabillant, il jeta un coup d'œil à son reflet chaotique dans le miroir.

Ses cheveux étaient indisciplinés, quelques bouts de verre brillaient sur la surface de sa chevelure. Ses yeux éteints s'étaient agrémentés d'une pigmentation rouge qui s'alliait plutôt bien avec le violet de ses cernes. Il n'aimait pas ce qu'il voyait. Et il détestait encore plus cette carcasse d'os qui ressortait encore plus qu'à l'accoutumée. Jeongguk avait maigri ces derniers mois. Beaucoup trop pour que cela paraisse normal. Il avait perdu l'envie de se nourrir.

Comme il avait perdu l'envie de vivre.

À présent, il n'était plus qu'une simple enveloppe corporelle, une coquille vide.

Mort de l'intérieur, fatigué de cette vie.

Il se retourna, fit quelques pas et s'engouffra sous la douche avant d'activer l'eau chaude. Rapidement, il s'évertua à éliminer les impuretés sur son corps tout aussi impur. Il nettoya chaque parcelle qui composait son épiderme, grimaçant quand le gant exfoliant entra en contact avec les petites coupures provoquées par la petite dispute avec Namjoon.

Cependant, il souffla, soulagé, quand il se fit la remarque que ces dernières n'étaient pas spécialement visibles à l'œil nu.

Ça le rassura, un peu.

Il ne souhaitait pas qu'on les voie, pour une seule raison. Une raison qui se nommait Kim Taehyung.

Jeongguk se retrouvait encore en pleine hésitation, et pour cause. Le grisé lui avait donné rendez-vous, une semaine plus tôt, pour venir prendre un café avec lui. Il ne savait pas quelle décision prendre, penchant la balance un coup à droite, un coup à gauche, variant ainsi les solutions.

Devait-il répondre positivement à cette invitation ?

Sûrement.

D'un côté, il mourrait d'envie d'y aller, de le retrouver et d'échapper à cette journée désastreuse.

Mais...

D'un autre côté, il était terrifié à l'idée de le rejoindre. Et si Namjoon l'apprenait ? Ça serait la fin. La fin de tout...

Il avait peur de se faire punir, une nouvelle fois. ...

Alors, il ne savait toujours pas quoi faire.









☆★☆








« Je vais me marier, Taehyung. »

Cette phrase...

Cette maudite phrase tournait en boucle dans sa boîte crânienne. Elle retraçait encore et encore les paroles incertaines de Jeongguk.

Des paroles qui n'avaient aucun sens, qui sonnaient affreusement faux.

Il n'y avait pas eu une seule once de joie ou de bonheur dans les propos du jeune homme. Et Taehyung l'avait remarqué dès l'instant où ses mots avaient franchi la barrière de ses lèvres purpurines. Dès l'instant où son regard perçant s'était mis à analyser les pupilles brisées de Jeongguk, un voile sombre s'était déposé dans les yeux du châtain.

Et sur le cœur du grisé.

Taehyung se trouvait actuellement sur la petite terrasse de la brasserie de son ami, à la même table que la dernière fois. Il attendait, avec une impatience non dissimulée, son amour de jeunesse.

À l'extérieur, le temps s'était un peu assombri.

L'automne était bien là. Le vent aussi. Il sifflait entre les branches démunies et faisait virevolter les multiples feuilles aux nuances orangées. L'air était frais et les températures en baisse.

Cela fit soupirer de bien-être le grisé qui détestait l'été et les fortes chaleurs.

Et puis, la fraîcheur lui permettait de pleinement profiter de son thé. Noir, cette fois-ci. Quelque chose de fort. Quelque chose de brut. De percutant.

Il en avait bien besoin actuellement.

Parce que le temps d'attente commençait à être long.

D'autant plus qu'il ne savait en réalité pas très bien pourquoi il attendait encore. Après tout, l'heure du rendez-vous était déjà dépassée d'une bonne heure, même peut-être deux. Il n'en savait rien. Il n'avait plus la notion du temps. Il restait simplement là, à attendre.

Gardant espoir jusqu'au bout.

Parce qu'il avait confiance en son Jeongguk.

Il savait que ce dernier viendrait, qu'il finirait par se montrer.

Le grisé reporta son regard sur les passants sur la rue face à lui. Certains étaient toujours aussi pressés de rentrer chez eux. Surtout après cette fin de semaine. Le vendredi était toujours signe de relâchement et de soulagement commun. Le week-end était enfin là et cela satisfaisait tout le monde. Les silhouettes humaines étaient plus aimables qu'à l'accoutumée. Mais pas trop non plus. Il ne fallait pas trop exagérer, cela restait Paris tout de même.

Un ciel grisonnant et des passants pas contents, le stéréotype même de la capitale française.

Il continua son analyse un certain temps. Son regard sombre s'était posé sur un groupe de joyeux étudiants lorsque des bruits légers de pas claquant contre le bois de la terrasse retentirent juste derrière lui.

Une ombre le surplomba de sa hauteur.

Il se contorsionna un peu et releva le visage, intrigué par cette irruption.

― Excuse-moi pour le retard, Taehyung.

Et il fut une fois de plus émerveillé par cette présence familière.



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