*Sacha*

Le sang me frappe les tempes, ou bien c'est autre chose qui afflue sous ma peau. Mes oreilles bourdonnent et mes yeux ne me répondent plus, me laissant aveugle, dans un noir terrifiant. Peut-être que c'est ça la mort ; un grand vide qui perturbe nos sens, ne nous accordant que le droit d'avoir quelques pensées. Au fond, je n'avais jamais réfléchit à ce qu'il pouvait y avoir après nôtre trépas. J'avais seulement penser que c'était moins rude, plus simple que de vivre. Vivre demande du temps, de l'envie et de la force. Avant même que chacun d'entre nous n'existe on s'est donné tout entier pour vous créer : on a aimé, désiré, puis on a souffert aussi, on a persévéré. Au contraire, il est facile de mourir : une seconde, un instant, une inattention ou une forte volonté suffisent à vous faire perdre votre souffle. Il n'y a rien de difficile avec la mort. On peut souffrir ou désirer, l'attendre ou la choisir, mais elle finit toujours par venir.

Tic-Tac. Tic-Tac. Le son régulier d'une horloge résonne dans ma tête, à mes oreilles. J'imagine ce son faisant vibrer chaque os de mon squelette, mais rien ne se passe de plus que le son. Peut-être que je ne suis pas encore complètement mort, ou peut-être qu'il y a des horloges de l'autre côté. Je ne sens toujours pas mon corps, j'entends seulement mon âme et cette aiguille incessante. Je flotte dans un champs de coton, léger et libre. Aucune peur ou angoisse ne me traverse l'esprit. Mon coeur est apaisé. Mourir n'est pas si terrible finalement. C'est presque doux.

Quelques sensations reviennent lentement. Je sens mes poumons. Si je le pouvais, je grimacerais de douleur, ou bien le fais-je sans le savoir. Les brûlures se propagent dans la cage thoracique, la trachée, la gorge, le nez. Je ne sens plus l'eau qui traverse chacun de mes organes. Les brûlures sont vives et je tente de tousser, de couper ma respiration. Inspire. Expire. L'air entre et ressort, gonflant mes alvéoles pulmonaires, ravivant le feu à l'intérieur de mon corps. Il semblerait que les morts respirent et qu'ils gardent les séquelles de leur mort.

Je me souviens de l'eau emplissant mes poumons, ma gorge et ma bouche. Je n'avais pas crié, je ne m'étais pas débattu, car je l'avais choisit. Mais la souffrance était insoutenable. Le regard fixé sur la lune je résistais contre mon instinct de survie. Le corps tente par tous les moyens de se sauver, de trouver l'air, mais il étouffe. L'eau s'engouffre dans chacune de mes cavités corporelles, les unes après les autres, et le sel me brûle les rétines. Mon enveloppe corporelle n'est pour la mer qu'un morceau de bois flotté. Ma peau s'entaille, frottée contre les parois rocheuses et une douleur vive me traverse la tête, après qu'elle ait frappée les écueils.

Bip. Bip. Bip. Le cliquetis de ce qui semble s'apparenter à une machine quelconque. Je me concentre sur chaque son qui pourrait me parvenir tandis que sous mes paupières j'entrevois des rayons lumineux. Les cliquetis s'accélèrent et je sens enfin mon coeur qui bat dans ma poitrine. Mes paupières semblent lourdes, comme collées contre mes joues. A l'extérieur de mon corps, un fin drap de coton me caresse la peau. J'essaie de bouger le bout de mes doigts, le bout de mes pieds. Mon corps flotte encore dans le coton et aucun de mes membres n'est encore près à répondre à mes demandes. Seules mes paupières acceptent de s'ouvrir petit à petit, sous la pression de ma volonté.

La luminosité est forte et je dois cligner plusieurs des paupières avant que mes yeux ne s'habituent à leur environnement. Alors que j'étais avide de savoir ce que trouverais de l'autre côté, je suis déçu par un plafond, qui avait dû être blanc dans une autre vie. A présent, j'entend distinctement le tic-tac de l'horloge accompagnée par les machines. Je ne saurais dire réellement où je suis. Vivant ou mort, je sais plus. Je n'arrive plus à différencier l'un de l'autre. Une porte s'ouvre et les pas pressés de quelqu'un entrent dans la pièce.

- Ah ! Mais c'est que le jeune homme est réveillé.

Une petite femme aux cheveux teinte en blond, se penche vers moi. A sa blouse blanche est accroché un badge, où il est écrit "Lisa - Infirmière".

- Je vais vous asseoir, vous serez mieux en attendant que le médecin vous examine !

Sans attendre ma réponse, elle s'exécute. Puis, elle vérifie les poches pliées à mon bras droit. Elle repart sans fermer la porte et je prends le temps d'examiner l'endroit. Les murs sont blancs, de la même façon que le plafond. La pendule est accrochée au mur d'en face, unique marque colorée de la chambre, avec son pourtour vert. A ma droite se trouvent tout un tas de machines qui prennent mon rythme cardiaque et d'autres choses que je ne comprends pas. A ma gauche, un meuble blanc fait office de table de chevet. On y a posé une photo encadrée que je reconnais immédiatement. Le grain granuleux ne m'empêche pas de voir les bouilles des deux bébés enlacés l'un contre l'autre. Tout juste âgés de quelques jours, ils dorment paisiblement. Ils ont l'air si enserrés que l'on pourrait facilement imagine que l'on eut peine à les séparer.

- Et bien ! Vous nous avez fait une petite frayeur mon petit monsieur !

Je tourne la tête vers l'homme à la barbe grisonnante qui s'avance vers moi, dossier sous le bras. Il me tend une main que j'empoigne avec peu de force, le corps encore endormi.

- Je suis médecin. C'est moi qui m'occupe de votre cas. Il s'en ai fallut de peu vous savez ! Une chance que votre soeur vous ait retrouvé.

Il est clair que je ne suis pas mort. Je jette un coup d'oeil à la photo près du lit.

- Votre soeur attend dehors. J'irais la chercher après. Pour le moment, il faut que je sache comment vous allez.

Je hoche la tête;

- Bien ! Ouvrez grand les yeux, dit-il en approchant sa petite lampe.

Il inspecte tout, mes yeux, ma gorge, les poches et les machines. Il me demande même de faire quelques mouvements. Concentré, il ne souffle plus un mot, prenant quelques notes dans son dossier.

- L'eau a brûlé vos organes respiratoires. Vous risquez d'avoir des douleurs pendants un moment. Je vous prescrit de quoi vous soulagez un peu. Et vous vous doutez bien que suite à votre acte désespéré vous aurez aussi un suivit psychologique spécifique, ajouté à celui que vous avez déjà pour vos troubles psychiques antérieurs.

Il pose l'ordonnance manuscrite sur la table de chevet, avant de conclure :

- Ce sera tout pour aujourd'hui. Je laisse entrer votre soeur car je pense qu'elle s'impatiente. 

A peine a-t-il quitté la chambre que Camille apparaît dans l'encadrement de la porte. Je sens son hésitation alors qu'elle tente de me sourire. Ses traits sont tirés et des cernes bleues descendent sous ses yeux. Je devine qu'elle s'est tenue à mes côté une bonne partie de la nuit. Aussi hésitant et désorienté qu'elle, je ne sais quoi lui dire. Alors, je prends entre mes mains la photo posée à mon côté.

- C'est toi qui l'a ramenée ? Je demande.

Elle acquiesce et s'approche enfin de mon lit. Maladroitement, elle s'assoit au bord, presque à l'autre bout. Le silence s'installe, ni lourd, ni pesant. Nous prenons seulement le temps de retrouver le regard de l'autre, celui que la photo aurait certainement immortalisé si les nourrissons étaient éveillés. Je finis par lui tendre la main. Elle l'observe quelques secondes, ne la prend pas et préfère m'entourer de ses bras, enfouissant son visage dans mon cou. Ses cheveux me chatouillent la peau, alors que je sens ses larmes couler sur mon épaule. A mon tour, je l'enserre de mes bras, fermant les yeux afin de me concentrer sur le parfum citronné de sa peau. J'avais presque oublié la sensation de bien-être que la présence de Camille me procurait. Je réalise soudain ce que j'ai failli perdre, regrettant de n'avoir pensé à pardonner les paroles de ma soeur, de ne pas avoir compris sa peine, sa colère, de ne pas avoir moi-même pris le temps de lui expliquer mes propres douleurs. Elle aussi avait souffert. Nous n'avions pensé qu'à nos éclats de verre, oubliant que nous étions là l'un pour l'autre.

Il semble difficile, compliqué, de dire "je t'aime" et trop souvent on s'aperçoit qu'on aurait dû le dire quand il en était encore temps. 


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Je tiens à m'excuser pour ces semaines d'absence ! Entre les vacances sans réseau et ma rentrée la semaine dernière je n'ai pas eu le temps de publier, mais j'ai eu le temps d'écrire ! Nos Âmes Brisées touche à sa fin et j'en suis déjà triste. Encore un petit peu de temps avec vous quand même. 

Bien à vous chers lecteurs ! 

PS: pour retrouver l'interview des Wappies suite à mes prix gagnés lors de leur seconde édition c'est par ici ->> https://www.wattpad.com/614134711-les-wappies-interviews-coup-de-coeur-du-jury 


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