Chapitre 5 : Magie.

 Le bruissement se stoppa et le silence succéda durant quelques minutes oppressantes. L'adolescente ne bougeait plus. Elle s'était arrêtée de respirer dans l'espoir de passer inaperçue. La fougère laissa entendre un nouveau bruissement. Un serpent de petite taille, une vipère aspic bien connue de la jeune fille puisqu'il s'agissait d'une espèce commune par chez elle. Ce reptile sortit des végétaux et rampa vers elle. Lou-Anne recula de quelques pas et secoua sa branche devant elle. Elle savait la morsure de ce serpent peu dangereuse bien que rarement mortelle mais c'était bien plus fort qu'elle, elle détestait ces bestioles.

À sa surprise, le reptile se dressa et observa les deux adolescentes inconscientes en face de lui. Il reprit son chemin et passa entre Léa et Nora avant de monter sur le bras de la blonde puis de se glisser sous le haut de celle-ci. Lou-Anne s'approcha de son amie et hésita plusieurs minutes à soulever le haut pour faire fuir l'animal. Sa peur l'en empêchait à chaque fois qu'elle approchait sa main mais finalement son inquiétude pour la jeune fille prit le dessus. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit le serpent lové sur le ventre de son ami et, visiblement, assoupi. Elle ne savait plus quoi faire, elle craignait que si elle le repoussait avec un bout de bois, il ne morde et, le prendre était impensable pour elle. Tout à coup, de nouveaux bruissements l'alertèrent et elle oublia la présence du reptile pour reporter son attention sur la provenance des sons inquiétants.

*

Le vent glaciale fouetta le dos de la jeune fille à la chevelure blonde et échevelée. Elle se tenait dans l'encadrement d'une porte menant au balcon du dernier étage d'une tour. Des pas pressés et cliquetants résonnaient dans les escaliers en colimaçon et des voix fortes et masculines en émanaient. Bientôt les ombres de ses poursuivants apparurent à la lumière vacillante des torches accrochées au mur. Elle recula jusqu'à sentir le froid de la pierre sur ses mains. Elle profita du peu de temps qu'il lui restait avant l'arrivée des hommes pour monter sur la rambarde du balcon. Puis elle se retourna vers ses ennemis.

Une troupe de quelques soldats des temps médiévaux revêtant leurs armures blanches, lourdes et brillantes, reflétant la lueur du reflet lunaire, se tenait devant elle. L'un d'eux, à l'armure bien plus décorée, une épaulière plus épaisse et une cape noire dans le dos, s'avança un peu plus et leva son épée vers l'adolescente.

-Tu es faite, mage. s'exclama-t-il d'une voix qui résonna dans le ciel du château qu'ils surplombaient. Tu n'as nul part où fuir ! Rends-toi ou péris dans l'immédiat.

-Que le diable te crache au cul.

-Surveille tes paroles, misérable péripatéticienne !

La jeune fille se laissa tomber en arrière. Le vent lui tira la crinière dorée et lui gifla le visage. Agrippant ses vêtements et l'aveuglant dans son entreprise. Le sol se rapprocha à grande vitesse et rien n'allait empêcher leur collision.

*

Nora se réveilla en pleine panique, se relevant d'un bond. Elle dut cependant se rallonger très vite. Une douleur vive venait de la lancer au niveau de son bas-ventre.

Elle s'était réveillée en sueur, essoufflée et effrayée. Son rêve lui avait semblé si réel qu'elle avait véritablement cru chuter de cette tour. La nuit était déjà tombée et elle fut étonnée de ne pas voir le ciel au-dessus d'elle mais quelques poutrelles de bois blancs.

Elle se trouvait en réalité dans une sorte de grange. Elle avait été déposée le plus près de la sortie de foin à l'étage, juste aux côtés du mécanisme de la poulie qui permettait l'ascension des bottes. Elle se pencha d'abord sur la douleur qui commençait à disparaître et découvrit le bandage fait d'un de ses hauts que Léa avait pris en vitesse. En le retirant, elle découvrit la plaie que lui avait laissé la lame de Shiro, le sang avait coagulé mais il restait toujours une marque horrible, bien que petite, à la gauche de son nombril. Elle se souvint soudainement que Léa avait été transpercée de part-et-d'autre pour que sa blessure ne soit que superficielle.

Elle regarda autour d'elle pour savoir où son amie se trouvait et fut rassurée de la voir dormir à quelques pas d'elle. Lou-Anne se tenait également assoupie aux côtés de la rousse, un morceau de tissu dans la main et une bassine d'eau entre elles-deux.

Rassurée, elle souffla un bon coup et s'adossa contre la paroi de la grange. Un frisson la parcourut subitement lorsque quelque chose grimpa sur sa main. Son regard croisa alors celui d'un serpent. Un silence suivit leur rencontre, Nora ne savait si ce n'était qu'une impression mais elle était persuadée que l'animal la regardait aussi bien qu'elle-même ne l'observait. Elle tendit sa seconde main, ouverte, pour laisser le reptile se placer dessus et le déposa sur son ventre. Le serpent s'enroula sur lui-même deux fois de suite avant de se redresser et d'à nouveau plonger son regard jaune dans les yeux bleus de l'adolescente. Nora glissa son index sous la mâchoire du reptile et commença à le caresser tendrement.

-Toi aussi, tu es tout seul ? demanda-t-elle d'une voix douce. Non ? C'est vrai que je suis là mais tu n'as pas besoin de moi... J'ai... J'ai essayé de tuer quelqu'un...

La voix de la jeune fille avait perdu en intensité au fil de ses paroles. Elle commençait à se remémorer de la haine qui l'avait emplie et de ses pensées qui s'étaient toutes centrées sur la mise à mort de Shiro. Cet aveuglement qui l'avait prise et l'avait mené à un acte répréhensible l'effrayait. Elle ne voulait pas devenir violente et encore moins une meurtrière. Du loin qu'elle s'en souvienne, elle n'avait jamais frappé qui que ce soit, même sous l'effet de la colère elle s'était toujours retenue.

Le pire avait sûrement été la voix qui avait retentit dans sa tête quand elle s'était jetée sur le Vivialde. Celle-ci lui avait demandé ce qu'elle voulait et elle avait répondu... « tuer ». Que faire si cette réponse la définissait ? La jeune fille ne voulait pas y penser. Elle se secoua la tête pour se vider l'esprit et reporta son attention sur l'animal qui continuait de recevoir ses caresses sans broncher.

-Si tu voulais tuer, est-ce que tu le ferais tout en sachant que cela ne servirait à rien ? demanda l'adolescente au reptile. Pourquoi est-ce qu'ils sont apparus dans ma vie ? Ces gars aux ailes... Pourquoi moi si c'est mon père qu'ils veulent ?...

Elle referma les yeux et tomba de sommeil quelques minutes après.

*

Des flambeaux s'allumèrent dans une prairie. Quatre longues torches étaient positionnées aux points cardinaux et une vingtaine d'individus revêtant de longues capes de voyages et un capuchon hautement pointu apparurent aux lueurs fragiles de torches. D'une voix unie et grave, le groupe entama un chant dans une langue proche du latin. Ils se tinrent en cercle et, mains dans les mains, ils élevèrent leurs bras vers l'astre lunaire. Un nouvel individu entra dans le cercle et planta un cinquième flambeau en son centre. Puis il porta sa main à la ceinture pour attraper un pochon en mue de reptile. Il prit une poignée de poudre sombre comme le charbon et commença à dessiner grossièrement sur le sol herbeux. Une fois son œuvre achevée, il attrapa une brindille sous sa cape et l'embrasa avec la torche pour la déposer sur son dessin de poudre. Un serpent se dessina dans les flammes. Ce reptile entourait le flambeau, se mordant la queue. L'homme leva lui aussi les bras vers la lune et entama une nouvelle part du chant :

-Tibi, Domine Deus ! Tu, Divina serpentium ! Nisi me servum tuum humilem. Hercle.

La torche centrale s'éteignit quelques secondes et se ralluma avec une nouvelle flamme de teinte verte. L'homme s'agenouilla et retira son capuchon, dévoilant le visage brûlé d'un vieil homme rabougri. Malgré son physique avancé, il n'était âgé que d'une trentaine d'années et de sa voix forte, il reprit :

-Montrez-moi la voie vers la prêtresse. Vos enfants nous ont informé de son apparition sur nos terres.

Le cercle se tût et un silence pesant s'abattit sur le groupe. Le vent se leva et fit bruisser les feuilles des arbres environnants. Le schéma au sol s'estompa dans les ténèbres de la nuit et les quatre flambeaux cardinaux se tintèrent de bleu. Les flammes grandirent et dévorèrent les torches en quelques secondes avant de s'éteindre en atteignant l'herbe brûlée par les rituels passés. La torche centrale explosa en un nuage de poussières dense et vert dans lequel une image se grava. Un groupe de jeunes filles allongées et endormies au milieu de tas de foin. Le visage de chacune d'elle apparut successivement devant les individus. Une jeune fille rousse. Une autre à la teinte capillaire plus complexe déviant entre le blond et le châtain. Et enfin, une dernière à la tignasse blonde. L'image s'arrêta sur celle-ci, et sur l'animal qui se tenait enroulé devant son visage. Une vipère plutôt petite. Des voix s'élevèrent parmi le groupe, approbatrices ou émettant des doutes. L'homme au centre les fit taire et observa attentivement l'adolescente. Ses iris se figèrent sur les joues de l'enfant, il commença alors à trembler et à transpirer. Un sourire frêle s'afficha sur sa bouche sans lèvres et ses yeux sans cils papillonnèrent à une vitesse folle. Il tendit la main vers l'image, tremblant.

Une chaussure apparut alors sur l'image et changea l'angle de vue. Un jeune homme brun était penché sur la jeune fille et déposa une couverture sur elle. Les deux autres adolescentes avaient elles-aussi été recouvertes d'un drap.

L'homme au visage brûlé retira sa main et hurla à la mort de déni. Le nuage s'évapora et le flambeau central retrouva sa flamme vacillante. Le groupe se dispersa dans la nuit à l'exception de deux individus qui s'approchèrent de l'homme du centre. Ce dernier s'était mis à genoux et frappait le sol de ses poings osseux.

-Grand-prêtre. Que se passe-t-il ? demanda alors l'un des deux individus.

-La prêtresse est aux mains des Spriggans.

-Un spriggan ? Êtes-vous sûr ? Il y avait des humaines avec elle.

-Ce visage... Cette teinte de cheveux sombre comme une nuit sans étoiles... Je me souviendrai toujours de celui qui m'a fait ceci !

L'homme s'agrippa le visage, serrant les dents et les faisant grincer entre elles.

-Cela va faire quatorze ans, Yuko... ...Mettons-nous immédiatement en route pour la faille des milles douleurs. Nous y attendrons le message de Yival et là, la prêtresse sera à nous.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top