Chapitre 17 : Fées de l'eau
-Ne vous perdez pas, on se retrouve ici à la nuit tombée.
Yolda et les deux lycéennes se séparèrent dans la cité Aquildre. Une immense pyramide de verre surplombant les vagues de la mer tempétueuse. L'intérieur de la ville était aussi sec que la terre ferme et la climat aussi doux qu'en bord de mer. L'odeur du sel était même omniprésente et agressait les narines des adolescentes. Les bâtiments, habitations et boutiques, étaient construits en forme de bulles ou de coraux, tous sculptés dans de la roche et décorés d'algues, d'animaux marins, et de perles. De nombreux canaux et petits étangs parcouraient la cité, scindant le sol sablonneux et empli de coquillages de toutes tailles et espèces.
Le fait que la cité soit étanche perturbait Léa. Si les Aquildres étaient des fées de l'eau, elles n'avaient aucune nécessité à bâtir une ville hors de leur élément. Si cela avait été pour le commerce avec les autres peuples, ils n'auraient eu qu'à s'installer en bord de mer. Elle ne comprenait pas, et ne pouvait supposer qu'une chose. Peut-être que malgré leur nom, ces fées n'étaient pas amphibies. L'adolescente ne se doutait à aucun moment que la cité avait été ainsi construite contre les dégâts météorologiques causées par la mer. Quant bien même, elle avait été nommée « la mer tempétueuse », celle-ci avait été calme durant tout leur trajet. De plus, elle commençait à ne plus accorder la moindre importance aux noms des lieux qu'ils visitaient. La faille des mille douleurs, le marécage sans fin, la mer tempétueuse. Aucun de ces lieux n'avaient été dignes de leur nom.
-Léa ! appela Lou-Anne.
La rousse sursauta et se tourna vers son amie, l'interrogeant du regard.
-Ça fait plusieurs fois que je t'appelle. La ville t'intrigue parce qu'elle n'est pas sous l'eau ?
L'adolescente fut surprise. Lou' ne s'était jamais imposée entre elle et Nora lorsqu'elles discutaient. Elle restait toujours en retrait et ne donnait presque jamais son avis. Pourtant, elle venait de tomber juste dans sa question.
-Oui. Tu... Comment tu le sais ?
-Juste une supposition, tu es toujours très concentrée sur ce qui t'entoure et sur les appellations. Je suis sûre que tu commences à douter des dangers de ce monde.
-Je ne doute pas des dangers, surtout après notre rencontre avec Shiro chez No!...
Une femme bouscula la jeune rousse et manqua de peu de la faire tomber dans l'un des canaux qui traversaient le chemin. Les deux adolescentes se tournèrent vers celle-ci. Une femme aux formes plus que généreuses à la chevelure blanche comme la neige. Léa remarqua qu'elle revêtait une tenue extrêmement similaire à celles des Aquildres autour d'elles. Un haut bustier et une jupe, ouverte sur le côté, descendant jusqu'aux genoux très amples et une paire de chaussures ouvertes. La femme passa une main dans ses cheveux et lança un regard hautain aux deux lycéennes. Léa se recula et attrapa le poignet de Lou-Anne. Son mouvement ne passa pas inaperçu et la femme plissa les yeux, suspicieuse.
-Excusez-moi de vous avoir bousculée. s'excusa la rousse avant de tirer Lou' avec elle.
La femme les regarda s'éloigner jusqu'à ce qu'elles ne disparaissent de sa vue, avant de reprendre son chemin. Lorsque Léa fut sûre que la femme ne les suivait pas et qu'elle ne les voyait plus, elle s'arrêta et fit face à Lou-Anne.
-Il faut qu'on se fonde dans la masse.
-Pourquoi ? Cette femme nous voulait quelque chose ?
-Elle... Je ne saurais pas dire si c'est un intuition ou de la paranoïa, mais elle a l'air d'en avoir après Nono.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Ces cheveux, son regard, son comportement...
-Les Yvilis ont les cheveux blancs et elle a juste dû faire comme certains le font. Se donner de la supériorité par rapport aux autres et provoquer des conflits. Tu ne crois pas ?
-Peut-être mais je ne veux pas prendre le risque, pour moi c'était clairement une Aquildre. Et si c'est le cas, alors elle est avec Shiro.
Lou-Anne n'avait jamais vu son amie rousse perdre son sang froid de cette manière. Elle l'avait vu s'énerver et cela l'avait déjà grandement surprise. Mais en ce moment, Léa était bien plus proche de la peur que d'un autre sentiment. L'adolescente savait son amie intelligente et posée, ainsi la voir perdre son calme l'effrayait aussi. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre de le laisser paraître sinon leur groupe risquerait d'échouer et Nora serait en plus grand danger qu'elle ne peut l'être actuellement. Et Lou' savait que la blonde comptait bien plus pour Léa que sa propre vie à elle-même.
L'auburn se posa et regarda autour d'elle. L'idée de se fondre dans la masse ne la dérangeait pas et si il fallait le faire pour rassurer Léa, elle le ferait sans hésiter. Mais un détail la frappa et lui fit réaliser que c'était presque mission impossible pour elles de se mêler aux Aquildres. Avoir croisé des Spriggans et des Yvilis ne leur avait présenté que des fées dont la teinte capillaire restait dans les normes. Les Aquildres, elles, possédaient une chevelure bleue. Certes variant en profondeur ou en clarté selon les individus, mais aucune Aquildre n'avait une teinte naturelle de leur point de vue. Comment allaient-elles faire pour faire passer inaperçu leurs cheveux respectivement roux et châtain-auburn ?
-Ne t'inquiètes pas pour nos cheveux. intervint la rousse, coupant les réflexions de Lou-Anne. On peut toujours trouver des tenues avec capuches ou capuchons. Mais avant, nous devons retrouver Yolda. On a aucune idée de l'économie dans ce monde.
L'adolescente acquiesça la proposition de son amie et elles se mirent à la recherche du Spriggan. Finalement, elles le retrouvèrent à l'entrée de la cité, assis sur la toiture d'une maison accompagné d'un corbeau. Elles lui exposèrent leur idée, et lui évoquèrent la rencontre avec la femme aux cheveux blancs. Le brun blêmit en écoutant la description et dévia rapidement du sujet pour en revenir à leur idée de déguisement. Ce que les deux lycéennes remarquèrent sans peine. Le trio prit la direction des boutiques afin d'effectuer leurs achats et les deux adolescentes finirent par se perdre en questionnements futiles.
Sous les regards amusés et parfois perdus de Yolda, les deux jeunes filles se complimentaient sur les tenues qu'elles s'essayaient ou se proposaient. Un simple et classique cliché que Léa et Lou-Anne ne souhaitaient pas démentir. Au final, c'est devant le visage enjoué de la vendeuse que les adolescentes se présentèrent revêtue de leur nouvelle tenue.
-Vous êtes un ami de la famille ? demanda la vendeuse au Spriggan s'apprêtant à payer pour elles.
-Non, juste un compagnon de voyage.
Derrière lui, les deux lycéennes, redevenues comme des enfants, s'observèrent sous toutes les coutures. Elles avaient toutes les deux opté pour un débardeur à volants assez ample ainsi que des sandales plates à lanières fines autour de la cheville. La seule différence se tenait dans le bas de leur tenue. Léa avait décidé de prendre une jupe fendue par dessus un maillot de bain classique, et Lou-Anne s'était prise un paréo aux motifs fleuris.
À force de s'observer et de se complimenter sur leurs choix, Léa remarqua qu'elles en avaient oublié l'élément principal de leur camouflage. Leur couleur de cheveux restait un problème et elles n'avaient pas opté pour des vêtements à capcuhe.
-Vous souhaitez vous faire passer pour des Aquildres ? demanda subitement la vendeuse, qui les avait écoutées. Vous pouvez toujours vous colorer les cheveux avec une teinte temporaire qui n'affectera pas votre couleur actuelle.
L'Aquildre les laissa sur sa remarque et revint de l'arrière-boutique quelques temps après, des flacons dans les mains. Le groupe sortit alors une vingtaine de minutes plus tard, les deux adolescentes ressemblant désormais bien plus à des fées de l'eau qu'à elles-mêmes. Yolda, lui, devait porter leurs affaires en plus d'avoir dû payer pour elles. Mais il n'avait pas l'air de s'en plaindre, il semblait s'y être préparé à l'avance. Pour l'heure, il était heureux de voir ses jeunes camarades sourire et s'amuser dans leur nouvel accoutrement.
Ils demandèrent leur chemin afin de trouver la bibliothèque, ne désirant plus chercher par eux-mêmes afin de gagner bien plus de temps. Après tout, la journée était déjà très avancée et cela ferait deux jours qu'ils se seraient séparés de Yuko et Nora.
Nombreux furent les regards curieux et intéressés des jeunes hommes Aquildres qui croisaient les deux lycéennes. La peau presque blanche de Léa lui offrait même plus d'attraction que son apparence globale ne le faisait. Le Spriggan, lui par contre, subissaient plusieurs regards emplis de mépris et des remarques désobligeantes et peu discrètes. Sa présence aux côtés de deux jeunes Aquildres lui valait plus d'ennuis qu'il ne l'aurait cru lui-même. Cependant, il préférait ne pas y prêter attention.
Pour autant, ils purent atteindre leur destination sans rencontrer le moindre problème. Le bâtiment qui contenait la bibliothèque de toute une ville possédait une architecture similaire aux temples grecques, des colonnes de marbre sculpté soutenaient un préau en blocs de marbre formant une toiture en pente. Au-delà de ce toit soutenu, la structure était ornée d'un toit moins classique. De la forme d'une turritelle, le toit formait une spirale d'ardoise parfois entrecoupée de fenêtres rondes.
Déjà extraordinaire en extérieur, l'intérieur était extrêmement vaste et permettait de larges couloirs entre les immenses étalages d'ouvrages divers et variés. Le centre du rez-de-chaussée était un grand espace sans étagères où une douzaine de tables étaient à la disposition des visiteurs. Possédant également une bonne hauteur sous plafond, un étage, ouvert sur l'espace travail du centre, était aussi accessible par divers escaliers en colimaçon situés entre les rayonnages, aux extrémités de la pièce.
Devant l'étendue des livres et des recoins à explorer pour trouver un quelconque indice sur la cache du magister, Lou-Anne et Yolda soupirèrent simultanément. Même le Spriggan ne s'attendait pas à une telle charge de travail, ils risquaient de mettre bien plus qu'une soirée, même plus qu'une semaine, avant de trouver cette soit-disant planque. Léa, elle, se présenta au bureau de la bibliothécaire afin d'obtenir le plus de renseignements.
-Excusez-moi. Avez-vous des ouvrages sur un dénommé Wase ?
La femme lança un regard perplexe par-dessus ses lunettes en demi-lunes et dévisagea également le Spriggan et la seconde « Aquildre » qui l'accompagnait.
-Ce sont des ouvrages peu nombreux que vous demandez là, vous avez de la chance que notre établissement soit le plus grand du royaume...
La bibliothécaire marqua une pause assez conséquente afin de déceler le moindre signe chez ses interlocuteurs qui trahirait leurs intentions.
-À l'étage, rayonnage B-105. finit-elle par répondre.
Le petit groupe se rendit au rayon indiqué et tombèrent sur une demi-douzaine d'ouvrage évoquant le nom de Wase. Yolda attrapa l'un d'eux et lâcha un sourire en feuilletant les premières pages. Devant les regards interrogateurs des deux adolescentes, il se vit obliger d'expliquer :
-La terre des fées et l'homme des cieux. C'est un roman qui est accessible pour tous les âges, il raconte comment les fées et les humains auraient réussi à cohabiter sur les terres réduites d'Héliandre. Maintenant que j'y pense, il est vrai que le nom de l'homme qui guida les peuples vers la paix commune se nommait aussi Wase.
Malgré le nombre, bien que moindre, d'ouvrages disponibles, Léa se porta immédiatement sur l'un d'eux sans se préoccuper des autres.
-Celui-là... Il a été écrit par le père de Nono.
Elle présenta la reliure du livre aux deux autres et leur montra les lettres d'or dans lesquelles « Philius Wase » avait été inscrit. La nuit tombant, ils préférèrent se hâter et empruntèrent l'ouvrage en question. Ils se rendirent dans l'auberge qu'ils avaient vu à l'entrée de la ville et s'y installèrent pour la nuit. Juste avant qu'ils ne décident de se coucher, Léa lut le livre pour Lou-Anne et Yolda, à la recherche d'un indice pour les aider contre le roi-sorcier.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top