Chapitre 16 : Cité minière

-Et donc... ça fait vraiment depuis quinze ans que tu attends ici ? demanda maladroitement Yuko à la jeune Sylvidre.

Le Spriggan avait été invité par Sylva pour la nuit. Cette dernière avait remarqué l'air hébété de celui-ci lorsque la nuit était tombée et qu'il venait de comprendre que Nora ne redescendrait pas de ci-tôt.

Ils se trouvaient à dîner ensemble pour la seconde fois depuis le départ de l'adolescente pour le sommet de l'arbre. Le Spriggan avait passé la journée allongé dans les marches de l'immense escalier, ne le pouvant pas dans l'herbe sacrée qui entourait le tronc. Il avait observé le ciel et les épais feuillages de l'arbre.

Il s'intéressait désormais un peu plus à la Sylvidre, afin d'avoir un peu plus de vie autour de lui. Le brun avait beau être très solitaire et peu sociable, le manque de compagnie l'affectait plus qu'il ne voulait l'admettre. Sylva lui lança un petit regard en coin en buvant une gorgée de sa soupe et s'essuya les lèvres avant de lui répondre d'une petite voix timide.

-Oui...

-Mais tu n'as pas l'air bien vieille. Tu attends depuis que t'es gosse ? Excuse-moi si je m'immisce dans ce qui me regarde pas mais c'est que ça me surprends.

-J'ai dix-neuf ans...

Le Spriggan avala de travers sa lapée de soupe et se frappa le torse afin de faire passer le contenu dans sa gorge. Cela ne servait à rien, mais il préférait ça plutôt que de s'étouffer dans la gêne de sa bêtise.

-Sérieux... kof ! Kof ! Et tu n'as jamais été plus loin que ce jardin sacré ? Pas même dans le reste de la cité ?

La jeune Sylvidre fit une petite moue et secoua très légèrement la tête, gênée par les questions de la fée noire. Il exposait pourtant un monde normale mais elle ne l'avait jamais vu.

-Alors, compte sur moi. Quand on en aura fini avec Madox, je reviendrai ici et je te ferai visiter toutes les cités des fées.

Il venait de lui annoncer ça en se pointant du pouce et en bombant le torse. D'ordinaire, n'importe qui aurait rit de lui mais Sylva n'était pas comme les autres et ignorait la signification de cette gestuelle. Elle resta seulement bouche-bée à le regarder dans les yeux, perdue. Yuko comprit que son geste n'avait servit à rien mais préféra garder la tête haute et se réinstalla, prêt à reprendre la parole et à développer ses paroles. Mais la porte d'entrée s'ouvrit à la volée et Nora s'arrêta dans l'encadrement, cherchant activement le Spriggan.

-Nora ? s'étonna le brun. Qu'est-ce que tu fais ici ?

-J'ai descendu l'arbre, c'est tout. Il faut qu'on se rende à la cité Firildre, apparemment une certaine Karah peut m'apprendre à me battre.

-Mais et le sage ? Il ne devait pas t'apprendre à te servir de tes pouvoirs ?

-Je sais pas les utiliser et j'ai pas envie. Il le sait et il a même fait rejaillir des souvenirs lointains.

L'adolescente attrapa le bras du Spriggan, s'excusa rapidement auprès de Sylva et le tira à l'extérieur.

-Mais, tu sais que la cité Firildre se situe dans les terres de feu ? C'est tout au nord du pays, à l'opposé d'ici ! s'exclama Yuko.

-On va passer par les monts des quatre fées et rejoindre la cité par les airs une fois que j'aurais trouvé un objet là-bas.

Le brun ne comprenait pas d'où la blonde sortait ces lieux de son vocabulaire alors qu'elle ne connaissait rien à ce pays qui n'était pas le sien. Mais il avait bien vu le regard déterminé de cette dernière et comprenait qu'elle n'était pas devenue folle. Le grand sage lui en avait sûrement parlé.

-Je veux bien t'y emmener mais il faudra d'abord faire escale chez les Stoïldres. Sans équipements adéquats, la randonnée jusqu'au mont sera impossible.

-Je te fais confiance là-dessus.

Yuko s'arrêta à mi-chemin entre la demeure de Sylva et le reste de la cité Sylvidre. La blonde le regarda, intriguée, tout en remettant ses chaussures. Il siffla entre son index et son majeur et un oiseau noir de jais apparut de la cîme des arbres. Le corbeau se posa sur son épaule et tendit la tête aux lèvres du Spriggan. Quelques secondes plus tard, l'oiseau reprit son envol et disparut dans l'océan de lumière. Lorsque Yuko finit par rejoindre Nora, il dut lui expliquer qu'il venait de prévenir Yolda. Tout deux prêts, il se tourna vers elle et attendit qu'elle ne lui explique ce qu'elle voulait faire.

-Je me souviens bien t'avoir dit que c'était la dernière fois mais je pense qu'il vaut mieux continuer de se déplacer comme ça pour le moment. expliqua l'adolescente.

-De quoi tu parles ? demanda le brun, perdu.

-Portes-moi. Espèce d'idiot... rétorqua-t-elle, les joues légèrement rosies.

Le Spriggan comprit aussitôt où elle voulait en venir et s'agenouilla afin de la laisser se positionner dans son dos. Il passa ses bras sous les cuisses de la jeune blonde et la laissa entourer son cou de ses bras. Il n'eut pas besoin de lui dire d'écarter légèrement son ventre car elle le fit de elle-même, et il put déployer ses ailes noires de jais. Il plia légèrement les jambes et leva ses ailes vers le ciel. Puis d'un puissant battement vertical, ils quittèrent le sol herbeux et rejoignirent les oiseaux par-dessus la canopée sauvage. Le Spriggan prit la direction du nord et effectua un second battement d'ailes, un peu moins puissant, pour se propulser tel une flèche à travers les cieux.

*

-Nous voilà de nouveau réunis pour une énième réunion futile. soupira une jeune fille aux formes généreuses.

Elle passa la main dans sa longue chevelure blanche et lança un regard hautain au vieil homme musclé et torse nu qui se tenait en face d'elle.

Sept personnes siégeaient autour d'une table octogonale éclairée par une simple verrière dans le plafond en dôme. Les coins de la pièce, tous percés par des piliers circulaires décorés d'un symbole différent, se rejoignaient au sommet. Et, de part leur position éloignée du centre de la salle, n'étaient pas éclairés par la lumière du jour.

Shiro, situé sur la droite de Ao, imita le mouvement de cette dernière et éclata de rire. Le fou rire du Vivialde blanc mit mal à l'aise la jeune fille brune qui se tenait en face de lui. Il la força à se tourner vers la jeune femme vêtue d'une tenue d'escalade sur sa droite, en quête d'aide. Cette dernière lui sourit et lança un regard noir à la fée blanche, qui ne s'arrêtait plus. La personne assise sur la droite de Shiro et face à la jeune femme frappa du poing sur la table et fit taire l'Yvilis.

-Shiro ! tonna une femme à la charpente robuste, responsable du coup.

La jeune fée blanche se tourna sur sa droite et leva les mains en l'air, se rendant.

-C'est bon. C'est bon. Enfin, Ao n'a pas tort. Ces réunions sont plus qu'inutiles.

Il lança un regard luisant et sombre aux trois fées qui lui faisaient face.

-Trois d'entre nous ne sont pas d'accord avec nous et préfèrent se tourner vers le passé. N'avez-vous pas honte de trahir notre roi ? Syl ?!

Le vieil homme musculeux se redressa sur son assise et leva le menton bien haut en signe de réprobation.

-Nous ne faisons qu'avoir un avis différent du votre. Tu es le plus jeune parmi nous et je suis le plus ancien. J'ai de bonnes raisons de considérer que la présence d'un magister à notre tablé soit nécessaire.

-Qui plus est ! intervint la femme à l'équipement d'escalade complet. Tu as violé l'une des lois les plus anciennes en te rendant sur les terres de Dokkanze.

L'Yvilis fit rouler ses yeux dans leur orbite, ne voulant pas accorder d'importance aux paroles de ses deux compères. Puis il frappa la table de sa main et pointa la jeune brune qui lui faisait face.

-Je n'aurais pas eu à le faire si son frère ne s'y était pas rendu afin de surveiller la fille de Wase. Alors ne m'accuses pas en premier, Karah.

-Veux-tu bien laisser Sylvia en dehors de tout ça ?! C'est moi qui te parle ! s'exclama Karah.

Un claquement de doigt résonna dans la salle et les deux Vivialdes se turent, Shiro se réinstallant calmement. Les six fées se tournèrent vers le siège situé entre Ao et Karah. Un enfant aux mêmes cheveux blancs si caractéristiques de l'ordre se tenait à cette place et croisait les doigts devant lui, tel le président d'une grande entreprise.

-Nous n'avons pas le temps pour nous battre. Je n'ignore pas les différences entre vos avis, et mon père non plus. Cependant, la fille de Wase est accompagné d'un Spriggan plus que dangereux. Je ne veux pas prendre parti entre ceux qui veulent la mort de cette enfant et ceux qui veulent l'aider. Mais, mon père et moi souhaitons voir la tête de cette fée noire au centre de cette table.

Shiro serra les dents et les poings et, en face de lui, Sylvia baissa les yeux.

-Je sais que certains, ici, ont des liens avec ce Yuko. Ainsi, je pense qu'il serait préférable que ce soit ces mêmes personnes qui se chargent de lui. Shiro, Sylvia.

*

Un bourrasque secoua les quelques citoyens sur place et les intrigua quelques courtes secondes. Yuko venait d'éviter de justesse les hauts d'un clocher dans sa vitesse et était atterri en urgence quelques mètres plus loin. Il avait également arraché un cri à l'adolescente sur son dos. Celle-ci tituba sur quelques pas quand elle mit pieds à terre, encore sous le choc pour être passée si proche de la mort. Elle s'assit sur un muret en bordure de route et respira à grands coups, tentant de reprendre son calme et de ralentir son rythme cardiaque. Yuko restait relativement à l'écart, craignant qu'elle ne s'énerve pour l'accident dont il aurait pu être le responsable, mais la jeune blonde avait eu bien trop peur pour oser lui en vouloir.

Lorsqu'elle fut encline à se lever, elle porta enfin le regard sur le cité qui l'entourait. Hormis l'église qu'ils venaient de voir de près, elle fut assez surprise mais heureuse de voir une ville dont l'architecture lui laissait l'impression d'être chez elle. Chacune des habitations possédaient un jardin, elles semblaient équipées convenablement. Des enfants jouaient sous le regard d'adultes, parents ou grand-parents. La route au bord de laquelle ils se trouvaient était animée mais pas bondée. On pouvait en voir le bout sans que personne ne nous gêne. Des boutiques artisanales étaient présentes un peu plus loin. Quelques marchands de produits frais, comme des fruits et légumes, tenaient un stand temporaire à quelques mètres des deux amis, sur la place du bâtiment religieux.

Nora avait plutôt l'impression d'être de retour dans sa petite commune de campagne sud-vendéenne. Pendant qu'elle s'extasiait devant l'atmosphère si familier de la cité, Yuko demanda à un passant où il pourrait trouver un marchand d'équipement. Son renseignement pris, il interpella l'adolescente et ils déambulèrent dans les rues, empruntant des petits chemins de temps à autres. La jeune blonde put rapidement se rendre compte de la particularité des Stoïldres. Quand bien même les Spriggans, et les Yvilis d'après Yuko, seraient similaires aux humains de son monde. Elle avait découvert une toute autre culture chez les Sylvidres. Une culture qui lui avait grandement plu en surface, par ailleurs.

Du côté des fées de la roche, ou des montagnes, tous étaient châtains plus ou moins foncé et possédaient une épaisse ceinture de cuir à laquelle divers outils étaient accrochés. Marteaux, pieux, mousquetons, corde, petites pioches, ils en possédaient tous du plus jeune adolescent au plus âgés des centenaires. De plus, une cage de la taille et de la forme d'une orange était en possession de tous, quel que fût l'âge de la fée. Une boule de plumes colorées résidaient dans chacune d'elle. Le dernier élément que remarqua l'adolescente fut le port d'un long et épais manteau de cuir chez certains Stoïldres. Devant les regards émerveillés et parfois perdus de la lycéenne, Yuko expliqua que les petites créatures étaient des animaux présents uniquement dans les mines qui bordaient la cité et qu'ils leur servaient à s'éclairer dans ces dernières.

-Et les manteaux représentent le niveau des mineurs ? supposa Nora.

-Le niveau ? Leur grade ? Tu veux dire. Oui, un mineur débutant n'aura pas un énorme équipement comparé au mineur aguerri.

Après quelques minutes de marche supplémentaires, Yuko s'arrêta devant la boutique d'un couturier. La devanture était décorée de pierres 'dites' précieuses qu'avait assurément dû récolter le propriétaire dans les mines où l'entièreté des Stoïldres se rendait au moins une fois dans sa vie. Des vitrines présentaient diverses ceintures, sacs, cages à oiseaux, et manteaux différents. La couleur et les tailles étant ce qui les différenciaient le plus entre eux.

Le Spriggan entra dans la boutique et Nora lui emboîta le pas. Elle se plaça à sa gauche pour admirer l'intérieur bien plus vaste qu'il n'en paraissait. Une femme apparut derrière le comptoir et les salua avec le sourire :

-Bienvenue dans notre boutique, puissiez-vous trouver votre bonheur ou demander nos services directement. oh...

Elle se tût et observa les deux amis chacun leur tour.

-Il est rare de voir un humain par ici, encore moins accompagné d'une fée.

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