Chapitre 12 : La cité blanche.

-Ne faites aucun bruit. chuchota Yolda à l'adresse des deux adolescentes.

Le Spriggan aux cheveux longs avait été contraint de marcher pour guider les deux lycéennes. Contrairement à son ami, Yuko, lui ne pouvait pas les porter toutes les deux en même temps sur de longues distances ou pendant très longtemps. Ils étaient donc partis pour une randonnée pédestre au fond de la faille des mille douleurs. L'environnement était très vallonné et rendait difficile les déplacements avec ses nombreuses cavités ou ses nombreux rochers et stalagmites. Après une demi-journée de marche, le trio s'était retrouvé aux abords d'une rivière qui se jetait dans une de ces nombreuses cavités. Ils s'étaient permis de se servir quelques gorgés mais le Spriggan s'était brusquement figé, inquiétant les deux adolescentes. Ils étaient en train de partager le point d'eau d'un troupeau de rhinocéros. Yolda guida silencieusement les deux filles derrière des rochers afin de quitter tout angle de vue pour les bêtes sauvages.

-Surtout... pas un bruit... répéta-t-il en tremblant.

-Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Léa.

-C'est un troupeau d'élevage. On ne doit surtout pas les alerter. Ni eux, ni leur propriétaire.

Le brun observa attentivement les environs, à la recherche d'un moyen pour passer de l'autre côté sans attirer le moindre problème. Lou-Anne tapota sur son épaule et lui indiqua l'entrée d'une grotte sur la droite.

-Il va bientôt faire nuit. J'imagine que le berger ne va pas laisser ses bêtes ici pendant la nuit. On n'a qu'à attendre là-bas en attendant. proposa-t-elle.

Le brun approuva l'idée et s'assura qu'aucun rhinocéros ne regardait dans leur direction avant de traverser la zone qui les séparait d'un autre rocher pour se cacher. Il s'assura une seconde, puis une troisième fois qu'aucun membre du bétail n'observait pour permettre à chacune de ses camarades de le rejoindre. Ils avaient encore une dizaine de mètres à parcourir et seulement quelques rochers pour se cacher sur la route. Ils réitérèrent l'action par deux fois jusqu'à ce qu'ils ne doivent s'interrompre. Léa était encore de l'autre côté lorsqu'un jeune rhinocéros décida de s'écarter du groupe pour jouer dans l'eau non loin d'elle. Yolda lança un regard en coin en direction du troupeau et entraperçut l'éclat d'une paire d'ailes blanches.

-Couche-toi. ordonna-t-il à Lou-Anne.

Il en fit de même et indiqua à la rousse de les imiter par quelques signes vifs. Se trouvant collé au rocher et laissant l'adolescente à ses côtés bien plus à l'écart, Yolda se vit obligé de se déplacer afin de la mettre plus en sécurité que lui-même. Il n'hésita pas à passer au-dessus d'elle, tout en essayant de ne pas trop se relever, et, ceci fait, lui dit de se coller au rocher qu'il venait de quitter. Il ne prêta pas attention au rougeur qui venait de prendre le visage de la jeune fille et reporta son attention vers le rhinocéros dissident.

-Eh bien. Tu t'es perdu ? Retournes auprès de ta mère. déclara une fée aux ailes blanches immaculées.

Le berger guida son animal jusqu'au reste du troupeau à l'aide d'un objet qui ressemblait à une canne à pêche et finit par s'éloigner. Yolda se redressa et s'assura une énième fois que la voie était libre et indiqua à la rousse qu'elle pouvait les rejoindre. Ils atteignirent ainsi la caverne qu'avait aperçu Lou-Anne et s'y installèrent dans l'intention de patienter.

Au bout de quelques minutes, Léa éternua à deux reprises et Lou-Anne se figea sur le mouvement de quelques mèches de cheveux qui ne s'étaient pas prises dans sa coiffure.

-Il fait froid... fit remarquer la rousse en se frottant les bras.

-Yolda ? appela la seconde adolescente. Si il y a du vent qui émane d'une grotte...

-C'est qu'il y a une autre sortie, oui. Pourquoi ?

-Dans ce cas, on a peut-être pas besoin d'attendre la nuit pour sortir de cette faille.

Elle sortit son téléphone de la poche arrière de son jean et alluma sa lampe pour chercher le couloir par lequel l'air accédait pour les rejoindre. Ils le trouvèrent rapidement et découvrirent un trou qui remontait diagonalement vers la surface. On pouvait même y voir un lointain point de lumière extérieure. Désormais, ils n'avaient plus qu'à le remonter mais de nombreuses pluies et nombre de glissements de terrain avait rendu le sol de la cheminée presque impraticable et lisse. Yolda inspecta les parois et s'assura de la régularité des striures dans la roche sur une certaine distance.

-Je vais passer devant pour assurer le chemin. Surtout faites attention avec les stries, les pierres sont tranchantes par endroit.

Il entra tête la première et de dos dans la cheminée et s'aida en premier lieu de ses mains pour se hisser sur un mètre ou deux. Puis il trouva des points d'appuis pour ses pieds et ainsi observer les points d'accroches suivants.

-N'hésitez pas à vous salir les vêtements. Je sais que ça peut être très gênant mais on a pas trop le choix pour le moment. ajouta-t-il avant de reprendre sa lente ascension.

Les deux adolescentes entrèrent dans le périlleux tunnel en diagonale à sa suite, Lou-Anne en première, suivie par Léa qui fermait la chaîne.

« -Surtout, ne relève pas la tête... Ne la relève pas... Même si tu lâches. » se répéta-t-elle dans la tête afin de se rassurer. La cavité était tout juste assez large pour leur permettre de passer en longueur, mais si ils avaient le malheur de se relever un tant soit peu... Ils se prenaient le toit du tunnel et les potentiels stalactites qui y résidaient par endroit. Malgré les cent mètres qui les séparaient à l'origine de la surface, ils n'eurent aucune notion du temps. Le Spriggan ne prêtait qu'attention aux deux filles qui le suivait et à la sécurité du chemin empruntable. Tandis qu'elles, ne pensait qu'à leur sécurité commune, craignant à tout moment d'échouer et, bien plus que de se blesser, de se tuer. Lorsque le brun sentit enfin la brise crépusculaire lui caresser le front, il se hissa de toutes ses forces restantes hors de la cheminée.

Il se retrouvait au beau milieu d'un immense marais. L'eau croupie et marron, les nombreux roseaux et plantes propices aux milieux aqueux, et quelques arbres dont les racines étaient par conséquent gorgées d'eau. Il tendit sa main à Lou-Anne et l'aida à sortir du trou avant d'à nouveau se pencher vers le tunnel pour venir en aide à Léa. Cette dernière était encore un peu en retrait. La jeune fille auburn, qui se tenait désormais derrière lui, étouffa un cri et le Spriggan sentit une pic tranchant et glacial se poser sur sa nuque.

-Aide ton amie à sortir et ne fais plus un geste, Spriggan ! ordonna alors le propriétaire de la lame qui menaçait Yolda.

Le brun risqua un regard vers lui et fut désagréablement heureux de tomber sur une fée aux cheveux blancs. Tant qu'il ne s'agissait pas d'un Vivialde, il ne pouvait pas mieux advenir que de tomber sur un Yvilis. Certes les fées noires et les fées blanches ne s'aimaient pas plus que les relations n'étaient développées. Mais entre les deux plus grandes puissances armées du peuple féerique, il n'allait pas se permettre de lui désobéir. Il se retourna vers le trou et attrapa la rousse pour l'aider à sortir. D'un signe de la main, il lui dit de se taire et ne rien faire.

-Sais-tu que tu te tiens sur le territoire Yvilis ? Spriggan ! questionna alors l'Yvilis, maintenant son trident en direction du brun.

-Oui...

-Sais-tu ce qu'il risque de t'en coûter ?

-Oui... Mais...

-Silence ! Que font donc ces humaines en ta compagnie ? Cela, seul le conseil des sages sera à même d'en juger.

Le guerrier Yvilis siffla entre ses doigts et cinq autres fées blanches atterrirent autour du petit groupe.

-Attachez-les et fouillez le Spriggan. ordonna-t-il aux autres qui s'exécutèrent sans attendre.

L'un des soldats s'approcha de Léa, lui pinça le nez afin qu'elle ouvre la bouche et lui fit avaler un cachet de force. Un second Yvilis fit la même pour Lou-Anne. Les deux adolescentes disparurent dans la seconde et les deux Yvilis s'envolèrent en direction de l'immense île qui flottait au-dessus de leur tête, à plusieurs centaines de mètres. Parmi les autres, deux d'entre-eux attrapèrent Yolda par les bras et partirent à la suite de leur collègue. Les derniers restèrent sur place et se mirent d'accord sur les chemins de rondes à effectuer.

Léa et Lou-Anne toussèrent en cherchant à recracher ce qu'ils leur avaient fait avaler mais remarquèrent très vite que le décor avait changé. Devant elles se dressait une immense tour d'ivoire, surplombée d'une prisme octo-faciale d'un éclat transparent. La ville qui s'offrait nouvellement à elles était entièrement blanche. Du moindre petit gravillon de la route à la cime des clochers, le bois, la pierre, l'argile, la brique, les métaux, toutes les infrastructures étaient d'un blanc pur. L'herbe, les plantes et les arbres n'en ressortaient que bien plus et attiraient bien plus le regard que dans la cité Spriggan, dans laquelle aucune des deux jeunes filles n'y avaient vraiment prêté attention.

Les deux Yvilis qui leur avait fait consommer quelque chose d'étrange se posèrent dans leur dos et leur ordonnèrent d'avancer en direction de la tour. Les adolescentes ne manquèrent pas de remarquer le regard inquiet et parfois méprisant des habitants qu'elles croisaient. Certains parents cachaient les yeux à leurs enfants, leur ordonnaient de rentrer ou les cachaient derrière eux en apercevant les lycéennes.

-Vous n'auriez jamais dû suivre votre amie ! tonna une voix que reconnurent les deux filles.

Au-dessus de la porte d'entrée de la tour d'ivoire, Shiro se tenait allongé sur le contrefort du bâtiment. Se sachant remarqué, il se redressa et sauta juste devant les adolescentes.

-Sauf votre respect, messire... intervint l'un des soldats.

-...Nous devons nous rendre auprès du conseil des sages pour demander conseils. Elles se trouvaient accompagnées d'un Spriggan. poursuivit le second.

-Je sais. Je sais. Je ne faisais que les saluer, elles m'ont servi de camarades pendant quelques heures.

Il se tourna vers Léa et Lou-Anne et se pencha vers elle.

-Faites attention aux autres Vivialdes. Ma mission consiste en la capture de votre amie, mais si Nor apprend pour votre présence ici...

Il se redressa et lâcha un sourire de surface.

-Le conseil n'est pas méchant. Soyez honnêtes et tout ira bien.

Le Vivialde des Yvilis passa entre les deux adolescentes, apposant une main sur l'épaule de chacune d'elles. Les deux lycéennes sentirent la corde serrée autour de leurs poignets se desserrer. Elles ne ressentaient plus leur présence. Shiro tendit les mains en direction des deux soldats. Les cordes se trouvaient dans le creux de sa paume, réduites à l'état de brindilles et de copeaux.

-N'attachez plus d'humains inoffensifs comme ça. annonça-t-il à l'adresse des deux Yvilis. Ou alors, auriez-vous chercher à montrer une certaine opposition aux lois de l'ordre Vivialde ?

Les deux soldats pâlirent à une vitesse folle et des gouttes de sueurs grosses comme des pupilles perlèrent sur leurs tempes. Sans attendre une remarque supplémentaire, ils s'agenouillèrent et s'excusèrent plus d'une fois auprès du jeune homme.

-Qu'il ne me reprenne plus de croiser un quelconque être humain attaché aux mains d'un de mes semblables. acheva Shiro avant de reprendre son chemin, à l'opposé de la tour d'ivoire.

-Comme si il était toujours l'un des nôtres... rétorqua l'un des deux guerriers en serrant les dents.

-Tais-toi. paniqua son collègue.

-Ne te préoccupes pas de son sort, jeune soldat. reprit Shiro après s'être arrêté à cinq mètres d'eux. J'ai l'ouïe fine.

Une gerbe de sang gicla sur le sol pavé et tâcha le blanc si parfait et pur de la cité. L'Yvilis ayant fait la remarque désobligeante envers le Vivialde vit sa tête rouler sur le sol, et son corps se raidir et s'étaler de tout son long.

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