Chapitre 1 : Garçon

L'adolescente ressortit de la salle d'eau, une serviette nouée sur la tête et vêtue pour l'extérieur. Elle profita de la faible lumière émise par l'aurore pour descendre l'escalier et se rendre dans la cuisine. Sa main tâtonna à la recherche de l'interrupteur pendant quelques secondes. L'ampoule l'éblouit soudainement de sa lumière blanche et pure, elle avait trouvé le bouton. Elle prit son petit-déjeuner quotidien, bien que jusqu'à aujourd'hui elle ne le prenait que bien plus tard, et finit par voir le message sur son téléphone.

« C'est bon, je serai pas en retard... » fut la réponse qu'elle donna.

Habitant en campagne, elle se devait de prendre le bus pour aller à son lycée et ce dernier passait dans une quinzaine de minutes. Bien que n'ayant aucune envie de se rendre dans un bâtiment pour rester sur une chaise et écouter des adultes, elle remonta prendre son sac et retira la serviette de sa tête. Ses cheveux blonds et toujours légèrement mouillés lui tombèrent sur les épaules, elle les replaça dans son dos en les peignant grossièrement d'un passage de la main. Elle se regarda dans son miroir pour voir son travail bâclé, son regard se posa une nouvelle fois sur les marques mauves qui ornaient ses joues.

On pourrait d'abord croire qu'elle était une adolescente ne prenant pas grand soin de son apparence, mais elle n'aimait juste pas se regarder dans un miroir à cause de ces deux traits mauves qui lui décoraient chaque joue. Quinze ans qu'elle se les coltine, quinze ans que sa mère lui répète que c'est de naissance et que c'est joli sur son minois. Bien sûr elle n'avait pas trop à s'en plaindre. Elle ignorait toujours les remarques désobligeantes sur elles et tombait sur beaucoup d'adultes qui appréciaient celles-ci et la complimentait. Outre ces marques, elle était une adolescente normale, relativement fine et ne possédant pas une poitrine très développée. Elle se plaçait parmi les personnes dont on ne fait pas trop attention quand on les croise.

Elle redescendit et sortit pour se rendre à son arrêt de bus.

-Nora !

La voix venait de la porte qu'elle venait de passer. Une enfant plus jeune qu'elle, et brune. Elle se tenait sur le pas de la maison, en pyjama, et maintenait une main sur la poignée.

-Qu'est-ce qu'il y a Sylvia ? demanda l'interpellée.

-Tu vas où ?

-En cours, les vacances sont finies...

-Ah... Je t'y suivrais pas pour aujourd'hui.

-T'inquiètes.

Sylvia referma la porte derrière elle et Nora reprit la route vers son bus afin de débuter sa seconde année de lycée. Elle était de la dernière génération du baccalauréat à la façon napoléonienne et s'était décidée à un Bac S, SI sciences de l'ingénieur.

Elle ne se voyait pas devenir ingénieure, ni même prof dans ce domaine. Elle avait surtout dû faire un choix en fin de seconde et, en tant qu'élève peu studieuse malgré des notes correctes, elle avait pris la filière qui la dérangeait semble-t-il le moins. Cependant, même en ayant fait ce choix, elle savait qu'elle aurait difficilement la moyenne puisque contrairement à son amie, elle, elle ne travaillait presque jamais. Elle se voyait plus auteure ou illustratrice, c'était deux passions qu'elle pouvait unir aisément. Sa meilleure amie lui avait demandé pourquoi elle n'avait pas pris L et sa réponse avait été : « Aucune envie précise, j'ai pas l'intérêt d'avoir un Bac. »

Entrée dans le bus et installée à la première place qu'elle trouva de libre, elle lança sa playlist dans ses écouteurs et ferma les yeux pour la petite demi-heure de trajet qui l'attendait. Toutefois, elle ressentit un certain malaise, comme si elle était observée.

Grâce à sa vision périphérique, elle pu apercevoir qu'on la regardait sans relâche, certainement un garçon selon l'allure. Ce même sentiment se poursuivit pendant sa marche pédestre jusqu'au lycée, et elle le voyait de manière furtive à chacun des quelques coins de rues à parcourir. S'arrêter et lui demander pourquoi il faisait ça lui était impensable. Elle n'était pas particulièrement timide et était au contraire facile à énerver, mais elle avait une immense flemme d'agir et se disait rationnellement qu'elle ne craignait rien de lui.

**

-Salut Nono. s'extasia calmement une adolescente de son âge en la prenant dans ses bras.

-'Lut Léa. marmonna Nora.

Léa Beaumeny était la meilleure amie, la seule amie, et l'amie d'enfance de Nora. Elle veillait un peu sur elle comme une mère. Elle se trouvait bien plus mature et rationnelle que son amie blonde.

Son physique soigné faisait trop soigné à côté de Nora. Une tresse rousse parfaitement bien nouée et placée par dessus son épaule. Une tenue qui n'était jamais prise au hasard dans son armoire et aux couleurs dans les meilleures fusions.

Les deux amies étaient plus que plus fusionnelles. Comme un œil avec son homologue. Comme le radius et le cubitus. Elles étaient inséparables depuis la maternelle. Enfin presque, leur choix de filière les sépareraient pour la plus grande partie de leur temps au lycée. Malgré ça, Léa avait juré auprès de Nora qu'elle la protégerait tant qu'elle serait en vie ; « Je pourrais quitter le cours ou même abandonner un contrôle, si il le faut » lui avait-elle dit. Une promesse qu'elle avait faite suite à une agression soldée par un échec fort heureux pour l'adolescente en seconde.

Les deux amies déambulèrent dans le couloir menant au second hall du bâtiment, celui auquel elles se rendaient depuis leur entrée au lycée.

-Tu as encore fait une nuit blanche ? Ça m'étonnait que tu sois à l'heure pour une fois. fit remarquer la rousse.

-Pas du tout. rétorqua la blonde. Il m'arrive de me réveiller à l'heure, pas besoin de ne pas dormir. Je suis juste fatiguée... Toi, t'as de la chance d'avoir seize ans. Tu pourrais arrêter l'école si tu le voulais.

-Tu les auras dans plus d'un mois. De toute façon, je t'empêcherai d'arrêter ton bac !

-Je sais. De toute façon, ça m'ennuierai trop de plus aller en cours... C'est vicieux l'éducation, t'as envie d'être en vacances, puis d'y retourner quand tu es en vacances...

Une heure plus tard, les deux amies se virent séparées par leur filière. Elles durent se rendre dans des salles différentes pour rencontrer leur professeur principal respectif, leur classe et enfin l'emploi du temps. La grande majorité de sa classe attendait déjà devant la salle et elle les ignora lorsqu'elle se plaça derrière la totalité de la file. Une fois entrée, elle ne dérogea pas à cette place et s'installa au dernier rang, côté fenêtre.

Le prof était un professeur de physique-chimie. Il revêtait sa blouse blanche qui allait de pair avec ses cheveux parfaitement immaculés. Une grosse valise de voyage posée sur la table qui lui était destinée, il en sortit des documents qu'il fit distribuer par les premiers rangs. Puis vint le document, celui que n'importe quel élève attend pour son bonheur... ou malheur. Lorsqu'elle vit le petit paquet passer des mains du professeur à celles d'un camarade de classe, elle se souvint qu'ils étaient nominatifs. Le possesseur du paquet demandait l'aide des autres lorsqu'il ne connaissait pas la personne. Désormais elle redoutait que vienne son tour, heureusement elle pouvait être la dernière de la liste avec de grandes chances. « Wase » commençant pas un W, il était rare d'avoir des noms de familles allant aussi loin dans l'alphabet. Elle fut bien la dernière à le recevoir et le distributeur ne chercha pas à savoir qui s'était puisqu'il n'était pas encore aller tout au fond pour distribuer.

-Bien, je vais faire l'appel et préciser certains détails pour qu'on s'assure ensemble qu'il n'y a pas d'erreurs. déclara le seul adulte dans la salle.

Pendant que le prof effectuait sa tâche, elle put contempler son emploi du temps, toujours aussi appréciable pour elle. Elle et sa mère étaient parvenues à, une année supplémentaire, lui libérer son après-midi. Nora n'allait plus en cours l'après-midi depuis sa CE2, sous prétexte médical. Mais la raison était tout autre selon elle puisque jamais elle n'avait vu de médecins hors des raisons communes comme les rendez-vous dentaires, ou les rappels de vaccins. Heureusement pour elle qu'elle n'avait aucun mal à récupérer les cours auprès de n'importe qui et que sa mémoire visuelle était performante.

-Nora Wase, 13 octobre 2002, SI, anglais lv1, pas de lv2. annonça enfin le professeur.

-Oui. affirma-t-elle d'une voix endormie, ignorant la mauvaise prononciation de son nom.

Elle put voir quelques têtes se retourner vers elle mais aussitôt revenir au prof.

-Donc, je suis monsieur Harry et je serai le professeur de physique-chimie d'une partie d'entre vous. C'est un système bizarre, on est d'accord. Mais ils ont fait ça comme ça donc on va faire avec. Pour tout ce qui sera de l'ordre administratif, je partagerai avec ma collègue qui se charge de l'autre groupe, madame Roseau.

Une main se leva et le prof lui donna la parole presque immédiatement.

-Pour l'élection des délégués ?

-Oui. Elle aura lieu début octobre normalement. Ceux qui souhaiterait s'y présenter peuvent déjà réfléchir à leur suppléant et aux arguments pour se faire élire. Par ailleurs, vous commencez les cours dès cet après-midi, selon votre emploi du temps.

**

La sonnerie retentit pour annoncer la pause de dix heure et la quasi-totalité de la classe sortit pour se rendre auprès de leurs amis dispersés dans d'autre classe. Nora, elle, préférait rester sur place plutôt que de devoir marcher inutilement, et puis... Elle savait que Léa viendrait directement à elle, inquiète comme à son habitude. Pourtant, ce fut une autre personne qui se positionna devant sa table, un garçon brun de sa classe à supposer. Il lui tendit la main, un sourire sur le visage.

-Yuko. Enchanté.

"Un prénom étranger ? Il a pourtant l'air d'être d'origine européenne, et pourquoi est-ce qu'il vient me voir ?" L'adolescente ne comprenait pas vraiment pourquoi ce gars venait la voir elle alors qu'elle n'avait rien de plus que certaines dans la classe. Si c'était parce qu'elle semblait épuisée et donc être une proie facile, elle avait bien l'intention de lui prouver le contraire.

-Nora... B'jour... répondit-elle, tout en ignorant la main tendue.

L'adolescent prit la chaise de la place juste devant et s'y installa. Dans le mauvais sens pour se tenir face à elle.

-Tu m'as pas l'air très contente d'être là, toi... On sera deux. reprit-il, souhaitant certainement lancer la conversation.

-Avant que tu t'imagines quoi que ce soit... oublie. J'ai pas l'intention de sortir avec quelqu'un...

-Moi non plus. Je te connais simplement par une photo que m'a passé un ami.

Il est idiot ou quoi ? Pourquoi il me dit clairement que quelqu'un m'a prise en photo à mon insu ? Il a même pas l'air de peser ses mots...

-Nono. s'exclama une voix avant de me serrer dans ses bras.

Léa venait d'arriver et d'intervenir pour la protéger de ce garçon qui ne semblait pas digne de confiance selon elle.

-Ah oui, ton amie qui est aussi sur la photo. lâcha le jeune.

-Ton emploi du temps est toujours aussi vide... soupira Léa. Faudra que ta mère t'explique pourquoi c'est comme ça, un jour. Je m'inquiète pour ton bac après...

-Ça m'arrange perso.

-Je sais bien que ça t'arrange d'avoir tes après-midi de libre, mais ce sera pas comme ça dans le monde adulte. En plus, tu traînes à rentrer chez toi...

La sonnerie retentit une seconde fois pour annoncer la fin de la pause et quelques minutes plus tard, la classe était de retour. La rousse était retournée auprès des L et l'adolescent était retourné à sa place et dormait à tête reposée sur ses bras. Après deux heures où le professeur principal de la classe expliqua le déroulé de l'année et l'importance des trimestres de première pour le post-bac, la sonnerie libéra les élèves pour manger.

Nora ne fut pas surprise de voir bon nombre d'élèves prendre la direction du portail. Dès ses années de collège c'était des dizaines d'adolescents qui préféraient manger à l'extérieur plutôt que d'avoir à manger la nourriture de la restauration scolaire. Elle ignorait quels en étaient les goûts mais vu le nombre d'élèves préférant s'acheter un sandwich-triangle à la grande surface du coin, elle ne pouvait qu'imaginer.

En chemin pour la gare routière afin de prendre un bus pour rentrer à son village, elle s'arrêta pour se retourner sur le garçon de tout à l'heure. Il l'avait suivie.

-Qu'est-ce que tu fais, toi ?

-Je me rends aux bus. Comme toi.

Devant une telle réponse, elle ne pouvait que reprendre sa marche même si ça lui déplaisait de se savoir suivie.

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