Chapitre 9

I

Cela faisait maintenant une semaine que Kal avait décidé de rejoindre le camp du Mage. Ils avaient voyagé dans un silence de marbre, ou du moins la plupart du temps, puis ils avaient fait halte quelques jours durant à l'auberge, pour que Kal récupère de ses blessures. Étrangement, l'homme l'avait soigné avec grande précaution, et avait mis un point d'honneur à son bon rétablissement. Evrard réussit même à ne laisser qu'une seule cicatrice de la brûlure qu'il avait infligée au jeune homme. Le Chasseur trouvait cela très étrange, mais ne demandait rien, pour ne pas installer un climat de méfiance. Il n'en voyait pas l'utilité. Kal ne le suivait que pour accroître sa puissance, alors à quoi bon poser des questions inutiles ? Surtout que si par malheur, il apprenait des choses dont il n'aurait jamais dû avoir vent, il était fort possible que le Mage se mette en tête de l'éliminer...

Malgré tout, même s'il n'avait aucune envie de se montrer désagréable avec Evrard, ce dernier lui avait tout de même calciné ses vêtements, et pour ça, il lui en voulait plus que pour n'importe quoi. Ses vêtements étaient quelque chose qui possédaient beaucoup d'importance à ses yeux, alors même s'ils étaient déjà abîmés, le jeune homme aurait bien aimé qu'ils ne soient pas détruits de cette façon. Ils permettaient sa protection, lors des combats. Sans eux, Kal était vulnérable, et être en position de faiblesse en présence d'un inconnu était assurément une mauvaise idée. Alors, il avait exigé d'en obtenir de nouveaux. Le Mage n'eut d'autre choix que d'accepter, au vu du ton que le jeune Chasseur avait employé.

Les deux compères, avec une mine fatiguée, chevauchaient un sentier qui slalomait entre de nombreux lacs. Ces derniers permettaient à une végétation assez rare de s'épanouir, rendant le cadre agréable à regarder, ce qui n'était pas pour déplaire à Kal. De petites fleurs violettes et blanches décoraient le sol. A la surface des lacs, se trouvait parfois quelques nénuphars abritant poissons et grenouilles. A leur gauche, à bien plusieurs centaines de mètres plus loin, une cascade alimentait un lac. Le paysage demeurait très singulier. A gauche, un grand mur de roche grise et blanche d'où tombait la cascade, à droite, un ravin où à son pied poussait une grande forêt, que les compères ne voyaient pas. Le niveau sur lequel avançait les deux cavaliers se trouvait être très vaste, tout comme les lacs qui y était fondés. On ne pouvait que deviner ce qui se logeait au-dessus de ce mur, et après ce ravin. Dans le ciel bleu parsemé de nuage, on distinguait par moment quelques créatures voler, telle que dès Lirmydes ; des créatures dociles, qui servaient de monture dans certains pays. Elles avaient la tête d'un gros oiseau, mais possédaient des crocs acérés. Ces Créatures grises, malgré un apparence lourde, étaient en réalité très agiles. Elles avaient un long cou, et qui avec leur queue, leur permettait d'attraper toutes sortes de choses et de chasser. Ces monstres ne possédaient, à l'instar des oiseaux, que deux pâtes, très imposantes et musclés. Leurs cuisses devaient au moins mesurer trois fois la tête de Kal, mais elles restaient proportionnelles au reste du corps. Cependant, ce qui différenciait réellement ces Créatures, n'était pas leur docilité, ni leur agilité, mais plutôt leurs ailes. Elles en possédaient quatre. A l'inverse de leur corps qui était recouvert de duvet, leurs ailes étaient recouvertes d'écailles et de peau.

La seule chose qui perturbait cette ambiance appelant au calme, était les gestes saccadés d'Evrard qui balayait les moustiques autour de lui, tout en faisant par au jeune homme de tout ce qui lui passait par la tête.

- Tu gardes sans cesse un visage aussi fermé ?

- Tu veux que j'adopte quelle expression ?

- Ne te fâche pas... Ce n'était qu'une simple question. Rien de plus, rien de moins.


Kal ne répondit pas. Il ne le portait pas dans son cœur. Ils étaient différents en de nombreux points, notamment sur leurs convictions. C'est d'ailleurs pourquoi, Kal trouvait étrange qu'Evrard ne l'ai pas tué. Il n'en voyait pas la raison. Il trouvait cela totalement absurde, d'une certaine façon. Pourquoi avoir besoin de quelqu'un qui ne partage pas son opinion ? Le jeune homme avait beau se creuser la cervelle pour trouver une explication logique, rien de plausible ne lui venait à l'idée. Ainsi, il se décida à poser sa question :

- Je sais que tu as besoin de moi. Mais pourquoi ? Que puis-je t'apporter ?

- Tu es quelqu'un de spécial. Très spécial même. Tu n'es pas sans savoir que tu es un Chasseur d'Ombres. Mais tu dois aussi avoir conscience de la rareté de ta race. Ton Éveil est une aubaine pour les gens comme moi. Surtout toi, particulièrement.

- Précise.

- Eh bien... On va dire qu'il y a un Éveil de quelqu'un comme toi, une fois tous les cinq à dix ans. Ce n'est pas énorme, comme tu peux le constater. De plus, votre gène ne vous permet pas seulement de ressentir ces puissantes Créatures, et de les combattre. Non... Il vous permet aussi de prendre possession d'un pouvoir immense. Aussi puissant que dévastateur. Ce pourquoi, je veux t'entraîner pour accroître ta puissance, et ainsi t'amener à la maîtrise de ce trésor.

- Je suis donc une arme dont tu comptes te servir dans l'objectif de réaliser tes dessins ?

- En quelque sorte, oui.

- Et quel est ce pouvoir, au juste ? Histoire que je sache dans quel merde je viens de m'empêtrer...

- Patience, je t'en dirai plus quand une relation de confiance se sera installée entre nous. Pour l'instant, ça serait bien trop dangereux.


Pour une fois, Kal était bien d'accord avec lui. En savoir trop d'un coup n'était pas forcément une bonne chose, puisqu'il serait forcément redevable à un moment. Tandis que si du temps s'écoulait, les informations échangées se rapprocheraient peut-être plus du statut de banalité.

Ils ne discutèrent pas pendant un moment, mais le jeune Chasseur prit soudain conscience qu'il ne connaissait pas le nom de leur destination, ni ce qu'ils allaient y faire.

- Pourquoi ne m'as-tu pas d'emblée dit où nous allions ?

- Je pensais que tu me demanderais par toi-même, lui répondit-il toujours caché derrière sa grande capuche.

- Et donc ?

- Nous allons dans un lieu assez particulier. As-tu déjà entendu parler de Dragsard ?

- Simplement de nom.


En vérité, il connaissait cette ville. Il en avait déjà entendu parler, puisqu'il l'avait étudié lors de son apprentissage au Temple. Par conséquent, Kal savait l'essentiel de ce qu'il y avait à connaître. C'est son côté prudent qui le mettait en garde contre cet individu, et qui le poussait à observer ses réactions. Allait-il lui dire tout ce qu'il savait, ou lui cacherait-il des choses ? Il ne tardera pas à être fixé.

- C'est une ville qui possède un grand patrimoine, et une longue histoire assez sombre. Elle a été bâtie, il y a de cela des siècles pour protéger les hommes du Dragon Noir. Notre Divinité. À cette époque, il était considéré par la population comme un être agressif et sans pitié. Tout comme les Chasseurs, puisqu'ils le défendaient. Mais un jour, alors que pour la énième fois un conflit éclatait entre les inférieurs et les Chasseurs, un groupe de personnes masquées, avec pour emblème une cape, des gants, et des bottes blanches vint se placer entre les deux camps. La scène se déroula entre la maison du chef de ville et la fontaine à vœux. Au début, tout le monde s'attendait à un discours prônant la paix et l'harmonie. Mais quelle fut la stupeur de la foule quand un des membres du clan prit la parole, incitant à la haine envers les inférieurs. Un combat éclata alors entre les trois camps. De cette bataille, naquit les Pacifistes et les Écorcheurs blancs. Ces derniers, comme tu le sais déjà, parcoururent le pays entier pour faire régner leur culte. La population mit tous les Chasseurs dans le même panier. C'est alors que pour se soigner et se consoler, les Pacifistes, et les rares qui n'étaient pas de sang aspirant à la paix, se rejoignirent dans Dragsard.


Le Mage regarda Kal pour tenter de le sonder, mais il fut bien aisé de comprendre que ce dernier était un vrai mur. Il ne laissait rien paraître. La seule chose que le garçon trouva à dire fut :

- Tu n'es pas un Mage, et tu haïs au plus profond de toi les hommes qui ne possèdent aucun pouvoir. Puis, comme si ça ne suffisait pas, tu détestes même les hommes qui ne sont pas de sang et qui veulent la paix... Mais qui es-tu ?

- Comment peux-tu dire que je ne suis pas un Mage, s'étonna-t-il d'une voix surjouée.

- Tu as aussi pour Divinité le Dragon Noir. Les Mages n'ont d'yeux que pour la Divinité de la mort, tout comme les Créatures de la nuit. Je réitère ma question, qui es-tu vraiment ?


Les deux hommes continuaient leur périple à travers une forêt, dans une ambiance tendue. Kal désirait une réponse, qu'il obtiendrait. Peu importe par quel moyen.

- Réponds, ordonna-t-il sèchement.


Alors, toujours de sa voix fausse, celui qui prétendait être un Mage, s'expliqua :

- En vérité, je suis ce que l'on peut nommer de Possèdeur, il marqua une pause et reprit d'une voix plus douce, c'est assez long à expliquer, et tu en sauras plus bientôt, quand j'aurai pleinement confiance en toi. Pour simplifier la chose, mon corps peut servir de réceptacle à toute sorte de magie ou de don. En fonction de la nature de ces derniers, je peux les combiner.

- C'est-à-dire que ton corps ne sert pas uniquement de réceptacle à ton Esprit ?

- Le corps des peuples de sang, comme toi par exemple, n'est pas un réceptacle exclusif à ton Esprit. Il y abrite aussi ta force de Chasseur, donc ton héritage magique.

- Oui, bien sûr, mais mon corps reste sous le contrôle de mon Esprit en cas de besoin. De plus, mes souvenirs et émotions sont dédoublés dans mon unique Esprit. Tout comme ma source d'énergie primaire provient de ce seul Esprit. Est-ce le cas pour toi ?

- Si ta question est : puis-je avoir deux Esprits dans le même corps, la réponse est oui. Mais c'est une propriété extrêmement difficile à acquérir, et très dangereuse...


Le jeune Chasseur prit son temps pour répondre. Il était intrigué par cette nouvelle, mais à la fois très méfiant. Allait-il regretter de l'avoir suivi ? Il analysa son compagnon de voyage, sans rien dire. Tout en lui était mystérieux, et difficile à caractériser. C'était très intriguant.

- Je pense que tu ne me confieras rien, mais, cependant, puis-je faire une hypothèse ?

- Tout ce que tu voudras.

- Tu recherches un pouvoir précis et tu as besoin de moi pour le trouver

- Nous arriverons en ville dans deux jours.


Kal s'engouffra dans le trou noir de ses pensées. L'idée de servir d'appât ne lui plaisait guère. Mais n'était-ce pas un mal pour un bien ?

Hey !

J'espère que vous allez bien, et que ce chapitre vous a plu !

A vendredi :)

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