Chapitre 4 - 1
I
- Kal je t'en supplie, fais attention à toi. On ne sait jamais ce que le roi a derrière la tête. Ta blessure est fraîchement remise, tu ferais mieux de-
- J'ai une dette envers lui, et j'en ai assez de m'empoter à ne rien faire. Alors je vais aller le voir maintenant, que tu sois d'accord ou non. Merci pour tout, lui répondit-il avec une pointe d'énervement dans la voix.
Vêtue d'une robe vert émeraude, elle s'approcha de lui, le regard fixe et la tête haute.
- Je suppose que rien ne te retiendra, alors prends au moins ce flacon. Il contient un peu de lotion de roche. Cela pourra toujours t'être utile.
Il la considéra quelques instants, puis lui prit la fiole du bout des doigts. C'était un petit flacon transparent qui pouvait se glisser dans la plus petite des poches. Ce qui était plutôt pratique pour les voyageurs qui ne pouvaient transporter des objets encombrants. Phi pensait vraiment à tout.
- Merci, la taille est parfaite. C'est rare d'en trouver d'aussi petite maintenant.
- Je sais. Fais-y attention. Mon marchand vend des articles de bonne qualité, mais il ne vient que rarement. Donc ne gaspille pas mes produits.
La jeune femme sembla vouloir ajouter quelques chose, puis se ravisa, sous le regard interloquer de Kal. Phi se contenta de lui prendre la main, et de fermer les yeux pour établir une connexion entre eux, enveloppant leur main d'une douce chaleur.
- Pourquoi fais-tu cela ?
- Tu es quelqu'un d'important, tu t'en rendras vite compte. Ce lien me permettra de connaître le jour où tu périras.
- Que cela va-t-il t'apporter ? Que feras-tu ?
- Lélia voudra être prévenue.
Kal émit une sorte de grognement, accompagné de son éternel visage de marbre. Le jeune homme n'était à l'évidence pas ravi de cette information, trouvant cela ridicule, pathétique. Avec son regard impénétrable, comme vidé de toute émotion, il regarda la sorcière, avant de lui adresser une dernière fois la parole :
- Une dernière chose, sais-tu comment aller au Temple ? Je n'ai pas de carte en ma possession...
- Par le sang des quatre Divinités ! Quelle personne possédant un minimum de conscience se lance dans un voyage sans carte ?
Sans attendre de réponse, Phi quitta la cage d'escalier pour retourner dans sa chambre en pestant. Elle y dégota une carte avec déjà quelques annotations, qu'elle lui tendit en revenant à lui.
- Tu n'es vraiment pas croyable... Prend ça, ça te sera assurément utile. Puis, pour ta réponse, je pense que tu trouveras le Temple par toi-même. Rend-toi dans la région de Targhon, ensuite, je pense que tu sauras te débrouiller par toi-même, lui lâcha-t-elle assez sèchement, avant de continuer sur sa lancer. Puis n'oublie pas. Tu me dois un service.
- Je n'oublie rien. Jamais.
Puis, ce fut sur ce dernier échange qu'il lui faussa compagnie, en se dépêchant de rejoindre le roi. Plus vite il réglerait sa dette, mieux il se porterait.
Phi, quant à elle, retourna dans sa chambre, les mains chargées de quelques fioles rares, qu'elle comptait aller étudier à son bureau.
- Quelle tête de mule celui-là ! Un jour il va foncer tête baissée dans une quête bien trop compliquée et il va se faire tuer ! Par le sang des quatre Divinités mais qu'est-ce qu'il va devenir ! s'énerva-t-elle. Puis j'espère pour lui qu'il se tiendra à carreau durant son entrevue avec le Roi...
Derrière, sa disciple la regardait sans trop comprendre.
- Qui est-il au juste ? Vous ne soignez jamais personne en règle générale...
- C'est une longue et tragique histoire. Il représente l'espoir de beaucoup de personnes, peu fréquentables. Mais ça, il l'ignore encore.
- Pourquoi le maintenir dans l'ignorance ?
Phi se retourna, et la regarda avec une expression indéchiffrable :
- Si jamais il venait à découvrir son rôle prématurément, je suis sûre qu'il fairait les pires choix possibles, juste pour assouvir son désir de vengeance. Enfin, de toute façon... Tu comprendras, tu assisteras à tout ça bien assez vite.
Alors que la jeune fille s'apprêtait à formuler une nouvelle question, la Sorcière lui ordonna :
- Tu en sais déjà suffisamment. Va me chercher des plantes dans le jardin du Roi, en faisant bien attention à ne pas te faire repérer. On a déjà des fleurs de roses et de l'aconit.
Après avoir été escorté par deux gardes, Kal fut conduit à la salle du trône où le Roi l'attendait. Elle était spacieuse, avec de larges fenêtres donnant vue sur les jardins du château. Plusieurs tableaux étaient suspendus aux murs, ainsi qu'une grande tapisserie représentant des chiens tuant un sanglier. Le sanglier étant l'emblème du Royaume d'Alzea, un des deux Royaumes voisins, par-delà la mer. Quelques hommes et femmes s'affairaient à différentes tâches, avec un visage qui ne trahissait aucune émotion négative, ou qui pouvait être considéré comme telle. Soit ils affichaient une expression neutre, soit un léger sourire. Aucune geste inapproprié ne devait être perçut par un des membres de la famille royale, au risque de se voir jeter au cachot.
Quand Kal arriva à quelques mètres du trône, le blessé ne s'agenouilla pas face à son Roi, préférant lui adresser un simple signe de tête.
- J'aime bien les gens comme toi, si rebelles et insignifiants, lui confia le souverain. Excepté notre cher ami, sortez tous de cette pièce sur le champ !
Tout le monde obéit à la demande, comme de vulgaires chiens exécutant un ordre. La cour et son fonctionnement avait toujours eu le don d'exaspérer Kal, qui ne comprenait pas comment il était possible de se soumettre de cette manière à quelqu'un, qui ne comprenait pas pourquoi il fallait être faux pour être accepté par cette société.
- Bien. Maintenant que nous sommes seuls, pourquoi ne m'as-tu pas salué ?
Le jeune Chasseur leva les yeux du point qu'il était en train de fixer, pour les poser sur l'homme couronné qui lui faisait face, le visage neutre. Puis dans un calme absolu, frisant l'insolence, il répondit :
- Pourquoi vouloir que je le fasse ? Ce n'est pas un salut qui va prouver une quelconque once de respect que je peux avoir envers vous.
- C'est un point de vue que je ne partage pas.
- C'est votre choix. Pas le mien.
- Je suis ton Roi, tout de même. Tu me dois le respect.
- Je suis ici pour la mission de remerciement, pas pour épiloguer sur de vulgaires manières inutiles, qui gonflent l'ego déjà bien imposant de son Altesse Royale.
Le Roi, qui voyait sa barbe tourner au gris de jours en jours, plissa les yeux, avant de laisser échapper un grand rire gras. Quand le souffle commença à lui manquer, il reposa, avec mépris, les yeux sur son sujet qui ne l'avait pas quitté du regard une seule seconde. L'homme se leva de son trône en or, matelassé d'un coussin blanc, tout en continuant à avilir Kal de son simple regard.
- Oh, monsieur est impatient, lui répondit finalement le seigneur des lieux en s'approchant du jeune homme, un parchemin à la main.
Le Chasseur, stoïque, le regardait venir. Il n'aimait pas le jeu de dominance dont faisait preuve le Roi. Il détestait être dominé, et d'autant plus par quelqu'un pour qui il n'éprouvait pas le moindre semblant de respect. Quand le barbu lui tendit le parchemin, Kal le récupéra sans un mot, pour en lire le contenu, démuni de toute expression faciale.
- Bien. Avez-vous des précisions à m'apporter ? questionna finalement le missionné.
- Oui. Tous mes hommes se sont fait massacrer dans un bain de sang. Alors fais en sorte d'être meilleur qu'eux. D'autant plus, qu'au vu de ta conduite, et de ton âge, tu dois être un petit novice sans expérience. Ce serait dommage que ton existence prenne fin maintenant. Pas que ta vie ait une quelconque importance à mes yeux, seulement, j'ai envie d'être débarrassé de cette horreur au plus vite, et tu es, disons, mon dernier espoir.
- J'y compte bien. Si c'est tout ce que vous avez à me dire, je m'en vais accomplir ma mission.
- Oui ! Vas-y ! cria-t-il tout en recommençant à glousser de manière disgracieuse.
Le jeune homme comprenait mieux pourquoi il avait hérité du surnom de : Roi Rieur. Il ouvrit une des deux portes, et s'engouffra dans le couloir, bien décidé à faire ses preuves.
- Une dernière chose ! retentit une voix derrière lui. Je veux sa tête.
Le grand brun arriva devant le box de son cheval, et celui-ci semblait content de revoir son propriétaire. Écho avait été impeccablement soigné, et nourri. Le Chasseur passa une main le long de l'encolure de sa monture, avant de la passer au niveau des jambes. Il ne voulait pas reprendre la route avec un cheval blessé ou malade. Certes, il paraissait en bonne santé, mais on n'était jamais trop prudent, n'est-ce pas ? Il sella rapidement sa monture, avant de vérifier que toutes ses affaires étaient encore sur la selle. Le jeune homme prit soin d'accrocher son glaive et quelques autres objets sur cette dernière, puis il grimpa sur sa bête pour prendre la route.
- Allez mon grand, direction La Forêt Morte ! s'exclama-t-il, plutôt content de se retrouver à dos de cheval.
Il n'eut aucune réponse verbale, alors il se contenta de la marche plus dynamique de sa monture.
Après avoir lu le contenu de la lettre, il n'avait que peu de doute sur ce qu'il l'attendait. Une Hag. Une Sorcière cannibale, qui donnerait tout pour pouvoir retrouver son apparence originelle. Ce qui pouvait, d'un certain point de vue, être compréhensible. Elle était si laide, et si repoussante, qu'aucune personne ne voulait s'approcher trop près d'elle. Alors, par colère, elle se nourrissait de la chair de l'humain qui lui faisait face.
Comment allez-vous?
J'espère que le chapitre vous a plus :)
À mercredi !
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