Chapitre 39
Une avalanche de froid dégringola sur la tête du jeune homme.
- Evrard ! vociféra Kal.
- Pardon d’avoir réveillé la marmotte, mais il faut que tu ailles t’entraîner avant de partir. Nous devons continuer ton entraînement.
Le Nominé, tout en soupirant, sortie des couvertures. Evrard zieuta le bras de Kal sans émettre le moindre commentaire.
- Habille-toi, et rejoins-moi dehors.
Kal regarda l’homme à la capuche sortir de la chambre, et se dépêcha d’enfiler ses vêtements.
Que va-t-il encore me faire faire celui-là?
En fermant la porte d’entrée de la libraire, il vit Evrard attendre patiemment tout en observant la lune. Il se tourna vers celui qu’il allait entraîner, et lui dit :
- Tu as deux options. La première tu vas te baigner dans l’eau, sachant que tu n’aimes pas le froid, ça devrait être un bon entraînement pour ne pas tomber en hypothermie.
- La deuxième ?
- Tu tentes un combat contre moi.
- Les deux options sont tentante...
S’il combattait Evrard, il y avait de forte de chance que sa force prenne le dessus. Mais il avait réussi à contrôler la dissociation de son esprit et réceptacle. Avec difficulté, mais il l’avait fait. Aller dans la Rivière renforcerait de beaucoup son esprit et son corps. Les deux étaient utiles. Cependant, il avait tellement été déçu par les combats qu’il avait mené ses derniers jours, que l’idée d’un combat dans lequel il allait progresser, ne pouvait que l’attirer. Pourtant, il avait bien compris que ce n’était pas ce genre d’exercice dont il avait besoin pour le moment.
- Je vais essayer de repousser mes limites dans l’eau.
- Lélia t’aurait donc rendu raisonnable ?
- On peut dire ça.
- Très bien, dans ce cas, suis-moi.
- Qu’est-ce que je peux faire d’autre ?
Evrard ne répondit pas, et commença à avancer, suivit de Kal qui lui emboîta le pas.
Après une bonne heure, ils arrivèrent enfin sur les lieux de l’entraînement. L’eau était agitée. Quand Kal approcha sa main à la surface, une vague de froid agressa sa peau…
- Ne me dis-tu pas que tu regrettes ton choix ?
- Bien sûr que non. Ça reste de l’eau.
Evrard s’assit au sol, sous le regard neutre de Kal, qui pourtant était très étonné de cette action.
- Grand-père fatigue ?
- Non. Je compte méditer. Alors silence.
Kal ne répondit rien, et ôta ses couches du haut, ainsi que ses bottes. Il s’étira un peu les épaules, et trempa un pied dans cette eau de glace. Son corps entier fut traversé par un frisson, et tous ses muscles se contractèrent.
- Bordel.
- Silence !
Avec une jambe dans l’eau, le jeune homme craignait de plonger la deuxième. Il était frigorifié. Il redoutait le moment où il plongerait entièrement dans l’eau. Ses poils ressemblaient à des piquets. Il n’avait pas deux jambes dans l’eau que ses doigts demeuraient gelés, eux aussi. Les lèvres du jeune Chasseur viraient au bleu. Son corps avait des spasmes de tremblements. Puis soudain il tomba le côté droit en premier, dans l’eau, en ne pouvant s’empêcher d’hurler au contact de cette dernière. Il sentait une espèce de brûlure sur l’entièreté de son corps. En sortant la tête de l’eau, il vit Evrard lui tourner le dos pour se rasseoir contre les pierres du pan du plateau.
- Je te jure que-
- Tais-toi !
- Tu te fous de-
- Économise ta respiration.
Le Possèdeur n’avait pas tort. Le jeune homme avait beaucoup de mal à respirer. Sa respiration avait été brusquement coupée, puis le froid l'empêchait de la reprendre correctement, tant il était contracté de partout. Il avait de l’eau jusqu’à la taille. Il n’avait envie que d’une chose : sortir de l’eau et aller se réchauffer au coin d’un feu.
Soudain, une bourrasque vint lui fouetter le dos. L’air froid du vent lui glaça encore plus le corps.
Plus les minutes s’écoulaient, plus rester dans l’eau devenait dure. Chaque vague qui le fouettait était un véritable supplice. Son cœur accélérait, ce qui lui demandait un apport plus important en oxygène. Mais il n’arrivait pas à respirer. Il ne se sentait pas bien. Sa vision se floutait, tandis que son corps commençait à ne plus avoir de sensation. Il ne savait bientôt plus où se trouvaient ses pieds, ce qui entraîna sa chute. Le jeune homme, qui n’avait pas pu prendre sa respiration, se vit être baladé par le courant. Par chance, il put se raccrocher à un tronc. Puis il entendit vaguement au loin :
- Ton objectif est de revenir par la rivière face à moi !
Kal n’avait absolument aucune idée de comment il allait faire. Rien n'allait. Dans sa tête, les bruits résonnaient. Il n’avait plus de sensation au niveau des jambes. À contre courant, de plus en côte, il n’avait aucune idée de comment il allait faire. Avachi sur son tronc d’arbre, ses paupières se fermaient toutes seules, pendant que son corps tremblait.
- Ne fais surtout pas ça Kal ! Reste éveillé !
Le jeune homme rouvrit difficilement les yeux, en essayant de bouger une jambe.
Je ne suis pas faible. Je dois retourner là-bas. Je ne suis pas ce faible qui échoue à ses objectifs. Si je veux décimer les ombres, ce n’est pas ça qui doit m’arrêter. Je n’ai pas le droit.
- Ta force de Traqueur ne sera pas suffisante pour revenir. Tu n’auras pas un regain d’énergie suffisant. Elle te donnera simplement de la puissance ! cria à nouveau Evrard. Tu vas devoir utiliser ta force de Chasseur d’Ombres ! Visualise ce que tu vas faire. Concentre-toi sur ton objectif ! Plus les conditions sont extrêmes, mieux c'est.
Kal essaya de se voir remonter la rivière, mais son état actuel le ramenait à la réalité. Son cœur avait des battements irréguliers. Sa respiration était difficile. Son corps demeurait entièrement endolori.
Libérer sa puissance de Traqueur supprimait ponctuellement la douleur, permettant de faire front sans problème dans un combat, et apportait de la puissance. Mais dans ce cas, il n’avait pas mal, et ne combattait rien, donc la puissance allait être inutile. Puis, l’augmentation de force physique qu’il gagnerait serait annulée avec l’absence de sensation qui l'empêcherait de mesurer cette dernière. Ce n’était donc pas une solution.
Pendant que Kal s’accrochait tant mieux que mal au tronc, il repensa à son combat face à Lélia. Pour libérer sa force, elle avait récité une formule, tout comme lui l’avait fait pour pouvoir combattre le Chlakoä… Cela voulait-il signifier que, comme pour les Traqueurs, le faire de cette façon-là était dangereux et qu’il fallait être expérimenté ? C'est pourquoi elle pouvait le faire sans problème. Lui, ne pouvait donc pas libérer cette puissance par formule, au risque de se voir atteint de gros dommages collatéraux, car son corps n’était pas apte à subir une telle montée de puissance sans expérience. Mais, comme son réceptacle était solide, il y avait peut-être une possibilité de réussite ?
Kal était perdu. Il avait froid, ne se sentait pas bien, et voulait plus que tout de l’air. Respirer était pour lui un effort considérable.
De son côté, Evrard qui n’avait pas pu méditer comme il l’aurait voulu, semblait hésiter sur quelque chose. Il semblait réfléchir à une chose importante… Il se gratta la tête, avant de décréter :
- Visualise ce que tu vas faire ! Tu peux libérer cette force ! Tu en as les capacités !
Kal entendit très bien cette phrase, mais ne savait comment s’y prendre.
- Ferme les yeux et visualise ce que tu vas faire ! Mais attention à ne pas te virer à la séparation ! Ton esprit est faible !
Il écouta donc les conseils d’Evrard, toujours aussi frigorifié. Il ferma les yeux, et fit un effort extrême pour garder son esprit dans son corps. En plus du mal qu’il ressentait déjà, la même pression que la veille vint alourdir sa tête. Son esprit était si faible, que sans force développée, au moindre essor de puissance venant de sa part, il disparaissait.
- Kal ! Revient !
Il se visualisa se redressa sur le tronc, puis avancer d’un pas en direction d’Evrard. Il se mit aussi à genoux, de façon à n’avoir que la tête qui dépasse, et à être moins déstabilisé par les vagues qui le frappaient. Il se vit contracter la mâchoire. Ou c’est qu’il le fit à cet instant, il ne savait pas… Il visualisa son genou buter contre un des cailloux du sol, il en ressentait la sensation. Son cœur devint plus régulier, peu à peu. Il continuait à avancer, les yeux plissés, vers son objectif. Un vent arrivait sur lui, mais malgré le froid, il continua à avancer. Une vague de chaleur lui parcourut le corps, et sa respiration était normale. Après de longues minutes, il touchait enfin la fin de son périple. Il tournait la tête vers Evrard, qui lui fit signe de remonter. Sur la berge, où le froid le rendit encore plus glacer qu’il ne l’était déjà, le jeune homme enfila rapidement ses vêtements qui lui collaient à la peau. Puis il ouvrit les yeux, et admira la teinte noire que ses veines avaient pris. Ses iris étaient devenus noirs, et des filaments de même couleur s’étaient créés tout autour.
Le jeune homme se leva, comme si tous ce qui était à côté n’étaient que de la pisse de chat. Il se sentait ravigoté. Kal ne sentait plus les impacts physiques que le froid avait eu sur lui. Il avançait, la tête hors de l’eau, sans montrer de signes aussi affolants qu’il y avait tout juste deux minutes. Bien qu'il soit encore affaibli, il réussit à atteindre la berge sans encombre, ni même sans grelotter. Quand il dressa devant l’homme encapuchonné, ce dernier lui dit :
- Tu vas te sentir assez faible durant l'heure qui va suivre. Mais pour une première fois, c’est vraiment excellent. Tu peux être fier de toi. Maintenant habille-toi, on va rentrer pour que tu puisses dormir un peu tout en étant à l’heure pour ton expédition.
Kal ne se fit pas prier pour remettre ses habits, ni pour enfiler ses bottes. Quand il eut fini, sa vision devint floue quelques instants, puis il sentit à nouveau le froid et la fatigue le submerger. Il ne restait que quelques heures seulement avant l’aube…
Quand ils commencèrent à marcher, Kal prit la parole :
- Je ne suis pas sûr de rentrer dès que j’aurai fini d’aider le sorcier.
- Pourquoi ça ?
- Il faut que je me rende aux Ruines.
- Tu en fais quoi de ton cheval ?
- Je le laisse ici, si tu es d’accord.
- Moi ça ne me pose pas de problème. Cependant tu vas marcher à pied du portail aux Ruines ?
- Il y a un portail pas loin de ces dernières.
- J’avais oublié que les sept portails de Drakaë étaient aussi mal répartis…
- Cela ne te dérange donc pas ?
- Que vas-tu y faire ?
Kal garda le silence durant quelques secondes, avant de lui répondre :
- J’ai besoin d’y aller pour comprendre.
Evrard s’arrêta net.
- Tu n’as rien à comprendre.
- Pourquoi cela ?
- Tu n’as rien à faire aux Ruines en ce moment. Passe plutôt ton temps à t’entraîner.
L’interdiction qu’Evrard lui imposait ne lui plaisait pas du tout. Alors de toute sa hauteur, Kal lui imposa :
- J’irai aux Ruines, et je marcherai à nouveau sur les traces du Massacre.
- Tu fais ça, je tue ton cheval.
- Tu assassines Écho, je balance tout sur l’Alliance à une autre Alliance.
- Tu fais ça, je te tue.
- Ce n’est pas une menace qui me fait peur, et en plus je doute que tu aies un intérêt à faire ça.
Evrard ne répondit rien durant un moment, regardant ses pieds.
- Très bien, tu iras où tu veux.
Les deux hommes, l’un en face de l’autre, créaient une atmosphère tendue, qui ne présageait rien de bon…
Hey !!
Comment allez vous ?
Plus que quatre chapitres x)
Bonne journée!!!
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