Chapitre 23 - 6

VI

    Kal se réveillait, poussant un long soupir, avant de s’étirer. Les premiers rayons du soleil lui chatouillaient le nez. Les yeux plissés et la bouche pâteuse, il se leva et enfila ses vêtements lavés de la veille. Ses marques n’avaient pas pris un millimètre…

        En descendant, il surprit les pas de Pascal cogner contre le plancher, ce qui l’incita à s’arrêter. Le Possèdeur ne se déplaçait pas seul dans une pièce, il devait y avoir Evrard. Mais alors que son hôte commençait une phrase, le jeune Chasseur entendit :

- Kal. Tu peux venir, il n’y a rien de secret.

    Ce dernier, légèrement déçu de s’être fait surprendre, ouvrit la porte en bois de chêne et entra dans la pièce. Le regard des deux hommes s’abattait sur lui.

- Tu nous expliques ?

    Kal qui s’adossa contre le mur en face du fauteuil ou son maître était posé, lui répondit calmement, en ayant le temps de voir un regard de confusion chez Pascal :

- Je n’ai de compte à rendre à personne.

- Je crois que si, répondit l’autre homme en haussant le ton, n’impressionnant nullement Kal.

- Je fais ce que j’ai envie, au moment où j’en ai envie.

    À peine eut-il fini sa phrase qu’une violente douleur le frappa. Mais elle était si différente qu’hier, qu’il comprit aussitôt la manœuvre. Il eut du mal à garder une face détendue, tout en modifiant les tréfonds de sa pensée. Pascal démolie sur le sol, avec du sang éparpillé par goutte dans toute la pièce. En n’affichant pas la moindre expression faciale, il se tourna vers l’hôte et s’avança face à lui pour le dominer de toute sa hauteur, avant de lui expliquer :

- On ne rentre pas dans mon esprit comme dans sa maison. Souvent on y est déçu, triste, voire traumatisé. Je déteste que l’on me prenne pour un imbécile de service, et je pense que tous deux, vous le savez. Surtout toi, Evrard. Je ne sais pas pourquoi vous avez voulu faire ça, mais je ne vais pas l’oublier de si tôt.

- Ne te met pas en colère. Evrard n’y est pour rien. C’est moi qui en ai pris l’initiative.

    Cette phrase eut le don de casser un peu plus les chaînes que Kal s'imposait pour se maîtriser.

- Et pourquoi ça ?

- Je ne sais pas.

- Tu mens.

- Je-

- Ne cherche pas d’excuse.

    Kal commença à sentir sa colère prendre le dessus, et faisait tout pour ne pas le montrer et ne pas céder. L’homme à la capuche prévint :

- Pascal, ne le cherche pas. C’est dangereux.

- Je… Tu as voulu nous écouter. On ne sait pas pourquoi. J’ai voulu en connaître la raison. Mais, je ne pensais pas que tu étais aussi alerte que ça.

- Ne recommence plus. Jamais. C’est clair ?

    Le pauvre bonhomme acquiesça, penaud. Kal recula, se maîtrisant comme il pouvait, et se dépêcha de sortir en lançant à Evrard sans attendre de réponse :

- Je pars devant. Tu me retrouveras avec mon énergie. Ne ramène pas ton ami. Les fouineurs dans son genre ont tendance à me taper sur le système.

    Les deux hommes échangèrent un regard…

    Tandis que Kal marchait énergiquement dans les rues de Martimilar pour se rendre au Sud-Est, la colère retombait peu à peu. Il y avait déjà beaucoup de monde, ce qui le mettait mal à l’aise. De sa grande taille, le jeune dépassait d’une tête ou plus un certain nombre d'individus, le rendant plus intimidant. Au vu de la température matinale la journée semblait s’annoncer chaude, et ce, pour le plus grand plaisir de Kal.

    Quand ce dernier arriva au plus bas niveau de la ville, du côté qu’il n’avait pas encore exploré, il détailla un peu le coin. C’était le port de la ville. La rivière qui y passait se nommait l’Arc, puisqu’elle partait de la mer, faisait un arc, en passant par Martimilar et retournait dans sa source de départ. De nombreux bateaux circulaient sur le fleuve, qu’ils soient pour le commerce, les guerres, où les voyages.

Il y avait une multitude d’étales collées aux diverses maisons. Kal commença à s’avancer à nouveau dans la foule, pour se dégoter un vendeur de pierre, mais il n’en voyait pas un. Il avait beau scruter son environnement, pas une pierre en vue. Alors, après avoir atteint le Nord-Est, il remonta la ville, en continuant d’observer les différentes étales, mais rien n’attirait son œil.

    C’est alors que le jeune homme, en retournant sur la place principale de la ville à son point culminant, entendit chuchoter deux hommes :

- Dans les cachots de la ville, le marché de noir est revenu. Il n’y a pas beaucoup de marchandise, mais on dit qu’elle a de la valeur.

    Directement, le Chasseur comprit que s’il devait trouver quelque chose, c’était là-bas. Alors qu’il s’apprêtait à suivre discrètement les hommes, Evrard fit son apparition, et sans le moindre mot du jeune, il lui dit :

- Suis-moi, je sais où sont les cachots. On va prendre un raccourci. Quand je te le dirai, tu mettras ta capuche.

- Très bien, je te suis.

    Evrard prit alors les devants, en empruntant la rue à gauche de l’église. Il y avait un peu de végétation, et de la poussière. Puis tout en descendant, au premier carrefour, ils tournèrent à droite, et un peu plus loin, dans une ruelle, sur le mur de gauche, Kal découvrit une porte avec une grille pour la protéger. L’homme à la capuche lui souffla :

- Enfile-là.

    Kal obtempéra. Puis son compagnon cogna trois fois son point contre la grille en fer, puis deux fois, puis cinq. La porte s’ouvrit sur une femme, que Kal détailla rapidement. Puis il se concentra sur le fond noir de la pièce, tandis que la bonde relevait la grille.

- Vous arrivez en retard. Y’a presqu’ plus rien.

- Tant pis, répliqua Evrard.

- Tant qu’vous mettez pas l’bordel, c’pas mon problème.

    Les deux compères marchèrent dans les étroits couloirs sombres et humides, bordés par des cachots, dans lesquels se trouvait de la marchandise et leur vendeur. Kal décida de monter à l’étage, en faisant attention à ne pas glisser. Sa destination se trouvait être encore plus sombre, avec une étrange odeur de sang. Il visita quelques étales, en échangeant avec un ou deux marchands qui ne lui apportèrent aucune information. Il sentit une goutte d’eau tomber sur sa capuche. À la fin du couloir, l’air devenait presque étouffant. Kal peiner vraiment à respirer. C’est alors que quelqu’un l’attrapa par l’épaule. Par réflexe, Kal ne se retourna pas immédiatement. Il attendit que le contact se desserre, et fit brusquement volte face, envoyant par la même occasion son poing. L’homme, alerte et rapide, eut de justesse le temps d’esquiver. Dans son mouvement, l’étranger aperçut Evrard, et glissa alors rapidement à Kal :

- Méfie-toi, et va trouver les deux.

    Puis il partit en fusillant de son regard ténébreux l’homme qui s’avançait vers eux.

- Que te voulait-il ?

- Je ne sais pas.

- Que t’a-t-il dit ?

- Je ne l'ai pas entendu, il a commencé sa phrase par « fie-toi ».

- Étrange…

- En effet.

    Un silence passa, alors que les deux hommes regagnaient la sortie. À la droite de Kal, Evrard demanda gentiment :

- Bon, je suppose que tu n’as rien trouvé.

- Non. Je suis un peu déçu, avoua Kal.

- Ce n’est pas grave. On finira par trouver. De mon côté, j’ai pu me faire de nouveau contact, qui pourront peut-être un jour nous servir.

- C’est une bonne nouvelle ça.

- On dirait que tu ne le penses pas, au vu de la tête que tu tires.

- Tu veux que j’aie quelle expression faciale ?

- Je ne sais pas-

- Eh bien voilà, le sujet est clos. Arrête ce genre de commentaire inutile.

    Le silence s’installa entre les deux, tandis qu’ils parcouraient la ville pour rentrer là où ils logeaient. Kal réfléchissait aux paroles que l’inconnu lui avait soufflé. Sans savoir pourquoi, ce type l’attirait. Il dégageait une aura si particulière… Dans la pénombre, Kal n’avait pas réussi à bien le détailler. Mais il lui avait paru assez étrange. Il avait la peau gondolée, peut-être à cause de cicatrices, et il était très grand. Plus grand que Kal d’une demi tête. Sa voix semblait calme et posée, mais on pouvait ressentir une certaine rage tapis au fond de lui. Mais ce qui lui avait fait le plus froid dans le dos, ce fut la manière dont son corps s’était contracté en voyant Evrard. Cela lui rappela étrangement sa conversation avec la femme qui tenait la bibliothèque, à Dragsard. Pourtant, plus le temps avançait, plus Evrard se montrait attentionné et prévenant envers lui. Il ne savait comment réagir…

    Les rues continuaient à défiler, tandis que la vision de Kal se troublait. Elle devint soudain très floue, et ce fut comme s’il perdit l’équilibre. L’homme à la capuche le rattrapa de justesse par le bras.

- Ça va ? Qu’y a-t-il ?

    Pas de réponse. Le jeune avait mal à la tête. Cette dernière lui semblait lourde, et les appels de l’homme qui le soutenait, résonnaient dans sa cavité crânienne. Il fermait les yeux, et titubait, se sentant peu à peu partir. Son mal de tête grandissait. Evrard montrait des signes d’inquiétude, et les passants les dévisageaient, pleins d’incompréhension.

- Écoute mon grand, on est bientôt de retour. On va marcher jusqu’à là-bas, puis tu vas t’allonger.

    Tous les sens de Kal se trouvaient confus, seul le bruit persistant dans sa tête était présent. Il n’entendait plus. Ne voyait rien. Tremblait, et sa température corporelle chutait à grande vitesse. Incapable de parler, il ne pouvait définir ce qu’il ressentait. De toute manière, il ne le savait déjà pas. Son corps semblait lui criait, lui hurlait quelque chose que le jeune Chasseur se trouvait dans l’incapacité de comprendre. Il luttait contre lui-même, pour ne pas tomber. Evrard le serrait de plus en plus fort, mais comprenait aisément que ça ne servait à rien. Puis une vive douleur envahit le côté droit de Kal. La douleur fut si grande, qu’il hurla dans son sang, et s’écroula au sol. Il eut beau vouloir rester éveillé, avec toute la volonté dont il pouvait faire preuve, mais tomba quand même dans l’inconscience. Il baignait dans le sang.

Bonsoir !
Comment allez vous ?
J'espère que cette nouvelle partie vous a plus ^^
À lundi!

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