Chapitre 2 - 1
I
Après avoir fait ses adieux à son maître, le jeune Chasseur d'Ombres mit le pied à l’étrier tôt ce matin.
Depuis son arrivée chez Lélia, son meilleur ami était son cheval, qu'il avait en partie débourré lui-même. Prénommé Écho, il était d'un beau gris pommelé, d'un caractère facile, et d'une fidélité rare. Ils s'étaient rencontrés la première nuit où il était arrivé chez son maître. Cet être avait été sa seule compagnie lorsque Lélia demeurait absente, et lui, encore convalescent. Quelques fois, le jeune homme dormait même avec lui, quand dans son lit, la solitude d'un soir lui pesait.
Une nuit d'été, plusieurs mois après l'arrivée de Kal, une pluie diluvienne s’était abattue lourdement sur les toits. Kal était encore en plein apprentissage, mais souvent très insouciant, au grand damne de Lélia. Ce soir-là, inquiète au possible, elle avait fouillé la maison de fond en comble pour retrouver son disciple, puis au moment d'aller le chercher dans les bois, elle le trouva dans l'écurie, blottit contre son cheval, les yeux clos et le visage apaisé. Soulagée et attendrie par la complicité entre les deux, elle ne put faire de reproche Kal, et lui proposa d'en faire sa monture.
Aujourd'hui, c'était ce même cheval qui le portait, lui et son accoutrement sombre comme la nuit, qu'il affectionnait tant.
La forêt dans laquelle ils s'aventuraient était assez jolie. Les oiseaux chantaient, et on pouvait apercevoir de temps à autre un chevreuil passer. Kal portait un certain intérêt à la nature et à ses habitants. Mais ce qu'il préférait par-dessus tout, c'était le calme qu'elle dégageait et la paix qu'elle représentait. S'il ne trouvait pas la paix en lui, il en avait au moins un exemple.
Le chemin qu'il empruntait était plat, mais boueux à cause des pluies diluviennes de ces jours derniers. Les sabots de son cheval éclaboussaient de boue les plantes qui bordaient le chemin, mais aussi la selle d'Écho et son cavalier, qui grognait à l’idée de devoir nettoyer son armure une nouvelle fois…
Après avoir continué à marcher quelque temps, des cris retentirent, puis des rires. Des petites voix aiguës dérangeaient le calme dans lequel Kal avait été plongé, mais pour une fois, les éléments perturbateurs allaient pouvoir lui servir. Comme à son habitude, Kal s’adressa à son cheval, ou du moins il bougonna :
— En avant Écho, s'il y a des enfants par là, c'est qu'il y a un village aux alentours. Pas que ça m'enchante d’aller voir ces orchidoclaste, mais j'ai besoin d’informations…
Kal exerça une légère pression avec son mollet, et son hongre entama un pas plus dynamique.
Les rires enfantins se rapprochaient, mais quand il put enfin voir les petits garçons, Kal se crispa. Il détestait les enfants, ces petites bêtes qui criaient et bougeaient partout le rendaient fou... Déjà adolescent, il supportait mal ses cousins, qui passaient leur temps à saboter ses livres. Le jeune homme mit pied à terre et se gratta la gorge pour signifier sa présence. Les petits se retournèrent et le dévisagèrent.
— Oh regardez ! Y'a un monsieur qui a l'air fort ! cria l'un avec insouciance. Tu t'appelles comment ?
— Kal. J'ai besoin de renseignements, donc vous allez m'écouter.
— Pourquoi faire ! Je suis le plus fort, personne ne me donne d’ordre !
Petit, je ne marchande pas. Je suis à la recherche d'un village, pouvez-vous m'indiquer le vôtre ?
Le garçon resta muet, comme ses quatre petits camarades.
— Maman m’a dit qu’il faut se méfier des inconnus.
Kal les fixa, inexpressif, puis il préféra abaisser sa capuche pour instaurer un peu de confiance.
Ils se regardaient en chien de faïence. L’attitude des jeunes enfants commençait à mettre à l’épreuve la patience de Kal, même si ce dernier n’en montrait rien.
Après un moment, le jeune homme se décida à lui demander gentiment, en prenant sur lui, comme il avait appris à le faire au cours de ses années d'apprentissage :
— Écoute petit, quel est ton nom ?
— Kristin.
— Kristin, je ne vous veux aucun mal. Je veux seulement trouver un village, alors indiquez-moi le vôtre pour commencer.
Aide-nous d’abord. C'est donnant-donnant.
Le Chasseur d'Ombres serra les dents, mais finit par accepter. Qu'avait-il à perdre, après tout ?
— Que puis-je faire ?
— Trouve les grands Seigneurs qui tuent les Monstres. Père appelle ça les Taqueurs.
— Traqueurs ! le reprit un de ses amis.
— C’est la même chose !
— Non !
— Arrêtez ! C’est bon, je vais vous le tuer ce Monstre, beugla Kal à qui la compagnie des enfants commençait à être vraiment déplaisante.
Plusieurs minutes durant, les petits bouts d'homme expliquèrent du mieux qu'ils purent la situation, avant d'enfin guider le jeune Chasseur jusqu'à leur village. En échange Kal devrait débarrasser la ferme d'une Créature qu'ils décrivaient comme sanguinaire. Même en étant Chasseur d'Ombres, il continuerait les missions de Traqueur, quand cela lui apportait quelque chose, évidemment, pour ainsi acquérir de la puissance et de l'expérience. Ce qui n'était pas négligeable pour chasser ses principales proies, bien qu’il ne connaissait pas grand chose d’elle.
Les enfants le regardaient souvent, plus ou moins méfiants. En règle générale, les Chasseurs n'avaient d’autre choix que de vivre seul, puisque les Populations se méfiaient des inconnues, par peur des espions, et quand bien même ils dévoilaient leur identité, ils se faisaient souvent rejeter. Les Chasseurs le vivaient plus ou moins bien, mais pour Kal, peu lui importait, il aimait la solitude, donc ce n'était pas pour le déranger. Les autres n'étaient à ses yeux, que de simples moucherons à balayer d’un simple revers de main.
Le village était assez morne, accompagné d’une ambiance lourde et pesante. Les rues, pourtant animées, représentaient à elles seules la tristesse des villages pauvres du Royaume. Les différentes guerres de Drakaë, qu’importe qu'elles eurent marqué l’histoire ou non, ont terré des villages dans le malheur, dans la peur, dans la méfiance. Certains, les plus touchés matériellement, mais aussi psychologiquement, n’évoluaient pas vraiment. Les habitants continuaient à croire aux histoires anciennes telle que celle des Marcheurs Noirs, et était très hostile à la présence de personnes comme Kal. Qu’ils soient Chasseurs, Mages, Sorciers, Mercenaires, ils recevaient tous un accueil des plus chaleureux…
En arrivant à la petite ferme, se situant à l’écart du village après avoir traversé un bosquet, Kal qui marchait à côté de son cheval, remarqua directement les brebis qui gisaient au sol. Ajouté à cela, une odeur de cadavre en décomposition flottait continuellement dans l'air, mélangée à un second parfum plus complexe.
Le Chasseur laissa son cheval aux écuries, puis entra dans la vieille maison après Kristin. Ses copains étaient repartis chez eux, en laissant un regard méfiant sur le jeune homme en guise d’adieux. Une fois à l'intérieur, il vit un homme fatigué, aux traits tirés et marqués, ainsi qu'une femme en retrait, avec une jupe toutes crasseuse.
— Bonjour, les salua-t-il.
— Bonjour... Vous êtes un Traqueur ?
— Oui.
— Tuez-moi ce Monstre.
Kal acquiesça, avant de reprendre :
— J'ai vu votre élevage, et en me fiant à l'odeur, je pense savoir de quoi il s'agit. Ce n'est pas bien compliqué à tuer... Mais j'ai tout de même besoin de certains renseignements, pour vérifier mon intuition.
— Tout ce que je vous demande, c’est de faire votre travail, pour ensuite déguerpir. Puis, au passage, ne pas nous tuer.
— Là n'est pas mon intention, rétorqua froidement le jeune homme.
L'homme scruta de haut en bas le jeune Chasseur, tandis que ce dernier était surpris du vouvoiement mis en place. Cette distinction était rare dans les petits villages comme celui-là. Une génération de haut rang qui avait dû être privée de ses privilèges...
— Attendez, asseyez-vous, lui dit la femme en désignant un vieux fauteuil miteux. Je vais préparer une infusion, vous aimez ?
Kal n’était pas fameux de ce genre de préparation, mais il ne se voyait pas refuser, au vu de la tension qui régnait dans la pièce.
— Oui, merci.
Il prit place à l'endroit qui lui avait été désigné et l'homme de la maison s'assit face à lui. Il était froid et distant, avec le visage fermé et à l'expression méfiante.
— Quel est votre nom ?
— Kal.
— Je vous écoute, Kal.
— Hormis les brebis, y a-t-il d’autres corps ?
— Non.
— Un cimetière, près d'ici ?
— À deux cents mètres.
— Excepté les cadavres, et l’odeur nauséabonde, quelque chose à signaler ?
— Non.
Kal secoua la tête sans dire un mot. Il préférait économiser sa salive pour des choses qu'il jugeait plus utiles.
— Puis-je aller examiner les corps ?
— Oui.
Kal se leva, et sortit d'un pas sûr, en oubliant qu'on était allé lui préparer une boisson. Pour lui, aucun doute, une goule était dans les parages. Sa théorie se confirma quand il trouva chaque cadavre sans foie. Ces Créatures en étaient très friandes. Ajouté à cela, l'odeur putride qui flottait dans l’air, ne laissait plus la place doute, mais fallait-il encore la trouver. Une goule se cachait très bien et sortait la nuit, ce qui ne permettait pas de la chasser en journée.
Quand il retourna dans le salon, la femme le regardait pleine d'espoir, en lui tendant une tasse remplie d'une sorte de thé orange. Il prit cette dernière, avant de se rasseoir et de planter ses yeux dans ceux du fermier.
— Alors ?
— C'est bien une goule, répondit-il après avoir goûté au breuvage, un tantinet acide. Seulement, il me faudrait rentrer dans le cimetière cette nuit, mais je pense qu'il est fermé.
— Ȇtes-vous sûr de ce que vous avancez ? demanda le mari, avec un ton qui surprit le Chasseur de part son calme et sa sincérité.
— Certain. Elles ne sont pas compliquées à repérer, quand on sait où les trouver.
— Mon deuxième fils est le gardien du cimetière, il vous fera rentrer.
Les deux hommes se serrèrent la main, avec tous deux, un visage froid.
Hey!
Bon, je ne sais comment vous avez trouvé ce chapitre, mais j'espère qu'il vous a plu !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, et ce que je pourrais corriger.
Puis on se retrouve mercredi !
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