Chapitre 11 - 4
IV
Le lendemain matin, il fut réveillé par les ronflements de son colocataire. Kal partit donc se laver dans la salle de bain, ne pouvant se rendormir. De toute manière, il avait toujours considéré que dormir était une perte de temps. En se regardant, le jeune homme pesta contre ses vêtements. Il devait vraiment se trouver une tenue convenable. Enfin, pas que celle-ci ne l'était pas, mais elle ne lui convenait en aucun point.
Néanmoins, ce fut autre chose qui attira son attention. Cette chose provoqua même un soupçon d'inquiétude dans sa poitrine. Le long de son épaule, de fins traits noirs qui partait de son cœur, s'étaient dessinés durant la nuit. On aurait dit de longs fils d'ancre qui auraient légèrement bavé sur sa peau. Le Chasseur passa son index sur ces marques, et les détailla, intrigué. Les traits n'étaient pas tous de longueur identique, mais le plus long s'arrêtait un peu avant son coude. Au touché, il ne sentait aucune différence avec sa peau. Il fit rapidement une comparaison avec la couleur que prenaient ses veines lors de la libération de sa rage, et celle de ces fils noirs. Était-ce dû à l'épisode de la veille ? Avec l'augmentation de la concentration de sa puissance ?
En sortant de la pièce, Kal trouva le Possèdeur qui regardait à travers la fenêtre.
- Bonjour, le salua-t-il.
- Bonjour.
Kal le regardait, lui demanda :
- Avant d'aller dans les montagnes, je veux trouver de nouveaux habits. Je ne supporte plus ma tenue.
- Oui, c'était prévu. Ne t'en fais pas.
Peu de temps après avoir pris leur petit déjeuner à l'auberge, les deux hommes marchaient dans les rues de la ville, jusqu'à la boutique de vêtements. En fonction des quartiers, les maisons changeaient parfois d'aspect et de couleur. Mais le sourire de façade qu'affichaient les habitants ne changeait pas, ce qui avait le don d'agacer Kal. Il ne supportait pas de rester dans un endroit où la joie régnait. Cela le dérangeait, le rendait mal à l'aise. Pour lui, la vie ne se résumait pas à sourire et à être heureux comme tous ses gens.
- C'est ici, indiqua Evrard en s'arrêtant.
Kal détailla quelques secondes l'endroit, et ils entrèrent. L'entrée était spacieuse, avec le comptoir en face de la porte. De nombreux mannequins en bois étaient exposés un peu partout dans la salle, avec des pièces à un prix plus ou moins exorbitant. Ce qui surprit Kal, fut d'abord l'absence totale de rayon bourré de vêtements. Puis ce fut ensuite l'odeur étrange qui flottait dans l'air ; un mélange d'anis, de sauge et de cannelle. L'homme qui tenait la boutique, ne devait pas avoir plus de quarante ans, mais ses mains couvertes de cicatrices reflétaient une vie bien garnie... Il les accueillit l'air enjoué, accompagné d'un grand sourire :
- Messieurs, bienvenue ! Que puis-je faire pour vous ?
Alors que le Possèdeur allait prendre la parole, le grand brun la lui coupa. Il savait parler seul, il n'avait pas besoin d'un interprète.
- J'ai besoin de vêtements robustes, légers, et pratiques pour les voyages et combats. Je veux pouvoir monter fréquemment à cheval avec, et manier facilement mes armes.
- Monsieur est exigeant, mais ça montre un fort caractère, qui colle avec l'aura que vous dégagez. Suivez-moi, je vous prie.
Le Chasseur s'exécuta, et il arriva dans une pièce circulaire où d'innombrables tiroirs et placards tapissaient les murs en pierre grise. Les portes se fermèrent directement, quand le gérant prononça une espèce d'incantation, ce qui prit Kal de court.
- Bien, donc vous êtes un Chasseur, si je me fis à votre attitude.
- Exact.
- Mon nom est Félicien, je suis un Sorcier. Je me suis spécialisé dans la couture de vêtements à propriété magique, et pour différentes professions. Je devrais donc avoir ce qu'il vous faut en réserve. Prenez place face au miroir, et déshabillez-vous.
Le Chasseur le regarda, douteux, Il n'avait pas envie de montrer son corps au premier venu, et encore moins les marques de ce matin. Mais en voyant le regard insistant de Félicien, il s'exécuta, sous peine de dévoiler qu'il n'était pas serein.
Une fois devant le miroir qui était face à l'entrée, le Sorcier prit son mètre et nota les mesures de son client. Une fois que cela fut terminé, plusieurs tiroirs s'ouvrirent. Félicien sortit sa baguette de sa poche, et la pointa vers quelques rangements. De suite, de nombreuses pièces de tissu vinrent se déposer sur plusieurs cintres, qui se placèrent sur la grande penderie en bois à côté du miroir.
- Nous allons commencer par affiner notre recherche, déclara-t-il. Premièrement, vous voulez un haut court, long, à manche, ou bien sans, de quelle matière ?
- Quelque chose de pratique, et résistant.
- Oui, ça j'ai compris. Mais pourriez-vous être plus précis ?
Kal se regarda dans le miroir, et se retourna. Il fusilla du regard le vendeur, et reprit sa place initiale. Était-ce si important de choisir d'autres critères ?
Kal plongea ses yeux son reflet, et laissa s'égarer ses pensées quelques minutes, le temps d'un souvenir.
Elle le traînait dans les rues de leur petite ville, à la recherche d'un magasin de vêtements. Lui, ne se laissait trimbaler, que parce que c'était elle. Cette dernière avait en tête de lui refaire toute sa tenue, qui à ses yeux était trop usée. Une fois rendu au lieu dit, elle lui sortit plein de vêtements divers et variés qu'il devait essayer les uns après les autres. Seulement, quand ils tombèrent sur la tenue qui leur convenait à eux deux, ils n'avaient pas de quoi payer. Sur le coup, il fut déçu, très déçu, parce que pour la première fois, il s'était senti à l'aise, et aimait porter un vêtement. Peut-être aussi grâce au regard qu'elle portait sur lui. Alors, ils se promirent de revenir la semaine suivante. Mais ils ne purent, elle fut emportée par ce Monstre avant.
- Monsieur, vous allez bien ? s'inquiéta le vendeur.
- J'étais en train de réfléchir et je pense avoir trouvé ce qui allait me convenir.
- Parfait, je vous écoute !
Pour faire écho à ce jour si heureux, le Chasseur lui dicta précisément ce qu'il désirait, jusqu'au moindre détail. Après plusieurs propositions et essayages, le jeune homme trouva enfin ce qui lui convenait. De plus, sa tenue lui plaisait même davantage que dans son souvenir.
Kal se contempla dans le miroir. Il portait un tissu qui lui couvrait le bras marqué, surmonté d'un gilet sans manche en cuire. Des épaulettes de même matière avaient été ajoutées. Une cape à capuche, qui lui arrivait aux genoux, lui permettait de dissimuler son épée, dont le fourreau était attaché derrière le dos du Chasseur, par une sangle qui lui traversait le buste. Il portait des mitaines, ainsi que des manchettes, dans lesquelles il y avait glissé ses petits couteaux. Son pantalon était, comme tout le reste de sa tenue, noir, et sa paire de botte lui montait presque jusqu'aux genoux. Tous deux aidaient à dissimuler aisément des armes. Une ceinture avec des pochettes permettait au jeune homme de transporter de petites choses précieuses, qu'il voudrait garder auprès de lui.
Au départ, ses deux bras auraient dû être dépourvus de tout tissu. Seulement, pour éviter toute remarque, il avait préféré couvrir son bras gauche.
Kal se tourna vers le Sorcier, et lui dit, de son habituelle voix calme et assurée :
- Merci, Sorcier. Je me sens plus à l'aise.
En vérité, il avait réalisé un souhait qu'il avait en commun avec ses amis, et c'est ça qui le rendait le plus heureux. Même si la tenue avait été modifiée en fonction de ses préférences de jeune adulte.
- Je suis content d'avoir pu vous aider.
Avant de sortir de la pièce, les deux hommes se serrèrent la main.
Quand Evrard le vit, il lui assura que ça lui allait très bien. Puis ils prirent la route en direction des montagnes. Bien-sûr, le Possèdeur avait payé la tenue, mais en grimaçant.
Hey !
Chapitre tardif, mais qui j'espère vous aura plu !
A lundi :)
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