20. Thaumaturge
Thaumaturge, adj [religion] : Qui accomplit des miracles. Miraculeux.
Il m'embrasse ?
Je ne comprends rien. Je sais juste qu'il a ses lèvres sur les miennes. Aussi douces que dans mes rêves mais bien plus enivrantes aussi. Je n'ose même pas bouger. Ni respirer non plus. J'hésite même à répondre à son baiser. J'ai bien trop peur de rêver et que tout s'arrête.
Lorsqu'il se détache de moi, je prends une énorme goulée d'air. Je sens mon cœur battre plus fort qu'il ne l'a jamais fait jusqu'à maintenant. Je ne sais pas quoi faire. Je reste figé tellement j'ai peur qu'au moindre mouvement tout s'efface, que je me rende compte que j'ai tout imaginé ou que la signification de ce baiser n'est pas celui que je crois.
Et qu'est-ce que je crois d'ailleurs ? Mon esprit est trop embrouillé pour être cohérent. A la fois j'ai l'impression que tout ça c'est qu'une vaste blague, que d'un coup Jonas va éclater de rire en me disant que c'était juste pour voir ma réaction. Et en même temps, je me dis que ce n'est vraiment pas son genre et que ce baiser a forcément une vraie signification.
Est-ce que je lui plais ?
Ou alors, il a fait ça sur un coup de tête ?
Peut-être que notre amitié est importante pour lui. Il ne savait pas quoi faire pour me retenir alors il m'a embrassé. Mais là, il va me dire qu'il veut qu'on reste ami, qu'il ne sait pas ce qu'il lui a pris, qu'il ne voulait juste pas que je parte. Ce serait presque compréhensible de sa part. Il a un côté maladroit qui le ferait agir de cette manière. Alors oui, si finalement je découvre qu'il m'a embrassé pour cette raison, je ne m'en étonnerais pas. Je crois même que je serais incapable de lui en vouloir.
Le problème, c'est que maintenant, Jonas ne dit plus rien. Il se tient là, juste devant moi, ne bouge plus, ne parle pas. Son visage est l'image même de la neutralité. Je suis incapable de lire quoi que ce soit en lui et ne sais pas à quoi m'attendre. Peut-être qu'il attend que je prenne la parole ... mais je ne sais pas quoi lui dire. « Super ton baiser » ? C'est quand même moyen pour briser ce silence.
Sinon, je peux toujours l'embrasser à mon tour. Et s'il me repousse, c'est que j'avais raison.
Mais je n'ai même pas le temps de bouger que Jonas m'embrasse. Une seconde fois. Mais contrairement au premier baiser, j'y réponds. Ses mains se posent sur mes joues et tout devient plus intense. Je me laisse totalement fondre dans son étreinte et je prie vraiment de toutes mes forces pour que ça ne s'arrête jamais. Je n'ai aucune envie de revenir dans le monde réel. A quoi bon alors que je suis en train d'échanger le plus beau baiser du monde avec le garçon que j'aime ?
Lorsque Jonas se sépare à nouveau de moi, je me rends compte que j'ai les yeux fermés. Je les rouvre doucement, comme si je sortais d'un joli rêve. Sauf que je n'en sors pas de ce joli rêve. Pas alors que le sourire que m'adresse Jonas est encore plus éblouissant que la plus belle des étoiles.
— Je t'aime.
Je sursaute. Ces mots ont presque été crié et c'est avec l'effet d'une flèche que je les reçois en plein cœur. Je les sens s'ancrer au fer rouge et je sais que jamais je n'oublierai ces quelques secondes.
— Désolé, me dit-il en riant. J'avais pas prévu de te le dire comme ça. Ni même de t'embrasser comme ça non plus.
Je ne comprends pas trop ce qu'il me dit mais ça m'en est égal. Ces deux baisers et cette déclaration n'auraient sûrement pas pu être plus parfaits.
— En fait ... j'avais peur que tu partes à nouveau. Mon corps a agi tout seul.
Est-ce que c'est le moment où je dois paniquer ? Parce que malgré ce qu'il m'a dit un peu plus tôt, cette scène ressemble étrangement à ma prédiction. Il doit sentir que je me raidis parce qu'il commence à s'affoler.
— Je voulais pas ... non ! Attend ! Je m'exprime mal ! Je ... Est-ce qu'on peut rentrer pour qu'on puisse parler ?
Même si je commence à avoir de plus en plus peur, je ne peux pas me résigner à lui dire non. J'ai tellement envie de le prendre dans mes bras. A la place, je l'attrape par la main et le tire jusqu'à l'atelier. Quoi qu'il me dise, j'essaye de profiter du moindre petit contact que je puisse encore avoir avec lui. On n'est jamais trop prudent.
On part à l'étage et je le vois s'installer à sa place habituelle lorsque nous mangions ensemble. Cette constatation fait battre mon cœur un peu plus fort et je ne peux pas m'empêcher de sourire. Je finis par m'installer non pas face à lui comme je le fais d'habitude, mais à côté.
Il a l'air de chercher ses mots et moi je n'ose pas le presser. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque. Je veux savoir ce qu'il se passe dans sa tête. Et surtout, je veux savoir si à la fin de la journée je pourrai enfin aller me coucher sereinement sans avoir envie de pleurer pour la énième fois de la semaine.
— Ok ... bon, promets juste de ne pas bouger jusqu'à la fin de mon explication.
Bouger ? Pour fuir ou pour me jeter sur lui ?Au cas où, j'hoche de la tête pour lui dire que j'obéirais.
— J'avais pas prévu que tout se passe comme ça. J'avais même pas prévu de te voir aussi tôt aujourd'hui. Pourtant, j'avais tout préparé. Mais je t'ai vu derrière l'église, en train d'écouter le chant de manière si paisible. J'ai pas résisté, il fallait que je t'emmène à l'intérieur. J'avais l'impression que c'était le seul moyen pour que je puisse me concentrer sans que tu ne puisses t'enfuir facilement. Sauf que tu es parti. En courant en plus ! Alors j'ai perdu tous mes moyens. J'avais juste en tête que je devais t'arrêter et faire en sorte que tu n'ailles pas t'enfermer dans ton atelier. J'avais l'impression que si tu arrivais à rentrer et à verrouiller la porte, c'était terminé pour nous.
Il n'a pas totalement tort. Je crois que si j'étais parvenu à regagner mon atelier, j'aurais décidé de prendre une grande décision, comme de déménager à nouveau pour être sûr de ne plus être aussi près de Jonas.
— Du coup je t'ai embrassé.
— Deux fois.
— Oui. Deux fois.
— Et tu m'as crié je t'aime.
— Ça aussi, ce n'est pas prévu. Enfin, pas de cette manière. J'ai toujours pensé que lorsque je me déclarerai, ce serait beaucoup plus romantique.
— Tu rigoles ? Tu m'as couru après et tu ... attends attends attends .... Tu as toujours pensé au moment où tu te déclarerais ?
— Oui.
— Mais parce que ... bon, on reprend au début s'il te plait. Je te plais.
— Enormément.
— Tu m'aimes ?
— Tu n'imagines même pas à quel point.
— Depuis quand ?
— Un moment déjà. Je crois que c'est le jour où je t'ai entendu pour la première fois. Voire avant, mais je m'étais interdit de succomber de trop tant que je ne t'avais pas réellement vu et entendu.
— Au-aussi longtemps ? Mais pourquoi tu n'as ...
— Pourquoi j'ai rien tenté ? Parce que je savais pas si tu pouvais être intéressé par moi. Pendant un moment j'ai cru que oui, surtout quand j'ai vu tes dessins de moi. Mais tu as parlé de muse et j'ai perdu espoir.
Et dire que cette histoire de Muse était presque devenue une manière pour moi de camoufler mes sentiments, de quoi avoir une excuse, et qu'au final, c'est à cause de ça qu'il ne m'a rien avoué. On aurait peut-être pu être ensemble depuis bien longtemps.
Bon, là je vais un peu vite en besogne. Jonas et moi ne sommes pas en couple. Pas encore en tout cas. Enfin, j'espère que ça va venir dans les minutes qui arrivent.
— J'ai essayé de me déclarer plusieurs fois. A chaque endroit que je t'ai fait visiter. Dans le jardin. Quand tu m'as dessiné. Je voulais même profiter de notre repas après le marché. Mais sauf pour la dernière fois, il me suffisait juste de te regarder sourire pour me demander si perdre tout ça était ce que je voulais. Parce qu'en me déclarant, c'est ce qu'il pouvait arriver. Puis, dans l'église, j'ai prié pour quelque chose de thaumaturge arrive. J'étais enfin prêt à me déclarer et tu es parti.
J'ai envie de rire et de pleurer à la fois. Finalement, on s'est chacun abstenu de se déclarer pour la même chose. Par peur de perdre de l'autre.
— Est-ce que maintenant j'ai le droit de bouger ?
— euh ... oui, me répond-il incertain.
Sans perdre une seconde, j'attrape son visage entre mes mains et je l'embrasse. J'ai l'impression que jamais je ne pourrai rattraper tous les baisers que l'on a manqués, mais je me porte volontaire pour essayer malgré tout.
— Donc, je commence à lui dire alors que je viens tout juste de m'écarter. Tu es vraiment amoureux de moi ... c'est pas une hallucination ?
— Je t'aime et c'est tout ce qu'il y a de plus réel.
— Je t'aime. Et je suis tellement heureux de pouvoir te le redire. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime.
Je ponctue chaque je t'aime d'un baiser, comme si je ne pouvais plus m'arrêter. Je vais sûrement en devenir dépendant et ce n'est pas pour me déplaire. Je le sens sourire contre moi et je suis aux anges. Jonas est réellement là. Et il est amoureux de moi.
— Est-ce que tu veux voir ce que j'avais prévu à l'origine pour me déclarer ?
Je n'ai pas vraiment envie de me détacher de lui mais finalement, la curiosité est beaucoup trop forte. Alors j'accepte. Il se lève et m'attrape par la main pour me tirer par un endroit pas très loin et que je connais très bien puisqu'il s'agit de mon poste d'observation. Il me fait m'asseoir dans ma chaise redevenue favorite et me dit de ne pas bouger. Je le vois reculer et attraper le tableau blanc qui bouche la vue.
Avec une petite fierté qu'il ne cache pas, il décale le fameux tableau, me faisant écarquiller les yeux face à ce que je vois.
Parce que par la fenêtre, j'aperçois à nouveau sa chambre. Et qu'à la fenêtre de sa chambre, une banderole est accrochée, portant fièrement les inscriptions « Tim je t'aime », accompagnées d'un petit « Mazette » rajouté sur le côté qui me fait rire.
— Mais, ça n'a pas dérangé les religieux du presbytère ?
— Non. J'ai de la chance de tomber sur des gens plus ouverts que je ne l'aurais cru. Ils m'ont juste dit que je ne devrais juste pas espérer faire carrière en tant que prêtre.
J'éclate de rire et au vu de son air d'incompréhension, je pense que je lui dois certaines explications. A moins que je ne le fasse patienter un peu pour gagner un minimum de dignité au sein de notre couple.
Mais malgré tout, nom de Dieu ... heureusement qu'il n'est pas prêtre.
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Note de l'auteure : Nom de Dieu ! C'est la fin de l'histoire! Mais on se retrouve mercredi pour l'épilogue, de quoi retarder le moment fatidique où il faudra dire au revoir à Tim et Jonas !
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