Prologue
La nuit était en train de tomber lentement sur la métropole lilloise, qui débordait d'activité en cette période précédant de peu les vacances scolaires: collégiens et lycéens rentraient chez eux après les cours, parfois seuls, parfois en groupes, certains accompagnés par leurs parents et d'autres encore en voiture. Les étudiants sortaient, profitant de la soirée qui s'annonçait avant le week-end pour aller faire la fête, voir des amis et, parfois, passer du temps entre amoureux. Les adultes ne faisaient pas exception: beaucoup étaient de sortie, la plupart pour rentrer chez eux après le travail, d'autres allant chercher leurs enfants à l'école et, pour certains, aller faire la fête ou dîner au restaurant. Les rues étaient animées, les passants nombreux et le brouhaha ambiant donnait à tout cela une incroyable impression de vie indestructible.
Toutefois, une personne détonnait dans ce décor vivant et lumineux: une fillette de dix ou onze ans, vêtue d'un long manteau noir qui dissimulait ses vêtements de la même couleur et dont le visage était masqué par une capuche. Elle attendait à l'angle d'une ruelle, l'air impassible et totalement indifférente aux regards curieux des passants autour d'elle, qui se demandaient probablement ce qu'une fillette aussi jeune faisait seule dans l'ombre d'un bâtiment, pareillement vêtue. Elle était si immobile que certains pensaient qu'il s'agissait d'une statue, et seuls les rapides coups d'œil qu'elle lançait de temps en temps à droite et à gauche attestaient de son caractère vivant.
Elle ne se mit en marche que lorsque la nuit fut totalement tombée: elle avait repéré un homme vêtu de noir, chaussé de lourdes bottes à semelles compensées et portant lui aussi une large capuche qui dissimulait totalement son visage. Elle le suivit à distance, s'arrêtant parfois pour passer inaperçue et changer de ruelle pour le suivre. Ses pieds, bien que chaussés de bottes de cuir à semelle épaisse, ne faisaient aucun bruit sur le bitume, ni même sur les pavés constituant les rues du centre ville. Par ailleurs, hormis le léger froissement de son manteau de temps à autres, on eût cru voir un fantôme: elle ne faisait pas le moindre bruit et se dissimulait sans mal dans les ombres des bâtiments, peu éclairés à cette heure, et elle évitait sans peine les halos lumineux projetés au sol par les lampadaires éclairant les rues.
Ces dernières n'étaient pas encore désertes: de nombreux passants étaient encore dehors, mais il s'agissait surtout d'étudiants ou de mendiants, désormais. Hormis elle, il n'y avait plus le moindre enfant dehors, pas plus que de parents ou encore de jeunes adolescents. Elle ne prêtait guère attention aux exclamations que pouvaient lui lancer certaines personnes, notamment les voyous qui commençaient également à sortir pour aller s'amuser ou commencer leurs mauvais coups, et dut à plusieurs reprises esquiver des groupes de jeunes gens déterminés à accoster cette étrange fillette solitaire et habillée bizarrement pour une enfant de son âge.
Parmi ces voyous, il y en avait un qui avait l'air bien déterminé à lui faire du mal: il tenta de s'approcher d'elle, mais à peine avait-il posé la main sur son bras qu'une étrange fatigue le prit et qu'il la lâcha, un puissant mal de crâne lui paralysant le cerveau. La fillette n'avait pas prêté attention au geste de l'homme: elle avait juste continué son chemin comme si de rien n'était, et un sourire apparut fugacement au coin de ses lèvres lorsque l'homme tomba au sol en gémissant de douleur.
La fillette continua de suivre l'inconnu qu'elle avait repéré, si bien qu'ils quittèrent rapidement les beaux quartiers de la ville pour entrer dans ceux plus défavorisés et, dans le même temps, dans ceux les plus mal famés. L'enfant commença alors à être plus prudente: heureusement pour elle, les lampadaires n'éclairaient que peu cette partie de la ville, et certains étaient même abîmés et n'émettaient plus du tout de lumière, ce qui lui permettait de se glisser furtivement dans l'ombre sans le moindre mal. Elle était si discrète que l'on n'aurait eu aucun mal à la penser capable de se rendre invisible.
Enfin, l'inconnu arriva à une grand bâtisse, probablement un ancien hôtel, quelque peu délabré et visiblement à l'abandon. La fillette se stoppa à quelques mètres de l'entrée, dans un renfoncement particulièrement sombre dans lequel elle n'eut aucun mal à passer inaperçu. l'homme qu'elle suivait frappa quelques coups à la porte, deux coups rapides puis trois lents, et cette dernière s'ouvrit en grinçant sur ses gonds. L'homme entra et la fillette commença son attente, tapie dans l'obscurité du lieu.
Elle attendit longtemps. Elle était parfaitement immobile et silencieuse, et les quelques malfrats qui passèrent devant sa cachette ne se doutèrent pas une seconde du danger qui les guettaient... Ils s'en allèrent rapidement après un échange de drogue ou d'armes, la fillette ne savait pas trop, et le silence revint sur la rue, ce qui arrangea l'enfant toujours cachée dans son coin, car elle pouvait ainsi entendre le moindre bruit qui pouvait percer dans la nuit. Elle était concentrée, sûre d'elle et de ce qu'elle avait à faire, et attendait patiemment que l'homme quitte sa planque pour pouvoir passer à l'action.
Sa cible apparut juste avant l'aube. L'homme sortit du bâtiment après avoir vérifié que personne ne se trouvait dans les parages, et il marcha directement vers le centre ville avant de se mettre à courir lorsqu'il atteignit le premier carrefour. La fillette savait ce que cela signifiait: elle le suivit en courant elle aussi, habitée par une détermination de fer, et se jeta sur lui alors que l'homme renversait un pauvre mendiant qui se trouvait là, marchant au hasard pour réchauffer ses membres gelés par le froid.
L'homme était fort, la fillette le comprit lorsqu'il l'envoya valser contre un mur d'un geste brusque. Elle fut sonnée sous le choc, mais se releva rapidement en poussant un sifflement aigu qui ne plut pas du tout à sa cible. Le sans-abri les regarda, les yeux écarquillés de terreur, mais ne pouvait bouger, comme si un sortilège le retenait prisonnier. Il vit la fillette charger de nouveau son agresseur, qui lui donna un coup de poing dans la mâchoire, mais la fillette réussit à l'esquiver pour lui sauter à la gorge et lui griffer le visage. L'homme feula, puis attrapa la fillette par le cou pour la plaquer violemment contre un mur, y laissant la marque de son dos. Il réitéra l'opération deux fois, avant que la fillette, sonnée mais toujours consciente, ne lui enfonce deux doigts dans les yeux. Ses ongles pointus s'enfoncèrent dans les globes oculaires de son adversaires avec un bruit répugnant, et l'homme hurla de douleur et de colère en resserrant sa poigne sur le cou de l'enfant, qui tenta de griffer le bras qui la tenait.
Elle n'eut pas le temps de faire ce qu'elle voulait: l'homme lui broya la nuque et la fillette sombra dans l'inconscience, avant que l'homme ne se décide à l'abandonner au centre d'une place, là où le soleil la frapperait dès son lever. Il se dirigea ensuite vers le mendiant terrorisé, lui murmura quelques mots, puis enfonça d'un geste brusque ses crocs dans son cou. Le mendiant poussa un faible gémissement avant de tomber au sol, totalement vidé de son sang.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top