CHAPITRE 17
— Tenez-le il commence à se réveiller !
— Je l'emmene dans la cellule.
— Et occupez vous des deux autres !
J'ouvre péniblement les yeux, éblouie par la lumière du jour. Je baille pendant un long moment, assommée. C'est alors que je me souviens de ce qu'il c'est passé. Je tente de me lever, mais des liens me retiennent au sol. Je tourne la tête dans tous les sens et finis par apercevoir Noah et Lizenn, qui, les yeux bandés, semblent gardés par une grand femme blonde. Sa peau claire montre qu'elle n'est pas Sorienne. Pourquoi ai-je le droit de voir et pas eux ? Et où est Gama ?
Je tire sur mes liens, mais pas moyen de m'en défaire. La peur envahit peu à peu mes entrailles, mais je m'efforce de l'ignorer. Qui sont ces gens ? Ils nous sont tombés dessus comme s'ils nous attendaient. Mais les seules personnes qui savaient que nous allions ici sont bien trop loin pour avoir orchestré un enlèvement. Je rouvre les yeux et essaye de trouver un quelconque indice qui pourrait m'éclairer.
Je me trouve dans une grande pièce éclairée par de grandes baies vitrées qui laissent passer les rayons du soleil, qui sont étonnement puissants aujourd'hui. Il n'y a presque aucun meubles, ormis une grande table couverte de parchemins et de livres. Mais de là où je suis, je n'arrive pas à lire ce qui y est inscrit.
Au fond de la pièce, la femme blonde prend la parole :
— Vous deux, écoutez-moi bien. Vous n'allez opposer aucune résistance, ou votre camarade en partira.
— Où elle est ? Aïsha ! crie Noah.
La femme saisit mon ami par la gorge en grognant. Je me contracte mes muscles sans m'en rendre compte.
— C'est moi qui parle. Tu ne nous interêsse pas. Mais si tu commences à poser problème on s'occupera de toi, c'est compris ?
Le brun hoche la tête avec difficulté, et la femme relâche son emprise.
— Bien. Je vais vous faire sortir. N'essayez pas de revenir. Ça ne menerait à rien, sauf si vous aimez mettre vos vies en danger.
Je soupire de soulagement. Si elle laisse partir Lizenn et Noah, c'est qu'elle est là dans un but bien précis. Et j'ai une petite idée de ce que cela peut être. J'entends le cliquetis d'une porte alors que les trois disparaissent dans une autre pièce. Je me rallonge alors sur le sol. Si ça se trouve, je pourrai récolter quelques informations avant que mes ravisseurs ne découvrent que je suis réveillée.
En attendant le retour de la femme, j'observe méticuleusement les liens qui me retiennent. D'une longueur d'un mètre environ, les chaînes sont accrochées à même le sol. Mes poignets, eux, sont retenus par de lourds bracelets de fers. Dans la situation où je suis, il me paraît difficile de réussir à me libérer. Il va falloir que j'attende qu'on le fasse pour moi.
Des pas, bien plus lourds que ceux de la blonde arrivent à mon oreille. Ce doit être l'un des hommes qui nous ont attaqué hier. Je serre les dents. Si cela ne tenait qu'à moi, je trouverai un moyen de m'échapper, mais il s'agit aussi de Gama. Et, même si je ne le porte pas dans mon cœur, j'ai besoin qu'il rentre avec nous. Sinon, les Phénix se douteront de quelque chose. Et ça, je ne peux pas le permettre.
J'attends donc avec impatience que quelqu'un d'autre arrive, ou que n'importe quoi se passe. Le temps passe lentement. Trop, même. Je ne peux bouger à cause de l'inconnu qui se trouve près de moi, et je dois avoir l'air détendu d'une personne qui dort. Je reste concentrée sur ma tâche, mais manque de lâcher un soupir soulagé lorsque la femme reviens dans la salle de son pas léger.
— Ils sont partis, c'est bon.
— Très bien. Occupons-nous d'elle, qu'on en finisse.
Les pas se rapprochent et je sens une main se poser sans délicatesse sur mon épaule. Consciente que cela ne mènerait à rien de les faire attendre, j'ouvre les yeux et observe les deux individus.
— Qu'est-ce que vous voulez de moi ?
Les ravisseurs ne répondent pas, et échangent un long regard. J'attends sans bouger, gettant la moindre information.
— Écoute. Nous ne sommes pas dans de bonnes conditions. Nous allons te détacher, mais je te garantis que si tu essaye quoi que ce soit, tu le regretteras.
Je hoche la tête. Malgré tout, j'analyse déjà les deux individus. Ils n'ont pas l'air particulièrement taillés pour le combat, ni d'être sur leur garde. Tant mieux. Si je dois agir, je pourrai compter sur l'effet de surprise.
Je soupire de soulagement quand le métal froid des fers quitte mes poignets et retombe sur le sol dans un bruit sourd. Je me frotte distraitement la peau pour faire disparaitre la désagréable sensation. Mes agresseurs n'ajoutent rien pendant un moment, et j'en profite pour repérer les différentes sorties. Il n'y en a pas cinquante : la porte qu'ont emprunté Noah et Lizenn, et les fenêtres qui éclairent la salle.
— Bon assez joué ! crie soudain une troisième voix.
Un homme déboule dans la pièce. Je le reconnais : il fait partie de ceux qui nous ont attaqué tout à l'heure.
— Vous trainez trop. Laissez-moi m'occuper d'elle.
Quelque chose dans son ton me perturbe. On dirait qu'il ne croit pas à ce qu'il dit. Mais, quand il se jette sur moi, je dois me résoudre à le croire sur parole. J'esquive tant bien que mal un coup de poing et recule avant que sa jambe ne percute mon ventre. Ma respiration s'accélère peu à peu, alors que je scrute mon adversaire. Se pourrait-il que je me sois trompée ?
Je m'aperçois vite qu'il a un gros point faible du côté gauche, où il laisse apparaitre des ouvertures béantes. Aidée par ma petite taille et mon agilité, je m'approche peu à peu de l'homme, et réussis à l'atteindre plusieurs fois au visage. Furieux, mon opposant me repousse avec force, et je dérape sur le sol.
Il me suit sans attendre, essayant de me plaquer. Mais je saisis ses épaules et le maintien serré contre moi alors que mes jambes enserrent son cou. Je tiens bon malgré ses à-coups puissants et jette un coup d'œil à ses compagnons. Ses derniers attendent tranquillement que cela se finissent, sans avoir l'air impactés par ce qu'il se passe.
Alors que l'homme que je retiens devient rouge, privé depuis trop longtemps d'oxygène, je relâche un peu la pression. Je ne veux pas le tuer, malgré ce que je montre. Je ne suis pas prête pour ça.
— Rendez-moi mon ami où je lui brise la nuque, menacé-je.
L'homme sourit.
— Bien joué, Eau. Tu as été formidable, à l'image de ton maître.
Contrairement à l'effet escompté je resserre sans attendre mes jambes autour de mon prisonnier, qui émet un grognement étouffé. Je m'efforce de parler sèchement, ignorant la panique qui envahit ma poitrine.
— Je ne comprends pas un traître mot de ce que vous dites. Libérez mon compagnon.
— Tu peux le lâcher. Nous sommes de ton côté, assure la blonde. Je suis Saera, une amie de ton Maître. L'agent Éclair, si je ne m'abuse ?
Après un instant d'hésitation, je relache la pression que j'exerce, soulagée. Alors, je ne m'étais pas trompée. Ces personnes sont bien des membres - ou du moins, des amis - de la Ligue.
— Donnez-moi une raison pour laquelle je devrais vous faire confiance.
— Sei vein Ementir soneir ayëis, frugum, prononce difficilement mon interlocutrice.
"Si vous voyez les Éléments arriver, fuyez".
Je détends entièrement mon corps à l'entente de cette phrase, que seul le Maître connait. Je sourie en repensant à sa manie de nous répéter ça lorsque nous étions plus jeunes. C'était sa façon de nous dire que nous progressions. Il n'y a que lui qui a pu la leur donner, et j'ai foi en son jugement. S'il leur fait confiance, je leur accorderai la mienne.
Je m'écarte de l'homme, et tends la main pour l'aider à se relever. Saera me fait signe de m'asseoir, et j'accepte malgré mon envie d'en savoir plus.
— Désolée pour la façon dont nous t'avons traitée, mais c'était nécessaire, commence-t-elle. Mel et Garret ne devaient pas te faire de mal mais nous ne nous attendions pas à ce que tu résiste comme ça.
— Je vais bien, ne vous en faites pas, assuré-je.
La blonde sourit et sort deux documents de sa poche. Je reconnais immédiatement l'écriture du Maître sur le premier. Incompréhensible, il semble avoir été codé.
— Voici la lettre que l'agent Éclair nous a envoyé, et le décodage que nous avons réalisé.
Après avoir saisi les papiers, je survole rapidement de yeux celui du Maître, puis passe au second.
"Ma très chère Saera,
Voilà bien longtemps que nous ne nous sommes pas vu. J'espère que tout va bien pour ta famille et toi.
De mon côté, tout va bien. Les Éléments me rendent très fier.
Par ailleurs, une importante mission se déroule en ce moment, et j'aurai besoin de ton aide. L'agent Eau et trois de ses compagnons arriveront bientôt à Sour et j'aurai besoin que tu intercepte l'un d'entre eux. D'après mes sources, voici sa description."
Le Maître se lance alors dans une description si précise de Gama que je peux presque voir apparaître son visage devant moi. Mais pourquoi avoir demandé à le faire emprisonner ? Peut-être voulait-il faciliter ma mission. La suite de la lettre se compose de la description successive de tous notre petit groupe. Je poursuis ma lecture, pressée d'en savoir plus.
"Il est important de ne pas faire de mal aux autres membres de l'équipe, et, si possible, également à Gama. L'agent Eau, pourra t'en dire plus par la suite si elle le souhaite. D'autre part, il serait intéressant que tu aies une discussion avec elle pour décider sur sort de Gama."
Lorsque j'arrive au passage concernant la phrase code, je souris sans le vouloir, attendrie.
"Je sais que tu as un réseau développé à la capitale, et j'espère que ton aide sera possible. Je te fais confiance pour ne pas divulguer ces informations et brûler cette lettre dès que Eau l'aura lue.
Avec tous mes remerciements,
L'agent Éclair."
Je relève la tête.
— Pourquoi m'avoir attaquée ainsi si vous aviez reçu ce mot ?
— On n'est jamais trop sûrs. Nous aurions pu nous tromper de personne. Si tu n'avais pas été capable de te défendre, nous ne t'aurions pas fait confiance.
J'acquiesce. Cela me paraît justifié.
— Venons-en à la question principale : que faisons-nous de Gama ?
— Je n'avais pas envisagé que ça se passerait comme ça, avoué-je. Qu'avez-vous pensé ?
— À vrai dire, nous attendions d'avoir ton avis. Il est clair que nous pourrons pas le garder ici toute notre vie.
Je jette un nouveau coup d'œil aux lettres. Le Maître n'a donné aucune explication sur la manière dont nous devons procéder, si ce n'est que le choix repose sur mes épaules. C'est typique de sa personne, mais ça ne m'arrange pas.
— Si nous rentrons sans lui, les Phénix se douteront de quelque chose, même avec la meilleure des raisons. Étant donné que personne d'autre que nous sommes au courant, il serait bizarre que nous soyons attaqués, d'autant plus que trois d'entre nous s'en seraient miraculeusement sortis.
— C'est sûr, intervient Mel. Mais nous devons en tirer profit. Nous n'avons par fait ça pour rien.
Je réfléchis, le regard perdu dans le vague. Nous pourrions aller voir les rois sans lui et le libérer après, mais comme il y a aussi Noah, ça ne nous avancerait à rien.
— Je ne vois qu'une seule solution : on le libère. Je pense que Gama se pose quelques questions à mon sujet. Donnons-lui une raison de me faire confiance.
Cela fait en effet plusieurs fois que je remarque mon compagnon tiquer lorsque je prends les choses en mains. Je dois lui montrer que je suis toujours de son côté, de leur côté.
— Et comment comptes-tu faire ? demande Saera avec curiosité.
— Faisons-lui croire que j'ai réussi à m'échapper. Je l'aide à fuir, et vous, vous agissez comme si tout était normal. Au dernier moment, vous vous rendez compte de ce qui est entrain de se passer, et vous essayez de nous arrêter, mais c'est trop tard.
— Comme ça, vous êtes tous les deux libres, sans qu'il puisse penser que tu es dans le coup.
— Exactement !
Je visualise la scène.
— Il faudrait que l'un d'entre vous se mette sur le sol vers mes chaînes, comme si j'avais réussi à l'assomer et que j'avais pris ses clés.
— Je peux le faire. Je suis fin, ça ne paraîtra pas suspect, propose Garret.
— Le mieux serait de le faire à la tombée de la nuit. Tout le monde sort pour célébrer Yulé, alors vous pourrez vous fondre dans la foule.
— Parfait. Je vais faire disparaître ça.
Comme la blonde ne proteste pas, je me lève et laisse le papier se consumer rapidement au-dessus d'une torche. Je retourne ensuite m'asseoir, attendant le bon moment pour partir.
***
— Il est temps.
Je sursaute en entendant la voix grave de Mel. Je relève la tête, l'esprit embrumé. J'ai faillit m'endormir. Je cligne des yeux pour éclaircir ma vision alors que Mel et Saera partent dans une autre salle. Garret, quand à lui, se place vers les chaînes toujours posées au sol et me lance :
— Vas-y assomme-moi.
Je me place derrière lui et, aussi délicatement que possible l'enserre et le fait tomber à terre. Puis je renverse une chaise près de lui, et saisis ses clés. Par besoin de faire des traces de lutte : il y en a déjà.
— Au-revoir. Merci pour votre aide, murmuré-je avant de m'enfuire en courant.
Je m'efforce de prendre un air alarmé et traverse la salle à toute vitesse, tout en faisant le moins bruit possible. Arrivée à une intersection, je bifurque et tombe sur une porte défraîchie. Immédiatement, je sais qu'il est à l'intérieur. Je peux presque sentir sa rage d'ici. Mon intuition est confirmée quand un grognement se fait entendre. Je glisse la clé dans la serrure et ouvre la porte sans un bruit.
Lorsqu'il me voit arriver, Gama écarquille les yeux. Je pose un doigt devant ma bouche, lui faisant signe de ne pas parler trop fort. Je le débarrasse de ses chaînes le plus vite possible et nous sortons de la pièce en courant à moitié.
Lorsque nous passons dans la pièce, je vois mon compagnon jeter un regard incrédule à Garret, toujours affalé par terre. Je le félicite intérieurement pour son immobilité et nous continuons notre chemin. C'est alors que nous entendons un cri.
— Le prisonnier s'est évadé !
— Vite ! soufflé-je.
Gama me lance un regard pressant et nous repartons de plus belles. Je cours jusqu'à la porte d'entrée, et entreprends d'essayer les clés une à unes. Nos poursuivants sont presque derrière nous lorsque je trouve enfin la bonne et que nous nous précipitons dehors. Comme l'avait prévu Saera, dès que la nuit est tombée, une foule d'hommes a envahit les rues et manifeste bruyamment sa joie.
— Attrape-les ! entends-je au loin.
Nous nous elançons dans la foule, profitant du nombre de personnes pour nous fondre dans la masse. Les amis du Maître font mine de nous poursuivre un instant, mais abandonnent vite l'affaire. Je soupire de soulagement. Ça a marché.
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