CHAPITRE 11

La lumière du soleil me réveille de bonne heure. Je jette un coup d'œil à la montre de Gama. Sept heures trente. Il est temps de partir. Je soulève la fine couverture qui m'a à peine tenu chaud cette nuit, prenant garde à ne pas faire de bruit. Lizenn, allongée sur le lit à mes côtés, se retourne mais n'ouvre pas les yeux.

Je pense avoir percé son jeu à jour. J'ai bien vu tout le mal qu'elle s'est donnée pour se rapprocher de moi, et m'introduire des pensées quelque peu rebelles dans la tête. Elle veut me montrer qu'elle est comme nous. Elle veut me manipuler. Mais ce qu'elle ne sait pas, c'est que je suis déjà de son côté. Elle a réussi son complot avant même de l'avoir commencé.

Je m'approche d'elle et presse doucement son épaule. La princesse se réveille en sursaut, alerte. Une fois qu'elle m'a vue, elle se détend et s'étire de tout son long. Je réitère l'action avec Noah et Gama, qui ne tardent pas à se lever aussi.

— Bien. On reste silencieux, et on s'en va au plus vite. Chaque seconde qu'on perd, c'est une de plus à Thora pour reprendre conscience et à ses amis pour le retrouver.

J'acquiesce, tout en rangeant un maximum d'affaires. Une fois le tout emmailloté, nous descendons dans la salle principale. Des petits déjeuners sont déjà installés sur les tables. Je mord avec plaisir dans un petit pain. Il est un peu sec, mais remplit tout de même mon estomac. Je bois un grand verre d'eau, puis attends que mes compagnons aient finit de manger.

Après avoir rendu les clés de la chambre et remercié le propriétaire, nous sortons au froid. Par miracle, nos chevaux sont toujours dans la petite écurie, leurs rangements remplis de toutes nos affaires laissées dedans. Je range le reste, passe mon sac à dos, mon arc et mon carquois à mon épaule. Je vérifie que mon épée soit bien accrochée. Se serait bête qu'elle tombe si j'en ai besoin. Enfin, je nourris Charbon, le caline un instant, puis monte en scelle.

— C'est reparti ! ironise Lizenn.

Hier soir, avant de nous coucher, nous avons consulté la grande carte d'Ernakan que nous ont donné les Phénix à notre départ. Et nous sommes en réalité loin d'être arrivés au château. En effet, celui-ci se trouve caché de l'autre côté de la ville. Aujourd'hui, nous avons donc à traverser l'entièreté de Lurion, avec ses bandits, ses pièges et ses impasses. Autant dire que nous avons de quoi nous amuser.

— Rappelez-vous. Au moindre geste suspect, on avertit les autres. On ne doit prendre aucun risque.

Tout le monde hoche la tête. Plus nous serons efficaces, plus vite nous rentrerons chez nous. Enfin, pour l'instant, chez les Phénix. Il faut faire chaque chose en son temps. Nous partons au pas. La rue dans laquelle nous sommes n'est pas assez large piur nous permettre d'aller plus vite. Je trouve ça angoissant. Si des bandits nous tombent dessus, il me sera difficile d'utiliser mon arc. Il nous faut rester d'autant plus attentifs.

J'avance malgré moi dans l'étroite glissée, repoussant mes doutes.

***

Quelques heures plus tard, nous décidons de nous arrêter manger. Nous trouvons une place, où se trouvent plusieurs échoppes, dans lesquelles nous achetons tout ce qu'il nous faut pour tenir jusqu'au soir. Puis nous nous posons dans un coin. J'en profite pour me dégourdir les jambes. Je n'ai pas l'habitude de rester aussi longtemps à cheval !

— Il y a quelques subtilités que vous devez savoir, avant d'arriver au château, intervient soudain Lizenn.

Nous nous tournons vers elle, intrigués. Il est vrai que nous n'avons pas encore parlé de ce que nous ferons une fois arrivés là-bas.

— Torstin, le roi de Drokan n'est pas comme les autres rois. Il est imprévisible, changeant. Il faudra faire attention à lui.

— Nous venons lui proposer une alliance, il n'aura pas de raison de nous faire du mal, contredit lentement Gama.

— Détrompe-toi. Il va tout faire pour voir si on est à la hauteur. Si on mérite vraiment son soutien.

Je bénis les Phénix d'avoir obligé Lizenn à venir avec nous. Si on peut éviter de perdre la vie dans ce château, ça m'arrangerait.

— Que penses-tu qu'il va faire ? demandé-je.

— Oh, toutes sortes de choses. Des mises à l'épreuve. Des pièges. Enfin, un tant soit peu qu'on arrive à lui parler. Souvent, il laisse son fils faire le travail.

Je soupire. Si même le roi avec qui les Phénix cherchent à faire alliance va chercher à nous tuer, nous ne sommes pas rendus. Quant au prince, je ne sais pas quoi penser de lui. Je sens mes compagnons se détendre à sa mention, mais la princesse nous avertit tout de suite.

— C'est encore pire avec lui. Si son père aime le défi, Soran est fourbe. Il aime passer des accords dont les termes semblent aventageux, mais qui ne le sont pas du tout. Le mieux est d'éviter tout contact avec lui. Surtout que nous ne maîtrisons pas parfaitement cette langue...

— Ce serait dommage de mal comprendre ses propos et de se retrouver coincés, complété-je.

— Donc, si j'ai bien compris, murmure Noah, on a le choix entre un roi qui va tout faire pour nous tuer, afin de voir si il ne perd pas son temps avec nous, et un prince qui veut nous tromper et nous asservir.

— C'est à peu près ça.

— Rien de plus facile, ironisé-je.

— Il nous faudra suivre notre instinct, propose Noah. 

— Ce qui est plus facile à dire qu'à faire, renifle Gama.

Oui, si on omet le fait que je parle l'ancien langage comme l'Ernak. Ça facilite quand même beaucoup les choses. Maintenant, il me reste plus qu'à réussir à avertir mes compagnons des dangers qu'on encoure sans pour autant leur dévoiler mon secret. La routine, quoi.

— Bien. Il y a une autre chose dont on doit se rappeler ?

— J'y venait, continue Lizenn. N'oubliez jamais de vous incliner devant les membres royaux, et de baisser la tête lorsqu'ils vous regardent. Le contraire vous emmènerait tout droit au bûcher.

Du coin de l'œil, j'observe Noah, qui, muet, se concentre sur ce que dit la rousse, sûrement pour ne rien manquer.

Soudain, je remarque qu'il y a du grabuge à l'autre bout de la place. Je lève la tête, et blemis.

— Et enfin, le plus important...

— Remontez en scelle, tout se suite ! crié-je, coupant Lizenn par la même occasion.

Alertés par mon ton pressant, mes compagnons se hâtent de chevaucher leurs montures. Ils jettent un regard dans la direction que je pointe et pâlissent en apercevant la source de ma peur. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais Thora et ses amis nous ont retrouvé. Et ils n'ont pas l'air de vouloir nous voir vivants.

Nous détalons au quart de tour, plongeant dans une petite rue sombre. Heureusement pour nous, nos poursuivants sont à pied. Cette fois-ci, plus question de prendre notre temps. Nous galopons à perdre haleine dans le dédale d'allées. J'aperçois Thora, au loin, qui crie de rage, en colère de nous avoir ratés. Je pousse un soupir de soulagement lorsqu'il comprend que nous sommes trop rapide et s'arrête, fulminant.

— C'était moins une.

— C'est trop facile, soufflé-je. Il y a autre chose. Regardez bien autour de vous, sans vous arrêter.

— Un homme posté sur un toit, à gauche, me lance Noah.

Sans attendre, je saisis mon arc, insère une flèche, et vise la forme. J'attends une seconde de trop. Une flèche file dans ma direction. Je me baisse au dernier moment, et cette fois, n'hésite pas. Le projectile se fiche dans le bas de ma cible, qui tombe à la renverse. Je m'oblige à prendre une grande respiration pour chasser mon stress.

— On continue ! crie Lizenn.

Des passants se retournent sur notre course effrénée. Nous avons rejoint une des artères principales de la ville. Gama prend les devants et nous entraîne dans des endroits moins fréquentés. Nous le suivons à toute allure. Il a l'air de bien mieux connaître les rues qu'il le laisse paraître. Il faudra que je lui en touche un mot.

— On va avoir un problème !

En face de nous, se dresse un mur. Nous sommes dans une impasse. Alors que nous rebroussons chemin pour prendre l'intersection la plus proche deux voyous arrivent de l'autre côté.

Vous êtes faits ! crient-ils en ancien langage, fiers d'eux.

Laisser passer ! lance Lizenn.

— Pourquoi donc ? Vous êtes des cibles faciles ! Ah, les étranger ! ajoute pour son collègue. Leur naïveté me fait rire.

— Il faut qu'on se sorte de là, et vite, chuchote Noah.

— Il y a un croisement pas loin. Mais à supposer qu'on l'atteigne, ils nous poursuivront.

— Il faut qu'on arrive à s'échapper un par un. Sans qu'ils s'en aperçoiven, soufflé-je. 

Je jette un œil vers les bandits, qui attendent patiemment qu'on panique, bombant le torse. Ils doivent être habitués à voir des gens frémir devant eux. Cependant, dans la ruelle serrée, je peine à les voir entièrement. Avec un peu de chance, eux même ne savent pas combien nous sommes.

— Le problème, ça va être les chevaux, murmuré-je alors qu'un plan se forme dans mon esprit.

— Ça, je peux m'en occuper, souffle Lizenn sur le même ton.

— Très bien. Alors, écoutez-moi bien.

Par chance, nos opposants ne sont pas pressés. Ils ont l'air d'être de simples voleurs, non habitués au vandalisme. Se delectant de la peur qu'ils pensent nous infliger, ils ricannent. Une fois mes explications terminées, j'inspire un bon coup. Alors, sans attendre, je pars en courant vers les deux hommes, et me laisse tomber à genoux devant eux. Ils dégainent leurs armes, de petits couteaux et les brandissent vers moi. Je fais mine de ne pas les voir.

— S'il vous plaît laissez nous en vie ! Je vous en prie ! Nous ne sommes qu'une bande d'adolescent ! Nous sommes jeunes !

Le plus grand d'entre eux s'agenouille près de moi, comme compatissant, avant de me pousser violemment par terre. Je ravale la honte et la colère qui affluent et me relève, sonnée. Bien que je sache qu'ils ne comprennent rien à ce que je dis, je leur lance quelques dernières supplications avant de courir rejoindre ma compagne et de me tapir dans l'ombre avec un visage apeuré.

— Ils ne veulent pas nous aider, gémis-je en remontant discrètement à cheval.

Et ! Vous voulez quoi ? demande Lizenn, qui s'avance à son tour vers les bandits.

Votre or.

Dès que l'attention de nos adversaires est détournée, je caresse Charbon et entreprends de me mettre debout sur lui. Il se secoue, mais je le calme avec une friandise.

— Chuut. Ça va aller, chuchoté-je.

D'accord. Je vais vous le donner. Mais vous laisser nous tranquilles ! assène Lizenn face aux voleurs. 

On verra si vous en avez assez.

Je tends les bras et suis aussitôt tirée vers le haut par deux personnes. Je rejoins Gama et Noah, et, aussi silencieuse que possible, me rapproche vers le bord du toit. J'impire un grand coup, reprends mon arc, et me concentre. Je dois agir rapidement. Je tends la corde, et laisse partir la flèche qui se plante dans le ventre de l'homme. De quoi l'empêcher de nous suivre, sans pour autant le tuer.

C'est alors que Lizenn lance un sifflement strident, qui a pour effet de lancer les chevaux au galop. Ils passent tous à côté des deux voyous, et j'en profite pour mettre à son tour le deuxième hors d'état de nuire.

La princesse récupère mes flèches et partant, et siffle pour arrêter les chevaux. Nous descendons rapidement du toit et montons à nouveau sur nos montures. Il faudra leur donner une belle récompense ce soir. Nous partons à nouveau au galop, laissant derrière nous les bandits. Je jette un coup d'œil dans notre dos. Cette fois-ci, personne ne nous suit.

***

Il est tard lorsque nous arrivons enfin en vue du château. Nous cherchons à nouveau une auberge, et tombons cette fois-ci sur un refuge propre et accueillant. Il semble que plus nous nous approchons du palais, plus les quartiers sont aisés et moins il y a de criminels. En effet, nous n'avons subi aucun autre incident depuis celui de ce midi, ce qui est notable.

Nous nous sommes installés dans notre chambre, pourvue de quatre lits, et d'une salle de bain beaucoup plus sophistiquée que l'ancienne. Nous pourrons tous bien dormir cette nuit. Assise autour d'un bon dîner, je décompresse de la journée passée. Même si mon quotidien est mouvementé avec la Ligue, nous nous confrontons rarement avec autant de personnes en si peu de temps.

Nous finissons par aller nous coucher, épuisés par notre cavalcade.

— Demain, nous essaierons de trouver le roi, annoncé-je.

— Et ça ne va pas être une mince affaire...

— Surtout d'après ce qu'à dit Lizenn, ajouté-je. Si l'on doute de quoi que ce soit, on s'en va, et on retentera un autre jour. Il vaut mieux perdre un peu de temps que de se retrouver coincés là-bas.

— Oh, tu me fais penser, avant que j'oublie ! intervient Lizenn. J'ai été coupée tout à l'heure. J'ai une dernière recommandation à faire. Noah, Gama, si vous posez ne serait-ce qu'un œil sur la reine, vous êtes morts.

La journée s'annonce comique.

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