CHAPITRE 4 ✓
Je délie pour la énième fois mes membres ankylosés. Ma mission est presque finie, mais il me faut encore tenir un peu. Une heure plus tard, Alissandre me tapote sur l'épaule : la relève arrive. Nous partons en silence pour laisser place à nos coéquipiers. Je leur fais un petit geste d'encouragement avant de me diriger vers l'une des innombrables entrées de la Ligue, la belle rousse à mes côtés. Une fois à l'intérieur des souterrains, nous enlevons les masques qui nous couvrent le visage.
Hier, le Maître a réussi à identifier un homme qui pourrait bien faire partie des Phénix. Un moyen facile de savoir où se rendre et comment faire pour les intégrer. Nous avons donc passé la journée à arpenter le quartier, dans lequel il devait apparemment se rendre sous peu de temps, sans grand résultat. Les seules choses que nous avons récolté sont de belles tensions dans nos jambes.
Léo et Ashley, qui se sont reposés toute la journée, nous ont désormais remplacé au poste de guet. J'espère qu'ils auront plus de succès que nous. Je n'ai aucune envie d'y retourner demain. Non pas que je n'aime pas attendre. Cependant, nous devons rester muets, debout et sans bouger tout le long de la journée, sans pour autant perdre notre attention. Un vrai défi, même pour nous.
Nous finissons par arriver dans les couloirs silencieux et tranquilles du Laby. À mes côtes, Alissandre, impatiente de se poser, me tire par le bras.
— Allez ! On y est presque !
— J'arrive, j'arrive !
Nous finissons par passer le pas de notre porte et arrivons enfin chez nous.
— Ça fait du bien de se poser ! soupire Ali alors que nous nous laissons tomber sur les fauteuils de notre petit appartement.
J'acquiesce en silence, appréciant le repos dont mes jambes jouissent soudain.
— J'espère qu'ils vont le trouver, intervient Ali, faisant écho à mes pensées. J'aime pas rester comme ça sans bouger.
Je souris. Il est vrai que si je n'ai pas trop de mal à patienter, ma petite-amie ne sait pas rester en place. Cette journée a du être une réelle torture pour elle.
— Je crois en eux. Et puis, si j'étais cet homme, je sortirais de nuit. Même si on peut trouver plus d'assassins, il y a moins de chance de se faire repérer.
— N'empêche, entre tomber entre nos mains et celles des assassins, il n'y a pas photo, remarque la rousse.
En effet, la caste des assassins regroupe tous les voleurs, tueurs à gages, bandits les plus expérimentés, les plus sournois. Mais pour un membre des Phénix, finir à la Ligue ne peut qu'être un désastre. Nous sommes quand même leurs ennemis, par définition. Nous nous sommes toujours montrés en faveur du roi.
— Allez, viens, on va dormir, il est tard, me chuchote la jeune fille, qui se lève et s'approche de moi. On doit être reposés s'il nous faut mener un interrogatoire.
Je saisis sa main et la suis dans sa chambre. En l'absence de nos camarades, nous pouvons nous permettre de dormir ensemble. Ces occasions sont rares, alors nous en profitons autant que possible.
Je me glisse dans les draps et Ali se colle contre moi. Sa chaleur réchauffe mon corps froid et me procure une sensation de bien-être. Je l'embrasse doucement et caresse ses longs cheveux pendant qu'elle s'endort, paisible. J'observe quelques instants la fille qui envahit chacune de mes pensées, puis m'assoupis à mon tour.
***
Je suis réveillé par du mouvement près de moi. J'ouvre les yeux pour découvrir Alissandre, assise près de moi, en train de tresser sa longue chevelure rousse. Je regarde ma montre : six heures du matin. Nous avons encore un peu de temps avant d'aller prendre la relève sur nos camarades. Je baille distraitement, tout en regardant la jeune fille à côté de moi.
— Hé, chuchoté-je. Si on profitait de ce moment de calme ?
Ma petite-amie tourne la tête vers moi, mes yeux brillants.
— Ça dépend. De quelle manière tu veux faire passer le temps ? souffle-t-elle.
Un petit sourire se forme sur mes lèvres.
— Tu as très bien compris.
— Je veux l'entendre, murmure la belle rousse.
Je m'approche d'elle et pose mes mains sur le creux de ses hanches, les joues rougissantes. Je n'aime pas parler de ça, et elle le sait très bien. Elle laisse échapper un rire moqueur.
— On perd ses moyens ? dommage, ça allait être intéressant...
— Arrête de faire ta bourique et viens là, grommelé-je, piteux de m'être fait avoir, encore une fois.
La jeune fille me fait un clin d'œil, mais finit par venir se lover dans mes bras. Elle approche sa bouche de la mienne, sans pour autant effleurer mes lèvres. Je grogne et passe la main dans son cou pour l'attirer à moi. À peine nos lèvres se touchent qu'une explosion de sensations s'empare de moi.
— Je t'aime, soupire Ali.
— Et moi donc !
Je me déplace pour être en mesure de lui retirer son tee-shirt. Elle m'aide puis le lance par terre. D'un geste de la main, je dégrafe son soutien gorge, qui va le rejoindre. Je couvre son cou de bisous avant de descendre à sa poitrine.
— Attends, chuchote ma partenaire. On a pas trop le temps, passons à l'étape suivante.
— Avec plaisir.
Sans la lâcher du regard, je retire mon sweat avant de me rallonger.
— J'aime bien tes abdos, sourit Ali.
Je frissonne alors qu'elle en trace le contour avec ses doigts fins. Pendant ce temps, je m'occupe de retirer son pantalon et sa culotte. Elle entreprend à son tour de me libérer de mes vêtements. La chaleur monte alors que nous nous retrouvons tous les deux nus, collés l'un contre l'autre. Le désir brouille mes pensées. Je me positionne au-dessus de ma petite-amie.
Soudain, un bruit nous interrompt.
— Ali ! Matt !
Nous bondissons hors du lit, interloqués. Merde ! Nous nous habillons en vitesse, confondant nos vêtements, mais arrivons finalement à trouver tout ce dont nous avons besoin.
— On remet ça, à plus tard, me lance Alissandre, tout en glissant ses poignards dans leurs fourreaux.
— Il y a intérêt, répliqué-je, saisissant mon épée.
Nous sortons de la chambre pour atterrir sur Léo, affalé sur les fauteuils. Ses poumons se soulèvent rapidement, signe qu'il vient de courir. Ali se précipite vers lui pour vérifier qu'il n'est pas blessé.
— Tout va bien, anticipe Léo.
La rousse stoppe son geste.
— On l'a coursé dans toute la ville, ahane le jeune homme. Ashley le retient dans une salle. Elle vous attend, en salle C32.
— Reste là, on s'en occupe, proposé-je. Vous avez bien mérité un peu de repos.
Léo ne proteste pas et, après avoir pris des masques, nous partons sans plus poser de questions. Ashley doit elle aussi être fatiguée après cette veillée, et il n'est pas bon de la laisser avec un ennemi trop longtemps. Nous traversons en vitesse les couloirs secs des souterrains, jusqu'au lieu indiqué par notre coéquipier.
La porte est fermée, mais pas verrouillée. Nous entrons donc, pour trouver Ashley, un masque au visage, face à un inconnu, l'arc tendu, prête à décocher une flèche. Elle ne bouge pas jusqu'à s'être assurée que ce soit bien nous, puis détend sa corde.
— Salut, souffle-t-elle.
Elle aussi a l'air d'être fatiguée par cette longue nuit.
— Et si tu allais te reposer ? propose Alissandre alors que je surveille l'homme.
Ashley proteste, mais les arguments de la rousse sont intarissables. Je souris face à son obstination. À ma grande surprise, l'archère finit par capituler et part rejoindre nos appartements, après nous avoir remis un bandeau dans les mains.
— Pour le retour, nous informe-t-elle.
— Bien joué, lancé-je à Ali.
À ces mots, le membre des Phénix se lève précipitamment, sa chaise toujours accrochée à lui, et court à toute vitesse vers la porte. Ses mains liées l'empêchent de se déporter quand je me place devant lui, coupant court à sa fuite. Il tombe à la renverse et grogne, mécontent. Alissandre le saisit par les aisselles et le repose sur son assise, comme si de rien était. Je réprime l'envie de rire face à la tête du détenu. C'est vrai qu'on rencontre pas des personnes comme elle tous les jours !
— Vous savez, c'est pas parce qu'on ne braque pas d'arme sur vous que vous allez vous échapper, remarqué-je.
Je prends quand même le soin de fermer la porte à clef, puis de glisser cette dernière dans ma poche. Je n'ai pas envie de jouer au vigile.
Alissandre se place sur le côté pour me laisser la place. Nous avons toujours fonctionné comme ça. Elle est trop explosive pour mener des interrogatoires. Il suffit de quelqu'un qui ne veut pas répondre pour qu'elle perde patience et s'énerve. Même si elle n'aime pas rester de côté, elle sait que c'est ce qui est de mieux pour que l'homme parle. Et puis, s'il refuse de nous dire quoi que ce soit, elle pourra toujours intervenir. Mais il faut toujours privilégier la paix à la violence.
— Bien. Si vous coopérez, nous nous montrerons cléments, commencé-je.
— Je n'ai rien à faire avec vous !
— Évidemment, sinon vous ne seriez pas attachés à cette chaise, répliqué-je. Nom et prénom ?
— Connor Oswen, marmone-t-il.
— Faux. Recommencez, je vous prie.
Du pur bluff, mais qui me permet de vite me rendre compte que j'ai raison.
— Roy Carmin, finit par laisser échapper le prisonnier, à contre-cœur.
— Vous vous améliorez, bravo !
— Qui êtes vous ? demande le blond.
Je me rapproche de lui et chuchote, avec un air de conspirateur.
— Si je vous le dis, je devrai vous tuer après.
Le visage de Roy se décompose et perd toutes ses couleurs. Je lui fais un petit sourire avec de m'éloigner et reprendre ma position initiale.
— Donc. Où en étions-nous ?
— Tu t'apprêtais à lui demander d'où il venait, intervient Alissandre.
— Je ne peux pas vous aider ! Je ne sais rien !
— Vous ne savez rien ? Mais à propos de quoi ?
— Des Ph... commence le blond avant de s'interrompre. Tu m'as piégé !
— Et pour être honnête, je ne pensais pas que ça marcherait, avoué-je. Donc, monsieur Carmin, vous venez des Phénix.
J'observe l'homme, qui acquiesce avec méfiance. Il est important qu'il ne comprenne pas que nous voulons les intégrer. Il va donc falloir noyer le poisson.
— Bien. Vous savez, vous pouvez ressortir de cet... entretien sans aucune égratignure. Si vous répondez clairement à mes questions, sans omettre de détails. Sachez que si vous mentez, nous le saurons et vous regretterez alors d'être né. Compris ?
Hochement de tête. Alissandre, qui ne peut réprimer un sourire, s'assoit dans un coin de la pièce et entreprend de nettoyer ses poignards.
— Bien. Parlez-moi des Phénix.
Devant le silence du détenu, je rajoute.
— Vous savez, vous êtes tombé sur la bonne personne. Je ne suis pas de nature violente. Mais si vous continuez ainsi, mon amie va prendre le relais. Et elle n'est pas aussi patiente et calme que moi, confié-je.
Roy jette un coup d'œil à Alissandre, et semble se résigner.
— Nous sommes en désaccord avec la manière de gouverner du roi. Nous avons mieux à offrir au peuple. Et nous permettons à des personnes de nous rejoindre vers cet avenir meilleur.
Je vois bien qu'il en dit le minimum, mais cela me suffit. Après quelques autres questions basiques, je décide qu'il est temps de rentrer dans le vif du sujet.
— Avez-vous d'importants rassemblements prévus bientôt ?
À ces mots, le prisonnier se crispe. Mais Alissandre fait briller sa lame grâce à la lumière et il déglutit avec difficulté. Je vois qu'il cherche quelque chose qui pourrait passer, sans mettre en danger son organisation.
— Je suppose que le recrutement en fait partie, soupire-t-il.
Je cache ma satisfaction sous un air intrigué.
— Vous n'allez tout de même pas vous en prendre à des jeunes ? s'enquit Roy.
— Qui vous a dit que nous allions vous faire du mal ?
— Vous m'avez kidnappé !
— Et qui me dit que vous n'êtes pas un sous-fifre du roi qui traquerait les rebelles ? rétorqué-je, espérant que mon idée ait le résultat escompté.
Le blond se décompose.
— Je...
— Exactement. Nous ne prendrons aucun risque. De la même manière que vous protégez votre vie, nous protégeons les nôtres. Donc, où et quand se déroulera ce recrutement ?
— Dans dix jours, rue Melal. Une grande maison en pierre, coincée entre deux autres.
J'enregistre l'information dans un coin de mon esprit et continue.
— Je suppose que quand vous allez rentrer, vous allez tout raconter à vos supérieurs.
Le blond hoche la tête.
— Faites attention à ne pas trop lui en rapporter. Il ne serait pas très content d'apprendre que vous avez livré des informations à un inconnu.
La peur apparaît dans le regard du prisonnier, qui finit par répondre, hésitant :
— J'imagine que je pourrai oublier quelques petits passages de cette entrevue.
— Bien, sourié-je. Merci pour votre coopération. Nous allons vous faire sortir.
Je passe à nouveau le bandeau autour des yeux de Roy, et Alissandre lui saisit les bras pour l'empêcher de l'enlever. Alors que nous sortons au grand air et nous éloignons de la sortie, l'homme ajoute :
— Vous savez, en d'autres circonstances, j'aurai pu vous apprécier.
Je relève la tête surpris.
— Moi, je vous apprécie déjà.
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