CHAPITRE 38 ✓
- Sky, me lance Elena alors que nous courons dans les couloirs encore déserts. Il faut que vous partiez, Maurice et toi !
- Quoi ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ? protesté-je. Qu'est-ce qu'on a fait de mal ?
Je ne comprends pas. Si Léo et moi sommes découverts, qu'est-ce qui a mit les Phénix sur la piste ? Et pourquoi n'ont-ils pas fait le rapprochement avec Elena, et mes autres coéquipiers ?
- Non ! Il ne te veulent pas pour ce que tu as fait, mais pour ce que tu es, répond-elle mystérieusement sans me donner plus d'informations. Écoute, tu sauras tout en temps voulu, mais en attendant, pars ! Ton frère va te rejoindre d'une minute à l'autre.
- Mais...
- Tu me fais confiance ? Alors, ne pose pas de questions. Tu sauras tout en temps voulu, répète-t-elle après un hochement de tête de ma part. Et surtout, ne retournes pas à la Ligue. Ils te diraient de ramener ton équipe avec toi et cela réduirait à néant nos efforts.
Aussi brusquement qu'elle est apparue, Elena disparaît, mais j'ai le temps de déchiffrer un "bon courage, Flamme" sur ses lèvres. Réprimant un sourire, je saisis mes poignards et m'engage dans les escaliers massifs. Dû aux alarmes, les couloirs se remplissent peu à peu, m'obligeant à zigzaguer entre les élèves.
- Sky ! m'avertit une petite voix.
Je tourne la tête et aperçois mon frère qui s'efforce de me rattraper. Après l'avoir attendu, je repars au quart de tour. Je n'ai pas le temps de lui expliquer ce qui se passe, mais je sais qu'il me fait confiance, comme moi j'ai fait confiance à Elena.
- Viens, lui soufflé-je en m'arrêtant de courir pour lui prendre la main.
Nous marchons précipitamment, poussant de temps à autres des jeunes qui protestent. Cependant, nous sommes déjà loin lorsqu'ils finissent leurs injures. L'alarme qui résonnait il y a quelques minutes s'est désormais arrêtée, mais j'entends des gardes crier nos noms. Heureusement pour nous, la foule nous cache de leurs regards.
- Tiens tiens ! Qui voilà ? résonne une voix détestable alors que Léo et moi arrivons au tournant du hall d'entrée.
Le couloir dans lequel nous sommes est presque vide et mon interlocuteur chasse les deux petits qui nous regardent.
- Gama. Laisse nous passer, craché-je.
La colère contre les Phénix que j'avais réprimée jusqu'ici refait surface et j'écume de rage. C'est alors qu'arrive une deuxième personne, dans le même style que Gama : baraquée, brune foncée, avec un air sombre et dédaigneux. Le genre de personne que je ne peux supporter.
- Je vois que tu as amené un de tes sbires. Tu avais peur de ne pas me vaincre seul ?
Tout en parlant, j'essaie de trouver un moyen de passer en vitesse. Les gardes ne vont pas tarder à fouiller ce secteur du bâtiment et je n'ai pas envie que l'on se retrouve à deux contre eux.
Soudain, Gama se jette sur moi, suivit de près par son ami. Je pare leurs coups et décroche un bon coup de pied au brun, qui s'éloigne avec une grimace. Je me repositionne devant Léo, bien décidée à ce qu'il ne soit pas obligé de se battre. Esquivant une de ses machettes et bloquant l'autre, je me retrouve à la merci de son ami, qui arrive par derrière.
Je plonge donc au sol et roule pour m'éloigner des deux hommes. Lorsque le jeune homme que je ne connais pas essaie de passer derrière moi pour atteindre Léo, je rentre dans une colère noire et, sans réfléchir, lui plante mon poignard dans le ventre. Il hurle de douleur et je retire l'arme avant qu'il ne s'enfuie avec difficulté.
Soudain, j'entends un cri frottement derrière moi. Dans ma hâte d'arrêter le désormais blessé, j'ai oublié Gama. Alors que je me prépare à encaisser la douleur, un gémissement retentit. Me retournant, j'aperçois Léo, son bâton encore au dessus de la tête de mon ennemi.
Je le remercie d'un regard et il hoche la tête. Je sais que c'est difficile pour lui de faire du mal aux autres, et je lui suis reconnaissante d'être intervenu. Quelques secondes plus tard, nous repartons au pas de course et débouchons dans le hall d'entrée.
C'est à ce moment que je comprends que nous sommes cuits. La pièce est emplie de gardes des Phénix, qui attendent que nous arrivons. Dès que je pose un pied dans la salle, ils se retournent vers moi et me fondent dessus d'un même mouvement.
Je me place devant Léo, mais je sais que c'est perdu d'avance. Même si je suis bonne au combat, je ne peux me battre contre une trentaine de personnes voir plus. Je ne suis pas invincible non plus.
Cependant, il nous faut essayer quelque chose. Après un énième regard entretenu avec mon frère, je saisis sa main et nous courons vers la sortie, dans une dernière tentative de fuite. Les armes des gardes m'écorchent le corps et leurs mains me ralentissent, mais je tiens bon. Je distribue des coups au hasard autour de moi, et cela doit marcher car je ne subis aucune blessure grave.
Soudain, la main de Léo glisse de la mienne. Je m'arrête immédiatement, me retourne avec horreur. Mon petit frère est retenu par un homme imposant, qui tient une arme près de lui.
- Arrêtes-toi et nous ne ferons rien à ton frère, me prévient-il d'une voix grave.
Je lève les mains en l'air, à la vue de tous et fais signe que j'ai compris.
- Tes armes.
Avec réticence, je pose doucement mes poignards à terre et les fais glisser vers les gardes. Puis je me replace dans ma position initiale.
Le trajet jusqu'aux cellules est très court. Léo et moi marchons en silence, collés l'un contre l'autre. Personne ne nous demande pourquoi nous avons essayé de fuir, et nous n'essayons pas de connaître la raison de notre captivité. C'est comme un arrangement muet.
La prison, vide, se trouve au sous-sol, auquel on accède par un petit escalier dissimulé près de la sortie. Je note tous les détails du chemin du hall aux cellules, jusqu'au nombre de salles de détentions. Nous nous arrêtons vers le milieu du couloirs et sommes presque jetés dans notre geôle.
- Ça va aller, dis-je à mon frère alors que les membres des Phénix s'éloignent. On va trouver une solution.
- Je sais, Sky. Maintenant que nous sommes seuls, peux-tu m'expliquer la raison de notre fuite ?
Je me lève et marche dans la cellule, mal à l'aise.
- Enfaite, c'est Elena qui m'a dit que nous devions partir, avoué-je à voix basse, par peur qu'une quelconque personne passant par là m'entende.
- Ta supposée égale ? s'assure Léo.
- Oui c'est ça. Elle est digne de confiance, si tu vois ce que je veux dire, continué-je en lui lançant un regard entendu.
- D'accord. Et, elle t'a expliqué pourquoi ? demande mon frère après un court instant.
Je m'arrête de marcher pour me poser à côté de lui. Après avoir pris sa main, je continue :
- Elle a dit qu'ils ne savaient pas, que c'était pour ce que nous sommes qu'ils nous veulent. Mais j'ai beau chercher, je ne vois pas de quoi elle parle.
- Je vais y réfléchir. De toute façon on a qu'à attendre, termine Léo, et je comprends qu'il veut se reposer et méditer de cette affaire en paix.
Je le regarde poser sa tête sur mes genoux. Il a l'air serein, malgré la situation.
- C'est parce que je suis avec toi, avoue-t-il avant de se décontracter.
Je souris et passe négligemment ma main dans ses cheveux. Il sait que je culpabilise de ne pas avoir réussi à passer. Alors qu'il s'endort doucement, je ne peux m'empêcher de me rejouer la scène qui vient de se passee essayant de trouver quelque chose qui aurait pu nous permettre de fuir, sans succès. Notre tentative était vouée à l'échec.
Après ce qui me semble des heures de réflexion, je finis par essayer de dormir, bien que cela me paraîsse impossible. J'y arrive cependant à force de longues respirations, et sombre dans le monde agité des rêves.
***
Je me réveille quelques heures plus tard en pleine forme. Mon petit frère dort encore alors je ne bouge pas pour ne pas le réveiller. Mes blessures de la veille n'ayant pas été traitées, elles n'ont pas bonne mine. Cependant, peu m'importe : ce que je retiens, c'est que les soldats n'ont pas blessé mon frère, ce dont je leur suis reconnaissante. Il n'a pas besoin d'une douleur de plus.
La journée passe lentement. Léo est réveillé depuis presque cinq heures lorsque quelqu'un vient nous rendre visite, pour nous apporter à manger. Une petite ouverture de forme dans la porte et un plateau nous est donné. Il contient deux petits pains racis, ainsi que de l'eau et un fruit. C'est pas mal, même si j'ai déjà vu mieux.
Cependant, le soldat ne part pas. Ce n'est qu'en entendant une autre porte s'ouvrir que je comprends que nous ne sommes pas si seuls que nous le pensions. Je regarde Léo avec gravité, comprenant l'énormité de ce qui se passe : si cette personne révèle que c'est Elena qui nous a averti, cette dernière risque d'avoir des ennuis.
J'espère de tout cœur que le prisonnier est un ennemi des Phénix qui ne les aiderait pour le moins du monde. Sinon, je ne sais pas ce qui se passera.
La journée passe très lentement, dû au fait que nous n'avons strictement rien à faire, et pas assez de place pour tenter n'importe quel exercice de sport. Nous restons donc assis ou debout, immobiles, réfléchissant à une manière de nous enfuir.
Et c'est le soir de notre troisième jour d'emprisonnement qu'une opportunité se présente à nous. Alors que nous finissons notre repas - ou plutôt, bout de pain - du soir, un chuchotement brise le silence de la cellule.
Je m'empresse de réveiller Léo, prête à tout pour sortir. Soudain, le bruit d'une clé se fait entendre et la porte de la cellule s'ouvre, laissant apparaître, à ma plus grande surprise, Madame Lolera, la mentor guérisseuse de mon frère.
Le doigt sur la bouche, elle me tend mes poignards, son bâton et son baluchon à Léo et nous fais signe de sortir. Je fronce les sourcils : les prisons ne sont donc pas gardées ? Et pourquoi viendrait-elle nous aider ? Devant mes questions silencieuses, la guérisseuse me fait un futil clin d'oeil.
Soudain, une pensée me traverse la tête. Je prends les clés des cellules des mains de notre sauveuse et me dirige vers le fond du couloir, cherchant celle qui renferme la personne nous ayant entendu. Je ne peux me permettre de la laisser ici alors qu'elle connait le nom de mon aide. De plus, je ne peux la laisser pourir ici.
Alors que j'ouvre la porte, une silhouette se relève immédiatement. Je pose mon poignard sur son cou avant de lui dire :
- Je suis de ton côté. Suis-moi et tu seras libre.
La jeune fille hoche la tête et sort en silence de sa cellule. Je fais signe à Léo de me suivre avant de remercier Madame Lolera.
- Ce n'est rien, chuchote-t-elle gravement. Vous êtes innocents, je le sais. Je vous laisse deux minutes puis je donnerai l'alerte.
Après un dernier remerciement, je détale, Léo et la jeune fille à ma suite. La faiblesse que je ressentais tout à l'heure s'est évaporée et je m'engouffre dans l'escalier menant à l'étage.
Alors que nous arrivons dans le hall, j'entends la guérisseuse pousser un cri d'alerte. Je la remercie intérieurement pour ce qu'elle a fait pour nous. Lorsque que je débouche dans la pièce, je suis surprise par l'obscurité qui y règne. Nous sommes donc en plein milieu de la nuit.
Soudain, des bruits me parviennent. Des membres des Phénix, alertés par les cris de Madame Lolera, sont entrain d'arriver. Nous nous précipitons vers la porte, dont les deux gardes viennent de se réveiller. Je m'empresse de les assommer pendant qu'ils sont encore dans les vappes.
Je sais que ce n'est pas très réglo, mais je n'ai pas le choix. Je n'ai pas envie que nous nous fassions reprendre. Léo saisit le trousseau de clef qui pend à la ceinture de lui d'eux et entreprend de trouver la bonne. En attendant, je me retourne, prête à me battre.
Les gardes ne sont qu'une dizaine à être venus. J'espère que Léo va vite pouvoir nous faire sortir parce que je ne vais pas tenir longtemps. Nos armes se percutent soudain et je repousse le premier assaillant. Je tournoie, taillade comme une furie, et désarme un soldat.
Je vois l'inconnue, à côté de moi, qui se défend avec une admirable technique contre ses adversaires. Cependant, sans armes, elle ne fait pas le poids. C'est alors que je prends une décision : je ramasse l'épée tombée à terre et lui lance. Autant mettre toutes les chances de notre côté.
Tout en combattant, j'observe l'ancienne prisonnière. Elle se moue avec un style totalement différent du mien, comptant davantage sur son agilité et sa souplesse que sa force. Elle a l'air inatteignable, livre comme l'air. Elle peut être, à mon avis, une redoutable adversaire.
- C'est bon ! lance soudain Léo en ouvrant précipitamment la grosse porte.
Sans plus attendre, nous courons vers la sortie, échappant aux lames acérées qui nous menacent. Nous avançons le plus vite que nous permettent nos jambes et fuyons dans la nuit. Les soldats nous poursuivent quelques minutes puis abandonnent alors que nous creusons encore la distance entre les Phénix et nous.
Pendant que nous fuyons, je fais l'inventaire de mes blessures. Heureusement, le peu de temps qu'à mis Léo à ouvrir la porte a empêché le pire. Je m'en tire avec une belle estafilade à l'épaule aussi qu'à une petite blessure au poignet. Rien qui ne soit problématique.
Cependant, rajoutées aux autres contusions que j'ai récolté il y a quelques jours, elles m'affaiblissent. Nous nous mettons à marcher vers les montagnes se trouvant derrière les Phénix. Là-bas, il y aura des animaux, de l'eau, et, avec un peu de chance, des plantes.
Après avoir crapahuté pendant ce qui me semble une éternité, épuisés, nous finissons par nous arrêter dans un petit recoin de plat, à côté duquel se trouve un ruisseau. Des arbres, de l'herbe et une petite caverne viennent compléter ce petit paradis.
Soufflant pour la première fois depuis plusieurs jours, je me laisse tomber à terre, atterrée : nous sommes coincés à l'écart de la civilisation, avec une inconnue et les Phénix à nos trousses. Et, cerise sur le gâteau, nous ne savons même pas pourquoi.
Alors que le soleil s'élève haut dans le ciel, je me fais une promesse. À l'instar des Phénix, je renaîtrai de mes cendres. Je serai la flamme qu'ils redouteront jusqu'à la fin de leur vie.
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