CHAPITRE 36 ✓

/!\ Ce chapitre contient des passages avec du sang. Pour ceux qui ne veulent pas le lire, je ferai un résumé dans les commentaires /!\

Les yeux clos, je gémis doucement. Mon agresseur m'a laissé pour morte, au fond de la salle de détention. Ma cellule est plongée dans une obscurité qui se dissipe seulement aux heures lumineuses de midi.

Je roule sur le côté dans l'intention de me lever, mais l'une de mes nombreuses cicatrices s'ouvre et je m'affale à terre. Lorsque je passe ma main le long de ma cuisse, je sens un liquide chaud et visqueux l'imprégner.

Je serre les dents tandis que je me place en chien de fusil, dans l'espoir d'atténuer la douleur. Je hurle de colère et de frustration. Mon cri est déchirant, empli de désespoir, mais surtout, d'une haine sans nom.

Je hais mes agresseurs, et par-dessus tout, je me hais moi-même. Je hais ma stupidité, qui m'a laissé croire que je réussirai ma mission seule, mon ego qui m'a poussé à réagir aux insultes de mes ennemis, ainsi que mon manque de discrétion.

Si je n'avais pas, ce jour-là, réagi aux habituelles remarques des assassins quant aux capacités des femmes, je serais en ce moment chez moi, dans les souterrains de la Ligue. Je mangerais avec les Fleurs, et nous nous raconterions des annecdotes rigolotes, avant d'aller rejoindre notre Maître pour s'entraîner au combat.

Cependant, ce n'est pas le cas. J'ai été stupide, et je me retrouve dans cette prison, torturée à tout va par les gangsters les plus redoutables de la ville, que j'étais moi-même sensée attraper. Quelle ironie... La souffrance retient toute mon attention mais je finis néanmoins par m'endormir, épuisée par la dure journée que je viens de vivre.

Je passe une très mauvaise nuit, mes blessures me faisant énormément souffrir. Comme d'habitude depuis que je suis ici, je fais des rêves très sombres, morbides, dans lesquels je finis en sang. Ce qui, en soit, n'est pas si loin que ça de la réalité.

- Allez, on se lève ! me réveille soudain une voix grave.

Une coup de pied au flanc plus tard, je suis debout, écumant de rage.

- Lâchez-moi, sifflé-je en dégageant mon bras de l'étreinte de mon geôlier.

- Je ne protesterai pas à ta place, me menace-t-il. Je te rappelle que tu n'es pas en position de force.

Il me laisse tout de même me débrouiller seule et je souris. Mes petits sauts d'humeur font plus peur aux soldats que je ne le pensais. Pourtant, ce n'est pas dans l'état dans lequel je suis que je vais faire grand chose.

Je le suis, marchant difficilement. Mes blessures de la veille et des jours précédents me font mal, mais je ne dis rien. Il est hors de question que je me plaigne devant ce soldat, qui n'attend que ça.

À peine arrivée dans la salle de torture, on me saisit sans ménagement et je suis jetée par terre. Je ne résiste pas, gardant mes forces pour récupérer plus tard.

- Aujourd'hui je me sens particulièrement bien ! commence mon agresseur. Alors si tu pouvais me dire tout de suite d'où tu viens, ça faciliterait les choses.

Je secoue la tête. Il peut toujours rêver. Jamais je ne balancerai la Ligue, je préfèrerai encore mourir.

- Dommage. Tu aurais pu te reposer et recevoir des soins.

Il n'est pas bête. Il sait bien que je suis à bout, autant physiquement que mentalement. Cependant, je continue de répondre négativement à sa proposition.

- Tu as épuisé tes chances. On va essayer autrement.

Il sort un poignard de sa ceinture et, sans plus attendre, le plante dans mon avant-bras. Je me contracte de douleur mais ne laisse rien paraître. Le sang coule sur le sol et forme déjà une petite flaque, qui est bientôt gonflée par un deuxième sillon.

Le chef du gang grogne face à mon absence de réaction. Il s'approche à nouveau de moi, et un grand sourire aux lèvres, enfonce doucement le couteau dans ma cuisse. La douleur qui iradie tout de suite dans mon membre vient s'ajouter à celles déjà présentes. Je serre les dents : je le lacherai pas.

Cependant, c'est sans compter sur la cruauté de mon opposant. Au cinquième coup, je commence à flancher. Ma bouche s'entrouvre légèrement, et une unique larme coule le long de mon visage. L'assassin sourit la récupère du bout de son arme.

- Enfin une émotion ! Je commençais à croire que tu ne sentais rien, grimace-t-il.

Mon armure brisée, j'endure les offenses suivantes du mieux que je peux. L'énergie que j'avais récupéré pendant ma courte nuit a disparu depuis longtemps déjà lorsque le bandit me raccompagne à ma cellule, furieux de sa défaite.

Je n'ai pas émis le moindre cri pendant cette interminable torture. Arrivée dans mon lieu de détention, je m'affale par terre. Je pense à mes tentatives d'évasion, toutes interceptées et réduites à néant par les gardes.

Cet endroit grouille de mécréants, tous plus sournois les uns que les autres. Dire qu'à la base, je ne devais passer qu'une petite semaine ici... Elle s'est transformée en plusieurs mois déjà. De nombreux mois passés à endurer les pires souffrances possibles, sans possibilité de guérison.

De ce fait, mes blessures ne se referment pas, rouvertes par les horreurs des lendemains.

Mes réflexions sont interrompues par le faible bruit d'une assiette glissant à terre et de la petite fenêtre de la porte s'ouvrant. Je m'approche avec difficulté de mon repas inattendu et mange malgré le goût horrible des aliments présents à l'intérieur.

La fenêtre ne se refermant pas, je relève la tête pour voir ce qui se passe. Une jeune femme d'une vingtaine d'années m'oberve, intriguée.

- Si j'ouvre la porte et entre, tu me promets de ne pas essayer de t'échapper ni de me faire du mal ?

J'acquiesce et après un déclic retentissant, la porte coulisse, laissant apparaître un corps frêle, mais musclé. Je ne doute pas de ses capacités à se battre. Si elle est là, c'est qu'elle est productive, et j'ai appris à ne pas sous-estimer les autres.

- Qu'est-ce que tu me veux ? demandé-je, intriguée.

Depuis mon enfermement, personne ne m'a rendu visite, excepté pour m'emmener souffrir.

- Je... Enfaite, je ne pense pas que tu devrais être torturée comme ça. Enfin, tes compétences sont remarquables et devraient être mises en avant.

- Merci, c'est gentil.

D'après ce que j'ai compris, leur réseau regroupe les plus grands espions, assassins, voleurs et autres mafieux.

- Alors, je viens t'aider à te soigner et à aller mieux, continue la fille.

Sa belle chevelure châtain tombe en cascade sur ses épaules dénudées. Son débardeur blanc met en valeur ses yeux marron. Elle s'approche de moi et saisit un sac qu'elle gardait jusque là derrière elle.

Je me laisse faire tandis qu'elle nettoie mes blessures avant de les panser avec de grosses feuilles vertes. Je ne vois pas ce qu'elle gagnerai à me berner, alors je me laisse faire. Le soulagement m'envahit lorsqu'elle termine son travail.

Je finis de manger et la jeune fille s'en va sans rien dire. Je ne sais pas qui elle est, mais je sais qu'elle risque gros pour moi. Elle a l'air d'être une personne qui a beaucoup d'honneur.

La nourriture m'a redonné des forces et, nettoyée de mon sang pour la première fois depuis des semaines, je m'endors, calmée.

Une semaine passe, rythmée par mes crises de panique face aux noir et à mon enfermement, qui commence à me peser énormément, ainsi que par les tortures.

Depuis qu'elle est venue la première fois, ma jeune sauveuse m'a rendu visite tous les jours, m'a donné à manger et a soigné mes blessures. Je suis désormais capable de marcher, et presque même courir. Mais ça, il n'y a que moi qui le sais.

Je ne supporte désormais plus d'être enfermée. Chaque instant passé dans ma petite cellule noire est un calvaire que je subis avec grande difficulté. Mes nuits sont hantées de cauchemards tous plus terribles les uns que les autres.

Je me perds de plus en plus dans mes pensées, mais cette bulle me permet de remettre de l'ordre dans mes émotions. Il ne faut pas que je faiblisse davantage mentalement. Car, même si physiquement, tout va mieux, mon esprit, lui, ne va pas se départir tout de suite de cette phobie intense. Je le sais et il faut que je le supporte.

La porte de ma cellule s'ouvre, me tirant de mes pensées. Je soupire de soulagement en voyant une jeune femme entrer. Elle s'approche précipitamment de moi et me tend à manger.

- Ils ont programmé ton exécution pour dans trois jours ! Il faut absolument que tu partes !

- Tu commences à tenir à moi ? lui demandé-je en souriant avec difficulté.

La perspective de mourir ne me fait pas peur. Je sais que, dans ces conditions, ne tiendrais plus longtemps. Cependant, je ferais tout pour m'échapper, pendant que mes adversaires me pensent au plus mal.

- Ne rêve pas. Je t'ai dit, je t'aide seulement parce que c'est ce que je trouve juste.

Je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard éloquent. C'est elle qui parle de justice alors qu'elle tue des gens à la demande.

- Ne changes pas de sujet. Il faut que tu t'échappes aujourd'hui. Trouve un moment pendant qu'ils essaieront de te faire parler.

- D'accord. Tu as des conseils ?

- Non. Tu vas devoir te débrouiller seule, sur ce coup là. Je ne voudrais pas que mon père me tue. Mais je peux te donner ça, révèle-t-elle en me tendant un couteau, que je glisse dans mon haut.

Tout en la remerciant, j'étudie ce qu'elle vient de me dire. Elle est la fille du chef des assassins. Ce qui veut dire qu'elle prend énormément de risques pour m'aider.

- Pourquoi ? Pourquoi fais-tu tout ça ? demandé-je.

- Parce que j'aurais aimé que quelqu'un fasse ça pour moi, soupire-t-elle en baissant les yeux.

Je ne lui dis pas que je suis désolée, parce que je sais que ça ne changerait rien.

- Je comprends, finissé-je par répondre.

Alors qu'elle s'apprête à partir, je la retiens du bout de la main.

- Merci pour tout.

- Ne crois pas que nous sommes amies, hein. Si un jour on se croise sur un champ de bataille, je te tuerai sans remords.

- Je sais, avoué-je. Je sais... Pourrais-je quand même avoir ton prénom, pour me souvenir de ma sauveuse ?

- Coralie, confesse-t-elle avant de s'en aller sans un regard en arrière.

Lorsque la porte se referme, je me mets en boule. Quitte à jouer la faible autant y aller jusqu'au bout. Quelques heures passent, pendant lesquelles j'essaie de me reposer un maximum, même si je suis très agitée.

Lorsque la porte de fer s'ouvre à nouveau, je suis prête. Je laisse le garde me lever, comme d'habitude. Nous sortons de la cellule et je dis mentalement adieu à cette dernière. Quoi qu'il se passe après, soit je m'échapperai, soit je mourrai.

Le long du chemin, je feins le mal-être et la faiblesse. Ce n'est pas dans mes habitudes de faire ça, mais je n'ai plus le choix. La Ligue ne sachant pas où je suis, je ne peux compter que sur moi-même pour me tirer de ce mauvais pas.

- Plus vite ! aboie le soldat.

- Je fais ce que je peux ! grommelé-je.

Je dois être une bonne actrice parce mon agresseur ne répond pas. Je le suis jusqu'à ma pièce d'horreur, que je commence malheureusement à connaître par cœur. Je reste impassible lorsque le supposé chef s'approche de moi.

- Tu sais que tu as intérêt de me dire tout de suite d'où tu viens ?

Après réflexion, je me demande bien pourquoi cette information l'obsède. Est-ce parce qu'il me trouve bonne au combat ? Ou alors parce qu'il veut éliminer mes proches ? Je n'en sais rien.

Cependant, je comprends qu'aujourd'hui, cela va être différent des autres jours lorsque le chef, d'un geste de la main, congédie tous les gardes. Il s'avance vers moi, un sourire en coin. Je recule doucement, avec un semblant de difficulté.

- Tu ne veux pas t'amuser un peu ? demande-t-il.

Je sens son haleine puante alors qu'il se rapproche encore. Cette fois-ci, je l'esquive plus précipitamment. Je n'avais pas prévu ça du tout ! L'assassin m'accule contre le mur et je me presse de toutes mes forces contre ce dernier.

- Non merci...

N'ayant plus le choix, je le laisse approcher son visage et sentir les cheveux. Je grimace de dégoût, mais profite de ce moment d'inattention pour sortir discrètement le couteau de ma brassière. Je le cale entre le mur et moi, le cachant de la vue de mon agresseur.

- Tu sais que tu es mignonne, toi ?

Je ne réponds rien et, alors que son visage se rapproche dangereusement du mien, j'attrape mon arme et la plante dans le ventre du chef. Je souris en voyant le sang couler hors de la plaie. C'est une petite vengeance mais je n'ai pas le temps d'en faire plus.

Sans plus attendre, je pars en courant, le couteau toujours ancré dans ma main. Les soins de Coralie ont payés : je ne ressens presque aucune douleur, sauf aux blessures les plus récentes.

- Prisonnière évadée ! crie soudain une voix masculine.

J'accélère encore, malgré la douleur. J'ai retenu le chemin menant vers la sortie. Il me manque plus que quelques tournants, et je serais à l'air libre.

Je comprends que ça ne va pas être si facile que ça quand deux assassins arrivent en face de moi. Je connais mes compétences, et je pourrais les battre sans problèmes si j'étais au sommet de la forme, sauf que ce n'est pas le cas. Il va falloir que je ruse.

Je m'avance lentement et, arrivée à leurs pieds, m'affale par terre. Ils rient de ma chute et l'un d'eux se penche pour me narguer. Je lance mon bras immédiatement et laisse une balafre sur toute la longueur de son visage. Il s'enfuit en hurlant.

Je me relève en vitesse et grimace en sentant ma cicatrice à la jambe me brûler. Sans plus attendre, je me dresse face aux deuxième bandit. Mon cœur bat fort dans ma poitrine, plus habitué à l'effort physique.

Cependant, je n'ai pas besoin de faire grand chose. Après quelques mouvements, mon adversaire s'enfuit et je continue ma route. Je regarde autour de moi, intriguée : il n'y a personne dans les couloirs. Je me demande bien combien ils sont ici.

J'avoue que ce n'est pas pour me déplaire. Je n'ai presque pas d'énergie et je n'aurais pas pu me battre contre beaucoup de monde.

Après une centaine de pas, une lumière vive me pique les yeux : je suis arrivée devant la sortie. Il ne me reste plus qu'à ne pas me faire avoir par le garde à l'entrée. Je n'aime pas être déloyale, mais pour une fois, je ne m'en préoccupe pas.

J'arrive derrière le bandit et l'assome de toutes mes forces. Mes poings me font mal, mais je continue jusqu'à ce qu'il s'effondre au sol. Sans plus attendre, je détale le plus loin possible.

Je ne peux le croire. Après tant de jours, de semaines et même de mois passés enfermée, je suis enfin libre. Je sais dorénavant que je ne pourrai supporter d'être enfermée contre mon gré à nouveau. J'ai bien trop souffert.

Quelques minutes plus tard, essoufflée, j'arrive devant l'une des nombreuses entrées de la Ligue.

- Qui est-ce ? résonne une voix.

- Palaxium, dis-je.

La porte blindée s'ouvre et je me précipite à l'intérieur. Ce n'est qu'une fois celle-ci refermée que je me permets de m'effondrer au sol.

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