CHAPITRE 35 ✓

Quelques minutes plus tard, nous arrivons devant une jolie maison faite de pierre, aux fenêtres encadrées de lierre.

Toujours tendues, Elena et moi nous avançons au niveau d'Adam, qui ne comprend pas les raisons de notre agitation.

- Qu'est-ce qu'il y a ? chuchote-t-il en fronçant les sourcils.

- Heu... On t'expliquera plus tard, lui répondé-je en lançant un regard plein de sous-entendus à Elena.

Un jour, il faudra bien qu'il soit au courant. Mais tant que le secret peut durer, je préfère ne pas prendre de risque supplémentaire.

- Dépêchez-vous ! On vous laisse ici. À dans deux heures.

Après un regard, nous nous engouffrons dans la jolie maison, prêts à en découdre. La sombre pièce est éclairée seulement par une fenêtre et quelques torches, dont les flammes réchauffent l'atmosphère.

À peine sommes nous entrés que la porte se referme derrière nous, nous plongeant dans une faible obscurité. Une personne toute vêtue de noir s'approche de moi et m'entraîne vers une autre pièce. Je me laisse faire et enregistre un maximum d'informations dans mon cerveau.

La salle dans laquelle nous débouchons est plus lumineuse et reliée à celle de mes amis par une petite fenêtre à barreaux de fers, ce qui me permet de les voir.

Avec une petite grimace, je laisse l'agent des Phénix me lier les mains avec de grosses cordes à l'air extrêmement solides. Il finit par attacher mes menottes à un mur, à hauteur d'œil. Je me retrouve les bras en l'air et prie pour que cela ne dure pas trop longtemps.

- L'épreuve commence dans deux minutes. Vous entendrez un sifflement. Lorsque vous serez à la moitié du temps, un autre vous parviendra. La fin de votre passage sera ponctué de deux sifflements successifs. J'espère que tu as bien compris car je ne répéterai pas. À toi de faire ce que tu veux de ces informations.

Le soldat s'éloigne de moi avant de revenir sur ses pas :

- Ah ! Et j'oubliais ! Voilà pour toi, soit-il en me bâillonnant la bouche, me forçant à la garder ouverte.

- Mmmf ! protesté-je, furieuse.

Je n'ai aucunement envie de passer les deux heures menottée et bâillonnée. Si j'ai bien compris, pour ça, il va falloir que je me débrouille seule.

- Et dernière chose : 2, 4, 53, me chuchote-t-il à l'oreille avant d'allumer une torche puissante et de s'en aller.

Le seul bon point, c'est que maintenant, je vois parfaitement ce qu'il y a dans ma salle. J'entends Adam et Elena parler avec le soldat qui les a rejoint, mais leurs murmures sont trop faibles pour que je comprenne leur sens.

J'en profite pour mettre mes pensées au clair et parcours la salle du regard. Les murs contiennent d'étranges inscriptions, ainsi qu'une bonne dose de poussière.

Le sol est clairement plus intéressant : deux grosses jarres sont entreposées dans un coin. De l'une d'elles dépasse un tissu blanc immaculé. Une malle fermée par un gros cadenas repose au centre de la pièce, posée sur un bureau, aux côtés de nombreux petits objets.

Pour compléter l'ameublement de la pièce, une chaise repose non loin de moi. Avec un peu d'efforts je pourrais peut-être l'atteindre.

Alors qu'un semblant de plan apparaît dans ma tête, un sifflement strident retentit, me vrillant les oreilles. Aussitôt, la tête d'Elena apparaît derrière les barreaux et nos regards se croisent.

- Oh mince ! Tu peux parler ?

Je lui fais de gros yeux.

- Évidemment, tu ne peux pas, je suis bête. Écoute, on va te sortir de là !

Je secoue la tête et jette un regard éloquent à la porte qui nous sépare. Je viens de remarquer qu'une clé est glissée dans la serrure. Il n'y a que moi qui pourrais l'ouvrir.

- Flûte !

- Elena, viens voir ! crie alors Adam.

- Bonne chance, me souhaite mon amie avant de rejoindre le blondinet.

Je hoche la tête et entreprends de me rapprocher de la chaise. Il me manque une cinquantaine de centimètres pour l'atteindre. Je soupire et tire un maximum sur la corde mais rien ne se passe.

Je réfléchis et reviens à ma position initiale pour étudier la manière dont je suis attachée. La corde qui me lie les mains monte vers le haut et est ensuite nouée à un anneau coincé dans le mur.

Donc si j'arrive à récupérer la chaise et monter dessus pour atteindre le nœud, je pourrais par la suite le défaire ou arriver à atteindre mon poignard pour le moment trop bas et sectionner mes liens.

Le problème, c'est que la chaise reste inatteignable. J'essaie une fois de plus ma première technique mais n'arrive pas à mieux. Je pousse un grognement rageur et frappe le mur de mes poings serrés. Je m'écorche, mais peu importe : maintenant, mes idées sont plus claires.

- Ça va Sky ? me demande Adam, alerté par le bruit.

Sachant qu'il peut me voir, j'acquiesce avant de réfléchir. Si je me laisse prendre par la corde et que je me balance, la longueur de mes jambes devrait suffir pour toucher et rapprocher la chaise.

Je mets tout de suite mon idée en marche et balance mes jambes vers l'avant. Le premier essai n'a rien de concluant, mais je ne me démonte pas. Les suivants ne marchent pas mieux, mais je me rapproche de plus en plus de la chaise.

Mes poignets me brûlent, lacérés par la corde mais je n'arrête pas, et après deux minutes de galère, j'arrive à toucher la chaise. Jubilant intérieurement, j'attends le prochain balancement pour saisir le dossier entre mes deux pieds et tirer.

Pour mon plus grand plaisir, la chaise est maintenant toute proche. Je la saisie de mon pied et la rapproche. Je monte finalement dessus et soupire de soulagement lorsque l'étau de mes liens diminue. Mes doigts courent sur la corde et je parviens sans trop de problème à défaire le nœud qui retient mes poignets.

Baissant enfin les bras, je saisis mon poignard et entreprends de cisailler mes liens. Je progresse lentement, mais finalement, mon travail finit par payer et je me retrouve libre. Sautant de joie, j'enlève mon bâillon et délie ma bouche.

- C'est bon ! crié-je.

- Oh super ! On a bien avancé de notre côté, me répond Elena. On a une clé, et une suite de nombres. Les voilà : 2, 4 et 53.

- Hé, attends ! C'est les mêmes que m'a donné le soldat !

Je me jette sur la malle et rentre les quatre chiffres dans le cadenas. Bingo ! À l'intérieur je trouve un objet des plus étranges : une flûte.

- Heu, les gars ? Une flûte ça vous servirai ?

- Oui ! crie Elena.

- Non, répond Adam. Ah, bah si alors.

Je leur fais passer par la petite fenêtre et vais tenter d'ouvrir la porte. J'avais complètement oublié la clé sur la serrure. Mais bien évidemment, elle ne correspond pas et ne tourne pas. Je m'en doutais.

J'entreprends de l'essayer sur tout ce que je trouve mais elle n'ouvre rien. Je la range dans une poche et je jette un coup d'œil aux jarres. Il y a seulement le drap blanc que j'avais déjà vu à l'intérieur.

Soudain, une idée me traverse l'esprit. Les Phénix ont bien dit que tout était permis ? Et bien je ne vais pas me gêner ! J'empoigne la plus grosse des jarres et me place devant la porte.

- Il y a personne derrière la porte ?

- Non, pourquoi ? Sky ! me tanne Elena devant mon silence.

Je souris et prends mon élan. Je percute la porte de plein fouet, la jarre brisant le bois devant moi. Emportée par le poids de la poterie et mon élan, je finis ma route au milieu de la salle de mes amis, allongée par terre, hilare.

- Ne fais plus jamais ça ! me gronde Adam. J'ai faillit faire une crise cardiaque !

- Moi aussi, je suis contente de te voir, le nargué-je.

Je suis coupée par un second sifflement, ce qui me reconcentre aussitôt.

- Il nous reste plus qu'une heure, déclaré-je. Le soldat me l'a dit. On a intérêt à se dépêcher...

Elena part immédiatement faire un tour dans l'autre pièce voir si il y a des indices que j'aurai manqué. De mon côté, j'inspecte la porte de la sortie. Mes poignets laissent des traces de sang sur le métal blindé de notre issue que nous ne pourrons enfoncer comme je l'ai fait tout à l'heure.

Tout ce qui nous manque, c'est une clé. Une clé, qui déterminera notre classement. Le problème ? Nous n'avons absolument aucune idée de l'endroit où elle se trouve. Je passe la porte au crible, retiens tous les détails. Je reste de nombreuses minutes devant mais je ne réussis à rien.

Soudain, Elena laisse échapper un grognement et un bruit sourd retentit. J'échange un regard entendu à Adam et nous nous précipitons à ses côtés, alarmés.

Notre amie git par terre au milieu de débris de pierre et d'un nuage de poussière.

- Elena ? Réponds-moi ! crié-je en m'agenouillant auprès d'elle.

- Ça va...

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demande Adam. Tu es tombée sous mon charme ?

À la plus grande surprise, Elena éclate de rire. Adam, l'air encore plus sidéré que moi sourit jusqu'au oreilles.

- Ne te crois pas drôle, râle la jeune fille aux yeux violets. C'est le choc qui me dérange les pensées.

Je l'aide à se relever et pendant qu'elle époussete ses vêtements, nous explique ce qui l'a amené à se prendre un bout de mur sur elle.

- Je me suis dit que la porte d'entrée n'était pas forcément celle de sortie, et j'ai donc cherché si une pierre pouvait s'enlever et déclencher une sorte de mécanisme. Mais quand j'ai retiré celle que j'avais trouvé, le reste du mur est parti avec.

- Ça me désole de dire ça, mais bien joué, intervient Adam. Mais bon, tu aurais pu faire quelque chose de moins spectaculaire ! On ne t'en aurais pas voulu...

Je ne peux réprimer un sourire. Nous entreprenons alors de dégager le reste de la partie fragilisée, dévoilant une porte. Je sors la clé que j'avais dans ma poche et émets un soupir de satisfaction lorsqu'elle s'ouvre.

Nous nous avançons dans une nouvelle pièce, qui, mis à part la lumière émise par l'enbouchure de la porte, ne reçoit aucun élairage. Malheureusement, nous ne pouvons récupérer les torches des autres salles car elles sont toutes attachées ou inatteignables.

- Bon, bah c'est reparti, se motive Adam.

Nous avançons prudemment. Tout ce qu'il nous faut, c'est trouver l'issue. Je tâtonne autour de moi, évitant du mieux que je peux les objets sur mon passage.

- J'ai un lit, mais je ne suis pas sûre que dormir soit notre priorité, déclare Elena d'une voix qui ne me paraît pas aussi sûre qu'avant.

- Il faut qu'on essaie de longer les murs pour trouver quelque chose.

Je tends les mains sur les côtés et l'une d'entre elles atteind ce qui me semble être un bout de mur. Je m'y colle et le longe, mais mes recherches ne sont pas concluantes.

Soudain, la porte par laquelle nous sommes entrés se referme, nous plongeant dans un noir total.

- Heu... Les gars ? Vous êtes où ? demande Elena d'une voix que je n'aime pas du tout.

- J'arrive !

Je me dirige vers la source de sa voix. Sa respiration s'accélère et je me dépêche de la rejoindre. Dans ma hâte, je heurte un coin de meuble et grimace. Ignorant la douleur, je finis par arriver auprès d'Elena, qui s'accroche désespérément à moi.

- Ça va ? demande Adam qui continue les recherches.

Je lui réponds brièvement et reporte mon attention sur mon amie. Son ventre de soulève anormalement vite, surtout pour elle, qui sait d'habitude ralentir son rythme cardiaque.

Je sens sa tête tourner dans tous les sens et comprends qu'elle a peur de quelque chose. Mais de quoi ?

- Elena, essaie de te calmer. Qu'est-ce qu'il se passe ?

La jeune fille aux yeux violets me serre le bras plus fort encore qu'avant avant de répondre, toujours aussi agitée :

- Il fait si noir ! J'ai l'impression que nous ne sortirons jamais. Nous sommes condamnés à attendre ici, sans rien, notre mort qui va surgir...

- Tu racontes n'importe quoi ! On va se débrouiller pour s'en sortir ! Ça va aller !

Secouant la tête, Elena se met à trembler, et marmonne des propos inintelligibles. Les yeux révulsés, elle s'agite violement.

- Adam ! Il va vraiment falloir qu'on sorte ! (Je me penche vers Elena, qui a glissé sur le sol) Allez, on y est presque ! Tiens bon !

- Je fais ce que je peux ! rétorque le blond. Je crois que j'ai trouvé quelque chose, mais il va me falloir de l'aide !

- Je reviens dans un instant, murmuré-je à Elena.

Je m'élance vers l'endoit où j'ai entendu Adam. Un bras m'arrête soudainement.

- Attention ! Tu vas te prendre le mur ! Viens, c'est ici.

Je marmonne un remerciement et suis mon ami vers ce qui me semble être le centre de la pièce.

- Là ! Il y a un truc qui pend. Je n'arrive pas à le déloger tout seul.

Je hoche la tête et mets tout mon poids sur la barre de fer. Aidée par Adam, je la fait pivoter et elle se détache dans un grand fracas. Dans un même mouvement, une trappe s'ouvre, laissant apparaître un rayon de soleil qui me brûle les yeux.

Je découvre peu à peu la salle dans laquelle nous nous trouvons. C'est en réalité une chambre à coucher, avec pour seuls meubles un lit, deux commodes et une armoire.

- Tu arriverais à ramener une des commodes sous la trappe ? demandé-je à Adam.

- C'est comme si c'était fait !

Après l'avoir remercié du regard, je cours vers Elena, qui est plus blanche que de la farine. Je la prends dans mes bras et la porte jusqu'au bas du meuble qu'Adam a placé sous l'ouverture.

- Je pars devant, me dit-il.

Nous montons tous deux sur la commode et je le maintiens pendant qu'il se hisse. Je pousse ses pieds et il disparaît à l'extérieur. Quelques secondes plus tard, sa tête apparaît et une corde tombe.

Parfait. Il faut juste que nous arrivions à faire passer Elena.

- Je suis désolée, ça va peut-être secouer un peu, m'excusé-je avant de saisir mon amie et de monter sur le meuble. Pfff, tu fais ton poids !

Adam fait passer ses bras et saisit les aisselles d'Elena, tandis que je soutiens ses jambes. Quelques minutes plus tard, elle est sortie. Quant à moi, je me hisse à la force des bras le long de la corde.

Alors que j'atterris sur le toit de la maison, deux sifflements retentissent. Nous nous en sommes sortis. Tout juste, mais nous avons réussi.

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