CHAPITRE 33 ✓
- Léo ! Tu vas bien ?
Je saute dans les bras de mon petit frère. À côté de nous, dans sa salle de consultation, se trouvent deux autres élèves, blessés l'un à la jambe et l'autre à la tête.
- Mieux que toi, en tout cas, répond mon frère. Tu as une mine épouvantable !
- Ce n'est pas comme si je venais de me battre, marmonné-je.
- Oh, ça va, je plaisante ! Montre-moi le carnage...
Je lève ma manche de tee-shirt, révélant la blessure sanguinolente que m'a infligé Elena. Léo grimace et sélectionne quelques feuilles avant de nettoyer la plaie.
- D'ailleurs, j'ai oublié ! Bravo pour tes premières places ! Je savais que tu pouvais le faire !
Je souris et le serre à nouveau contre moi, avant de grimacer. La feuille qu'il frotte contre ma plaie est loin d'être agréable.
- Excuse-moi, mais c'est obligé de faire mal.
- Ne t'inquiètes pas. J'ai supporté pire dans ma vie, assuré-je.
Je le laisse préparer un cataplasme vert kaki qu'il étale délicatement sur mon bras.
- Assieds-toi là quelques minutes s'il te plaît.
Il s'éloigne s'occuper des autres patients et je ressens un élan de fierté pure. Il a grandi, s'est épanoui depuis que nous avons quitté la Ligue. J'ai l'impression que sa timidité a diminué, mais ce n'est peut-être que parce qu'il est dans son élément.
Dans tous les cas, je trouve qu'il a énormément progressé, autant mentalement que physiquement. Il soigne les autres personnes puis revient vers moi pour me retirer la pâte verte.
Je me sens beaucoup mieux. Mon bras ne me lance plus comme avant et a arrêté de saigner.
- Merci petit frère ! À toute ! lui dis-je avant de rejoindre ma chambre.
En arpentant les couloirs, je repense à mon parcours. Dans quelques mois, j'aurai dix-huit ans. Cela fera alors dix ans que nous avons été abandonnés, avec Léo. Nous avons bien changé depuis lors.
La Ligue nous a recueilli, élevés comme ses propres enfants, puis appris à nous débrouiller, à nous battre. Elle représente pour moi toute ma vie. Elle m'a forgé comme je suis, a réveillé l'instinct guerrier qui séjourne en moi. Je ne m'imaginerais vivre sans elle.
Je soupire. Les Phénix nous restreignent trop. Je suis une personne qui a besoin de liberté, de vivre au grand air, pas enfermée dans un bâtiment à longueur de journée...
- Bonjour, Sky, dit soudain une voix, me tirant de mes pensées.
Je sursaute relève la tête. Apercevant Lorin, je ne peux m'empêcher de soupirer de plus belle. Je n'ai pas envie de me disputer un fois de plus avec lui.
- Bonjour, professeur Lorin, répondé-je néanmoins, sachant qu'il allait me chercher des noises si je ne le faisais pas.
- Tu me semble bien... Pensive. Aurais-tu quelque chose qui te tracasse ? me demande-t-il d'une voix mielleuse.
- Tout va bien, je suis seulement fatiguée par les combats de la journée. Je m'apprêtais à rejoindre ma chambre.
Je profite de cette opportunité pour le contourner et m'en aller, mais une main sur mon bras me retient.
- Je te conseille de ne pas trop t'attacher à Alex. Il pourrait bien te surprendre, mais pas dans le bon sens. Après, fais ce que tu veux de ce que je te dis, termine Lorin avec un sourire terrifiant.
Je fronce les sourcils et m'éloigne en vitesse, animée par d'énormes doutes. Pourquoi Matt me cacherait-il des choses ? Je sais tout de lui... Ce n'était peut-être qu'un moyen de m'intimider, mais mon instinct me crie le contraire. Lorin ne m'a pas menti. Ou alors a-t-il deviné que Matt vient de la Ligue ? Et il me prévient ? Mais pourquoi ferait-il ça ?
L'esprit plein de questions, j'ouvre la porte menant au dortoir et m'assois sur mon lit. Les filles, voyant que je ne suis pas en état de parler, ne disent rien mais me font comprendre qu'elles sont là si jamais je veux leur faire part de quelque chose. Je les remercie d'un mouvement de tête.
Le repas se passe bien et je réussis presque à sortir Matt de ma tête. Presque. C'est à la sortie que je l'aperçois. Je délaisse mes amies et cours à sa suite, criant son nom. Il se retourne et me vois.
L'incompréhension, puis la peur traversent son visage. Je l'appelle à nouveau, mais il se détourne et s'enfuie, me jettant un regard affolé. Folle de tristesse, je reste bouche-bée, les yeux équarquillés, au milieu du couloir.
Ce n'est que lorsqu'Elena, qui a remarqué que je ne l'ai pas suivie me retrouve que je me rends compte que des larmes dévalent mes joues. Mon amie me prend dans ses bras et caresse doucement mes cheveux.
- Qu'est-ce qu'il y a Sky ? demande-t-elle apeurée.
Je la comprends. Elle ne m'a jamais vu pleurer et par conséquent, ça la rend plus qu'inquiète. Je me rends compte que c'est la première fois que je pleure depuis que mes parents m'ont abandonné. Depuis, pas une fois je n'ai versé une larme, tout simplement parce que ces dernières années ont été les plus belles de ma vie.
- Je... C'est Lorin... Et Alex, bégaié-je difficilement.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je lui raconte mon altercation avec mon ennemi et la réaction de Matt à mon appel. Je n'omets pas le fait qu'il ait l'air terrifié, comme s'il avait eu peur de moi.
- Il n'a jamais été comme ça, finissé-je dans un soupir. D'habitude, quand il y a un problème, il m'en parle...
- Je vais essayer de me renseigner, me console Elena. Mais en attendant, sèche tes larmes, tu ressemble à un escargot quand tu pleures.
Je laisse échapper un faible rire.
- Merci pour le compliment...
- Avec plaisir ! Allez viens, on essayera de lui parler demain...
Je la suis, essuyant mes larmes. Après avoir manger, nous retournons au dortoir, accompagnées des Triplettes et Bianca.
Je me suis calmée. Mais même si j'ai poussé Matt dans les confins de mon esprit, je ne peux m'en détacher tout à fait. Je veux savoir ce qui lui a prit. Alors, pour mettre de côté mes pensées funestes, je me concentre sur ce que Chipie raconte.
- Et là, elle s'est enfuie en courant ! Alors j'ai essayé de la rattrapper, mais je n'ai pas réussi...
- Et alors ? Tu as réussi à récupérer la lettre ? demande avidement Bianca.
- Je l'ai poursuivie jusque dans la forêt, continue Chipie. Elle ne regardait pas où elle allait et on a fini par atterrir dans un endroit magnifique.... C'était une sorte de clairière moussue, parsemée de grosses pierres et éclairée par le soleil. Ma cousine a laissé tomber le papier et j'ai pu le récupérer. C'est comme ça que nous avons fait la découverte de notre petit havre de paix.
- C'est une belle histoire, commenté-je. Mais qui avait écrit la lettre ?
- C'était mon petit ami de l'époque, mais nous nous sommes perdus de vue depuis...
- Oh... Désolé, Chipie, m'excusé-je doucement.
- Ce n'est pas grave. C'était il y a plusieurs années. Je m'en suis remise.
Je hoche la tête et me tais, perdue dans mes pensées. Nous atteignons la chambre et je m'affale sur le lit, en proie à une fatigue soudaine. Je me relève immédiatement et vais prendre ma douche, afin d'éviter de me réveiller sale demain.
- Si ça ne vous dérange pas, dis-je après m'être lavée, je vais dormir. Je suis crevée.
- Non non ! Ne t'inquiètes pas !
***
Je me trouve dans une grande salle richement décorée. D'immenses tapis rouges couvrent le sol et les rideaux de velours qui couvrent les fenêtres sont de la même couleur. Des broderies dorées courent le long de ces derniers, leur donnant une teinte pétillante.
J'avance avec difficulté, ne tenant pas bien sur mes petites jambes. Malgré tout, j'arrive peu à peu à traverser la pièce et débouche sur un grand escalier de bois sombre. Il m'attire énormément. Sans le vouloir, je marche vers lui, riant gaiement.
Je me mets à quatre pattes pour avancer plus vite et atteinds le haut des marches.
- Alissandre ! Attends ma chérie ! crie une voix grave.
Mais c'est trop tard. Je me suis déjà engagée dans l'escalier et commence à le dégringoler sans cesser de gazouiller. Je fais des roulés-boulés, tombant sur la marche suivante, puis me relevant pour passer la prochaine.
J'arrive en bas et me roule par terre : je suis comblée. Je me relève et fais des pas incertains vers l'homme qui m'a appelé auparavant.
- Dieu soit loué, tu n'as rien ! Allez, viens-là, ma petite aventurière.
- 'core ! 'core ! crié-je en m'agrippant à ses jambes.
- C'est fini, dit-il, secouant la tête. C'est l'heure de dormir, maintenant.
Je finis par céder et le laisse m'emmener jusqu'à mon berceau, me border, et m'embrasser le front.
- À tout à l'heure, ma chérie.
Un petit sourire flottant sur mes lèvres, je plonge entre les voiles du sommeil.
***
- Sky ! Réveille-toi ! C'est l'heure !
Encore dans mon rêve, je grogne, me retourne et me rendors. Je ne veux pas quitter l'atmosphère féerique de ce songe, qui me plonge dans une décontraction totale.
Deux mains me tirent de ma léthargie et me secoue.
- Allez ! On va être en retard ! Grouille !
Résignée, j'ouvre enfin les yeux et découvre Chipie, qui, penchée au-dessus de moi, s'apprête à en remettre une couche.
- C'est bon, je suis réveillée ! crié-je pour qu'elle ne recommence pas.
- Ouf ! J'ai cru que je n'y arriverai pas ! Tout le monde est entrain de déjeuner, il faut qu'on se dépêche !
Affolée, je me lève d'un bond et regarde autours de moi.
- Il est quelle heure ?
- On a rendez-vous dans une demi-heure... Allez, habille-toi vite !
- Merci d'avoir persévéré !
Elle hoche la tête et je saisis mes vêtements que j'enfile en vitesse. Pendant que je me prépare, je réfléchis à mon rêve. Je ne sais pas pourquoi, je me sens liée à cet endroit, que je n'ai pourtant jamais vu, aussi loin que je m'en souvienne.
Je décide de vider mon esprit et d'y réfléchir plus tard. Aujourd'hui nous attend l'épreuve de logique et il vaut mieux que je sois concentrée pour celle-ci. Je n'ai pas envie d'être omnibulée par un quelconque rêve.
Ayant finis de m'habiller, je sors en vitesse de la chambre, suivie de près par Chipie. Nous rejoignons le réfectoire, mangeons en vitesse avant de partir en direction du terrain d'entraînement, où les directives vont être données.
C'est alors que je le vois. Ses yeux sont cernés et empreints de tristesse.
- Vas-y ! me souffle Elena. Je te raconterai après. Fais juste en sorte que cela ne prenne pas trop de temps.
Je la remercie chaleureusement avant de courir en direction de mon copain.
- Alex ! lancé-je.
- Sky ! Il faut qu'on parle...
Je suis surprise par son ton résigné.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Alex, pourquoi tu m'as évité hier ?
Matt me prend le bras et m'entraîne à l'écart des élèves, jusqu'une pièce ouverte. Je la reconnais immédiatement : c'est la salle dans laquelle je l'avais surpris entrain de repousser Alexia.
- Avant toute chose, il faut que tu me promettes de ne pas m'en vouloir.
- Alex, je t'apprécie beaucoup ! Pourquoi est-ce que je t'en voudrais ? Tu as fait quelque chose de grave ? m'affolé-je.
D'habitude, il aurait réagi à mes paroles mais il secoue la tête et passe sa main dans ses cheveux.
- C'est juste que... Je ne veux pas te perdre.
Je sens mes larmes monter. Cette mission n'est pas facile pour nous deux. J'ai l'impression qu'elle nous éloigne, malgré le fait que nous nous aimons toujours autant. J'ai hâte que tout cela ce termine, que nous puissions retrouver notre complicité d'avant.
- Sky, tu sais, j'ai vécu avec mes grands-parents avant de devenir mendiant.
Il a raison de garder dans ses paroles le fait qu'il est mendiant. On ne sait jamais qui pourrait nous écouter. Nous nous sommes parlé depuis le début, ce qui pourrait expliquer une relation, mais nous ne pouvons pas divulguer notre vie comme ça.
- Oui...
- Je n'ai jamais connu mes frères et sœurs, mais...
- Vas-y. Tu peux tout me dire, le réconforté-je.
- Lorin est venu me parler, il y a quelques jours. Et, il s'avère que...
Je retiens ma respiration, l'angoisse gagnant ma poitrine, m'empêchant de respirer.
- Lorin est mon frère. Mon grand frère, achève Matt.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top