CHAPITRE 31 ✓
Collin pousse un petit cri de frayeur mais ne tarde pas à se reprendre. Il m'attaque et j'esquive sa dague au dernier moment. Je me retourne et lui assène le manche de mon arme sur l'épaule. Il grimace et secoue son bras douloureux.
Les battements de mon cœur s'accélèrent et je m'efforce de respirer lentement. Soudain, mon adversaire s'élance vers moi et me crible de coups. Je les pare l'un après l'autre et riposte immédiatement, attaquant de front. Collin se moue comme une anguille. Se tortillant, il se faufile sous mon bras et le coince.
Je lutte pour ne pas lâcher mon poignard et me dégage de son emprise. Je comprends que mon opposant, malgré son air juvénile, est un bon combattant : il a un esprit critique et même s'il lui manque un peu de puissance et de confiance en soi, il est en proie de devenir un excellent guerrier. De plus, il est extrêmement agile, ce qui lui confère un avantage de taille.
Contente de m'être rendue compte de son potentiel, je combat plus intensément. Après lui avoir jetté un petit coup d'œil, je remarque qu'il va m'attaquer à gauche. Je fais semblant de n'avoir rien vu et au dernier moment, me décale et porte mon dernier coup sur son poignet, faisant voler son arme.
Concluant le combat, je plaque mon arme contre le cou de mon adversaire, prenant garde à ne pas trop appuyer. Il se contracte et je souris, tandis que j'éloigne mon poignard de sa gorge.
- Tu as bien combattu, le félicité-je en lui serrant la main. Bravo.
- Merci ! me répond-il avant de s'en aller rejoindre les autres perdants.
Je profite du temps que j'ai pour faire l'inventaire de mon corps. Je ne suis pas fatiguée du tout. C'est une bonne chose, tout comme le fait que je n'ai pas encore été blessée. Je fais rouler mes épaules pour les décontracter et attends la fin des premiers combats.
L'affront suivant se déroule sans trop de problème. Je vaincs rapidement la jeune fille qui m'oppose, mais elle réussit à me blesser - de manière superficielle, heureusement - à l'avant-bras.
- Tu sais qu'on va sûrement devoir s'affronter ? me demande Elena entre deux combats.
- Je sais bien, mais... Je ne sais pas ce qui va se passer...
- Ça fait bizarre. J'espère que ça arrivera le plus tard possible.
- Ouais...
Je tends l'oreille. Il me semble avoir entendu Lorin parler. Après vérification, je me rends compte qu'il a déjà commencé le tirage au sort. Il appelle Elena mais je n'entends pas mon nom.
Ce n'est que quand je vois Gama s'approcher de moi à grands pas que je comprends que mon combat va être fait d'armes, mais aussi de mots.
- Encore lui, soupiré-je. Je ne vais jamais m'en débarrasser... Mais quand il faut y aller, faut y aller. Bon combat !
- Allez, courage. Tu vas lui mettre une bonne raclée, me répond Elena avant de s'en aller.
- Merci.
- Et n'oublie pas ce que je t'ai dit l'autre jour ! me recommande-t-elle avant de partir pour de bon.
Je hoche la tête et me tourne vers mon adversaire.
- On se retrouve, gamine. Cette fois-ci, tu vas payer pour tout ce que tu m'as fait subir.
- Réfléchis quelques secondes, Gama. Jusque-là, je n'ai fais que me défendre. Maintenant, si tu veux vraiment que je m'énerve, continue comme ça !
Il hausse un sourcil et je me contracte aussitôt. Je déteste qu'on me regarde et traite comme ça ! Il va le regretter, même si je dois m'épuiser à la tâche !
- Tu as déjà perdu ta langue ? le provoqué-je, prenant le risque de m'attirer ses foudres.
Quelqu'un en colère réfléchit toujours moins bien que quand il est calme. Moi-même, je le ressens souvent. Alors, cette fois-ci, je ne vais pas arrêter ma langue bien pendue.
- N'essaie pas de résister, gamine. Je suis plus fort que jamais. Tu ne me résisteras pas, cette fois, dit-il sur un ton menaçant.
- On verra bien.
- Sky ! entendé-je. Ne te laisse pas avoir pas ses paroles débiles !
Je me retourne et vois Adam, qui s'est rapproché de l'endroit où je combats. Il est désormais à la limite de la zone. Je souris et lui fais un clin d'œil.
- Sans aucun doute ! lancé-je.
Je me reconcentre sur Gama. Le signal de départ ne devrait pas tarder, et je ne voudrais pas me faire surprendre. Aussi, je dégaine mes poignards et les observe attentivement. Même après plusieurs années, leurs lames ne sont pas émoussées le moins du monde.
Soudain, je dresse la tête. Lorin vient de donner le départ. Gama lève vers moi deux yeux remplis de violence. Pour être honnête, je ne l'ai jamais vu comme ça.
Il se jette sur moi, empreint d'une furie sans nom. Je repousse ses attaques une par une, et profite d'une ouverture pour lui infliger une blessure à la cuisse.
- Tu vas me le payer ! crache-t-il.
Même si je le surpasse, Gama manie extrêmement bien ses machettes. Mais cela ne suffit pas pour me battre. Je combat du mieux que je peux, me laissant emporter dans la valse funèbre qu'est cet affront.
Je virevolte pour esquiver la lame de mon adversaire et bondit sur lui, toutes griffes dehors. Il trébuche et nous roulons à terre, sans cesser de combattre.
C'est alors que je vois sa machette décrire un arc de cercle vers moi. Je réussi au dernier moment à me dégager de l'emprise de Gama et à bloquer le coup, qui se répercute dans mon avant-bras. Une crampe me prends soudain. Pestant contre moi-même, je secoue mon membre pour la faire passer.
- Tu vas me le payer, répète-t-il plus fort.
Il s'éloigne de moi et me fonce dessus. Je me prépare à l'assaut, mais arrivé à mon niveau, il me contourne et poursuit sa route. Je comprends alors qu'il veut faire de mal à Adam. Un frisson de colère parcourt ma colonne vertébrale.
Furieuse, je m'élance à toute vitesse, repoussant les lois de l'accélération. Tout ce que je veux, c'est empêcher Gama de faire du mal à mon ami. Sans me soucier de l'atterrissage, je saute, passant devant lui. Rassemblant, mes forces, je brandis mes poignards comme bouclier et attends l'impact.
La force du coup me projette à terre et je m'écrase contre le sol, mais je m'en fiche : j'ai évité à Adam une probable mort, et c'est tout ce qui compte.
L'air énervé, Gama se relève, me fusillant du regard. Il croit m'avoir déstabilisée, mais la réalité est tout autre : maintenant, c'est moi qui suis furieuse, et ce n'est pas bon pour la personne en face de moi. En l'occurrence, lui.
Poussant un cri de rage, je me jette sur lui, dépourvue de toute pitié. Je le harcèle de coups puissants, qu'il peine à contrer. Une fois sa défense percée, je le crible de coups.
- Ça, c'est pour Léo !
Je lui taillade le torse. Il gémit et essaye de me blesser, sans succès.
- Celui-là, il est pour Collin, continué-je, sans me soucier des regards qui commencent à se tourner vers moi.
- Et enfin, pour Adam ! finissé-je, le regard assassin.
Il proteste faiblement et je le plaque contre le sol.
- Maintenant, ça suffit. Tu n'as fais que victimiser tout le monde durant ta pauvre vie, mais ça va changer !
Je le regarde une dernière fois, avant de m'éloigner sans un regard, tremblante de colère.
- Ça va ? demandé-je à mon ami blond.
Il me regarde avec crainte et reconnaissance.
- Oui, merci... Rappelle-moi de ne jamais me mettre en travers de ton chemin ! souffle-t-il.
- Mais non, toi je ne te ferai rien ! Tu es mon ami !
- J'espère bien, s'écrie-t-il avec arrogance avant d'éclater de rire.
- Hum... Par contre, si tu te comportes comme ça, je pourrais changer d'avis et te titiller malencontreusement avec mon poignard adoré, souligné-je.
- Va pour l'amitié !
- Je préfère ça. Allez, viens, tête de nœud. On va voir qui c'est qu'Elena a battu ?
- Exactement ! rit-il. En vrai, je plains les gens qui tombent sur vous. Si ça se trouve, ils auraient fait de supers scores mais vous les avez bloqués.
- Je n'y peux rien, protesté-je. Mais cela dit, tu n'as peut-être pas complétement tort.
- Je peux dire des choses intelligentes, des fois ! On me sous-estime tout le temps ! se plaint-il en prenant un air dramatique.
J'éclate de rire et le suis dans le labyrinthe que forment les élèves.
Ça y est, on y est. C'est la finale. Après un dernier combat que j'ai gagné assez bizarrement, me voilà en face d'Elena, pour le dernier affront au poignards.
En réalité, peu m'importe que ce soit elle ou moi qui gagne. Dans mon cœur, ça fera le même effet.
- Bonne chance, Elena ! soufflé-je.
- À toi aussi, Sky.
Autour de nous élèves et professeurs se sont rassemblés en un cercle large, d'une quinzaine de mètres de diamètre. L'afflux de colère qui m'a traversé quand Gama à combattu a laissé place à une tension nerveuse.
Je suis assez impressionnée d'avoir tous ces regards sur moi. À la Ligue, seul notre Équipe et notre Maître nous regardaient, mais là ce sont plus de deux cent élèves et professeurs qui vont analyser tous mes faits et gestes. Mais j'eloigne vite ce sentiment, qui ne fera que me gêner pendant le combat.
- Que le combat commence !
Je tressaille et remets mes pensées en place. Elena s'approche de moi à pas lents, tel un félin. Je me décide à engager le combat et vois qu'elle a bondit en même temps que moi.
Je voulais établir une stratégie, mais je me rends très vite compte que je ne suis pas faite pour ça. Alors, je ne réfléchis pas et laisse mon instinct me guider, comme je l'ai fait tout le long de ma vie.
Je lance mon bras vers son ventre et dévie ma trajectoire au dernier moment. Elle se jette en arrière en contre-attaquant. J'esquive son coup et essaie de la frapper au visage. Ma tentative se retrouve également contrôlée. De son côté, Elena n'arrive pas non plus à me toucher.
Nous sommes encore parfaitement égales et malgré le fait que nous nous battons avec toute la rage et la hargne possible, nous n'en menons pas large. De la sueur dégouline de mon front, mais je continue de combattre.
J'entame ma danse mortelle, virevoltant, mes poignards s'abattant violement contre ceux d'Elena. Autour de nous, des encouragements résonnent, me donnant un peu de force. Parmi eux, j'entends la voix de mon cher Léo et je le remercie intérieurement. Son soutien m'est d'une grande aide.
Prise dans les clameurs qui s'enroulent autour de moi, je redouble de vitesse et le combat s'accélère peu à peu. Nos coups, qui auraient dû faiblir suite à notre fatigue, deviennent plus violents, presque sauvages.
Nous sommes au summum de notre talent, tel deux êtres primaires qui se battent. L'air qui nous entoure vibre de puissance. Continuant de tournoyer, nous nous déplaçons au rythme de nos frappes, tantôt devant, tantôt à gauche, mais aucune de nous n'est blessée.
Je veux savoir jusqu'où nous pourrons aller et je crois qu'Elena aussi. Je donne toutes mes tripes, mes boyaux, pour ne pas céder à la fatigue qui me saisit, impitoyable. Elle s'écrase sur moi à une vitesse fulgurante, me forçant à ralentir le rythme.
Jusque-là, je l'avais éloignée, mais elle est devenue trop intense pour cela. Je la laisse donc s'insinuer dans mon corps, glacer mes muscles, tout en essayant de lutter au maximum contre l'engourdissement.
Soudain, j'aperçois une ouverture. Je plonge vers mon adversaire et la blesse à l'épaule. Au même moment, je ressent une intense douleur au biceps. Je baisse les yeux et voit mon sang couler le long de mon bras. Ce n'est pas vrai !
Je continue de combattre quelques minutes puis tombe au sol. Je me relève, usant mes dernières forces et plonge vers Elena. Dans un ultime essai, je lance mon poignard, mais elle esquive mollement. Je vois la souffrance dans ses yeux et hoche la tête.
Je ne peux plus lutter. Je laisse échapper un faible gémissement, faisant écho à mon amie et glisse sur le sol, laissant échapper mes armes. Trois tintements retentissent : comme toujours, aucune de nous n'a pu vaincre l'autre.
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