CHAPITRE 29 ✓
- Je vous ai déjà dit que je n'ai besoin de personne, soupiré-je pour la énième fois. Je sais me défendre !
Les sourcils froncés, je ne peux m'empêcher de hausser le ton. Lorin et Christophe, le nouveau directeur des Phénix doutent de moi, et cela m'énerve au plus haut point.
- Elena, il faut que tu comprennes que la ville n'est plus aussi sûre qu'avant ! Tu sais bien que la Ligue traîne dans les parages...
Je soupire, excédée. J'aimerai tellement leur dire que la Ligue ne me fera jamais de mal, parce que c'est pour eux que je travaille, mais je me retiens. Je m'efforce de me calmer et renchéris :
- Il n'empêche que mon père n'accepte pas la visite d'autres gens que moi ! Sa maladie le rend vulnérable et je ne veux prendre aucun risque.
- Mais la personne pourra rester à l'extérieur ! Ton père ne craindra rien.
Si ils savaient...
- Je le répète. Cela fait maintenant plus d'un an que je suis ici, presque une année que je vais voir mon paternel et il ne m'est jamais rien arrivé. Vous n'allez tout de même pas m'empêcher de m'occuper de lui ?
Je gigote sur mon siège, nerveuse. Si je ne peux plus aller voir la Ligue, qui le fera ? Je ne peux pas les abandonner comme ça. Il en est hors de question.
- Bon... Elena, il faut que tu te rendes à l'évidence ! Et puis accepter de l'aide n'est pas une faiblesse.
- Je peux me battre contre trois hommes armés assez bien entraînés et en ressortir avec seulement quelques égratignures, rouspété-je en m'agitant de plus belle. Alors, je pense pouvoir me débrouiller !
- Il va falloir que tu te rendes compte que tu n'es pas invincible, crache Lorin.
Mais il me tape sur le système, celui-là ! Depuis quelques temps, il n'arrête pas de me chercher. Depuis que je suis amie avec Sky, pour tout dire. Cette homme est plus qu'acharné.
- Je ne me crois pas invincible. Je dis juste que je n'ai pas besoin d'avoir quelqu'un à mes côtes pour ne pas mourir ! crié-je.
Christophe se redresse et me dit d'un ton posé mais ferme :
- Elena. Nous veillons juste à ta sécurité. Les agents de la Ligue sont plus fort que tu ne le crois. Je les ai vu à l'œuvre et nous les avons sous-estimé.
- Je le sais bien. Mais je ne suis plus une enfant, reprené-je, calmée.
La tension qui régnait dans la pièce retombe d'un coup et je soupire de soulagement. Bien que je ne manque pas de répartie, parler calmement aux adultes permet de mieux les avoir dans la poche.
Lorin et Christophe se concertent une minute puis, au plus grand regret du combattant, le directeur m'annonce que je pourrais partir seule, à condition que je sois rentrée pour le soir.
- D'accord. De toute façon, je comptais revenir tôt, avec le tournoi demain.
Je me lève, voulant partir au plus vite. La poignée de porte n'est plus qu'à quelques centimètres de ma main quand j'entends Lorin murmurer :
- À ton tour, Alex. C'est toi et moi qui serons sur le prochain ring...
Je me retourne vivement mais le combattant a l'air détendu. Je fronce les sourcils, mais ne dis rien et sors de la pièce. Sa remarque me perturbe énormément. D'après ce que j'en sais, Alex est un mendiant des rues qui a un peu sympathisé avec Sky. Il faudra que je lui parle de ces paroles que je n'ai certainement pas imaginées.
Je chasse ces pensées de ma tête et sors du bâtiment. Les gardes postés à l'entrée me connaissent et ne m'embêtent pas. Je ne peux néanmoins m'empêcher de serrer mes épées courtes, pendant à ma ceinture, quand je les croise.
Arrivée dehors, je pars au petit trot, pour faire un peu d'exercice. Si je ne tenais pas autant à la Ligue, j'aurais déjà quitté les Phénix depuis longtemps. Ils emprisonnent les jeunes et les forcent à rester inactifs. Chez eux, je me sens enfermée, incapable d'exprimer mon fort caractère, de me défouler.
Au fur et à mesure que la forme du bâtiment disparaît de mon champ de vision, la tension que j'ai accumulé diminue. Je me sens à nouveau libre, prête à affronter le monde. J'espère que mon père m'en dira plus sur l'avancée de la mission.
Je n'ai pas mangé, mais ça ne me dérange pas : j'y suis habituée. Arrivée en bordure de ville, je bifurque à droite pour longer les bâtiments, puis m'engouffre dans une ruelle sombre. Au fond de cette dernière se trouve une jolie maison fleurie, qui jamais n'aurait attiré l'attention.
Je passe le petit portillon et débouche sur un petit jardin bien entretenu. Et soudain, je le vois par la fenêtre. Son visage masqué que seules quelques personnes ont déjà vues disparaît et la porte d'entrée s'ouvre.
Je parcours les derniers mètres qui nous séparent et me jette dans ses bras. L'être que j'aime le plus au monde me serre puis s'écarte de moi pour mieux m'observer.
- Tu as l'air de te faire du souci... Entre, j'ai l'impression qu'on va avoir beaucoup de choses à se dire, me dit-il en guise de bonjour.
Hochant la tête, je vais m'asseoir sur un des gros fauteuils de velours vert qui meublent le salon.
- Tu as pu te libérer facilement ? me questionne mon père.
Secouant la tête, les sourcils froncés, je réponds :
- Non. Ils voulaient que quelqu'un vienne avec moi. Pas parce qu'il ne me font pas confiance, mais parce qu'ils ont peur de la Ligue. De nous.
Mira sourit en entandant les dernières phrases. Ôtant son masque, il dévoile ses longs cheveux bruns foncés et deux yeux pétillants, mais sages.
- Parfait. Ils commencent à comprendre que nous ne rigolons pas. Ce qui m'inquiète plus, c'est qu'ils vont commencer à soupçonner que nous avons envoyé des taupes, et vous risquerez gros.
Il s'arrête d'un coup. Se tapant le front du plat de la main, il jure de mécontentement.
- Ne t'inquiètes pas, je sais, le calmé-je. Mais, pour ce qui est de l'infiltration, pour l'instant, ces abrutis ne pensent pas que vous ayez déjà agi.
Je me lève et marche en rond autour de mon siège. J'ai horreur de rester assise. Mira, qui le sait très bien, ne dit rien et inspire profondément.
- Je pense qu'il est temps que tu sache qui est venu t'aider. L'équipe des Éléments, dont je suis le Maître, est sur les lieux. Tu as dû rencontrer la dénommée Sky, leur cheffe.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Même si mon amie m'a déjà confirmé sa fiabilité, ça fait du bien de l'entendre d'une autre bouche. Je n'ai pas envie d'être son ennemie.
- Oui, et elle sait qui je suis, reprené-je.
- D'accord. Je pense que tu es en droit de savoir qui l'accompagne, déclare mon interlocuteur en se redressant.
J'arrête ma marche, attentive.
- Maurice, le guérisseur, est son frère. Aisha et Alex font aussi partie de l'équipe...
- Alex ? relevé-je, soucieuse.
- Oui, pourquoi ?
- Lorin, un prof de sport, a dit quand je suis partie qu'à présent, il allait s'occuper d'Alex.
- Je ne pense pas qu'il ait découvert qui il est. Terre est le meilleur acteur que je connaisse...
Il s'arrête, laissant sa phrase en suspense, réfléchissant.
- Y a-t-il autre chose que tu voudrais me dire, Mira ?
Je ne l'ai jamais appelé papa. Ayant été élevée à la dure, j'ai décidé étant petite de ne l'appeler que par son prénom, ce qu'il juge totalement approprié.
- Et bien... Il se pourrait que Maurice et Sky courent un grave danger. Je n'en suis pas encore sûr, il faudra que je me renseigne. Mais, si c'est ce que je pense, et que les Phénix le découvrent, nos deux amis pourraient se retrouver dans de très mauvaises conditions.
Bouche-bée j'écarquille les yeux. Qu'est-ce que Sky à pu faire pour avoir des embrouilles comme ça ? Ou même pire : qui est-elle ?
- Je les protégerai comme je peux. Mais Sky ne manque pas de ressources, et je ne doute pas que Maurice non plus, affirmé-je d'une voix dure.
Mon père acquiesce et me regarde fixement.
- Parfait. Il faut faire attention. Par les temps qui courent, choisis bien les personnes à qui tu accordes ta confiance. Cela pourra être décisif par la suite.
- Pourquoi tu me dis ça maintenant ? le questionné-je, fronçant les sourcils.
Il inspire profondément et lâche :
- Je ne peux pas t'en dire plus. Mais sache que certaines personnes veulent, à Air et à Flamme, beaucoup plus de mal que vous le pensez. Et ils sont extrêmement puissants. De plus, Sky est... Comment dire ?
Il s'arrête au milieu de sa phrase, cherchant ses mots. J'attends la suite, toute ouïe, ne voulant rater aucune information capitale. Soudain, il hoche la tête et déclare :
- Plusieurs personnes pourraient bien désirer l'avoir pour elles, se la battre. Il ne faut absolument pas qu'elle le sache. Ce serait catastrophique pour nous.
- Je ne peux pas lui cacher ça ! M
m'opposé-je fermement. Elle est en droit de savoir qu'elle est en danger, elle et son frère sont directement concernés !
- Il le faut, contre Mira d'une voix triste. Sinon, c'est toute la Ligue qui en pâtira.
Sur cette note terrifiante, il se lève, et après un au-revoir, s'en va, me laissant tiraillée entre mes valeurs et ma raison.
- Allez, murmuré-je, il faut rentrer maintenant.
Je me lève et une fois sortie, verrouille la porte derrière moi. J'en ai marre de toutes ces cachotteries. De toute façon, rien ne m'empêche de mener ma petite enquête ! Ragaillardie par cette idée, je marche d'un bon pas vers la plaine.
- Hé ! T'as de beau yeux tu sais ! me lance soudain une voix inconnue.
- Merci, répondé-je, sèche.
- Allez, arrête toi !
Exaspérée, je me retourne et découvre mon interlocuteur. C'est un jeune homme aux cheveux bruns bien coiffés et aux grands yeux noisettes. De grande taille, il me surplombe de pas moins de deux têtes.
- Ça te dis d'aller boire un verre ? me propose-t-il, victorieux.
- Non. Si tu n'es pas en danger, tu peux me laisser, le pressé-je. J'ai à faire.
C'est alors que deux autres garçons arrivent. Tout comme le premier, ils ont environ dix-huit ans, et abordent un air narquois. Encore des abrutis qui se croient attirants...
- Allez, viens, ma belle, on va s'amuser, rit l'apparition numéro deux.
- Non ! Théodore ! Je t'avais dit de me laisser faire ! s'emporte numéro un.
Une dispute éclate et je tourne la tête dans tous les sens pour suivre les piques lancées par les uns et les autres. Je profite de ce moment d'inattention pour m'éclipser et m'éloigne en silence.
- Attend ! me crie l'homme qui m'a abordé, apparemment appelé Loan.
Je secoue la tête, n'ayant pas envie de devoir le recaler une seconde fois, mais ça n'a pas l'air de le décourager. Il s'élance vers moi, suivi par ses deux amis. Je soupire : autant m'arrêter, ça ne servirai à rien de les conduire jusqu'au Phénix. À moins que...
- Bon, laissez moi en paix où je vous dégomme, dis-je gentiment.
Les trois amis se regardent et éclatent de rire. Quels idiots.
- Une nana jolie comme toi ne peux savoir se battre, ricane le troisième.
- Ah oui ? Et si, par un total hasard, j'appartenais aux Phénix ? craché-je. Ce serait dommage pour vous, n'est-ce pas ?
- Effectivement, déglutit Loan en reculant.
- Mais tu ne vois pas qu'elle fait semblant ? se moque son ami, qui s'approche encore de moi, avant de s'arrêter net face à mon regard noir.
Pour alourdir ma menace, je sors une de mes épées courtes de son fourreau et la touche délicatement, faisant apparaître un minuscule trait rouge sur le bout de mon doigt, puis je les regarde, toute trace de gentillesse remplacée par de la colère : ils me font perdre mon temps. Néanmoins, je reste calme, ne voulant pas être remarquée.
- Tu penses qu'ils vont crier lorsque que je leur couperai les doigts ? demandé-je dans le vide.
- C'est bon, les gars, on se casse ! aboie soudain Théodore.
Alors qu'ils s'enfuient en courant, je souris, machiavélique : parfois, ça fait du bien de faire peur aux gens.
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