CHAPITRE 28 ✓
Je profite du temps qu'il me reste avant de manger pour essayer de trouver Matt. Il faut vraiment que je le voie, juste pour m'assurer qu'il va bien. Je sais qu'il peut se débrouiller sans problèmes mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour lui. D'autant qu'il ne craint rien ici.
Je déambule donc dans la salle à la recherche de mon petit copain, jettant des coups d'œil à droite à gauche. Ne le trouvant pas, je me dirige vers l'escalier et fais subir le même traitement à l'étage au-dessus.
Il doit être dans sa chambre. Je crois que je me souviens du numéro...
Je monte donc les dernières marches, arrive dans la partie des dortoirs et prends directement à droite, vers ceux des garçons.
Comme dans tout le bâtiment, la décoration de cette partie est très sobre. Les murs de pierre blancs constituent la seule luminosité de la pièce. Les minuscules fenêtres qui sont percées en hauteur ne permettent pas d'y voir clairement, et ce ne sont pas les grandes portes en bois sombres qui vont aider.
Je m'avance néanmoins dans cette partie peu éclairée de l'étage. Après avoir cherché mon chemin, je finis par atteindre le numéro vingt-quatre. Je toque timidement et attends une réponse.
Des pas se font entendre et la porte s'ouvre doucement, produisant un petit grincement désagréable. La tête de Matt apparaît dans l'encadrement, surprise. Je me retourne et aperçois quelques personnes dans le couloir.
- Salut le migrant !
- Alex, Sky, Alex... soupire-t-il, même s'il a l'air content de me voir.
- Tu bégaies ? ricané-je.
- Ne fais pas l'idiote, tu as très bien compris... Je te manque ? ajoute-t-il avec un petit sourire en coin.
- Dans tes rêves, mendiant, dis-je en haussant les sourcils.
- Ah ouais ? C'est pas l'impression que t'en donne, frime-t-il, nullement impressionné.
Je souris, mal à l'aise, puis le regarde en tirant la langue. Me rapprochant à mon tour, je susurre :
- Dommage, j'allais te proposer une petite excursion, mais peut-être que je vais m'abstenir...
- Une excursion ? On a même pas le droit de sortir ! se plaint-il, dramatique.
Je souris d'un air énigmatique et attends. Je sais que Matt ne résistera pas à l'envie de bouger un peu. Mine de rien, on s'ennuie un peu ici !
- Bon, si tu insistes, cède-t-il, je te suis.
Je souris, victorieuse et l'entraîne dans la section des filles, me dirigeant vers le fond de l'étage. Derrière la chambre vingt se trouve un couloir sombre que j'emprunte, sans même vérifier que Matt me suit.
Au fond de la galerie, une échelle attend sagement, dissimulée par l'obscurité. Je la gravis tranquillement. Arrivée en haut, je sors une petite clef de ma poche droite et déverrouille la trappe en bois qui masque la sortie. Un souffle d'air me fouette immédiatement le visage et j'inspire profondément.
J'entends Matt râler derrière moi et je me dépêche de gravir les derniers échelons. Je pose un pieds sur le sol et émerge complètement. Je suis surprise par la chaleur qui règne encore à l'extérieur. Mine de rien, l'été avance et laissera bientôt place à l'automne et ses feuilles colorées. J'ai hâte !
Pour la deuxième fois, je contemple l'horizon, du haut du toit du bâtiment des Phénix. Devant moi, vers le Sud, les formes des bâtiments en bord de ville se dessinent, tandis qu'au Nord, je peux apercevoir les montagnes du Sadrou, la chaîne qui coupe le royaume. Sur les côtés, la plaine s'étend aux confins de ce dernier.
Le toit est quant à lui parsemé de sortes de cubes plus hauts qu'un humain, servant sûrement à stocker diverses affaires, ou même des armes, qui sait ?
Matt arrivé à mes côté siffle d'admiration. Je souris, contente que ça lui plaise et ferme aussitôt la trappe, pour ne pas qu'on se fasse repérer.
- Comment tu as eu la clef ? me questionne-t-il, sidéré.
Je le regarde dans les yeux et me noie une fois de plus dans la tendresse qui émane de ses deux émeraudes. Ses cheveux noirs en bataille tombent sur son front, le masquant à moitié. Je passe le doigt sur ses pommettes hautes et bien dessinés avant de répondre :
- C'est Adam qui me l'a donné.
Un sourire en coin apparaît aussitôt sur son visage.
- J'ai l'impression que ce garnement prend de plus en plus de place dans ta vie, me provoque-t-il.
- Comment tu as deviné ? demandé-je d'une voix niaise, à grand renfort de battements de cils.
- Tu as vraiment l'air d'une quiche comme ça, rit mon copain. Il va falloir que tu t'entraines encore un peu.
Je pouffe avant de me retourner vivement : j'ai entendu un bruit. Je me détends lorsque je comprends que ce n'est que le vent qui souffle contre les cubes.
- On a pas le droit d'être là, n'est-ce pas ?
J'enroule nerveusement une de mes mèches rousses autour de mon doigt.
- Pas vraiment, non, mais j'avais besoin d'air.
- Je vois. Mais pourquoi Adam t'a passé la clef ?
Je relâche ma mèche et expire :
- Il sait que j'aime être libre. Cette organisation est un peu oppressante, alors il m'a donné de quoi accéder au toit et m'a montré le chemin. Il en avait deux qu'il avait volé il y a longtemps...
Je souris intérieurement. Quand il y a quelque chose d'interdit, on peut être sûr qu'Adam l'a transgressé. C'est vraiment gentil à lui de m'avoir donné une clef. J'espère que lors de notre séparation des Phénix, il sera avec nous...
Matt ne répond pas et avance vers le bord du toit. Ses yeux se posent sur la vague forme du palais royal, aux murs de pierres blancs et rouges.
- Quand on pense que le roi a des enfants cachés... déclare-t-il en remettant une de ses mèches rebelles en place.
- Je me demande surtout comment il a pu prévoir le coup, contré-je.
- C'est sûr... Et puis, si ça se trouve ils ne savent même pas qui ils sont. Les pauvres...
Nous restons là, silencieux, écoutant le vent chanter auprès de nous pendant plusieurs minutes. Je regarde derrière nous pour vérifier que personne n'est arrivé puis continue :
- J'ai vu mon maître de combat.
Il fronce un instant les sourcils puis son visage s'éclaire. Il acquiesce d'un air appréciateur et dit :
- Lorin, c'est ça ?
Voyant mon hochement de tête, il continue :
- Je vois. Et, il va bien ?
- Bien sûr, tête de limace ! Tu l'as vu il n'y a pas longtemps !
C'est bon, j'ai fait passer l'information. Maintenant, je peux à nouveau me laisser aller.
- Bon, et sinon le migrant, ton entraînement avance ?
- Ouais. Je me suis inscrit en épée et combat au corps à corps.
- Ce qui veut dire qu'on se battra peut-être l'un contre l'autre.
- J'ai hâte de te dégommer, fanfaronne-t-il.
- Ola, du calme ! Ne prends pas la grosse tête !
Il se rapproche tout près de moi et murmure :
- Pourtant, je me rappelle bien de ta mauvaise posture à la fin de notre dernier combat...
Je lève les yeux au ciel. C'est normal, il avait triché.
- Je l'avoue, mais ton charme ne te servira à rien pendant le tournois.
- Ah oui... continue-t-il sur le même ton. C'est ce qu'on va voir.
Il se rapproche dangereusement de moi et je pose une main sur ton torse.
- Stop, articulé-je d'une voix incertaine, essayant de reculer.
Il s'avance encore un peu et je me vois dans l'obligation de ne plus bouger. Je suis coincée entre le vide et Matt. Je lui lance un regard noir et il s'efforce de ne pas rire. Cela m'énerve au plus haut point.
- Tu vas le regretter ! lancé-je.
Je prends le plus d'élan possible - très peu, en soit - et lui fonce dessus. Il chancelle mais ne recule presque pas. Il veut jouer à ça ? Il va être servi.
Je pivote vers la gauche puis d'un coup, pars vers la droite et réussis à passer. Je m'en vais en courant, toujours silencieuse. Le surnommé Terre s'élance à ma poursuite mais sans succès. Je suis plus rapide que lui.
C'est alors qu'un énorme fracas retenti. Suivie par Matt, je fonce me cacher derrière l'un des cubes gris et jette un œil sur le côté pour voir ce qui se passe.
Un homme émerge de la trappe, qui a sûrement été ouverte à la volée. Lorin. Je le reconnais immédiatement à ses cheveux noirs et ses yeux verts, étrangement ressemblants de ceux de Matt.
Je fais un signe à mon compagnon et nous tournons autour du cube quand le professeur de combat avance. Soudain, il se retourne en marmonnant :
- C'est bizarre, j'aurais juré entendre un bruit...
Il se rapproche de nous, qui ne respirons plus. Je me colle contre la paroi en pierre et attends, le cœur battant et les paumes moites. Après quelques secondes, il se retourne et va vérifier l'autre côté du toit.
Sans un bruit, le cœur battant, je m'élance vers la trappe et me jette dans le trou, suivie de près par Matt. Nous descendons à tout vitesse et prenons le chemin menant au réfectoire, sonnés par ce qu'il vient de se passer.
- On a eu chaud, murmuré-je.
Nous arrivons à l'étage d'en dessous, un peu calmés. La cloche ne tarde pas à sonner et nous ralentissons pour ne pas avoir trop de monde autours de nous.
- J'ai faillit aller lui donner un coup de poignard derrière la tête, grommelé-je. Il a de la chance que j'ai un minimum d'honneur.
Matt éclate de rire.
- C'est ce que j'aime particulièrement chez toi, Sky. Tu viens de manquer de te faire éclater par Lorin et tu ne penses qu'au fait que tu ne l'aime pas.
- Non ce n'est pas que je ne l'aime pas. Je le déteste, le hais.
- Essaie quand même de ne pas te le mettre à dos, me conseille-t-il.
- C'est trop tard... soupiré-je
Il va falloir que je m'entraîne dur pour arriver à le battre. Je n'ai aucune idée de son niveau, mais je ne doute pas qu'il soit très élevé. À moins qu'il ne frime pour combler un manque, ce dont je doute fortement.
- Sky, Alex, vous feriez mieux d'aller manger, résonne une voix que je connais trop bien. On pourrait croire que vous mijotez quelque chose...
En passant devant moi, Lorin me bouscule d'un coup d'épaule et part en direction son bureau. Je reste interdite et regarde Matt.
- Pour l'instant, je reste passive, sifflé-je d'une voix sombre, mais le jour venu, il regrettera de s'être mis en travers de mon chemin.
Mon compagnon me regarde, compréhensif, puis me dit :
- Allez, viens, on va manger. Il ne mérite pas que tu aies des pensées à son sujet.
Je souris et le suis vers le réfectoire. Nous croisons Elena sur le chemin, qui m'adresse un bref signe de tête avant de continuer sa route. Je me demande ce qu'elle va faire...
- On se refait ça bientôt, le mendiant ? Finalement, ta compagnie n'est pas si désagréable que ça.
- Mais serait-ce un compliment ? plaisante Matt. Attention, sortez vos manteaux, il va neiger.
- Tu n'as même pas de manteaux, pouffé-je.
- Maintenant, si. Les Phénix m'en ont donné. Je crois que c'est mon bien le plus précieux. Avec la montre du recruteur, que j'ai faillit garder. Mais bon, il fallait bien que je l'impressionne un peu.
Je pouffe. Matt a le don de me détendre, quelle que soit la situation. Ça fait du bien de laisser mon esprit divaguer un moment.
Alors que nous arrivons devant la cantine, je lui dit au-revoir tandis qu'il part de son côté rejoindre ses amis. Je passe la porte, et laisse le brouhaha joyeux qui y règne me faire oublier mes soucis un bref instant.
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