CHAPITRE 24 ✓

Léo m'agrippe le poignet et m'entraîne vers l'extérieur. Il est vêtu d'un pantalon, de chaussures de sport et d'un tee-shirt, dont je vois dépasser le col. Sur son pull noir est cousu un trèfle vert, à l'emplacement du cœur.

- Qu'est ce que c'est ? demandé-je, intriguée.

Il sourit et me répond gaiement :

- C'est l'insigne des guérisseurs ! J'ai été accepté dans leurs rangs ! Tu te rends compte ?

Je ne peux retenir une exclamation de joie.

- Oh, Maurice ! C'est génial ! m'exclamé-je en le serrant dans mes bras. Je suis si fière de toi !

- Merci... souffle-t-il, les larmes aux yeux.

Je comprends ce que cela représente pour lui. Depuis tout petit, il a toujours été vu comme le "bébé" de la bande. Il n'aimait pas se battre mais y était obligé. La guérison a été sa planche de salut et là, il est reconnu grâce à ça : il a trouvé sa voie. J'essuie ses larmes et m'approche de lui :

- Tu es le meilleur. N'en doute jamais.

Il me serre dans ses bras et nous partons, main dans la main. Je le suis jusqu'à sortie. Un garde est posté près de la grande porte. Dès que nous arrivons, il s'approche et nous dit d'une voix dure :

- Halte là ! Où allez-vous ?

Léo sort un papier de sa poche avant de le tendre au garde et montre son insigne.

- Seuls les guérisseurs majeurs peuvent sortir sans autorisation, m'explique-t-il.

Pendant sa lecture, le soldat écarquille ses yeux marrons. Son air renfrogné de disparaît pas, mais une lueur de compréhension y brille. Je me demande bien ce qui est marqué sur cette lettre...

- C'est bon, allez-y. Je garde ça, grogne-t-il en secouant le papier.

Je suis Léo dehors. Le soleil est encore entrain de monter dans le ciel et une petite brise très agréable balaye l'herbe sèche. J'écarte les bras et la laisse s'enrouler autour de moi, soulevant mes cheveux.

Je soupire d'aise. Cela fait du bien de retrouver l'extérieur. Souvent, le soir, je me pose sur le rebord de la fenêtre de ma chambre et profite de l'air frais nocturne. J'ai toujours aimé la nuit, bien que le soleil soit très bienséant.

- Alors, tu m'expliques ce qu'on doit faire ?

- Je dois aller chercher des plantes, comme d'habitude. Sauf que cette fois-ci, elles sont en territoire de Ligue, on ne les trouve pas ailleurs. Les guérisseurs m'ont dit qu'il faudrait mieux que je sois accompagné par un guerrier, même si cela viole la paix de ce lieu.

- Et ils m'ont choisi ? C'est étrange !

- En fait, c'est moi qui ai décidé. Il faut que la confiance entre un guérisseur et son protecteur soit maximale. Vu que nous avons déjà vécu comme ça pendant tout le trajet jusqu'aux Phénix, je me suis dit que cela ne te dérangerai pas.

Je sens quelque chose ne va pas. Il parle encore comme Maurice, et non en Léo. Quelqu'un doit nous regarder, comprends-je. J'observe attentivement les alentours et aperçois des gardes, postés de part et d'autres du bâtiment.

Ils n'étaient pas là quand nous sommes arrivés. La Ligue doit leur faire peur plus qu'ils ne le laisse paraître. Tant mieux. Ça donnera plus de poids aux menaces qu'elle fera.

Nous continuons de marcher. Dès que les gardes sont loin derrière nous, Léo reprend la parole :

- Des agents de la Ligue nous attendent là-bas. En fait, nous aimerions faire un simulacre de bataille pour bien montrer aux Phénix qu'on est avec eux. Comme ça, notre "trahison" aura encore plus de poids, dit-il en formant des guillemets avec ses mains.

- Donc, tu ramasses quelques plantes et je dois te protéger ? Je suppose que nous ferons donc un vrai combat, au cas où ?

- Exactement. Et puis, ça renforcera la peur de la Ligue... Ils ne comprendront pas comment elle a su que nous serions là...

- Et comme ça, ils ne sauront plus à qui accorder leur confiance ! Semer des tensions parmi le groupe. C'est une excellente idée ! commenté-je. Et tu sais combien ils seront ?

- Aucune idée. Ils n'ont pas voulu me le dire pour faire plus réel. Le but est qu'on nous voit... Donc il ne faudra pas faire semblant. Tu devras les traiter en ennemi et moi aussi. Mais bon, peut-être abandonneront-ils plus rapidement ? Juste pour montrer la menace.

- D'accord. De toute façon, en ce moment, on a tous du mal à faire la différence entre nos amis et nos ennemis.

Léo hoche la tête tristement. Chez les Phénix, nos camarades seront peut-être contre nous lors des assauts finaux... Et ça me rend malade. Je ressens une réelle affection pour eux, et je ne doute pas que Léo aussi.

- C'est dur, hein ?

- Tu sais, parfois je réfléchis à notre enfance... Il y a quelque chose qui ne colle pas, n'est-ce pas ? s'enquit mon petit frère tristement.

J'inspire un bon coup. Moi aussi, en ce moment, je repense à cet incendie, sûrement déclaré par nos parents, le jour de mes huit ans...

- C'est sûr. Il nous manque des éléments. Mais tu sais quoi ? Je pense qu'ils le faisaient contre leur gré, et que c'était prémédité.

- Ah oui ? Je ne m'en souviens pas très bien... J'étais trop jeune.

Sa main s'accroche à la mienne. Je la serre doucement, pour le rassurer. Il ne sera jamais seul.

- Déjà, ils m'ont offert des poignards et une tenue de combat la veille de leur départ. Et puis, je me souviens qu'ils étaient tristes et que maman avait essuyé une larme...

- C'est vrai... Mais dans ce cas-là, pourquoi nous abandonner ?

- Ça, je ne le sais pas... Mais, si un jour on les retrouve, promets moi de me laisser porter le premier coup. Tu n'avais que quatre ans ! Quatre ! Et ils nous ont abandonnés ! je m'écris soudain. La seule personne qui pouvait t'aider était une gamine de huit ans ! Comment ont ils pu faire ça ? Tu aurais pu mourir !

Mes yeux lançant des éclairs, je pousse un cri de rage. Léo pose immédiatement sa main sur mon épaule et la serre doucement.

- Hé... On est en vie, d'accord ? Tout va bien...

- Si tu savais le nombre de fois où j'ai cru que tu allais mourir ! Lors de l'incendie, dans la rue, alors que nous n'avions rien à manger, puis à la Ligue !

- Je suis désolé...

- Ce n'est pas de ta faute ! Tu étais à peine en âge d'aller à l'école !

Une ébauche de sourire illumine son visage et je me sens plus légère. J'ai tendance à m'énerver facilement quand on parle de notre enfance difficile. Le fait qu'à huit ans, j'ai dû du jour au lendemain m'occuper de mon petit frère, - que j'aime plus que tout ! - sans aucun endroit pour vivre me rend un peu sensible.

Nous continuons à marcher, de nouveau silencieux. Arrivés en bord de ville, Léo m'entraîne dans des rues sinueuses. Après plusieurs détours, nous arrivons à l'orée d'une forêt. Je suis déjà venue quelques fois ici.

Au centre des arbres se trouve une immense clairière où de nombreuses familles venaient, il y a longtemps, se reposer et défouler leurs enfants. Mais les voleurs en ont profité et moins en moins de monde est venu. Aujourd'hui, il y a peu de gens qui se déplacent jusque là, ce qui la rend très calme.

- À partir de maintenant, je suis Sky et toi Maurice, je souffle. On ne sait jamais ce qui peut arriver, et presque personne à la Ligue ne connait notre nom.

Léo hoche la tête et saisit un couteau dans son sac à dos.

- Je suis prêt.

Je n'ai aucune idée de comment doit se conduire le protecteur d'un guérisseur. Alors, je me contente de faire comme je le sens. J'avance dans les fourrés et fais signe à mon frère, qui me rejoint silencieusement.

Nous avançons dans la bruyère. Je sens une présence derrière moi et me retourne vivement : rien. Je continue ma route et Léo me montre une touffe d'herbe. Je me place devant lui tandis qu'il se baisse pour la sectionner.

Soudain, je sens que quelqu'un arrive, caché par l'arbre devant lequel est mon frère. Je fais comme si je l'avais pas vu et continue ma ronde.

Sans que j'ai le temps de comprendre ce qui se passe, deux soldats masqués tombent devant moi. Je regarde en l'air et vois deux branches qui bougent, sûrement à cause de leur poids.

J'engage aussitôt le combat. Mes adversaires sont parfaitement coordonnés. Ils ont dû apprendre à se battre ensemble... Si ça se trouve, le Maître est parmi eux ! Cette pensée me donne un regain d'énergie.

Je me souviens qu'il y avait un soldat derrière l'arbre, tout à l'heure. Je me retourne et pare au dernier moment le coup destiné à Léo. Je soupire de soulagement et mon frère me regarde, reconnaissant.

- Ça va ?

Il hoche la tête et je me reconcentre sur mes adversaires. Les trois soldats m'attaquent de front et me forcent à reculer. Néanmoins, le troisième se retient. Je le vois dans ses mouvements. Je tourbillonne et projète mon poignard dans la jambe de celui du centre qui s'écarte en gémissant.

Je balance un poing dans la figure du second, en faisant attention à ne pas lui mettre mon poignard dans la tête. Il ne faudrait quand même pas que je le défigure ! C'est mon allié...

Celui à qui j'ai planté le poignard dans la jambe s'enfuit en glappissant. Comme Léo l'avait prédit, il ne va pas dans ses retranchements. Je continue de me battre férocement, mais en m'économisant tout de même. Je lance mon poignard qui vient se planter dans l'épaule de l'inconnu. Il recule précipitamment et, arrachant l'arme de son membre sanglant, part sans se retourner.

Soudain, un coup précis dessine une fine ligne sur ma joue. Je tressaille, reprenant mes esprits, et grimace de douleur, mais ça y est. J'en suis sûre. L'adversaire qui se tient devant moi est le Maître qui m'a formé.

Sa technique parfaite, son style si particulier et sa retenue me montrent que j'ai raison. Et surtout, cette blessure qui part de mon menton à mon œil me rappelle la première fois où j'ai vu le Maître.

Il avait voulu que Léo se batte alors qu'il avait quatre ans. Je m'y étais fermement opposé et lui avait craché ma colère au visage. J'avais sortis mes poignards et sans que j'eus le temps de faire quoi que ce soit, son arme avait déjà perforé ma peau. Au même endroit.

Je lui souris malgré la douleur et reprends le combat. Malgré tout, je me suis améliorée depuis mon départ de la Ligue. L'entraînement différent m'a appris de nouvelles choses, tout comme les combats contre Elena.

Le Maître me bloque aussitôt le passage. Zut. Je ne vais pas pouvoir récupérer mon poignard. Ce n'est pas grave. Je vais me débrouiller autrement. Je plonge sur le coté, mais suis immédiatement freinée par le Maître. Je tente tout ce qui me passe par la tête, passer entre ses jambes, me battre, rien ne marche. Et je vois bien que mon professeur s'amuse beaucoup : un sourire flotte sur ses lèvres et il ne cherche pas à me combattre, seulement à m'empêcher d'atteindre mon arme.

C'est alors qu'une idée me traverse l'esprit. Tout en gardant un œil sur Léo, j'observe les alentours. De nombreux arbres se trouvent de part et d'autres de l'endroit où nous nous trouvons. Sans plus attendre, je m'approche de l'un d'entre eux, accroche mes mains à la branche la plus basse et me hisse dans les hauteurs.

Le Maître hésite quelques secondes, sûrement entre me suivre et m'empêcher à nouveau de récupérer mon arme, ce qui me suffit pour parcourir quelques branches et arriver au dessus d'elle. Je me laisse tomber et atterris durement au sol, saisis le poignard et me relève vivement. Mon adversaire est tout proche de moi et me lance un regard emplit de défi. Le combat peut vraiment commencer.

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