CHAPITRE 23 ✓
Une semaine est passée depuis la révélation d'Elena. Je m'habitue de plus en plus au rythme des Phénix. Comme le grand tournoi approche, la salle d'entraînement est pleine à craquer. Surtout qu'on est samedi, donc il n'y a pas de cours.
Comme toujours, je suis éblouie en arrivant. Le terrain est pourvu d'immenses fenêtres qui éclairent ses occupants, ce qui contraste avec l'obscurité des couloirs. L'odeur de la transpiration et des armes envahit mon nez. Je la trouve plutôt agréable, contrairement à beaucoup d'autres personnes.
Je me dirige vers le mur d'armes, situé sur le mur Est de la salle, et saisis une épée. Aujourd'hui, pas question d'utiliser mes poignards. Ils pendent néanmoins à ma ceinture. Pour rien au monde je ne m'en séparerais. La vie m'a appris que c'est lorsqu'on se sent le plus en sécurité que l'on est les plus vulnérables.
Je me dirige vers les terrains de combat et repère une personne seule. C'est un grand homme d'une vingtaine d'années aux longs cheveux noirs lisses et à la peau pâle. Sa mâchoire carrée, surmontées de pommettes saillantes, laisse apparaître des dents bien rangées. Nos regards se croisent et je frissonne, apercevant deux yeux noirs et emplis de violence.
Décidée à combattre, je m'approche néanmoins de lui. Alors que j'ouvre la bouche pour proposer un affront, il me regarde froidement et articule :
- Dégage. Je ne combattrai pas avec toi. Ce n'est pas un endroit pour une fille.
J'écarquille les yeux, étonnée. Mais pour qui il se prend lui ? Sans me laisser démonter, je le regarde dans le blanc des yeux.
- Retire tout de suite ce que tu viens de dire, sifflé-je, des éclairs envahissant mes yeux orangés.
Il sourit, amusé devant ce qu'il croit sûrement être un caprice. Je serre les poings et me retiens de lui asséner mon épée dans la figure.
- Allez, va j'ai autre chose à faire que de me disputer avec une gamine, bougonne-t-il avant de faire mine de s'en aller.
Une gamine ? Moi ? Il va voir ce qui va voir. L'adrénaline envahit mon corps et je le regarde d'un air assassin. Je respire de plus en plus vite et mon cœur cogne dans ma poitrine. D'instinct, je pose ma main que la garde de mon épée.
Soudain, il recule. Oui, c'est ça ! Il a peur. Je le vois dans ses yeux. Il est vrai qu'on m'a déjà dit que je suis terrifiante quand on me met en colère. Mais il se reprend vite et lance :
- Tu tiens vraiment à ce que je te mettes une bonne raclée devant tout le monde ? Et bien, soit !
Je fanfaronne, parce que je sais ce qui déstabilise les gens comme lui : la confiance en soi et qu'on prenne le dessus.
Je me jette sur lui, tremblante de rage. Prit par surprise, il recule d'un pas de plus mais se ressaisit aussitôt. Il dégaine deux machettes et me regarde, narquois. Il pense que je n'ai que mon épée. Il se trompe lourdement. Je sens mes poignards pendre contre mes jambes et prie pour qu'il ne les remarque pas.
J'avance et engage le combat. Je ne suis pas une championne à l'épée, mais c'est quand même respectable. Je virevolte et esquive un coup tandis que mon épée bloque le deuxième. J'utilise tout mon savoir, car il est vrai qu'il est compliqué de gagner avec une arme contre deux. Encore, elles seraient courtes, mais là, l'homme n'a aucun désavantage.
Alors que je me baisse pour éviter un coup puissant, je sens ma cuisse me picoter. Mon adversaire a réussi à m'atteindre. Heureusement, mon geste a empêché l'arme de se planter dans ma peau. J'ai juste le temps de voir une simple goutte de sang perler, témoignant de la superficialité de la blessure, avant de reprendre le combat. Je tourne, saute, attaque, m'élance, mais je ne peux pas gagner avec seulement une arme.
Alors, une ébauche de plan s'immisce dans ma tête. Oui, avec un peu d'audace, ça peut marcher. Coup de chance, l'audace, qu'elles soit bonne ou mauvaise, c'est mon rayon. Sans plus attendre, j'abandonne mon épée, plonge entre les jambes de mon adversaire, saisis mes poignards et agis. Deux lignes rouges apparaissent sur ses cuisses et il chancelle.
Je me relève d'un bond et constate qu'il me toise d'un regard nouveau. Bien. Il commence à comprendre que je ne suis pas ici pour ne rien faire. Maintenant, je n'ai plus qu'à en finir.
Je le mitraille de coups précis. Il peine à tout bloquer malgré ses deux armes et une nouvelle ligne rouge ne tarde pas à se dessiner, sur son bras, cette fois-là. Je feins de faiblir, recule, et l'entraîne vers un mur sans qu'il s'en rende compte. Son air narquois à disparu, et il paraît souffrir.
Pendant le combat, je m'empare discrètement de sa montre. Mes talents de voleuse étant plutôt développés, je n'ai aucun mal à la détacher sans qu'il s'en aperçoive et la glisse dans ma poche.
Je vais lui donner une bonne leçon. Personne n'a le droit d'être sexiste. Je m'avance et, prenant ses épaules, je le plaque violemment contre le mur. Je lui arrache ses armes des mains et plaque un de mes poignards contre sa gorge.
- C'est bon, là ? demandé-je brusquement. Ou tu as toujours besoin que je te prouve ma valeur ?
Il déglutit et baisse les yeux vers ma poitrine. Je saisis son menton et lui relève la tête sans délicatesse.
- Regarde moi ! Ça, c'est pas pour toi !
Ses yeux noirs me sondent entièrement. Je secoue la tête pour me débarrasser de son regard froid et termine :
- La prochaine fois, quand tu veux embêter quelqu'un, pense à vérifier si tu es en état de te battre. Ce serait dommage que je doive revenir te botter les fesses.
Je lui lance un regard enflammé et me dirige vers la sortie.
- Ah, et j'oubliais ! Je crois que tu as perdu quelque chose ! Fais attention à tes affaires...
Je sors sa montre de ma poche et lui lance. Il la rattrape au vol, ses yeux noirs toujours fixés sur moi. Je m'en vais et rengaine mes armes. J'ai horreur qu'on me manque de respect.
Je me rends compte que plusieurs personnes me regardent, certaines apeurées, d'autres admiratrices. Oups. Moi qui voulais passer inaperçue. En même temps, la discrétion n'a jamais été mon fort.
Je poursuis mon chemin, toujours furax. Sur mon passage les combattants s'écartent. Il faudrait que je me calme, mais je n'y arrive pas. Je respire lentement, prenant de grandes goulées d'air. Ça marche plutôt bien et je me détends peu à peu.
Je m'apprête à passer la grande porte en bois ouverte quand une adulte m'aborde.
- Bonjour. Tu es bien Sky ? me demande-t-elle avec un accent étrange.
- Oui, pourquoi ?
Je la regarde. Elle a une peau noire et des yeux bleus clairs presque transparents. Ses cheveux noirs ont l'air d'avoir une texture différente de ceux qu'on voit ici. De tout évidence, elle vient d'un autre royaume.
- Je viens te chercher. Maurice a besoin de toi. Il n'a rien, ne t'inquiètes pas, s'empresse-t-elle d'ajouter en voyant mon air inquiet.
Je me détends immédiatement.
- D'accord... Vous savez où il est ?
- Viens, je vais t'y emmener !
Elle me prend le bras et m'entraîne dans les couloirs.
- Tu es nouvelle ici, n'est-ce pas ? me dit-elle sans se retourner.
- Oui... Je suis arrivée il y a environ deux semaines, je réponds un peu essoufflée.
En même temps, nous courons presque et je sors d'un combat plutôt... épique.
- Et tu te plaît ici ?
Je trouve ses questions de plus en plus étranges. Qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? Mais, par respect, je lui réponds poliment :
- Oui. Je trouve que nous sommes bien ici.
- Je vois que tu t'es déjà fait remarquer...
- Je n'aime pas qu'on me manque de respect, je réponds simplement.
- Et cet élève t'avait manqué de respect ? s'enquiert-elle l'ai de vraiment s'intéresser à la question.
- Oui, asséné-je d'une voix dure.
- Tu m'as l'air d'être une sacrée battante. Je me trompe ?
- On me le dit souvent, éludé-je en haussant les épaules. Mais, sans vouloir être impolie, pourquoi me posez-vous ces questions ? J'ai fait quelque chose de mal ?
- Oh, non ! Je suis simplement extrêmement curieuse. J'enquête sur le caractère des Hommes, ainsi que les différents traits de ceux-ci. Je trouve ça palpitant !
- Oh d'accord ! C'est pour ça que vous êtes là ?
- Non... J'ai décidé d'intégrer les Phénix il y a maintenant un an, quand mes parents sont morts...
- Oh... Je suis vraiment navrée, j'essaie de la consoler.
- Mais, ne t'inquiètes pas, je vais mieux maintenant ! se reprend-elle en hochant la tête avec ferveur, comme si elle essayait de se convaincre elle-même.
Nous continuons à marcher, silencieuses. Je pense à mes propres parents. Je ne sais pas si ils sont vivants ou non, s'il pensent encore à Léo et moi ou s'il ont complètement refait leur vie. En vérité, j'espère les retrouver vifs, afin de venger notre enfance gâchée par leur geste.
- Tu aimes beaucoup ton frère, n'est-ce pas ? reprend soudain la jeune étrangère.
- Énormément, dis-je en la regardant sérieusement. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- Le reflet qui passe dans tes yeux quand tu parles de lui. Peu de gens ont de bons liens avec leurs fratrie, souvent à cause de disputes.
Je réponds à la question sous entendue :
- Nous nous sommes toujours bien entendus. Il n'y a jamais eu de désaccord entre nous.
- C'est intéressant. Et ce lien se renforce-t-il avec le temps ?
- Disons que récemment, nous avons affronté des dangers ensembles. Donc oui, je pense que notre lien s'est fortifié.
- Placerais-tu ta vie entre ses mains ?
- Sans aucune hésitation, affirmé-je.
Même si mon frère ne combat pas, ça ne l'empêche pas d'avoir de nombreux talents, surtout avec un bâton. Je sais que je peux lui faire confiance.
La belle étrangère sort un petit carnet et note quelques mots.
- Cela te dérange que je me serve de tes réponses pour une étude ?
Je ne vois pas en quoi mes réponses pourraient me poser des problèmes, alors je n'hésites pas longtemps avant de hocher la tête.
- Non non, allez-y. D'ailleurs, puis-je savoir à qui j'ai raconté quelques instants de ma vie ?
Enfin, pas ma vraie vie... Mais bon, je passe outre ce petit détail, comme depuis deux semaines. Je commence à avoir l'habitude de changer mon histoire.
- Je m'appelle Aya.
- Oh, c'est joli !
Ce n'est pas un mensonge. J'aime réellement ce prénom. Ses consonances exotiques me rappellent un ennemi qu'on ne peut dompter... Quoique je n'ai pas à me plaindre. Contrairement à beaucoup d'autres personnes, je suis très fière de mon prénom. Je trouve qu'Alissandre fait guerrier, incontrôlable...
Nous arrivons devant la porte du quartier des guérisseurs. Elle n'est évidemment pas fermée et une douce lumière s'en dégage. Un dessin de feuilles s'entrelaçant contourne l'entrée. Aya s'arrête et me sourit.
- Nos chemins se séparent ici. J'espère qu'on se reverra, Sky !
- Moi de même ! C'était un plaisir !
Je détourne la tête et m'engage dans l'ouverture. Je rejoins la salle dans laquelle Léo était la dernière fois. Pourvu qu'il soit resté dans la même ! Je frappe trois coups distincts et entre quand le son de sa voix m'y invite.
Il se tient debout, un sac à dos sur les épaules. Je le prends dans mes bras et il me regarde, une mimique joyeuse sur le visage.
- Sky ! Je suis content de te voir ! Tu m'as manqué !
- À moi aussi, Maurice ! Comment te portes-tu ?
- Comme un saint, merci. Viens, on y va. Je t'expliquerai tout en chemin. Aujourd'hui, on sort !
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