CHAPITRE 22 ✓
À l'instant où le le cri de départ retentit, Elena, Bianca et moi nous élançons à toute vitesse dans trois directions différentes. Je sens mon bras me tirer quand je suis tout à coup stoppée par les attaches. Zut. Ça commence bien.
- Désolée les filles !
D'un regard, nous changeons de trajectoire pour foncer sur le groupe des trois inconnus. Deux d'entre eux, un garçon et une fille, sont bruns. L'un est doté d'iris bleues foncées et l'autre d'iris marron. Le troisième, qui ne sourit pas, a des cheveux noirs de jais et des yeux d'un bleu de glace. Il me toise en haussant les sourcils et je soutiens son regard sans flancher.
Il veut jouer ? Il va jouer. D'un coup d'œil, je montre aux filles que je m'occupe de celui-ci. Le groupe ne s'est pas foulé pour s'accrocher. Ses membres se sont simplement scotché les mains.
Je m'approche de "regard glacé". Bianca et Elena sont de part et d'autre de moi, sur le qui-vive. Nous nous sommes attachées de manière à ce nous puissions attaquer de front, et s'entraider.
J'engage le combat en même temps que mes alliées. Chacune s'occupe d'un adversaire. C'est très particulier de n'utiliser qu'un seul poignard. À vrai dire, je crois que je ne l'ai fait qu'une seule fois avant celle-ci. Mais il n'est pas question que je me fasse battre, et encore moins par le prétentieux d'en face.
Je ne peux pas tourner et esquiver comme d'habitude, mais je m'en sort plutôt bien. Je déverse une pluie de coups bien placés sur mon adversaire qui recule précipitamment, entraînant ses deux camarades avec lui. Ils lui lancent un regard noir et reprennent le combat.
Elena et Bianca se débrouillent elles aussi. Finalement, on est plutôt coordonnées, contrairement au groupe d'en face, qui, à cause de "regard glacé" qui ne se soucie pas des autres, se fait entraîner dans tous les sens.
Soudain, un grand poids me cloue au sol et projette mes deux amies en arrière. J'ai juste le temps de voir Adam se relever avant de plonger : j'ai le bout de scotch qui maintient nos premiers adversaires sous le nez. Je tire et arrache la bande, éliminant les trois garçons.
Elena me regarde en souriant et je m'aperçois qu'elle tient l'autre côté du morceau. C'est pas vrai... Encore une fois, nous avons réagi pareillement au même moment. C'est vraiment étrange.
En me relevant, je jette un coup d'œil rapide à la salle. Les triplettes ont l'air d'être éliminées et sont rejointes par le groupe de "regard glacé". Il ne reste donc plus que le nôtre et celui d'Adam. Je regarde mes amies et nous échangeons un regard entendu. Ils vont voir ce qu'ils vont voir.
- Comme on se retrouve ! Vous êtes prêts à perdre ? je lance aux garçons.
- Quelle blague ! Je suis plié, réplique un des adversaires - Thierry, je crois.
Sans attendre notre réponse, les garçons s'élancent vers nous. Bianca fait claquer son fouet et ils s'éloignent précipitamment.
Nous nous rapprochons et combattons. Je ne sais plus où donner de la tête. Je pare un coup destiné à Bianca qui contre-attaque immédiatement. Emplie de hargne, j'assaille mes adversaires de coups puissants, mais en faisant tout de même attention à ne pas les blesser gravement. Ce n'est pas le but de ce jeu.
Je ralentis ma respiration et arrête de penser à des choses extérieures. Je me concentre entièrement sur le combat. Il est hors de question qu'on perde.
Je profite d'une petite accalmie pour souffler à mes coéquipières :
- Il faut qu'on les surprenne. Et si on se laissait jeter à terre et qu'on leur sautait dessus quand ils s'approchent ?
- Si on ne veut pas se faire cramer, il faut que ce soit lors d'une attaque puissante, répond Elena tout en levant sa dague pour parer un coup d'épée.
- Ok, on fait ça, murmure Bianca.
Soudain, je me sens tirée en arrière. Une épée passe à quelques centimètres de mon ventre. Je regarde Elena et Bianca et vois que c'est elles qui m'ont tirée pour m'éviter une blessure abdominale.
- Merci !
Heureusement qu'elles étaient là. Sinon, j'aurais fini en chair à saucisse. Et franchement, ce n'est pas vraiment mon plus grand rêve. Je reprends mes esprits et donne un grand coup de genou dans l'entre-jambe d'Adam qui me menace avec son épée.
Il se plie en deux en criant de douleur et je suis emplie de remords. Je m'approche de lui, enfin, autant que me permet mon attache.
- Désolés... Ça va ?
- Mais non ! Ça fait mal ! Mes bijoux de famille ! Je vais être handicapé à vie !
Je secoue la tête en riant. Il en fait un peu trop, là. Alors que je suis tirée à gauche par Elena, je lui tire la langue. Il se relève immédiatement et m'assène un grand crochet dans la mâchoire. Le choc se répercute dans tout mon corps et je reste quelques secondes à l'arrêt, chancelante, toute étonnée de la puissance de son coup.
- Et voilà ! Je suis vengé ! Quoique, l'équivalent ce serait la poitrine, mais bon... Je suis gentil, je vais m'abstenir, me nargue Adam.
- J'espère bien. Petit malin, va.
Soudain, les garçons se regardent puis nous foncent dessus. J'échange un regard avec mes amies et nous nous laissons mettre à terre au dernier moment, feingnant la surprise. Les garçons se jettent sur nous.
- Maintenant ! crie Bianca.
Je prends appui sur mes pieds et me projette vers le harnais d'Adam. Ne pouvant utiliser que ma main droite, je me débats avec les attaches. Je n'ai le temps d'en défaire que quelques-unes avant que leur propriétaire recule vivement.
Les filles ont à peu près fait la même chose que moi. Bon. Ce n'est plus qu'une question de temps. On va y arriver. Enfin, si on ne se fait pas "déscratcher" avant...
Les garçons nous foncent à nouveau dessus et tendent leurs bras au maximum. Nous esquivons difficilement, mais assez pour que leurs mains ne fassent qu'effleurer nos scratchs. Je pousse un petit soupire de soulagement tandis que les fille repartent à l'action. Je ne peux que les suivre et attaquer encore et encore.
Soudain, une ouverture de présente à nous. L'ami d'Adam, affaibli et essoufflé laisse tomber sa garde quelques secondes. Ce n'est plus qu'il ne nous en faut. Sans attendre, je plonge vers les attaches du harnais, suivie de près par les deux filles. Malgré la résistance d'Adam et Thierry, nous arrivons à terminer notre travail et leur attache tombe lourdement sur le sol.
- On a gagné ! crié-je à mes amies.
Je soupire de soulagement quand je retire les scratchs qui me relient à Elena et Bianca. Ma peau est plus rouge qu'à l'ordinaire et j'ai le poignet irrité, mais ce n'est rien de grave. Ma mâchoire est un peu douloureuse, mais encore une fois, ce n'est pas problématique.
Je serre Bianca dans mes bras et arrive devant Elena. Après une seconde d'hésitation, je lui tape dans la main : je ne suis pas sûre qu'elle aime les démonstrations d'amitié.
- Bravo les filles ! sourit-elle.
- En même temps, c'est logique. On forme une équipe d'enfer ! renchérit Bianca.
Les autres s'approchent de nous et nous félicitent. Je ne joue plus la comédie. Je suis moi, mais avec une histoire différente. En tout cas, il n'est plus question que je change un tant soit peu mon caractère.
Ce qui me réchauffe le plus le cœur, c'est de voir à quel point les jeunes sont liés, ici. Je ne peux m'empêcher de le comparer à la Ligue, où nos connaissances se limitent à nos camarades d'équipe. C'est dommage...
En même temps, peut-être que ce sera plus facile, en temps voulu, de les faire balancer de l'autre côté de la bête. Ce qui est sûr, c'est que ce sera très compliqué si à l'avenir je dois me battre contre Bianca, Adam et tous les autres...
L'euphorie de la victoire résonne en moi et je me joins à Bianca qui m'entraîne à l'écart.
- Je voudrais te dire quelque chose...
- Oui ?
- Je voulais te remercier de m'avoir ouvert les yeux. Vraiment, j'ai l'impression d'être moi-même, de revivre. Avant, je n'aurais jamais joué à cela, je serais restée à me morfondre, entourée de fausses amies. Grâce à toi, c'est terminé, me confie-t-elle.
Je reste bouche-bée. Je ne pensais pas que ma grande gueule aiderait quelqu'un un jour.
- Je... Tu sais, tout le monde a ses problèmes. Tu avais sûrement une raison... En tout cas, si tu veux parler, je suis là. Tu sais, je suis forte pour crier, mais je sais aussi écouter.
Bianca sourit. Mais pas d'un sourire artificiel, non. Un sourire éclatant, dévoilant deux adorables fossettes.
- Justement. Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui me plaigne ou ait de la pitié. Juste d'une personne qui m'écoute, pour que je puisse me décharger de mon fardeau.
Je hoche la tête pour l'encourager à continuer. Le regard soudain triste, elle commence :
- J'ai toujours eu une vie facile. Enfin, tant que je restais dans les codes de mes parents. Tant que je gardais les amis qu'ils me désignaient, que je faisais ce qu'ils me disaient, ils étaient contents. Sauf que j'ai vite compris qu'ils en demandaient trop. Ils n'étaient jamais contents. J'avais oublié ce que ça voulait dire d'être aimée. Entre temps, j'ai rencontré les triplettes. Elles n'ont pas eu beaucoup plus de chance que moi. Chipie un petit peu, j'imagine.
Elle fait une pause et me regarde, les yeux emplis de larmes.
- En tout cas, j'ai commencé à devenir mauvaise. Quand j'étais avec elles, ça allait, mais dès qu'elles me laissaient, je me vengeais sur les autres. Je les pensais responsables.
Cette fois-ci, une larme dévale sa joue. Elle semble perdue dans son récit.
- Je faisais peur aux plus jeunes, et ça me plaisait. Alors, je continuais. Je savais que c'était superficiel, mais ma nouvelle moi enfouissait ça sous de la haine... J'ai quitté mes parents pour venir ici, en espérant trouver quelque chose de mieux. Je ne sais pas si ça l'est, mais au moins je n'ai plus à subir la pression permanente qu'ils exerçaient sur moi. Les triplettes m'ont accompagné de bon cœur.
- Et jusqu'à peu, tu oscillais entre les deux, c'est ça ? Tu luttais pour redevenir toi même. Parce que sans tes parents, il t'es plus facile de respirer.
- C'est ça... Le seul problème c'est que personne ne me remettait en question.
Je lui presse l'épaule. Les larmes coulent doucement sur ses hautes pommettes et tombent sur le sol. Elle a vraiment l'air secouée. Cela doit lui faire un choc, de parler de son passé, si elle essaie de l'enfouir. Il m'est facile de deviner ça, connaissant ce que ça fait d'être abandonnée.
J'ai presque envie de lui parler de mes parents, mais au dernier moment, je me retiens. Je me contente de la serrer dans mes bras, la consolant.
- Et toi ?
- Je ne suis jamais allée à l'école. J'ai tout appris chez moi avec mes parents. Je ne voyais presque personne, juste quelques amis à mes parents, et mon frère...
- Tu as un frère ? C'est qui ? Il est là ? demande Bianca, visiblement désireuse de changer de sujet.
Je souris devant son entrain. Elle veut peut-être en connaître plus sur moi, alors je réponds :
-Il s'appelle Maurice. C'est un guérisseur. Il a treize ans, toutes ses dents et est incroyablement honnête, je le présente.
- Cool ! Oh zut, les autres partent ! Tu viens ?
Je hoche la tête.
- Et... Ça a été un plaisir de te parler, avoue-t-elle.
- Plaisir partagé. Allons-y !
Nous courons vers nos amis en riant et je me sens comblée. Quelque soit le futur qui m'attend, je pourrais compter sur elle.
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