CHAPITRE 20 ✓

Elena appartient à la Ligue. Cette révélation passe en boucle dans mon cerveau, sans discontinuer. Je me rends soudain compte que de nombreux signes le montraient, comme sa force, sa façon de penser... Je suis tellement heureuse que ce soit elle et pas un autre.

- Et... Tu es ? demandé-je, pressée d'en savoir plus

- Je suis Lilas, cheffe de l'équipe des Fleurs. Et je suis aussi la fille du Maître de l'équipe des Éléments.

C'est alors que tout s'imbrique. Le Maître qui m'a appris à me battre est le père d'Elena ! Voilà la ressemblance que je cherchais ! Ce n'était pas le physique qui me titillait, mais bien sa manière de se battre, de bouger, sa carrure, son air renfrogné... Tout cela correspond évidemment à notre cher Maître. Je manque d'éclater de rire de part ma stupidité de n'avoir compris tout cela avant mais me retiens, par souci de discrétion.

- Et toi ? s'enquiert la jeune fille aux yeux violets.

- Flamme, cheffe de l'équipe des Éléments. Elena, c'est fou !

- Effectivement. Je me pensais seule et voilà que tu débarques avec ton Équipe, bouleversant tout mes plans ! rit-elle.

- Attends, tu est venue seule ? soulevé-je, ahurie, sans me rendre compte que c'est la première fois que je l'entends rire sans se forcer.

Alors que le membre de la Ligue hoche la tête, je renchéris ayant presque peur de la réponse :

- Depuis combien de temps es-tu ici ?

- Ça va faire presque un an.

J'entrouvre ma bouche de stupeur. Voilà qui démontre une immense volonté et un mental hors du commun. Je ne sais pas si je pourrais rester une année entière ici. Elena doit suivre le sens de mes pensées, car elle enchaîne :

- On s'y fait, avec le temps... Et je suppose que les dénommés Adam, Maurice et Aisha sont avec toi ? m'interroge-t-elle, réfléchissant.

Je sens que je peux lui faire confiance. Mais je n'ai pas envie de mettre mes amis en danger, et ne pas révéler l'identité de ses compagnons est l'une des premières choses qu'on apprend à la Ligue. En plus, elle s'est trompée pour Adam. Alors, je reste mystérieuse :

- Je suis désolée mais je préfères ne rien dire. Tu comprends ?

Un petit sourire flotte sur ses lèvres lorsqu'elle me répond, appréciatrice :

- Bien. Pour tout t'avouer, c'était un test, pour voir si je pouvais compter sur toi, bien que tu l'ai déjà démontré en te battant. Mon père vous a bien entraîné.

- Il a été génial. Et je compte bien rester son élève !

- Il est fier de vous, tu sais, avoue-t-elle, faisant naître une douce chaleur dans mon ventre.

- Merci, soufflé-je, réconfortée.

Elena ne tarde pas à s'en aller, un grand sourire aux lèvres. Je reste là quelques minutes pour digérer l'information, puis quitte ma cachette.

Mes pensées vagabondent vers Léo. Il va peut-être pouvoir sortir bientôt, avec Madame Lolera, puis seul... J'espère que tout se passera bien et qu'il a pourra voir les agents de la Ligue sans problème...

Je me promène dans le deuxième étage, complètement perdue dans mes pensées, le tout et le rien se confrontant dans ma tête. Après nombres détours, j'arrive devant une petite pièce. Le cœur battant, j'entrouvre la porte en bois. J'ai encore un mauvais pressentiment.

Des bruits me parviennent et j'aperçois Matt, tenant une jeune fille par les poignets. Mon cœur se serre, mais je n'y fais pas attention : j'ai confiance en lui. La respiration coupée, je regarde la scène.

La jeune rousse émet un petit rire aguiché avant de se rapprocher de mon petit-ami. Je réprime ma colère contre elle et le laisse gérer la situation. Le jeune homme aux cheveux noirs la tient à distance, au bout de ses bras.

- Tu sais que tu es mignon, toi ? sussure-t-elle.

Elle tente de se rapprocher, mais n'arrivant à rien, elle se contente de remuer ses hanches.

- Alexia, je ne suis pas intéressé par toi et tu le sais très bien. Alors si tu voulais bien t'éloigner un peu, ce serait gentil.

- Gentil ? ricane la jeune fille. Mais je ne veux pas être gentille moi. Je ne veux qu'une chose : toi.

Matt lève les yeux au ciel, et je souris. Voilà pourquoi je lui fais confiance : il n'y a pas plus honnête que lui.

- Et je t'ai déjà dit que ce n'était pas possible ! J'ai déjà quelqu'un. Autre que toi. Alors, si tu ne veux pas que ça se finisse mal, je t'enjoins de t'éloigner, réplique-t-il fermement.

- Je parie que c'est cette fille, Sky ? La moitié des garçons ne parlent plus que d'elle, soupire Alexia.

J'écarquille les yeux à la suite de ses paroles. Moi, populaire auprès des garçons ? Et puis quoi, encore ? C'est n'importe quoi.

- Oh, t'as vu comme elle l'a vaincu ? Apparamment, c'est une noble... imite-t-elle d'une voix faussement admirative, cinglante. Sky par-ci, Sky par-là, je n'en peux plus !

Matt sourit doucement à ces mots. Je sais ce qu'il pense. Leur cause est déjà perdue : mon cœur lui appartient et ce n'est pas près de changer.

- Tout ce que tu trouves, c'est sourire ? gromelle la rousse.

- Je souris si j'en ai envie. À ce que je sache, tu n'as aucun droit sur moi. Et je veux apprécier Sky, je le peux aussi.

- Bien sûr, mais je suis beaucoup plus accessible qu'elle, se vante la jeune fille. En plus, nous n'avons pas beaucoup de différence, j'aime me battre et je suis rousse.

Je ne me sens pas offensée par ses propos, comme je le devrais. Au contraire, je dois me mordre la lèvre pour ne pas éclater de rire : la pauvre Alexia ne sais pas que le chemin sur lequel elle s'est engagée est très glissant. Car si Matt a une patience légendaire, il est capable de faire taire de nombreuses personnes lorsqu'elles vont trop loin à ses yeux.

- Ah oui ? Donc, je suppose que me combattre maintenant ne te pose pas de problème ? souffle-t-il. Et puisqu'elle me bat aisément, je n'aurai pas besoin de retenir mes coups.

Je retiens un gloussement en l'observant dominer de toute sa taille la pauvre fille. Il exagère un peu, néanmoins : je ne le vaincs pas si facilement que ça, surtout pas au corps à corps.

- Mais, proteste Alexia d'une voix faible.

- Tu ne m'attaque pas ? Tant pis. Essayons autre chose, alors.

Soudain, nos regards se croisent et je suis sûre qu'il peut lire mon fou rire silencieux dans mes yeux, à travers leur éclat pétillant. S'il est surpris de me voir, il ne ne montre pas. Cependant, il me fait un petit clin d'œil et je comprends où il veut en venir. Toujours dans l'ombre, je hoche la tête, souriante.

- Alors. Vu qu'elle ne sait que se battre, si tu sais répondre à cela, tu es sûrement mieux qu'elle. Combien de rois ont gouverné ce royaume, avant Naamen ?

Alexia, reculant toujours face à son opposant, déglutit avec difficulté.

- C'est facile, je te l'accorde, ajoute Matt, enfonçant le couteau dans la plaie.

Alors que la jeune fille secoue la tête, apeurée, il s'avance à nouveau auprès d'elle.

- Très bien. Et saurais-tu comment se débarrasser d'une fille un peu trop collante ? demande-t-il, me jettant un coup d'œil.

Je sors soudain de l'ombre et entre dans la pièce la tête haute. Alexia émet un hoquet de surprise et se recroqueville sur elle-même.

- Avec une autre fille ! Pourquoi pas celle qu'elle vient d'insulter ? proposé-je. Bonjour, le mendiant.

- C'est vrai que ce serait sympa ! renchérit-il. Salut la peste. Merci d'être venue au rendez-vous.

- Je... Je vais y aller, souffle la jeune rousse, avant de filer sans demander son reste.

J'éclate de rire. Matt se joint bien vite à moi avant de me prendre dans ses bras.

- Merci pour ton aide. Voilà deux jours qu'elle ne me lâche pas. Je n'en peux plus ! J'avais presque envie d'en venir aux mains.

- Ce qui n'est pas si bizarre, pour un mendiant, si ?

Il s'exclaffe doucement.

- Tu es là depuis quand ?

- Lorsqu'elle t'as dit que tu étais mignon. Elle n'avait pas tord, cela étant, rié-je.

- Et bien, tu as décidé de ravaler ta fierté ? soulève-t-il, les lèvres étirées en un immense sourire.

- Ne t'emballe pas, le mendiant. Je suis simplement de bonne humeur, maugréé-je.

Matt ne répond pas et me fait tournoyer dans la pièce. Je me laisse faire et il se rapproche de moi, ne pouvant plus attendre.

- On pourrait faire semblant de tomber amoureux, chuchoté-je à son oreille avant de m'éloigner à nouveau.

En effet, nous avons déjà pensé à cette alternative, qui pourrait se révéler bénéfique : cela nous ferait une raison pour nous voir seuls et échanger sur les nouvelles des Phénix.

Mon petit-ami réfléchit quelques instants avant de souffler :

- C'est vrai... Mais il faudra attendre un peu. Sortir avec quelqu'un au bout de deux jours n'est pas très naturel.

- Tu as raison, approuvé-je.

Je regarde par la fenêtre et me rends soudain compte du temps qui s'est écoulé. Le soleil darde ses derniers rayons sur la plaine, faisant rougeoyer l'herbe sèche : la nuit ne va pas tarder à tomber.

Elena est avec nous, pensé-je une fois de plus.

J'ai décidé de ne rien dire à mes camarades pour l'instant, pour conserver tout l'effet de surprise qu'elle pourrait avoir. Non pas que je ne leur fais pas confiance, mais cela me paraît plus sage. En plus, je ne revelerai pas son identité sans son accord. C'est bien trop important.

C'est alors que deux mains viennent se poser sur mes épaules. Matt se colle à moi, m'entourant de ses bras. Je soupire d'aise et me détends immédiatement.

- On ferait mieux de se coucher, non ? demande soudain le jeune homme.

Je grogne, n'ayant pas envie de partir.

- Oh, mais on n'est pas obligés de retourner dans nos chambres, élude Matt qui a suivi le cheminement de mes pensées, un petit sourire en coin. Si tu sais te contenter du sol...

- Voilà une idée qui me plaît beaucoup, soufflé-je alors que je me retourne pour me trouver face à lui.

Nos souffles se mêlent lorsque mon compagnon se rapproche doucement. Ne voulant attendre, je passe une main dans ses cheveux et l'embrasse tendrement. Notre baiser devient brûlant et je rejette la tête en arrière tandis que nos langues forment un ballet endiablé. Matt finit par rompre notre échange, haletant.

Je soupire, en voulant plus, mais il me regarde, désolé. Ce n'est pas l'endroit pour. Je me contente donc de m'allonger par terre et l'invite à faire de même. Lorsque qu'il se place à côté de moi, je me love contre lui.

- Bonne nuit le mendiant.

- Bonne nuit la peste, répond-il en me caressant les cheveux.

Je m'endors quelques secondes plus tard, bercée par les mouvements de sa main.

***

Une doux rayon de soleil me réveille quelques heures plus tard. Après avoir apprécié sa chaleur, je m'extirpe délicatement des bras de Matt et m'étire langoureusement. Dormir par terre n'est jamais très confortable, et même si j'en ai l'habitude, mes membres protestent toujours lorsque je me lève. Après avoir détendu mes muscles raides, je jette un œil à mon petit copain, toujours plongé dans un profond sommeil.

Malgré sa visible détente, un petit sourire éclaire son visage. Ses cheveux noirs décoiffés, rendus brillants par le soleil me donnent envie de plonger la main dedans et je peux imaginer ses yeux émeraudes pétiller à travers ses paupières fermées.

Il finit par émerger du sommeil et ponctue son réveil par un interminable bâillement. Je résiste à l'envie de rire et m'approche pour l'aider à se lever.

- Bonjour, marmotte. Bien dormi ?

- Oui, merci. Tu as reconcé à m'appeler mendiant ? demande-t-il, heureux.

- Seulement pour une minute.

- Je le savais, maugré-t-il.

Il me serre dans ses bras, puis son regard s'attarde sur la porte. Je l'ai compris, moi aussi : il va bien falloir que nous sortions de notre petit havre de paix pour rejoindre la dure réalité, même si aucun d'entre nous n'en a envie. Alors, après que nous nous soyons dit au-revoir, Matt quitte la pièce et je ne tarde pas à l'imiter.


Je marche lentement, la tête baissée. Je suis heureuse d'avoir vu Matt, même si ce n'était pas assez long à mon goût. Cependant, je ne pouvais étirer plus ce moment : il va déjà falloir que je trouve une excuse à offrir à mes camarades de chambre pour mon absence de cette nuit.

Je cherche, mais malgré mes efforts, aucune n'est assez plausible pour que je leur serve. Je suis tellement perdue dans mes pensées que je ne vois pas le garçon que je percute. Je me retrouve sur les fesses et, pestant contre moi-même, lève la tête vers l'homme.

Il est grand, blond et ses yeux sont du même vert que ceux de Matt. Je pourrais me perdre dedans...

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