CHAPITRE 2 ✓

Le Maître entre silencieusement dans la salle. Comme à son habitude, il est vêtu d'un ensemble de combat noir ainsi que de bottes, et d'une veste de la même couleur. Un masque noir qui recouvre l'entièreté de son visage vient compléter sa tenue de guerrier. Ce dernier, simple, a pour seule fioriture un éclair, son nom de code, afin qu'on puisse le reconnaître.

— Bien le bonjour, les Éléments. Ne traînons pas, ajoute-t-il après une réponse de notre part.

Je hoche la tête et lui tends le petit carnet appartenant au roi. Il le prend délicatement et le range dans une poche, après un mouvement de tête approbateur.

— Très bien. Peux-tu me faire un rapport ? me demande-t-il après avoir effectué la manipulation.

J'entreprends donc de lui conter mon trajet, mes ressentis, ainsi que le déroulé des évènements. Je lui explique que sans la relève de la garde, je n'aurais jamais pu entrer dans les appartements du roi, qu'en sortir a été aussi ardu, même si je suis passée par la fenêtre. Que les ruelles étroites de la villes m'ont bien aidée à me débarrasser de mes adversaires plus nombreux que moi.

Je n'omets aucun détail, même si certains sont à mes yeux insignifiants : le moindre oubli pourrait se révéler désastreux. Une fois ma tâche terminée, je regarde le Maître, inquisitrice. Ce dernier ne relève la tête que quelques minutes plus tard, pendant lesquelles j'attends impatiemment.

— Très bien, finit-il par dire. Tu as fait du bon travail. Je vais lire tout ça ce soir, j’en parlerai avec les autres et nous verrons ensuite ce que nous déciderons. Nous nous retrouverons demain pour une séance de combat. Ça ne vous fera pas de mal. Rendez-vous vers huit heures en salle A3.

Sa remarque entraîne des exclamations de joie et nous nous levons gaiement, rejoignant nos dortoirs.

— Je me demande bien ce que tout ça veut dire, s'interroge Léo, songeur.

— Aucune idée, mais s'il y a une mission à la clé, je prends ! s'exclame Ashley en riant.

Tandis que je les écoute débattre, une main chaude vient trouver la mienne. Je la serre doucement, appréciant ce contact. Matt me sourit. Sa paume est douce et agréable, et je ne la lâche pas avant d'arriver devant notre dortoir.

— On se retrouve après, lancé-je en m'éloignant de Matt.

Je rentre dans la pièce principale sur laquelle débouche la porte puis suis Ashley jusqu'à notre chambre. Notre chez nous est constitué de cinq pièces en tout : deux chambres, deux salles de bains - une pour les garçons et l'autre pour nous, les filles - ainsi que d'une salle confortable dans laquelle nous pouvons manger, nous reposer et discuter en paix.

Lorsque je débouche dans la chambre, tout est en place, comme d'habitude. Le lit superposé trône d'un côté, tandis qu'une gigantesque armoire occupe l’autre côté de la pièce. De nombreux petits objets et vêtements traînent par terre ou sur la table, témoignant de mon manque d'organisation.

Je me débarbouille tandis que les garçons partent chercher à manger. Ce soir, nous ne nous coucherons pas tard. Mes efforts m'ont fatiguée et nous devons être en forme pour nous entraîner. Le Maître ne tolérant pas d'excuses du type "j'ai mal dormi", nous avons appris à nous rendre compte de notre besoin de sommeil.

Après avoir mangé un bon repas, je quitte mes amis pour me préparer. Une fois que je leur ai souhaité une bonne nuit, je m'allonge tranquillement dans mon lit. La journée a été longue et je ne tarde pas à m'endormir, bercée par les paroles de mes camarades.

***

Je suis brutalement réveillée par deux mains me secouant. Quelques secondes plus tard, une voix retentit, me tirant définitivement de mon sommeil.

— Allez viens ! m'apostrophe mon amie en me lançant mes affaires de combat en pleine tête. On va être en retard !

— Hé ! protesté-je tout en attrapant les habits.

Je me débarrasse de ceux que j'avais sur moi et en enfile de nouveaux. La blessure de mon ventre ne me pique que légèrement lorsque je fais passer le tee-shirt autour de mon corps. Le cataplasme de Plante a fait effet. Je le retire à l'aide d'eau et constate que la plaie est déjà presque refermée.

Je finis de m'habiller en compagnie d'Ashley, tout en riant. Il n'y a aucune gêne entre nous, cela fait maintenant presque quatre ans que nous partageons tout.

Fin prête, je prends mes poignards et les range dans leurs fourreaux. Gravés de runes, acérés, ils sont l'une des choses les plus chères à mes yeux : mes parents me les ont offerts avant que ma vie ne parte en fumée. Non que je sois triste du tournant qu'elle a pris, bien sûr. 

— Allons-y, madame la tireuse ! riai-je.

Son arc à la main, Ashley me tire la langue avant de me lancer une flèche imaginaire dessus. Je fais mine de m'effondrer au sol puis lui saute dessus, joueuse.

Après quelques secondes de lutte, nous nous séparons de bonne grâce et rejoignons la salle principale. Les garçons nous y attendent déjà, leurs armes respectives en main.

Alors que nous nous engageons dans le Laby, Léo, bâton en main, ne tarde pas à nous quitter. Il suit depuis peu une formation de guérisseur, lui permettant de ne pas avoir à se battre et, au contraire, d’aider les autres. Cependant, il paraît que le combat au bâton, l'arme favorite des soigneurs, lui est quand même un minimum enseigné, afin qu'il puisse se défendre en cas de problème.

Matt quant à lui, arbore une épée de taille moyenne, son arme de prédilection. La Ligue la lui a offerte après qu'il ait découvert son attirance envers cette dernière. Si je n'ai pas profité de ce cadeau, c'est seulement parce que j'avais déjà mes poignards, qui se sont avérés être mes instruments préférés.

Nous nous entraînons beaucoup avec nos armes favorites, cependant, le Maître nous a appris à manier tout type d'armes afin de répondre à toutes les situations. C'est pourquoi, lorsqu'il nous annonce après que nous soyons arrivés que cet entraînement sera un peu spécial, cela ne me pose aucun problème.

— Vous allez faire un parcours, nous explique-t-il ensuite. Il est composé de trois temps. Le premier sera du tir à l'arc.

Je souffle tandis qu'Ashley manifeste sa joie. Le tir à l'arc est l'un de mes plus gros points faibles. Je n'ai pas la patience d'attendre le bon moment avant de viser, de me poser. Je préfère y aller à l'instinct.

— Ensuite, vous aurez à effectuer un circuit de renforcement, que vous voyez là-bas, reprend-il en désignant le fond de la salle. Et pour finir, vous me combattez.

Mon cœur fait un bond en entendant cette dernière phrase. Nous ne nous battons que très rarement contre le Maître, mais c'est à chaque fois très enrichissant. Affronter quelqu'un de plus fort aide énormément à s'améliorer.

— Chacun commencera par l'une des tâches. Mais avant, vous pouvez vous échauffer.

— On court ? propose Matt, avec un clin d'œil dans ma direction, ce qui déclenche un sourire de ma part.

Il sait très bien que courir me détend et me plaît beaucoup.

— Ça me va ! approuve notre amie avant de partir en trottinant.

Je la suis en riant : sa joie est contagieuse. Je fais attention à ne pas aller trop vite, pour ne pas me fatiguer avant la séance. Ma blessure au ventre ne me tire pas pour l'instant, ce qui est plutôt bon signe. Même si elle est fine, elle aurait pu s'infecter, mais ce n'est pas le cas.

Lorsque nous finissons nos tours de terrain, le Maître reprend la parole :

— Flamme, tu commenceras avec moi. Eau, tu seras sur le circuit et Terre sur le tir à l'arc.

— Super ! s'exclame Ashley en posant son arc.

Eau est le nom de code d'Ashley, et Terre celui de Matt. Ces derniers leur conviennent parfaitement : alors que mon amie est vive et enthousiaste comme son élément, mon copain est stable et blagueur. Le dernier des éléments, l'Air, est représenté par mon petit frère Léo.

— Mettez-vous en place, ordonne notre instructeur en prenant deux poignards.

Je suis contente de commencer par le combat. Il me tient à cœur et je veux être au maximum de ma forme pour le faire. Je n'ai pas envie de décevoir le Maître, et encore moins de me ridiculiser.

Je dégaine mes armes et nous nous positionnons à une extrémité de la pièce, tandis que mes camarades rejoignent leurs ateliers. Le Maître lance le départ et je me prépare à l'affronter.

Inspirant profondément, je régule la vitesse de mon cœur et tends mes muscles. Nous tournons doucement, sans réduire la distance se trouvant entre nous. Les pas de mon adversaire sont menaçants : lents, mais prêts à passer à l'action, comme des serpents.

Je comprends que mon assaillant attend que je fasse le premier pas. Cette attente m'est insupportable. Je ne sais pas rester sans rien faire, je ne suis pas une fine observatrice qui déduit de nombreuses informations rien qu'en regardant la démarche de son adversaire. Non, moi, je suis mon instinct, frappe selon ce dernier, me laisse guider par cet être puissant.

Alors, je me décide à attaquer. Je bondis soudainement vers le Maître, en garde. Ce dernier bloque mon poignard et riposte immédiatement. Je suis aussitôt emportée par une tornade de coups, que j'évite avec peine.

Alors que je me tortille, je finis par entrevoir une ouverture et plante mon arme de toutes mes forces. Cependant, ma tentative est elle aussi bloquée. Feintant, mon adversaire tente de me lacérer le bras, sans succès : j'esquive son attaque d'une roulade.

Je saute, tourne, et entame ce qu'Ashley appelle ma danse mortelle. Le Maître se voit obligé de reculer, mais je n'arrive pas à le toucher. Il est partout, libre comme l'air. Soudain, mon ventre me brûle. Je jette un coup d'œil à ma blessure, qui a dû se rouvrir partiellement.

Profitant de ce moment d'inattention, l'illustre combattant me taillade le biceps. Un liquide chaud coule le long de mon bras et je lutte pour ne pas lâcher mon arme. Mettant la douleur de côté, je bondis et, tournoyant dans les airs, lance mon poignard qui vient se ficher dans la jambe du Maître.

Roulant par terre, je récupère mon arme pendant que mon adversaire reprend ses esprits. Nous sommes désormais à égalité. Cependant, mon répit est de courte durée : le Maître, bien plus entraîné que moi, ne tarde pas à prendre le dessus.

Je me défends comme je peux, pare ses coups de plus en plus rapides, alors que le combat prend un rythme démesuré. Le cœur battant, la respiration sifflante, je cherche sans résultat une issue qui pourrait me permettre de blesser à nouveau mon adversaire.

Mais c'est sans compter sur le professionnalisme de ce dernier, qui ne tarde pas à me désarmer. Désormais munie d'un seul poignard, ce qui en soit ne change pas grand chose car mon bras blessé ne va plus très vite, je tente de me protéger comme je peux.

Soudain, je sens une lame froide se poser contre ma peau. Le Maître est derrière moi, et colle son poignard tranchant sur mon cou. Haletante, je lève doucement les mains, lâchant la dernière arme qu'il me reste. Ma poitrine se soulève à un rythme effréné, et lorsque mon professeur se détache de moi, je manque de défaillir.

— Bien joué, me félicite mon adversaire. Tu as beaucoup progressé, Flamme.

— Bravo ! applaudit Ashley, dont j'avais oublié la présence.

Cette dernière doit d'ailleurs nous regarder depuis un moment, car elle se met sans attendre à commenter notre combat. Me servant de ses paroles pour me reconcentrer, je récupère mes poignards tombés au sol.

Matt, quant à lui, est assis par terre, non loin. Il me regarde intensément, et je ne peux m'empêcher de frissonner. L'ayant aperçu, le surnommé Terre retient un rire.  Je fronce les sourcils et marmonne :

— On verra bien quand ce sera ton tour.

— Aller, on change ! intervient le Maître. 

Je pars résolument vers le stand de tir à l'arc, me sentant déjà mieux. Je m'applique autant que je peux, mais rien à faire : je rate les trois-quarts de mes flèches. Bah ! Au moins, les mannequins sont moins abîmés.

Je finis par arrêter mon carnage et regarde tranquillement Ashley lutter contre le Maître. Mon amie se débrouille bien à l'épée malgré ses prédispositions pour l'arc, mais pas assez pour contrer la puissance de son adversaire. Néanmoins, elle fait de son mieux et encaisse les coups sans broncher. Lorsqu’elle termine son combat, je lève les pouces en l’air, fière d’elle.

Vient ensuite le circuit de training. Bien que je sois fatiguée par mon combat et blessée, je le finis assez rapidement, à l'instar de mes coéquipiers. Le Maître ne l'a pas fait trop compliqué en vue des autres étapes de l'entraînement. 

Pendant ce temps, Matt lutte à son tour contre le guerrier. Mon œil expert ne peut qu'apprécier sa force et sa précision, même si son manque d'agilité lui complique la tâche. Il finit par se faire désarmer, essoufflé et j'applaudis doucement.

— Bien, lance le Maître lorsque nous avons terminé. Vous pouvez y aller. Vous avez bien travaillé.

Après une petite pause, il continue :

— Cet après-midi, nous évoquerons une éventuelle nouvelle mission, ainsi que tout ce qui tourne autour du carnet que vous avez récupéré.

— Maître, est-il question du comportement étrange du roi ? demande soudain Ashley.

— J'en ai bien peur, avoue notre professeur avant de quitter la salle, nous laissant cois.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top