CHAPITRE 19 ✓
Je laisse échapper un gémissement de douleur lorsque le bandage se resserre sur ma peau. Léo me regarde d'un air inquisiteur et je hoche la tête. Ça va aller. C'est juste que cette fichue blessure à l'avant bras a décidé de faire des siennes et de ne pas s'arrêter de saigner.
Je me suis rendue à l'infirmerie dès que nous sommes rentrés, sur ordre du professeur. Je serais bien allée au cours suivant, mais finalement, je pense qu'il a eu raison. Mon bandage blanc devient déjà rouge. Je n'aurais pas pu rester comme ça bien longtemps.
Je pense qu'on a fait une assez bonne prestation avec Adam, malgré les quelques dérapages. Après tout, nous avons réussi à récupérer le coffre. Comme quoi, la logique ne résout pas tout. Mais on ne connaîtra pas notre résultat avant plusieurs jours.
- Ça va aller, Sky ? me demande Léo, tout en reposant doucement mon bras le long de mon corps.
- J'avoue que je me suis déjà sentie mieux, grommelé-je. Mais je vais m'en sortir, ne t'inquiètes pas !
- Bien sûr ! Tu es une battante ! sourit mon frère, qui s'assoit à mes côtes.
Je décide de rester un peu avec lui. Nous bavardons gaiement, je raconte le début de ma journée et lui la sienne, jusqu'à ce que la cloche du déjeuner retentisse. Quand je l'entends, je dis au revoir au jeune homme et rejoins le réfectoire. Quelques personnes seulement sont déjà attablées lorsque je passe la porte.
Mon bandage serré au maximum me comprimant le bras, je prends un plateau et me sers à manger. Au menu, de la viande et du riz. Miam. Je m'assois à une table vide et attends mes camarades de chambre et Adam.
- Vous vous êtes bien débrouilles en logique. J'espère que ton bras ira mieux, lance une voix que je connais par cœur.
Je souris à Ashley et la remercie alors qu'elle passe à côté de moi, son plateau plein de victuailles calé dans ses bras. Elle jette un œil au gaz rouge qui orne mon bras, puis hoche la tête et s'en va, rejoignant son groupe d'amis.
- Depuis quand tu la connais ? intervient une nouvelle voix.
Je reconnais le ton sec d'Elena, qui me regarde d'un air inquisiteur.
- Nous avons été admises en même temps, je lui explique.
Mon amie aux yeux violets saisit la chaise à côté de moi et se laisse tomber dessus en soupirant.
- Ce cours d'histoire m'a achevé ! Je n'en ai jamais vu un aussi ennuyant de ma vie ! se plaint-elle, dramatique.
- Bah, en matière d'épuisement, je pense que je suis pas mal aussi... Je réplique platement en montrant mon bras.
- Ouais... Je te crois, Sky. J'ai hâte d'être demain pour pouvoir m'entraîner !
- T'entraîner ? Pour quoi faire ? m'enquiers-je.
Qu'Elena ait besoin de s'exercer pour quelque chose ne présage rien de bon, vu son niveau.
- Tu n'es pas au courant ? Chaque année, il y a un tournoi sportif avec des mises en scène, des combats, des courses et pleins d'autres trucs ! J'ai tellement hâte d'y être ! Ça fera un peu d'action, on bouge pas dans ce trou paumé...
Je souris sans le vouloir. C'est vrai qu'ici, on ne fait pas grand chose par rapport à la Ligue. Ça va être super, et en plus, j'adore les compétitions !
- C'est cool ! Mais ça sera quand ?
- Dans dix jours, je crois. La semaine entière sera banalisée pour l'occasion. Tu te rends compte ? Une semaine sans cours...
- Trop bien !
Cette discussion me fait me rendre compte du temps qui passe. Cela fait à peine deux jours que je suis arrivée chez les Phénix, pourtant j'ai l'impression d'y être restée des semaines. J'espère que les prochains jours me permettront d'en apprendre plus sur cette organisation, car pour l'instant, je n'ai presque rien récolté.
Mes réflexions sont interrompues par Adam et sa bande qui arrivent, suivis de près par Bianca et les triplettes. Garce, Teigne et Chipie abordent toutes trois deux couettes hautes qui tranchent avec leurs visages de jeunes femmes. Je les trouve très jolies.
- Comment va ma casse-cou favorite ? me dit Adam avec un sourire en coin.
- Elle irait encore mieux si son camarade l'avait pas laissé se faire trancher le bras, rétorqué-je en feignant d'être blessée.
- Mais c'est qu'elle a de la répartie ! Plus sérieusement, je ne comprends pas comment tu as fait ton coup. Tu réussis toujours à finir toute cassée ! s'interroge le blond avant d'enfourner une fourchette bien pleine dans sa bouche.
- Peut-être parce que tu as mis un temps fou à trouver le coffre ? ironisé-je, ce qui provoque de petits rire de la part de ses amis.
- Vous vous y mettez, vous aussi ! rouspète mon ami. On ne peut plus compter sur personne !
Nous continuons de manger silencieusement, chacun appréciant son plat. Je bois beaucoup, affaiblie par la perte de sang et suis obligée de demander de l'aide pour couper me viande, ce qui amuse beaucoup Adam, qui ne peut s'empêcher de s'exclaffer.
Après une vingtaine de minutes passées à déguster notre repas, nous engageons une nouvelle conversation, se dirigeant vers le tournoi prochain. Nous sommes encore entrain de débattre quand une voix retentit.
- Bonjour. Tous les élèves sont conviés à rejoindre la salle d'audience d'ici dix minutes. Je répète. Tous les élèves sont conviés à rejoindre la salle d'audience d'ici dix minutes. Merci de votre attention.
Je regarde mes compagnons mais vois qu'ils n'en savent pas plus que moi. Nous débarrassons donc nos couverts et nous dirigeons vers le rez-de-chaussée, suivant les autres élèves.
Les grandes torches au plafond éclairent la pièce de la même façon que le jour où je suis arrivée ici, tout comme les murs de pierre sont tout aussi épais. Très efficace contre une attaque, à mon avis.
Je souris en voyant Matt à l'autre bout de la salle. J'ai envie de le serrer dans mes bras, plus fort que jamais, mais réprime cet élan au fond de moi. Quand nous aurons fait tomber les Phénix, je pourrai l'embrasser comme je voudrai. Mais pas maintenant.
Là, il faut s'assoir et écouter ce que l'orateur a à dire. C'est un homme trapu avec un petit embonpoint, brun aux yeux marrons, il me semble. Sa barbe de trois jours est parsemée de tâches blanches, ce qui me confirme son âge avancé.
Quand tout le monde est assis, il prend la parole et le brouhaha joyeux disparaît aussitôt. On voit bien qu'il est important.
- Bien le bonjour à tous. Je tiens d'abord à m'excuser, pour tous ceux qui ont dû abréger leur repas pour être présent.
Je sens tout de suite que c'est un bon parleur. Il met d'abord tout le monde de bonne humeur, avant de balancer ce qu'il veut d'eux. Je ne trouve pas ça très réglo, mais en même temps, c'est comme ça que les Phénix et la plupart des dirigeants fonctionnent. C'est cela qui rendait Naamen si aimé d'ailleurs : il allait toujours à l'essentiel, sans rien enrober. Il veillait au bien de tous et non que de sa cour.
- Il y a quelques jours, une organisation nommée la Ligue s'est opposée à nous et a tué notre directeur, reprend l'homme. Elle défend le roi, cet homme qui poutant nous a tous condamné de part son égoïsme.
Mon cœur se serre. J'aimerai tant me lever et rétablir la vérité, montrer à tous ces jeunes qu'ils sont moins seuls qu'ils ne le pensent. Soudain, je sens un bras frôler le mien : Elena me regarde calmement, inexpressive. Je me force à faire comme elle et me concentre sur les paroles de l'orateur.
- Je ne vais pas vous le cacher : la Ligue est forte. Très, même. Mais nous, nous sommes plus nombreux. Nous pouvons lutter.
Il fait une pose et balaye la salle du regard. Je n'y crois pas. Il révèle enfin le vrai but de cette "école" un peu étrange... Mais cela me perturbe qu'il parle de la Ligue. Si il sait qu'elle est contre lui, peut être s'attendra-t-il à trouver les infiltrés dans son établissement...
Des murmures emplissent la salle, chacun ayant son mot à dire. Le brun est obligé de réclamer à nouveau l'attention des élèves.
- Mais seulement si vous nous aidez, complète-t-il enfin. Ensemble, nous pourrons prendre le pouvoir. Mais il faudra y aller lentement. D'abord, s'entraîner. Ensuite, rallier des gens à notre cause. Et enfin, détrôner le roi.
Je regarde la salle. La plupart des élèves affichent un air étonné, voire apeuré. D'autres paraissent réjouis, comme si ils attendaient cela depuis longtemps. De mon côté, je reste neutre pour ne pas attirer l'attention.
C'est bien que cette annonce soit faite. Ça va accélérer un peu les choses, au moins et nous pourrons vraiment servir à quelque chose. Mais d'un côté, le risque d'être découvert augmente radicalement : il faudra faire d'autant plus attention et bien avoir conscience de qui sont nos ennemis.
- Comme je le disais, il nous faut nous entraîner. Ce soir, quand vous rentrez dans vos chambres après manger, vous trouverez un nouvel emploi du temps, avec des cours moins diversifiés, tous portant sur l'attaque, la défense et tout ce qui vous sera utile.
Des murmures approbateurs traversent la salle. C'est vrai que certains enseignements sont vraiment ennuyants...
- Et enfin, soyez vigilants. Maintenant que la Ligue s'est déclarée notre ennemie, elle va sûrement envoyer des taupes. Aussi, tous les nouveaux élèves seront longuement interrogés avant d'être acceptés ici.
Je soupire intérieurement, soulagée. Que ce soit par orgueil ou par une simple erreur, les Phénix n'ont pas pensé à l'éventualité que la Ligue ait déjà envoyé quelqu'un. Mais il faudra faire attention quand même. Nous ne sommes pas à l'abri d'un problème.
- Le reste des cours de la journée est annulé. Vous pouvez vous rendre à la salle d'entraînement, la bibliothèque ou tout autre lieu autorisé, termine l'orateur, l'air grave.
J'attends que la salle se vide un peu puis sors. Je déambule dans les couloirs, réfléchissant à tout et à rien, tandis que mes camarades partent : j'ai simplement besoin d'être seule. Si bien qu'après quelques minutes, il n'y a presque plus personne autour de moi.
Soudain, quelqu'un s'approche de moi et me pousse dans un petit coin à l'abri des regards. Je me débats, luttant contre mon agresseur quand j'entends chuchoter :
- Sky ! Arrête ! C'est moi, Elena !
Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? Et pourquoi m'a-t-elle poussée ici, où personne ne peut nous voir ?
- Écoute-moi bien. Je n'irais pas par quatre chemins, ok ?
Je hoche la tête. Qu'est-ce qu'elle a à me dire de si important ? Soudain je prends peur. Et si elle savait ? Mon cœur battant de plus en plus vite, je m'efforce de contrôler ma respiration, malgré le stress grandissant.
Alors, une autre possibilité m'assaille l'esprit, si violemment qu'un mal de tête intense me prend. En même temps, cela expliquerait nombre de ses comportements bizarres...
- Sky, dis moi quelque chose qui me permette de savoir que tu es absolument digne de ma confiance, souffle mon amie aux yeux violets, d'un ton presque suppliant. Tout de suite.
Je remarque qu'elle a peur, elle aussi. De quoi ? Je ne sais pas. Mais je vois sa poitrine se soulever plus vite que la norme et son corps se tendre, ce qui est rare chez elle.
Alors, tentant le tout pour le tout, sentant que je peux lui faire confiance, je pose mon poing sur mon épaule gauche, le déplace vers mon cœur et baisse la tête, comme appris à la Ligue.
Je sais que faire ça est totalement idiot, mais j'ai besoin de savoir si j'ai raison. Le fait que ma camarade aux yeux violets appartienne à la Ligue confirmerai mon impression de déjà vu et expliquerai pourquoi elle est si forte, ainsi que de nombreuses autres choses.
Elena me regarde avec de grands yeux, puis, me faisant un clin d'œil, elle déplace son propre poing de son épaule à son cœur, tête baissée.
- Lebraïm, chuchote-t-elle, un sourire franc sur le visage.
"Bienvenue"
Je reconnais immédiatement ces mots, en ancien langage, ne signifiant plus rien pour la plupart des gens mais qui sont régulièrement utilisés entre les occupants de la Ligue, lorsque personne ne doit comprendre ce qui se dit.
Une grande chaleur se répand dans mon ventre tandis que je comprends ce que cela veut dire : nous sommes moins seuls qu'il n'y paraît.
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