CHAPITRE 16 ✓
Je me réveille en sursaut, le corps en sueur. J'ai dû m'assoupir. Mes mains sont posées sur mon cou, comme si j'essayais encore d'enlever celles de Matt, qui se sont retirées. Mes poumons se soulèvent à un rythme effréné.
Une silhouette est penchée au-dessus de moi. Comment ais-je réussi à me dégager de la poigne de mon adversaire, alors que je me sentais déjà partir ? Quand celui-ci pose ses mains sur mes épaules je fais un bond en arrière et me cogne la tête contre un mur. Je grimace en grognant.
Aussitôt, je sens des mains s'approcher de moi et me prendre doucement, me forçant à m'asseoir.
- Non ! crié-je en me débattant.
Je lutte du mieux que je peux. Je ne veux pas risquer la mort une deuxième fois. Si ça se trouve, Bianca a prit la relève sur Matt, et me torture à son tour ! Le cœur battant la chamade, je distribue des coups au hasard et souris méchamment en entendant un piaillement de douleur.
Mes yeux lancent des éclairs et je foudroie mon adversaire du regard. Je me rends alors compte qu'ils sont deux. Alors, Bianca et Matt se sont unis contre moi ! Ils vont voir à qui ils ont affaire ! Toutes mes tentatives pour déculpabiliser Matt sont tombées à l'eau : mon envie de vengeance est plus forte que ma raison.
Je me lève d'un coup et aperçois la blonde qui me tient le bras. Folle de rage, je me débats comme je peux, voyant à peine ce qui m'entoure à cause de l'obscurité, mais je me fais soudain plaquer contre le sol. Mes muscles contractés au maximum, j'essaie de me relever, sans succès.
Alors, je me relâche complètement, et, sentant l'étreinte de mes ravisseurs se ramollir, bondis sur Bianca et la plaque contre le mur en poussant un hurlement sauvage. Je lui crie des insultes, la malmène, lâche toute ma rage sur elle.
Mais ma satisfaction ne dure pas longtemps. Quelqu'un me tire en arrière et je serre les poings d'indignation.
- Sky ! Stop ! Il faut que tu te reprennes ! me dit la personne derrière-moi en me secouant légèrement.
Encore sous le choc, je tarde à reconnaître la voix. Ce n'est pas celle de Matt, ni de Bianca. C'est celle d'Elena. Sifflant de rage, je me retourne.
- Alors toi aussi, tu as décidé de me tuer ? je lui crache.
- Sky ! Il faut que tu te calmes ! Qu'est ce qui t'arrive ? Les filles, venez m'aider !
Malgré toute l'énergie que je mets à me débattre, je me retrouve empêchée de faire tout mouvement. Une lumière s'allume, et j'aperçois les yeux violets d'Elena, penchés sur moi, les triplettes qui maintiennent mes jambes et la tête blonde de Bianca, tremblante, à quelques centimètres de moi.
Sans réfléchir, je jette ma main pour lui labourer le visage mais Elena, réactive, m'arrête juste à temps. C'est alors que j'aperçois des armoires, lits, tout ce qu'il n'y avait pas lors de l'agression de Matt. Et où est-il passé d'ailleurs ? Il a fui ? Ce lâche ! Moi qui croyais qu'il m'aimait !
Je pousse un profond soupir et ferme les yeux pour me calmer. Ne pas essayer de frapper cette trainée, ne la frappe pas, Alissandre. Si, frappe la ! Elle le mérite ! Dans ma tête, deux petites voix se combattent. La voix de ma raison et celle de mon esprit. Finalement, la raison l'emporte et je me décontracte doucement.
La voix rassurante d'Elena me demande :
- Sky, qu'est-ce qui s'est passé ? On aurait dit que tu était possédée ! Je sais que tu n'aimes pas Bianca, mais pas au point d'essayer de la tuer !
- Quoi ? Mais je l'ai juste frappée ! me défendé-je faiblement.
Elena me regarde avec de grands yeux.
- Sais-tu où tu es ?
- Je suis dans une pièce vide où elle et Alex viennent de m'étrangler au point que j'ai faillit en mourir ! tempêté-je. Et j'aimerai savoir pourquoi tu es là, toi ? Tu es avec eux ?
- Sky, me dit Elena d'une voix claire, me regardant les yeux écarquillés. Bianca n'a jamais essayé de te tuer. Elle dormait. Et nous sommes au dortoir, pas dans une salle vide !
Je regarde le décors autour de moi. En effet, je me trouve dans notre dortoir, entourée de toutes mes camarades de chambre.
- Mais... Et... protesté-je, sans comprendre.
- Je pense que tu as fait un cauchemar, me coupe Elena. Un cauchemar si réel que tu t'es vengée sans t'en rendre compte. Heureusement que les filles étaient là. Sinon Bianca serait de la chair à saucisse à l'heure qu'il est...
- Comment ça ? Je ne lui ai presque rien fait ! me défendé-je.
Je regarde de partout. Qu'est-ce qu'elle essaie de me faire comprendre ? Je regarde Bianca qui est toujours assise contre le lit. Elle respire anormalement vite et saigne du nez. Elle croise mon regard, et regarde aussitôt ailleurs, effrayée.
- Parce que je t'en ai empêchée juste à temps, reprend la jeune fille aux yeux violets.
- Je ne comprends pas... dis-je, pas certaine de vouloir entendre la vérité.
Elle paraît hésiter puis me dit :
- Raconte-moi ce qui s'est passé, à tes yeux.
Je prends une grande inspiration et me lance.
- J'étais dans une pièce vide. Bianca s'y trouvait, et elle tenait la main d'un garçon, Alex il me semble. Ensuite elle lui a dit de faire ce qu'il avait à faire et il m'a attaquée. Mais avec une force qui ne pouvait appartenir à un homme normal... En tout cas, il m'a plaqué au sol...
- Et ? me demande gentiment Chipie, une des triplettes, qui n'a pas parlé jusque là.
- Et il a serré mon cou. Je n'avais aucun moyen de le dégager. Et derrière, Bianca rigolait. Quand j'ai senti la vie me quitter, ça a été horrible. Le fait d'être peu à peu privé d'oxygène comme ça...
Je ne sais même pas pourquoi je dis ça. Mes paroles sortent toutes seules, et je me sens libérée au fur et à mesure que je parle. Mes cinq camarades de chambre me regardent, l'air rassurant. Alors, je continue mon récit.
- Je me suis réveillée, et je pensais que le mendiant m'avait lâché au dernier moment pour me torturer plus tard. Alors quand j'ai senti des mains sur mes épaules j'ai cru qu'il recommençait. Bianca est apparue dans mon champs de vision. J'ai déraillé. Je me suis débattue et l'ai plaquée contre le mur. Je crois que je l'ai secouée un peu, aussi. Et puis, vous m'avez arrêtée, je finis, soulagée de m'être confiée et de voir que Bianca me regarde sans haine.
Je tourne la tête vers cette dernière et conclus :
- Je suis désolée... Je pensais vraiment être encore dans cette salle, que tout était réel.
- Je comprends. Il est dur d'agir avec raison lorsque l'on se venge, compatit tristement la belle blonde.
Elena me regarde d'un air attristé.
- Le seul problème, c'est que je pense que tu étais dans une semie léthargie parce que ça ne s'est pas vraiment passé comme ça...
Mon cœur se met à accélérer.
- Qu'est ce que j'ai fait ? articulé-je lentement.
- Tu as pris un de tes poignards. D'abord tu as frappé Bianca au nez, et... Tu t'apprêtais à...
Elle ne finit pas sa phrase, gênée. Ma respiration se coupe. Je n'ai quand même pas...
- La tuer... conclut Elena d'une voix faible.
Je comprends pourquoi elle tremble. Sans m'en rendre compte, j'ai failli la tuer. Une panique sans nom me serre la poitrine, et je reste plusieurs minutes, assise là, sans bouger.
Oui, je n'aime pas beaucoup Bianca, mais jamais je n'ai pensé à la tuer. Et la voir avec Matt, lui tenir la main, puis rigoler alors qu'il m'étranglait, a dû me secouer plus que je ne le pensais.
- Je suis désolée... soufflé-je à Bianca, encore secouée. J'ai du mal à me retenir quand mon cœur prend le dessus et ce cauchemar m'a vraiment ébranlée... Cela ne justifie en rien cet acte, mais sache que je n'y tenais pas.
Il faut absolument que je parle à mon compagnon aux yeux verts, pour faire passer la désagréable impression qu'a laissé ce rêve en moi. Je hoche la tête doucement. Oui. Je me rappelle son numéro de chambre.
- Quelle heure est-il ? demandé-je immédiatement.
- Il est bientôt six heures. On se lève dans une heure à peu près, me répond Teigne avec dédain.
Elle, elle n'est pas près de m'apprécier...
Zut. Je n'aurais pas le temps. Je ne veux pas me faire voir dans le couloir des garçons. J'attendrai le petit déjeuner alors...
Je remarque que les triplettes, Elena et Bianca me regardent, l'air inquisiteur. C'est alors que je prends une décision.
- Vous savez quoi ? avancé-je. J'ai été bête hier soir. Je me suis emportée, et j'ai dit des choses vraiment moches. On fait la paix ?
Je tends une main. J'espère que les filles vont aller dans mon sens. Parce que j'ai beau dire que je m'en fiche si je me fais des ennemis, c'est toujours mieux d'être ami. Ou au moins de ne pas se crier dessus dès qu'on se voit, et éviter de reproduire des incidents dans le genre de celui qui vient de se passer.
Parce qu'étant donné qu'on est dans la même chambre et sûrement souvent dans les mêmes cours, ce serait dommage de ne pas avoir une seconde de repos. Et puis, elle a pas l'air si méchante que ça, finalement.
Je la regarde et fais un petit sourire. Je vois bien qu'elle prend sur elle pour parler :
- Je pense que tu as tort, assène la jeune blonde.
- Comment ça ? m'enquié-je, déçue au plus profond de moi-même.
Elle ne va pas refuser quand même ! Un éclat de tristesse me traverse l'esprit alors que je me résigne.
- Je pense, reprendre Bianca d'une voix plus posée, que c'est de ma faute. C'est moi qui t'ai provoqué en premier à chaque fois, moi qui t'enviais parce que tu es plus forte, et que je ne le supportais pas. Mais tu m'as ouvert les yeux hier, et j'ai beaucoup réfléchi à tes propos. Toute la nuit, même. Ils sont tous véridiques. Je ne suis pas la reine de ce monde, et, je ne veux plus me comporter comme tel. Merci de m'avoir fait comprendre ça.
Je reste bouche bée. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Qu'elle me remercie de lui avoir crié dessus est tellement étrange que je manque d'éclater de rire. Mais je me retiens, parce que je sais qu'elle est sérieuse. Ça se voit dans son regard. Elle accepte ses erreurs et rebondit. Il faut une grande force d'esprit pour le faire, et j'en suis admirative.
Me regardant dans les yeux, Bianca s'approche de moi et murmure de manière à ce que personne d'autre entende.
- Promets-moi que si je recommence à être comme ça tu me crieras à nouveau dessus.
- Avec plaisir, promété-je.
Je lui souris et elle serre ma main, scellant notre accord.
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