CHAPITRE 14 ✓

- Sky ? Tout va bien ? me demande une voix douce.

Je reprends doucement mes esprits, décontenancée. À la suite de cette journée, j'ai fait beaucoup de cauchemars. Jusqu'à mon entrée à la Ligue, d'ailleurs. Grâce à elle ainsi qu'au temps, je me suis peu à peu détachée de ce sentiment d'injustice. Mais de temps en temps, ce souvenir revient me hanter, rouvrant la blessure de mon cœur et attisant mon désir de vengeance.

Pourquoi ? Cette question me tourmente chaque fois que ce souvenir refait surface. Mes parents n'avaient aucune raison de nous abandonner, Léo et moi, mais ils l'ont fait. Et, je suppose que c'est eux aussi qui ont mis le feu à la maison. Qui d'autre aurait pu commettre cet acte sauvage ?

Cela fait plusieurs années que j'ai abandonné tout espoir de comprendre ce geste. Pourtant, ce n'est pas du tout mon genre, d'abandonner. Mais je ne voulais pas me laisser ronger par les remords.

Car, en analysant la journée précédent l'incendie, je me suis rendue compte que beaucoup de signes indiquaient qu'un drame allait se passer. Comme l'air si triste de mes parents, par exemple. Et je ne peux pas m'empêcher de me dire que j'aurais peut-être pu leur parler et les dissuader de partir.

- Tu n'avais que huit ans, murmure Matt. Ne t'en veux pas.

Comme toujours, il a lu en moi comme dans un livre ouvert. Cependant, il ne peut aller au fond de sa pensée, vu que quelqu'un nous entend peut-être. J'imagine tout de même bien ce qu'il pense.

- Je ne peux pas m'empêcher, je réponds d'une voix toute aussi basse.

Il m'effleure la main et je souris. Ce simple geste me montre qu'il me soutient, et c'est tout ce dont j'ai besoin. Cependant, je peux pas me permettre de penser à ça plus longtemps, alors, comme à chaque fois, je repousse ce souvenir dans un coin de ma tête et reprends le rôle de Sky.

- Allez le mendiant, on y va ? cinglé-je.

- Je n'attendais que toi, se défend le surnommé Alex en marchant à nouveau.

- Mais bien sûr, ironisé-je en levant les yeux aux ciel.

Nous marchons de concert jusqu'au lieu désiré. Après tant d'années passées ensemble, nos pas se synchronisent naturellement. Je souris intérieurement en pensant aux heures d'entraînement avec notre équipe pendant lesquelles nous avons passé notre temps à tenter d'anticiper les actions des uns et des autres.

- Allez, on y est ! lancé-je alors qu'après un dernier tournant, une grande ouverture se profile dans le mur du bâtiment.

Nous sommes arrivés devant la porte de la salle d'entraînement, toujours ouverte, comme me l'a expliqué Adam. Je passe en premier, Matt me suivant de près. La pièce est vide, mis à part un jeune homme, au fond de la salle qui s'entraîne au tir à l'arc et ne tarde pas à s'en aller. Super. On va pouvoir parler un peu. J'ai hâte d'annoncer la grande nouvelle à mon compagnon aux yeux verts.

Ce dernier est entrain de choisir une arme sur le mur. Il revient, une épée mi-longue à double tranchant à la main et je l'entraîne vers un coin de la salle. Matt se met en place et je l'imite, me rappelant qu'il est censé ne pas vraiment savoir se battre.

Je commence à le stimuler en faisant quelques mouvements de base. Il se débrouille plutôt pas mal, pour quelqu'un qui a tout appris dans la journée. J'accélère tout doucement, et laisse une grande ouverture sur ma gauche. Il ne la saisit pas et je m'arrête en pleine action.

- Tu vois, le mouvement que je viens de faire ? demandé-je d'une voix sèche. Je t'ai laissé une opportunité de m'attaquer sur mon flanc gauche. Mais tu es resté en défense. Il faut que tu prennes des initiatives. Tu ne gagneras jamais un combat si tu restes en arrière.

Il hoche la tête et je refais le même mouvement. Cette fois-ci, Matt plonge vers moi en brandissant son épée vers mon ventre. Je tends alors un pied et il s'écrase de tout son long au sol, face contre terre. Avant qu'il n'ai eu le temps de se relever, je m'assois sur son dos et pose un de mes poignards sur sa nuque.

- Tu es mort.

Je reste quelques secondes en place, mon arme le menaçant puis je me mets debout et lui tends une main qu'il saisit. Il ramasse son épée et se remet en position. Il est vraiment bon acteur et n'hésite pas à commettre des erreurs bêtes qui conviennent avec son rôle à jouer.

- Là, tu étais tellement focalisé sur ton point d'attaque que tu n'as plus fait attention à ce qui se passait autour. Tu dois essayer d'élargir ta perception afin de voir tout ce qui se passe, et pas seulement ce que tu vises, expliqué-je, feignant l'impatience.

Il se jette sur moi et je riposte. De temps en temps, je l'arrête et corrige un mouvement ou une position. Mais j'essaie de le faire combattre le plus possible. Je me concentre pour que mes gestes soient aussi précis qu'ils peuvent l'être. Dans un combat plus vif, je n'ai pas le temps de penser à la technique. Alors autant travailler ça maintenant.

Alors que nous combattons presque au corps-à-corps, je murmure :

- Il paraît que la Ligue a tué le directeur.

Nous nous éloignons, je virevolte, frôle volontairement son bras de mon arme, puis nous nous rapprochons à nouveau et mon compagnon renchérit :

- Vraiment ? Ça serait super ! Ils ne nous l'ont pas dit... Et... J'ai vu Air. Il m'a dit ce que tu lui a rapporté.

Je comprends tout de suite. Il vaut mieux utiliser nos noms de code pour pas montrer qu'on se connait trop... Après quelques minutes de combat, je réponds :

- OK. J'essaierai d'en apprendre plus auprès d'Adam.

Il fronce les sourcils mais ne réplique pas. Je l'attaque encore et encore, jusqu'à ce que son épée vole. Alors, comme je lui ai montré tout à l'heure, Matt continue à s'acharner sur moi, s'aidant de ses poings et pieds, les meilleurs armes des humains.

Pour nous mettre à égalité, je jette mes poignards au loin et réponds par des coups bien placés. Là, mon adversaire peut se lâcher. En tant que mendiant, il peut déjà avoir eu des altercations au corps-à-corps pour voler ou quand il se faisait dérober quelque chose.

Alors, je me laisse entraîner par le combat. J'esquive un coup de poing tout en lançant mon bras vers sa mâchoire. Il bloque le coup et saisit mon poignet, me faisant une clef de bras. Je me retrouve plaquée dos à lui. Son souffle rapide et saccadé fait bouger mes longs cheveux roux noués en une queue de cheval.

Je me tortille et arrive à échapper à sa poigne. Mais ce contact ne m'a pas laissé indifférente, et je sais qu'à lui non plus. Je m'efforce de rester concentrée, luttant contre l'envie de lui sauter au cou pour l'embrasser.

Soudain, un poids me percute et je tombe en arrière. Je tends les bras et saisis mon adversaire, l'entraînant avec moi. Le combat se poursuit rageusement au sol. Nous roulons, tantôt accroupis, tantôt allongés, en donnant des coups de plus en plus rapides.

Mais, nous faisons tous deux attention à ne pas faire mal à l'autre. Je n'ai par exemple jamais été touchée à la tête, et n'ai jamais visé celle de Matt.

Soudain, profitant d'un moment d'inattention, ce dernier saisit mon bras et d'un mouvement fluide, me fait tourner dans les airs. Je retombe violement au sol et son corps se plaque contre le mien.

J'essaie de me relever, mais rien à faire. Mon adversaire me retient et je n'ai pas assez de force pour lutter contre lui. Pas dans cette position en tout cas. Entièrement à sa merci, je réfléchis à une manière de me libérer de son emprise.

C'est alors que j'aperçois une ouverture dans la prise de mon adversaire. Je plie le genoux et atteints son ventre. Il se rétracte et gémit, pendant que je roule pour me dégager. Je reprends mon souffle pendant que Matt se relève, piqué au vif. Mon cœur bat tellement fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il cherche à s'échapper de sa prison.

Mais je ne veux pas perdre. Je suis une très, très mauvaise perdante. Alors, je profite de ce moment de répit pour me remettre sur mes jambes et repars vers mon adversaire aux yeux verts, décidée à ne pas me laisser faire.

Je plonge vers lui et il s'écarte précipitamment. Cependant, j'avais anticipé son esquive et me retourne dans un même mouvement. Mais je suis dans le mauvais sens. Il s'approche à une vitesse surprenante et me plaque contre le mur, duquel nous nous sommes extrêmement rapprochés, sans nous en rendre compte. Ma respiration se coupe sous le choc, mais mon petit-ami ne semble pas s'en apercevoir.

Ses deux mains me tiennent les poignets à côté de ma tête. Je lutte de toutes mes forces pour me dégager mais rien y fait. Je ne suis pas en position pour résister, avec mes deux bras en l'air et coincée sous le poids de mon compagnon. Surtout qu'il me regarde, un petit sourire satisfait aux lèvres.

Je lève les yeux au ciel mais ne peux empêcher mon cœur de s'affoler, dans ma poitrine. Alors, je détourne les yeux, mais il me fait un clin d'œil, et je le regarde de plus belle.

J'essaie à nouveau de me libérer de son étau, mais il resserre son emprise. Mon cœur bat la chamade - et Matt doit s'en rendre compte - car son sourire s'élargit et il se rapproche un peu plus, sous prétexte "d'affirmer sa prise sur mes poignets", comme il me dit d'une voix narquoise.

Mes yeux font des allers-retours entre sa bouche et ses yeux verts, si tendres que je m'y perds. Il se rapproche un peu plus et je secoue la tête pour reprendre mes esprits. Il ne faut pas que je le laisse gagner. Allez, reprends-toi !

Mais je n'y arrive pas. Mon corps ne semble pas d'accord avec ma raison, ce que comprends totalement. Matt a pour mon plus grand malheur - et son plus grand bonheur - le don de me retourner le cerveau. Surtout quand il me fait ce petit sourire, je ne peux m'empêcher de craquer complètement.

- Alors, Sky, on ne se maîtrise pas ? murmure-t-il en souriant de plus belle.

- Espèce de mollusque ! Je parie que tu sors ça à toutes les filles ! je réplique en ignorant sa question.

- Seulement les meilleures, chuchote-t-il immédiatement, avec ce petit clin d'œil qui me fait sourire. Mais, si je ne me trompe pas, tu ne m'as pas répondu...

- Et, combien il y en a, des meilleures ? éludé-je en chuchotant.

- Désolé, c'est classé top secret. Alors ? reprend-il.

Je fais la moue, mais je sais très bien qu'il dit ça pour m'embêter.

- Petit séducteur, va. Tu connais très bien la réponse.

- Je sais, mais j'ai envie de t'entendre le dire. De ta bouche ! contunue-t-il en s'approchant dangereusement.

Il est désormais si près que je peux sentir son haleine contre mon visage.

- Tu n'auras pas cette joie, maugréé-je.

- Ça j'avais compris, mademoiselle, bougonne-t-il. Mais qui ne tente rien n'a rien !

Après un regard derrière lui, qui lui confirme sûrement que nous sommes toujours seuls, il frôle mes lèvres des siennes puis s'écarte, joueur. Je lui lance un regard noir. Il sait très bien que je ne peux pas lui résister. Alors pourquoi, au bout de deux ans, ça l'amuse toujours autant de faire ça ?

- Alors, Sky ? Qu'est-ce que ça fait de perdre contre un mendiant ? s'enquit-il, en rajoutant une couche.

J'allais lui sortir une réplique bien sentie lorsqu'une voix au très joli timbre retentit.

- Alex, veux-tu lâcher ta camarade ? C'était un très beau combat, ma chérie. Mis à part ton relâchement à la fin, - ce que je peux comprendre vu la personne que tu avais en face - tu es extrêmement douée.

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