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- Qu'est ce que... ? je murmure, ébahie.
Autour de moi, tout est coloré. Le plafond que je contemple est un mélange de bleu, de vert et de orange, les murs sont un camaïeu de rose et de rouge, tandis que le sol affiche des teintes allant du marron au violet. Je cligne des yeux plusieurs fois, pour essayer de comprendre. Je suis en vie ou... ?
- Ah ! On a une revenante ! s'exclame soudain quelqu'un à côté de moi, d'un ton enjoué, que j'ai l'impression d'avoir déjà entendu quelque part.
Je tente de tourner la tête, pour apercevoir cet homme qui m'adresse la parole, mais je n'y arrive pas. Mon corps ne me réponds pas, tout ce que je fait, c'est grimacer. Il paraît comprendre ce que j'ai tenté de faire parce qu'il me dit en riant, s'asseyant sur... mon lit ?
- Ne force pas, reposes toi pour l'instant. Tu as faillit mourir, tu sais ? C'est normal de ne pas pouvoir bouger.
Ça parait totalement idiot, mais je viens de me rendre compte que je suis dans un lit. Ainsi, ils ont des chambres, là où je suis... Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas dormi dans un vrai lit ! C'est si confortable...
Mais d'ailleurs, j'y pense, où suis je exactement ?
J'ouvre la bouche pour demander, mais aucun son ne sort. J'ai beau essayer encore et encore, ma voix refuse de m'obéir.
L'homme, jusque là assis à côté de moi, se lève et me saisit les bras, dans une tentative pour m'apaiser. Il a un joli visage, un peu ovale, et de grands yeux bleus où dansent des lueurs de gaieté.
- Ne panique pas... Voila, calme toi... murmure t-il, m'obligeant à le fixer jusqu'à ce que mon poul s'apaise enfin.
Ma poitrine se soulève rapidement alors que ma respiration s'accélère. Mon corps réponds au flux de panique qui vient de m'envahir. L'homme me sourit, rassurant. Il a les cheveux un peu longs, pour un garçon. Ils me chatouillent le visage. J'éternue.
Il éclate de rire, et les ramène sur sa nuque, où il les attache rapidement, sans cesser de me fixer, ce qui commence à être gênant. Mon mal être face à lui paraît beaucoup l'amuser. Il se relève et disparaît de mon champ de vision, pour apparemment fouiller dans un meuble à côté de moi.
- Je m'appelle Aden, me dit il, réapparaissant soudain devant mes yeux, en me tendant une pierre de transmission.
J'incline la tête pour le remercier, puis me connecte à l'objet avec mon code ADN. Une douce lumière bleutée émane de la pierre, tandis que mes pensées se mettent en phase avec le transmetteur. Je peux m'exprimer à travers l'objet rien qu'en pensant un mot, et je lui réponds donc.
- Enchantée, Aden. Et... Merci, je suppose.
Il a un petit rire mutin, mais dit tout de même :
- Tout le plaisir fut pour moi. Je suis mercenaire, m'apprend t-il, comme si c'était censé me rassurer.
A Walville, on a des salauds de toutes espèces. Mais les mercenaires, ce sont sans doute les pires. Ils n'ont rien à défendre. Pas d'idéal, pas de cause, pas de gens. Tout ce qu'ils veulent, c'est de l'argent.
Ironie du sort, je dois la vie à une de ces crapules. Et je dois dire que pour l'instant, la crapule en question est plutôt d'agréable compagnie. Et bel homme, avec ça. Enfin, à part l'étrange couleur blanche de ses cheveux, parce qu'il n'a pas l'air d'avoir dépassé les vingt cinq ans.
- Je suis plutôt flatté par ce compliment, pour la peine je vais oublier le reste, me sourit il en me fixant à nouveau de ses yeux perturbants.
Je m'empourpre. Quelle idiote je suis ! La pierre de transmission met en voix mes moindres pensées, pas seulement ce que je décide. Pathétiquement, je m'excuse. Aden éclate de rire.
- Tu es vraiment étrange, me dit il, un sourire tressautant au coin des lèvres. Qu'est ce qu'une fille aussi gentille que toi a bien pu faire pour se retrouver à se faire tirer dessus par des flics ?
- Comment... ? Vous savez que ce sont les forces de l'ordres ?
- Evidemment.
Il hausse les épaules, et devient soudain sérieux.
- A l'A.T.M, des balles de policiers, on en voit passer, crois moi. Je peux les reconnaître à l'oeil nu, affirme t-il.
Mais je n'écoute plus. Il a dit A.T.M. Autrement dit "Association Temporaire de Mercenaires". La plus grosse organisation clandestine de la ville. Ils voient tout, savent tout. Ce seront bientôt les rois des bas-fonds.
Gouvernés par des mercenaires... Il y a mieux, c'est sûr.
- Je vois que tu nous connais, remarque t-il tranquillement, sans se formaliser de ma remarque désobligeante par rapport à sa fonction, alors que je me rend compte que ces pensées aussi viennent d'être transmises.
- En effet... Comme tout le monde, je pense à nouveau, refrénant mon envie de me gifler, ce que je ne peux de toute manière pas faire.
- C'est une bonne chose que tu sache qui nous sommes, fait Aden en tournant de nouveau ses yeux vers moi.
Son regard me fait peur, plus que sa phrase dont j'aurait pourtant dû me méfier. Ses yeux, ils sont expressifs. Trop expressifs. Ce n'est pas normal, pas... humain.
- Ne soit pas effrayée, je t'en prie. Ecoute plutôt ce que j'ai à te dire.
Il paraît blessé par ma peur évidente. Quelque chose me dit que ce n'est pas la première fois que quelqu'un à cette réaction face à lui. Bizarrement, je m'en veux. Je ne le connais pas, ne lui fait pas du tout confiance, mais j'ai mal pour lui. La discrimination, je connais.
- Désolée... J-je vous écoute... je bafouille lamentablement.
Aden me fixe un moment, comme intrigué, puis finit par sourire. Il se penche un peu plus vers moi, et darde ses yeux dans les miens.
- M-mais, que faites vous ?
je m'agite, affreusement angoissée.
Il a sourire qui n'est pas rassurant aux lèvres. Un sourire de prédateur. Et j'ai l'impression que ses yeux me labourent l'âme.
- Bien, il est temps de passer aux choses sérieuses. Ces civilités ont le don de m'ennuyer.
Je tremble. On dirait que l'homme en face de moi à radicalement changé. Ce n'est plus le garçon souriant, mais bel et bien un mercenaire aguerrit. Un bandit. Je le sens. Il dégage quelque chose de particulier, de presque... fascinant. Je peux lire dans ses yeux l'expérience et la douleur apportée par une vie de voleur. Une vie de malfrat. Une vie de combat.
J'ai toujours peur, mais je crois que je me détends un peu. Cette lumière brisée au fond, tout au fond, de ses yeux, je l'ai aussi. On l'a tous, nous, les bandits des quartiers oubliés. Même si ce n'est pas un point commun des plus rassurant, car l'ombre de cadavres planent au dessus de nous, je suis un peu plus à l'aise.
Enfin, pas au point d'arrêter de trembler. Car cet homme peux me faire tout ce qu'il veut. Je suis incapable de bouger, et de crier si il déconnecte la pierre de transmission. Disons que je suis à un niveau de terreur moins élevé, tout simplement.
- Que... Voulez vous... De moi ? je demande difficilement, tentant de rassembler mes pensées sans céder à la panique.
- Ne t'inquiète pas. Pour l'instant, écoute. Tu a une dette envers trois hommes, ici. Moi, pour t'avoir trouvée, veillée et portée. Wen pour t'avoir soignée, et le chef pour avoir pris la décision de te sauver et pour t'avoir fait passer devant tous les autres blessés.
- J-je... N'en demandais pas tant. Mes dettes seront payées, demandez moi ce que vous voulez. N'importe quoi... Je... J-je le ferais.
Il soupire, et me tapote la tête. Sans me faire mal, mais en m'effrayant. Il sourit, certes, mais comme je l'ai remarqué plus tôt, c'est un sourire carnassier. Et si ce qui m'attendait était pire que la mort ?
- Qu'est ce que je t'ai dit, petite tête ? Ce n'est pas parce que tu es temporairement muette que te oreilles doivent suivre le mouvement. Je ne suis pas sûr que tu comprenne bien la situation dans laquelle tu te trouves. Je vais me charger de te l'expliquer plus... Clairement, dit Aden, en se redressant.
Il ôte son gilet pare-balle, puis son pull, et enfin son t-shirt, sans me quitter des yeux. Je ne peux m'empêcher de le fixer, sans savoir ce qu'il a derrière la tête. Je ne veux pas penser qu'il y a la moindre connotation sexuelle derrière son geste, je ne veux pas regretter d'être toujours en vie. Mais mon imagination s'emballe malgré moi. J'ai vu trop de fois, impuissante, ce genre de chose arriver, pour ne pas avoir peur.
- Hey, arrête un peu de trembler, m'ordonne t-il, agacé.
Il s'est ré-assied sur mon lit, torse nu. Je fronce les sourcils, en constatant qu'il ne tente rien. Aden soupire.
- Détends toi, idiote. Tu croyais vraiment que j'allais t'agresser ou quoi que ce soit ? Je suis peut être un mercenaire, mais quand on ne me paye pas je suis un être humain. Il va falloir que tu arrêtes de prendre peur pour rien. Nous vivons à Walville, on a toutes les raisons du monde d'être terrifiés. C'est pour ça qu'il ne faut pas l'être.
Je détourne le regard. Il a raison, mais comment peut il dire ça si aisément. Est ce donc si simple pour lui, d'accepter de voir des gens tuer, d'autres mourir ? De contempler la folie et la cruauté ?
Je ne veux pas croire, je n'arrives pas à accepter plutôt, cette réalité qu'il me décrit. Je sais pourtant que c'est la vérité. Mais ne sommes nous pas des êtres humains ? N'avons nous pas le droit d'espérer un peu de paix, de douceur ? La fin de ces massacres et de ces complots ?
Le droit de vouloir que cette peur qui nous assaille parte ? Celui de ne plus se demander chaque jour si nous verrons le soleil se lever de nouveau ?
Il me fixe de ses yeux si étranges, et je soupire.
- Alors... Pourquoi ? je murmure, désignant d'un mouvement de tête ses vêtements au sol.
- Pour ça, me répond t-il en se levant de nouveau.
Il désigne une marque noire, au commencement de ses pectoraux. Je ne l'avais pas remarquée, pourtant elle est visible. Par ailleurs, son torse est couvert de cicatrices. Rien qu'à l'oeil nu, je peux deviner que certaines sont récentes. En me concentrant de nouveau sur l'étrange marque, je me rend compte que ce n'est pas une marque, mais un tatouage, en forme de pistolet qui plus est.
- Tu n'as pas l'air de savoir ce que c'est, remarque t-il en haussant un sourcil.
Je réponds par la négative. Rien ne me vient à l'évocation d'un tatouage de flingue. Aden se penche de nouveau vers moi avec son sourire de prédateur. Je n'aime pas qu'il soit aussi près, mais à l'évidence, de son côté ça ne lui pose aucun problème, étant donné qu'il le fait depuis que je me suis réveillée. D'ailleurs, il n'arrête pas de bouger dans tous les sens.
- Ceci est la marque des membres de l'A.T.M, petite tête. Tu est endettée envers trois mercenaires qui en font partie. A vrai dire, tu as carrément une dette envers le chef. Comprends tu dans quelle situation tu es ?
Ne pas regretter d'être toujours en vie, hein ? Pour le coup, j'en viens vraiment à m'interroger sur ce que je fais ici. Qu'on me donne de nouveau cet uniforme volé, et j'irais avec joie me livrer aux balles des forces de l'ordre !
... Si seulement je pouvais bouger.
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