「 épisode sept 」
nda - vous êtes prêts pour un nouveau round ? <33
désolée d'avoir décalé la publication, je suis de retour cette fois-ci pour vous jouer de mauvais tours angst :))
l'histoire est bientôt finie mais on en a encore pour quelques chapitres de souffrance, ahem joie.
bref je souhaite de bonnes vacances à ceux qui le sont, et un bon weekend de Pâques! vous pourrez manger des chocolats pour vous réconforter après ce chapitre >:)
bonne lecture!
tw: heavy angst + minor character death.
chapitre sept, empêcher les espoirs de se briser
(et le verre aussi.)
.
Chuuya ne parvenait pas à comprendre.
Si physiquement il était désormais assis en sécurité entre deux wagons, juste à côté de la cabine du conducteur, mentalement, son esprit était toujours dans cette foutue voiture.
Là où ils avaient laissé Atsushi.
Il le savait. Il savait très bien ce qui s'était produit, quand bien même il n'avait pas vu la fin. Il savait bien que ce qui restait dans la troisième voiture n'était pas son ex-petit ami, mais une coquille vide zombifiée.
Cela n'en faisait pas moins mal.
Il n'avait de cesse d'ouvrir et de fermer son poing, enfonçant à intervalles réguliers ses ongles dans sa peau. Les marques qu'ils formaient étaient de plus en plus profondes et douloureuses, mais il n'y prêtait pas attention. Il était comme engourdi, glacé. Son sang circulait-il encore dans ses veines ? Il savait très bien que oui, autrement il ne serait plus en vie. Mais il avait le sentiment d'être devenu une statue frigorifiée, dont l'esprit était resté là-bas.
« Hey. Chuuya. »
La voix de l'idiot aux cheveux bruns lui parvint, mais il ne le regarda même pas. Il savait que s'il redressait la tête, s'il croisait son regard, il lui flanquerait son poing dans la tronche. C'était lui qui l'avait entrainé dans la deuxième voiture, loin du garçon aux cheveux argentés. De quel droit ce type avait-il décidé de partir, d'abandonner Atsushi ? Le jeune homme leur avait sauvé la vie à tous, mais et la sienne ? Qui en avait pris soin ?
(Personne ne l'avait fait et personne ne le ferait plus jamais.)
« Chuuya. »
Dazai l'interpella encore, sans tirer plus de réaction de sa part. Le rouquin faisait se son mieux pour retenir sa colère. Ce n'était pas le moment de créer un esclandre, alors même que les autres passagers se méfiaient toujours d'eux et les avaient ostracisés en dehors de leur wagon. Vous êtes des zombies avaient-ils déclarés lorsqu'ils avaient fermé la porte. Restez loin de nous. La peur semblait les empêcher de réfléchir rationnellement et de s'apercevoir qu'ils n'avaient même pas de trace de morsure.
A la troisième mention de son prénom, il craqua.
Ses phalanges n'atteignirent cependant pas la joue de son interlocuteur, car celui-ci fut plus rapide et stoppa son bras net en enroulant ses doigts autour de son poignet. Chuuya fut surpris par la force qu'il mit dans ce geste ; il s'attendait vraisemblablement à être frappé.
Pourquoi continuer à l'interpeller s'il était conscient de son état d'esprit ?
« Fous-moi la paix, cracha-t-il finalement. Ou les prochains coups, tu ne pourras pas les arrêter aussi bien que celui-ci. » L'autre ne cilla pas.
« Tu peux me blâmer autant que tu veux, ça ne changera pas son sort. » Les mots frappèrent Chuuya avec autant de force qu'une gifle.
« T'aurais dû nous laisser l'aider, rétorqua-t-il T'aurais pas dû nous emporter avec toi. T'en avais pas le droit.
― Tu serais mort si je ne l'avais pas fait.
― Et alors ? Qu'est-ce que ça peut te foutre ? » explosa-t-il finalement en l'attrapant par le col. Cela eut le mérite de couper le sifflet au jeune homme aux cheveux bruns, qui l'observa silencieusement quelques secondes, ce qui lui permit de continuer sur sa lancée exaspérée. « C'était pas toi qui disais qu'on ne devait se préoccuper que de nous-mêmes ? Qu'on avait besoin d'être égoïstes dans cette situation ? Pourquoi tu l'as pas été là ? Tu penses sérieusement que je vais te remercier pour ce que tu as fait ? T'as laissé quelqu'un mourir sans ciller putain.
― Et j'ai sauvé trois autres personnes ! rétorqua finalement le brun en haussant la voix. Mais j'aurais peut-être dû te laisser là toi aussi, si c'est ce que tu désires tellement ! »
Chuuya serra les dents avant de lâcher prise et de libérer le col de la chemise d'uniforme de Dazai. Il ne voulait plus voir cet odieux individu. Il voulait juste qu'il s'en aille hors de sa vue ― malheureusement ils étaient encore coincés ensemble pour un bon paquet de kilomètres. Cela donnait au jeune homme une furieuse envie de lancer son poing dans un mur, mais il s'abstint. Cela ne ferait que le blesser inutilement, et il souffrait encore physiquement de leur remontée miraculeuse parmi les voitures.
Il se rassit donc dans son coin, foudroyant du regard le petit groupe de fortune qu'ils étaient et qui avait tout suivi. Fyodor, les deux Akutagawa, le type étrange du nom de Katai, Dazai et lui. Ainsi que le professeur Oda, qui enseignait apparemment à Fyodor et Dazai et qui les avait aidés à ne pas se faire jeter dehors par le reste des passagers paranoïaques. Malgré ses mots emplis de bon sens, ils n'avaient pas consenti à les laisser rester avec eux et les avaient forcés à rester dans le seul endroit encore disponible : la première voiture.
Chuuya mourait d'envie de passer ses nerfs contre eux aussi. S'ils n'avaient pas été aussi égoïstes, s'ils avaient eu une once de gentillesse et de générosité, ils n'auraient pas fait face à une situation aussi désespérée. Il les blâmait tout autant que le reste du monde pour ce qui était arrivé à Atsushi. Dazai restait sa cible prioritaire mais, en toute honnêteté, il en voulait à tout le monde.
Et le silence qui régnait dans le wagon désormais n'aidait pas ses pensées intrusives. Il pouvait entendre de l'autre côté des discussions entre les passagers qui restaient dans les voitures de première classe, mais celles-ci étaient très basses aussi, sans doute murmurées le plus loin possible du couloir où s'entassaient toujours les zombies.
(Atsushi.)
De son point de vue, il pouvait voir qu'ils se cachaient de façon à ne pas entrer dans le champ de vision limité des zombies. Ils n'avaient plus rien pour couvrir les portes, pour se soustraire à la vue des zombies enragés. Ils ne pouvaient que se terrer et espérer que personne ne ferait de faux mouvement avant l'arrivée du train à Yokohama.
Une part de Chuuya souhaitait que cela arrive, mais il savait que c'était seulement sa douleur qui s'exprimait. Quand bien même il n'aimait pas Atsushi comme un amant, il s'était pris d'affection pour lui tout au long de leur relation. Il savait à quel point le jeune homme avait bon cœur, à quel point il aimait sa famille ― même sa mère qui était partie après le divorce et qui refaisait sa vie de son côté sans jamais lui parler ― et à quel point il avait confiance en les autres, même en ceux en qui il ne fallait pas croire.
C'était le meilleur soutien dont il avait jamais pu rêver ― et Chuuya regrettait de ne jamais lui avoir dit. Il aurait dû formuler clairement à quel point il lui était reconnaissant pour juste avoir été à ses côtés, quand peu de gens l'étaient. Le rouquin avait beaucoup d'amis, mais rares étaient ceux à qui il avait confié son désir de rencontrer sa famille biologique. Souvent, ceux à qui ils le disaient étaient incapables de trouver quoi dire après avoir entendu ça et ses doutes quant à la légitimité de sa démarche, alors même qu'il adorait ses parents adoptifs.
Seul Atsushi avait compris qu'il n'attendait pas d'avis ou de remarque particulière, mais juste une reconnaissance et une acceptation. Il devait trancher lui-même sur la question de son positionnement vis-à-vis de ses parents. Tous ses parents. Ceux qui l'avaient abandonné comme ceux qui l'avaient accueilli en leur sein comme leur propre fils. Il était le seul à pouvoir le faire.
Penser à sa famille envoya une autre vague d'inquiétude en lui. Il ignorait tout de leur situation. Il n'avait eu de contact qu'avec son frère qu'il devait rencontrer, qui lui avait dit que Yokohama était placée sous protection militaire et isolée du reste du Japon. Sur Internet, on racontait en eftet que c'était la seule ville dans laquelle les zombies n'étaient pas entrés.
La seule ville sûre du pays.
Devenue lieu de pèlerinage pour tous ceux qui souhaitaient voir le soleil se lever demain.
Chuuya savait qu'ils avaient de la chance d'être dans ce train, en relative sûreté, dont la destination était Yokohama. D'autres n'avaient sans doute pas la même chance qu'eux, et auraient infiniment plus de difficultés à trouver un moyen de locomotion sûr pour atteindre la métropole.
Eux avaient encore un arrêt, qu'ils ne marqueraient évidemment pas mais se contenteraient de traverser la gare. Puis ils pourraient atteindre la ville la plus sûre. Ils devaient prendre leur mal en patience.
Tout le monde semblait avoir compris qu'il valait mieux le laisser seul avec ses pensées pour l'instant, car personne n'esquissa le geste d'aller le voir maintenant qu'il avait repoussé Dazai avec virulence. Le brun était retourné dans son coin et murmurait à voix basse avec Fyodor et leur professeur. Katai fixait le vide, roulé en boule entre deux sièges. Les deux Akutagawa restaient collés l'un à l'autre également, accrochés à leurs portables comme si leur vie en dépendait.
Eux aussi devaient attendre une bonne nouvelle avec impatience.
Comme tant de personnes dans le pays.
« Hey. Il se passe quelque chose. »
La voix de Ryunosuke Akutagawa attira à tous leur attention ; il désignait de la main une silhouette dans le wagon de première classe qui se tenait devant la porte séparatrice du wagon rempli de zombies. Ce devait être une femme, aux cheveux roses attachés dans un chignon sophistiqué, mais impossible de déterminer ce qu'elle faisait.
Puisque rien ne bougeait, Chuuya détourna le regard ; une femme qui bougeait était le cadet de ses soucis présentement. Mais son attention fut bien vite captée à nouveau par des cris de terreur entrecoupés d'halètement de zombies.
La femme avait ouvert la porte entre la deuxième et la troisième voiture.
Le jeune homme aux cheveux flamboyants ne saurait pas dire combien de temps s'écoula avant que les cris ne cessent. Le professeur Oda avait esquissé le geste d'aller aider ces gens en ouvrant la porte à tous les malheureux qui avaient tapé contre la vitre dans l'espoir qu'ils les aident, mais Dazai l'avait retenu une fois de plus.
Ce serait se mettre en danger. Et, de plus, ils ne pouvaient pas l'ouvrir. Les passagers avaient bloqué la porte de leur côté ; et dans leur panique, ils durent regretter d'avoir fait des nœuds aussi serrés qu'on ne pouvait pas dénouer aisément et rapidement.
Alors ils attendirent juste.
Honnêtement, Chuuya ne savait pas combien de temps ils allaient continuer ainsi. Combien de temps ils pourraient regarder d'autres périr sans leur tendre la moindre main. Quelques heures plus tôt, la pensée le révoltait. Mais désormais, il ne pouvait rien faire d'autre.
Et il se détestait pour cela.
Il n'avait jamais eu l'ambition de devenir un héros, à part peut-être quand il avait sept ans, comme tous les enfants au fond. Mais il n'aurait jamais pensé qu'il deviendrait une de ces personnes impuissantes qui regardent sans bouger les catastrophes arriver.
Il n'avait même pas remarqué que Kyôka avait péri, trop occupé à essayer d'ouvrir cette fichue porte. Et il n'avait pas été capable d'aider Atsushi au moment fatidique.
Même s'il blâmait Dazai pour l'avoir retenu et empêché de de sauver son ex-petit ami, il savait que toute tentative aurait été vaine. Reprocher sa propre impuissance au brun était futile. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, car sinon, contre qui diriger sa haine et son mécontentement ?
Il n'y avait plus un bruit dans le deuxième wagon quand Dazai reparla. Après les hurlements distordus qui avaient empli la voiture toute entière, sa voix sonna étrangement
Peut-être était-ce simplement parce que Chuuya se sentait étrangement déconnecté de la réalité depuis ce qui était arrivé à Atsushi.
« Le train ralentit. »
Tout le monde redressa la tête en entendant cela. Chuuya, qui avait gardé les yeux fixés droit devant lui depuis qu'ils s'étaient installés dans la voiture les releva enfin pour contempler le paysage et constata, en effet, qu'il défilait un peu moins vite qu'avant.
« Yokohama est encore à une centaine de kilomètres pourtant, fit observer l'aîné des Akutagawa.
― Peut-être qu'il ralentit parce qu'il y a une gare sur le chemin ? répondit sa sœur.
― Il y en a une, confirma Fyodor, mais il aurait meilleur temps de la traverser sans ralentir au cas où il y aurait des zombies. »
Chuuya apercevait en effet une bâtisse aux airs de gare se rapprocher d'eux. Des volutes de fumée s'en échappaient, et il se demanda si les scènes qui s'étaient déroulées dedans étaient les mêmes que celles qu'ils avaient vu plus tôt, à leur première descente du train.
Finalement, le conducteur prit la parole.
« Mesdames et messieurs, c'est votre commandant de bord qui vous parle. La voie devant nous est obstruée par un obstacle, je répète, la voie devant nous est obstruée par un obstacle. » Il y eut un silence, puis le consucteur reprit sur un ton moins formel. « Je vais descendre du train et en acheminer un autre sur la gauche de celui-ci. S'il y a encore des survivants à bord du train qui peuvent m'entendre et me comprendre, rejoignez-y-moi une fois que le train sera acheminé. »
Tout le petit groupe rassemblé dans le wagon échangea des regards. Ils allaient devoir sortir du train. À en juger par ce qu'ils voyaient, les voies autour étaient obstruées elles aussi par des trains abandonnés en vitesse. Aucun zombie n'était visible à l'horizon pour autant, mais Chuuya ne croyait pas à l'idée qu'il n'y en avait aucun dans la gare. C'était inconcevable.
Tant qu'il n'y en aurait pas sur le passage, cela irait mais...
Le regard du jeune homme aux cheveux flamboyants balaya le petit groupe. Les survivants. Il ne restait qu'eux, songea-t-il en essayant de retenir la nausée qui s'emparait de lui à cette pensée. Tous les autres avaient péri. Sept personnes, c'était tout ce qui restait d'un train rempli de passagers au départ.
Qu'en était-il du reste du Japon alors ?
Lorsque le train fut complètement immobilisé et que les portes se déverrouillèrent, chacun hésita à appuyer sur le bouton pour les ouvrir. Ils n'avaient pas l'intention de rester là sans rien faire à attendre la mort, mais ils ne pouvaient pas sortir à la légère. Les deux Akutagawa avaient analysé ce qui les entouraient sans apercevoir l'ombre d'un cadavre ou d'un zombie. Tout était calme autour d'eux : maintenant que le roulement régulier du train avait cessé, on n'entendait que leurs respirations et les bruits des zombies des autres wagons.
« Il faut qu'on fasse attention à éviter de passer devant eux en descendant du train, indiqua Dazai, reprenant naturellement ses grands airs de leader. Sinon, ils vont s'acharner contre les vitres, et on a vu qu'ils étaient en mesure de les briser. »
Chuuya serra les poings en entendant cela. Comment ce type pouvait-il à ce point être sans cœur ? Comment pouvait-il parler de ce qui s'était produit comme si ce n'était qu'un inconnu qui était mort ? Peut-être que pour lui, Atsushi n'était qu'une victime de plus qu'il ne connaissait pas. Mais Chuuya détestait cette façon détachée qu'il avait de parler de ce qui s'était produit. Cette façon de se comporter comme si rien ne l'affectait, tant que lui-même restait en vie.
Se retenir de lui flanquer son poing dans la tête devenait de plus en plus dur.
Ce fut finalement Fyodor qui ouvrit la porte comme si de rien n'était, et chacun entama doucement la descente. Le train ne s'était pas arrêté précisément sur le quai ― ils découvriraient ensuite que c'était parce qu'un autre train était échoué devant eux justement en face du quai ― aussi durent-ils se laisser tomber un peu lourdement sur le sable et les rails.
Chuuya fermait la marche avec Dazai, et le jeune homme aux cheveux bruns le retint par le poignet alors que le rouquin s'apprêtait à descendre.
« Lâche-moi, souffla le jeune homme aux cheveux flamboyants en le foudroyant du regard ― il modérait sa voix pour ne pas se donner une fois de plus en spectacle. J'ai rien à te dire.
― Moi si, rétorqua l'autre. Je suis désolé pour Nakajima. » Il marqua une courte pause avant de poursuivre : « Perdre des gens, c'est inévitable. Mais c'était ton ami alors je comprends que tu ais du mal à l'accepter. »
Chuuya le toisa légèrement du regard. Les mots du brun étaient loin de lui procurer un quelconque réconfort, mais il parvenait à sentir, ne serait-ce que légèrement, qu'il essayait de s'améliorer. Essayait. Son envie de lui crier qu'il était loin de comprendre ce qu'il ressentait restait forte mais, en regardant le brun, il songea qu'il avait réellement l'air d'essayer de le réconforter.
C'était déjà un début, songea-t-il.
« Amis ou pas, personne ne peut accepter de morts aussi injustes, rétorqua-t-il ― il n'allait pas lui rendre la vie facile sous prétexte qu'il essayait de s'excuser. Atsushi ou Kyôka, ils voulaient juste s'en sortir avec nous. Ils auraient pu nous abandonner et partir de leur côté.
― Tu sais... » Dazai parut chercher ses mots, le regard perdu vers l'horizon et le train échoué sur les rails devant eux. « Toutes les morts sont injustes. C'est cela qui pousse les humains à vivre. Pour faire face à l'injustice de la mort, ils décident de vivre de toutes leurs forces. C'est ce que leur réflexe quand ils se retrouvent mis devant leur inévitable futur. Mais comme tu le dis... » Il marqua une nouvelle pause. « La leur, et surtout celle d'Atsushi, est injuste, parce qu'il est mort pour nous et non pour lui-même. »
La conversation commençait à donner à Chuuya une vilaine migraine, mais il voyait où l'autre voulait en venir. Atsushi aurait très bien pu laisser tomber cette porte, comme il l'avait dit. Il aurait pu ne pas décider d'aller la tenir et les laisser mourir, même s'il aurait sans doute été compris dans le lot des défunts. Rien ne l'obligeait à être le seul à mourir et en cela, sa mort était la plus injuste. Elle les laissait avec des questions et des regrets.
Qu'allait-il dire aux proches du jeune homme aux cheveux argentés ? Chuuya refusait de concevoir que tous pouvaient être morts, surtout considérant que sa mère résidait désormais à Yokohama. Elle devait être en sécurité avec les autres habitants de la métropole, confinés chez eux et protégés par l'armée d'après les réseaux sociaux.
Que lui dirait-il s'il la voyait ? Madame, votre fils est mort pour nous ? Madame, votre fils se trouve dans un train abandonné, au milieu de zombies assoiffés de chair humaine ?
« C'est censé me faire me sentir mieux ? demanda-t-il finalement sur un ton neutre.
― Oui ? » La réponse était si désarmante d'honnêteté que Chuuya oublia momentanément qu'il en voulait à mort au jeune homme aux cheveux bruns précédemment. Quand il agissait comme cela, il ressemblait plus à un gamin qu'au type qui lui avait froidement dit d'abandonner Atsushi.
« T'es la personne la plus bizarre que j'ai jamais rencontrée, lâcha-t-il finalement.
― On me le dit souvent. »
Leur petit groupe partit en amont finit par remarquer qu'ils étaient restés derrière, et les deux jeunes hommes se décidèrent à les rejoindre, leur discussion terminée. Chuuya ne savait franchement pas pourquoi l'autre avait à ce point insisté pour lui faire ce discours sans queue ni tête sur la vie et la mort.
Mais il se sentait vaguement plus léger.
Osamu ne savait pas pourquoi il avait à ce point insisté pour lui faire ce discours sans queue ni tête sur la vie et la mort.
Enfin si, il avait une idée. Originellement, il voulait s'excuser pour avoir semblé indifférent au sort d'Atsushi Nakajima. Il avait bien senti que c'était son attitude insensible qui avait piqué le rouquin au vif, et avait décidé, pour une fois, de piler sur son orgueil et de formuler des excuses à son compagnon. Cependant...
Il ne savait pas comment s'excuser.
Surtout pas dans cette situation, où il restait convaincu que se sacrifier n'avait aucun intérêt. Ce type aux cheveux argentés n'avait-il pas lui aussi ses propres raisons de se rendre à tout prix à Yokohama ? Dazai ne savait pas pourquoi il s'y rendait dans un premier temps, mais le simple fait de savoir qu'il n'y avait pas de zombies dans la ville aurait dû constituer un motif suffisant pour vouloir définitivement y aller.
Du point de vue rationnel du brun, ce qu'avait fait Atsushi était donc purement et simplement stupide.
Mais Chuuya paraissait penser différemment. Donc il avait fait l'effort de reformuler sa pensée.
(Il semblait malheureusement qu'il n'avait pas réussi à le faire assez pour convaincre son interlocuteur de sa bonne foi.)
Lorsqu'ils rejoignirent le petit groupe, le jeune homme aux cheveux bruns sentit le regard de Fyodor peser sur lui, comme s'il se demandait de quoi ils avaient parlé si longtemps. Dazai l'ignora, ce n'était pas ses affaires après tout.
Ils restèrent dissimulés derrière la locomotive, attendant patiemment l'arrivée du nouveau train emmené par le conducteur. Mieux valait qu'ils ne soient pas trop visibles au cas où des zombies se promèneraient non loin. Ils surveillaient tous les côtés à la fois, retenant leur souffle au moindre bruit inexpliqué.
Finalement, le bruit d'un roulement retentit et se rapprocha petit à petit. Dazai avisa un autre train à l'horizon, sans doute leur nouveau moyen de locomotion. A en juger par la voie sur laquelle il circulait, il allait arriver à plusieurs mètres d'eux, les obligeant à traverser plusieurs voies encombrées de trains.
Le petit groupe se prépara à se mettre en mouvement dès qu'il serait arrêté ― mais avant cela, alors que leur moyen de locomotion avançait à petite allure pour les rejoindre, Osamu entendit un autre son.
Plus fort, mais surtout beaucoup plus proche d'eux.
Chuuya dut le percevoir aussi, car leurs têtes se tournèrent de concert dans la direction du son, à l'arrière du train. Des panaches de fumée s'élevaient au loin, et le brun n'eut qu'à se décaler légèrement pour comprendre ce dont il s'agissait.
Un train en flammes arrivait dans leur direction, à vive allure.
Osamu et Chuuya eurent à peine le temps d'échanger un regard que l'inévitable se produisit sous leurs yeux : l'avant du train enflammé heurta l'arrière du leur. La force de la collision fut aussi terrible que Dazai l'envisageait. Ils eurent à peine le temps de faire quelques pas pour tenter de s'éloigner du train que celui-ci bascula dans leur direction dans un affreux bruit de tôle froissée.
Osamu se recroquevilla tant bien que mal sur le sol, gardant en mémoire la première règle en cas de séisme ― protéger sa tête. Ce qui venait de se produire n'était pas un tremblement de terre, mais les règles étaient les mêmes. S'ils voulaient minimiser les dégâts, il leur fallait protéger leurs organes vitaux.
(Certains auraient trouvé aberrant que Dazai puisse penser à ça à ce moment précis, alors que des cris résonnaient tout autour de lui et que le capharnaüm causé par le basculement du train était assourdissant. Ses oreilles sifflaient et il avait bien du mal à voir quelque chose en raison de la poussière soulevée par le choc, mais il avait encore le sens des réalités.)
Au bout d'un temps indéfini qui aurait autant pu être une dizaine de secondes que cinq minutes, lorsque le silence revint enfin autour d'eux et que les grincements de basculement du train cessèrent, Osamu s'autorisa à bouger progressivement.
Il sentait encore ses bras. Ses jambes. Ses mains et ses pieds. Aucune douleur particulièrement vive ne le traversait, mais il se méfiait de l'état de choc, aussi fit-il en sorte de se tourner sur le dos pour pouvoir passer en revue son torse.
Ce faisant, il se retrouva nez à nez avec un zombie.
Il lui fallut quelques instants pour réaliser que, fort heureusement pour lui, le zombie se trouvait derrière une vitre. En essayant de dégager son cou pour observer les environs, Osamu comprit. Sous le choc causé par la collision entre les deux trains, le leur avait été projeté en avant. Ils n'étaient donc plus au niveau de la première voiture, mais plus loin, en face de la troisième, remplie de zombies qui avaient une vue plongeante sur lui et se penchaient dangereusement sur la vitre.
Au souvenir de ce qui était arrivé aux autres vitres contre lesquelles les zombies s'étaient trop appuyés, le jeune homme frissonna.
Il tenta de reculer sans faire de geste brusque, ne voulant pas attiser d'une quelconque manière l'excitation des zombies. Fort heureusement, il ne semblait pas être coincé sous la locomotive, et put donc sans mal se dégager progressivement.
Il gardait un œil sur les zombies tout en bougeant, et surtout sur le verre qui encaissait les coups. Il craignait que celui-ci se brise alors qu'il n'avait pas fini de se déplacer. Du coin de l'œil, il repéra Chuuya, un peu à côté de lui. De l'autre côté, il y avait le professeur Oda et le type au futon, Katai à ce qu'il avait compris. Le frère et la sœur Akutagawa étaient hors de vue.
À l'endroit où ils se trouvaient auparavant, la tête de train s'était complètement écrasée sur le sol.
Non seulement ils avaient sans doute perdu des membres de leur petit groupe, mais en plus la voie était bloquée désormais.
« On est morts ? demanda Chuuya au bout d'un long moment ― il avait à peine bougé depuis que Dazai l'avait repéré, si bien qu'il s'était demandé s'il avait pris un coup sur la tête qui l'avait sonné.
― Pas encore, mais ça ne saurait tarder. »
Le rouquin était couché sur un côté, aussi n'avait-il pas encore remarqué la masse de zombies au-dessus d'eux. Dès qu'il bougea pour observer Dazai qui s'adressait à lui, il laissa échapper une exclamation de surprise et se recula, se cognant par la même occasion la tête contre le sol.
(Dans une autre situation, Dazai aurait ri, mais il n'avait pas spécialement l'envie de faire de l'humour présentement.)
« Le train s'est renversé sur nous, précisa Osamu, au cas où cela n'aurait pas été évident. Je crois qu'on a la chance d'être encore entiers. Les dieux ne nous ont peut-être pas tous abandonnés. » Chuuya ignora volontairement son ton sarcastique pour regarder précautionneusement autour eux.
« Je pense qu'on peut réussir à sortir de là. »
Osamu suivit son regard et convint qu'il avait raison. Trois trains les séparaient initialement de leur nouveau moyen de locomotion. Celui dont ils provenaient avait basculé, sans atteindre les autres, et ne les avait pas encore écrasés complètement. Cependant, considérant la position du train qu'il se figurait, il était loin d'avoir entièrement basculé. Les roues les plus proches d'eux avaient dû se coincer d'une manière ou d'une autre dans les rails, et elles seules empêchaient le train de complètement les écraser.
S'il basculait intégralement, ils étaient purement et simplement morts. Même en admettant qu'ils puissent survivre à un véhicule de métal qui devait peser 400 ou 500 tonnes ― il semblait à Dazai que tout dépendait du modèle et il n'avait pas spécialement fait attention en montant dedans ― leur tombant dessus, il y avait trop de zombies dans les wagons pour qu'ils puissent s'en tirer. De plus, au moindre choc, la vitre allait se briser, et ils allaient se retrouver au milieu d'un groupe de monstres affamés.
Une perspective réjouissante.
« Je pense qu'on ferait mieux de ne pas perdre de temps, souffla-t-il. Ou on va vraiment mourir. » Il ne pouvait pas savoir combien de temps le train tiendrait dans cette position instable : cela pouvait autant être dix secondes comme dix minutes, et il n'était pas curieux de le découvrir dans cette posture.
« Je suis d'accord. Les autres se mettent en mouvement aussi. »
Le jeune homme aux cheveux flamboyants lui désigna le professeur Oda et Katai qui avaient effectivement commencé à longer le train dans leur direction pour leur rejoindre. Ils étaient prudents dans leurs gestes, quand bien même il ne semblait pas y avoir de zombies dans le compartiment en face d'eux.
Les uns après les autres, les membres du petit groupe (qui diminuait à vue d'œil, ne pouvait s'empêcher de songer ironiquement Dazai) se faufilèrent, longeant le train échoué et retenant leur souffle dès qu'un coup de vent faisait bouger la carcasse du train. Il leur fallait passer de l'autre côté du deuxième train ; leur seule option était de trouver un wagon vide de zombies qu'ils pourraient traverser sans encombres, en espérant ne pas se faire écraser avant.
Chuuya était juste devant lui, et ils avançaient quasiment au même rythme. Le brun devait admettre que l'autre avait plus de souplesse que lui, mais il était presque certain que sa jambe droite le faisait souffrir. Il penchait plus lourdement sur la gauche, et bien que ce fusse léger, Dazai s'en aperçut sans mal, habitué à tout analyser.
Cela ne le regardait pas de toute manière. Mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer que cela n'handicaperait pas inutilement Chuuya, si d'aventure ils devaient de nouveau échapper à des zombies.
Ce qui ne tarderait peut-être pas au vu du sort que ces monstres réservaient à la fenêtre de ce qui devait être la troisième voiture dont ils s'éloignaient doucement. Un léger frisson le parcourut en songeant que ce type, Atsushi Nakajima, y était probablement. Ou dans la deuxième. Il avait beau ne pas le connaître, il n'était pas sûr de vouloir regarder et voir ce qu'il était advenu de lui ― et ce qui leur arriverait peut-être aussi.
Alors qu'ils continuaient d'avancer et de longer le train lentement, le jeune homme aux cheveux bruns avisa soudainement la figure de Chuuya vaciller, après que son pied eut heurté quelque chose sur le sol. Il fut assez prompt pour attraper son poignet et le maintenir debout.
« Lâche-moi, souffla Chuuya en essayant de se dégager de son emprise. Je vais bien.
― T'es blessé à la jambe, fit remarquer Osamu.
― Juste une mauvaise chute. Je peux marcher. » Dazai n'en doutait pas, mais sa blessure allait incontestablement les retarder. Comme s'il avait lu dans ses pensées, le rouquin le foudroya du regard.
« Quoi ? Tu vas m'abandonner pour privilégier ta survie ?
― Non, répondit presque spontanément son interlocuteur à leur grande surprise à tous les deux. Mais... »
Il n'acheva pas sa phrase en entendant un caractéristique bruit de verre qui se casse ― ils allaient finir totalement traumatisés par ce son. Son regard se déporta vers la fenêtre de la troisième voiture, derrière eux, et comprit.
Le verre venait de se briser, au moment précis où le professeur Oda et Katai étaient passés devant elle.
Leurs silhouettes disparurent instantanément sous la masse de zombies, tandis que les deux jeunes hommes criaient leurs noms. Chuuya esquissa le geste de s'avancer, mais Dazai le retint, sa main toujours autour de son poignet. Au bout d'une poignée de secondes où ils restèrent immobiles, incapables de savoir quoi faire, Katai apparut dans leur champ de vision, couvert de sang et de blessures mais étonnamment capable de repousser un peu les zombies.
« Allez-vous-en ! cria-t-il, et Dazai hésita en se demandant s'il s'adressait aux zombies qu'il repoussait ou à eux. Ça sert à rien qu'on meure tous ici ! »
Il clarifia sa pensée ensuite, mais Osamu en resta bouche-bée : trente minutes plus tôt, ce type se cachait derrière eux par peur de mourir. Quel changement s'était-il opéré en lui pour qu'il change à ce point d'avis ? Il en eut indirectement la réponse lorsque Chuuya esquissa une protestation et un pas en avant.
« Ne venez pas ! C'est trop tard pour moi de toute façon. Vous en avez plus fait pour moi que moi pour vous depuis le début de cette histoire. Il est temps de changer ça. Et puis... » Son regard glissa sur les zombies qui l'assaillaient, s'arrêta sur les membres de l'équipage qui en faisaient partie et sur l'homme aux cheveux blonds que Dazai avait vu l'engueuler au tout début de leurs péripéties. « Je ne pense pas que quelqu'un m'attende encore, contrairement à vous. »
Derrière lui, le professeur Oda s'était aussi dégagé des zombies et tentait tant bien que mal de les renvoyer dans le wagon dont ils provenaient pour les empêcher de s'intéresser à Dazai et Chuuya.
Le jeune homme aux cheveux bruns le regardait faire sans ciller, le cœur douloureux.
Son professeur était couvert de morsures lui aussi.
Dazai voulut crier son nom, mais l'homme aux cheveux auburn se tourna vers lui avant cela.
Il lui fit un pouce en l'air et un sourire vacillant.
Osamu pouvait presque l'entendre répéter son adage favori.
On attend tous le jour où on pourra être utile à au moins une personne.
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