「 épisode un 」
nda ; et on entre enfin dans le vif du sujet :)
pour ceux qui ont déjà lu le début sur le compte de la FSA, vous n'apprendrez pas grand-chose de nouveau dans cette première partie. j'ai juste rajouté une scène et deux personnages discrets - qui reviendront plus tard - ainsi que quelques précisions par endroits. et j'ai reformulé des morceaux, mais ça je ne pense pas que ça se remarque beaucoup-
on reste descriptif dans cette partie, le gros du problème arrivera dans la suite mais j'espère que ça vous plaira déjà! et j'espère aussi que vous allez bien et que vous survivez aux cours– (moi non lol)
prochain chapitre le 22 janvier; bonne lecture !
épisode un, trouver sa place
(dans le train et dans l'histoire)
.
Qu'est-ce qui peut être pire que d'avoir à sécher les cours à quelques jours à peine des examens de fin d'année pour aller rencontrer le nouveau mari de sa mère, mère ayant quitté le domicile familial quatre ans plus tôt sans jamais donner de nouvelles jusqu'à cette invitation ? Si on lui avait posé cette question cinq minutes plus tôt, Atsushi n'aurait pas été en mesure d'y répondre.
Désormais, il avait néanmoins une réponse de choix : devoir faire tout le trajet... avec son ex petit ami assis juste à côté de lui dans le train.
Quand il était monté à bord, cherchant sa place au milieu du wagon rempli de travailleurs ou de vacanciers désirant s'éloigner un peu de leur province, il avait tout d'abord pensé qu'il était victime d'une hallucination. La vision des cheveux roux de Chuuya, installé sur une place côté couloir, le nez sur son téléphone, avait été un choc si brutal que, pendant quelques secondes, il était resté immobile, bloquant le passage, et s'était pincé la joue.
Il avait néanmoins été forcé d'admettre l'évidence lorsque des protestations avaient commencé à s'élever derrière lui ― et cela ne s'était pas arrangé lorsqu'il avait pris conscience que le jeune homme aux cheveux flamboyants était installé à la place numéro vingt-cinq.
Son billet indiquait le numéro vingt-six.
Lui qui s'était réjoui d'avoir une place côté fenêtre regrettait désormais son insouciance. S'il avait su, il aurait demandé une place côté couloir pour éviter cette confrontation qu'il fuyait depuis des semaines, au lieu de vouloir à tout prix observer le paysage.
Il observa avec une légère lueur d'espoir les autres places du wagon, en vain. Il savait que le train était déjà quasiment complet quand il avait réservé ses places à la dernière minute ; il n'avait plus aucune chance de trouver une place non occupée pour échapper à ce qui allait lui tomber dessus. A moins d'échanger avec une autre personne seule, mais il préférait encore parler à Chuuya que de devoir s'adresser à un inconnu probablement fatigué par l'heure matinale.
Même s'ils ne s'étaient pas parlé depuis cinq semaines et que leur dernière conversation avait été celle de leur rupture ― Atsushi se souvenait des mots exacts qui avaient été prononcés par lui comme par le rouquin, ils étaient pour toujours associés à son cœur brisé qui le lançait encore par moments. Il n'en voulait pas à son aîné, lui-même avait conscience que leur relation battait de l'aile depuis plusieurs mois. Ils se voyaient à peine, préféraient converser par amis interposés plutôt que passer du temps ensemble et esquivaient la moindre conversation à tendance houleuse.
Leur rupture n'était pas si inattendue. Et il connaissait assez son ex-petit ami pour savoir que jamais le jeune homme ne se comporterait mal avec lui sous le simple prétexte qu'il était celui qui avait rompu.
Il prit donc son courage à deux mains, s'arrêta devant la place où Chuuya était installé et se racla la gorge pour signaler sa présence. Il eut juste le temps d'apercevoir l'écran du téléphone de son ancien compagnon ― ouvert sur une vidéo d'un incendie, vraisemblablement ― avant que celui-ci ne le baisse et tourne son attention vers lui.
« Atsushi ? » Le lycéen de dernière année semblait aussi stupéfait que lui, ce qui n'était qu'une très mince consolation.
« Bonjour, se força-t-il à répondre en ignorant son cœur qui se serrait, je crois que c'est ma place. » Il désigna le siège vide à côté du rouquin, qui le dévisagea encore quelques secondes avant de se redresser subitement pour le laisser passer.
« Ça c'est une coïncidence, souffla Chuuya au passage. Tu vas aussi à Yokohama ? » Le jeune homme aux cheveux argentés opina après avoir coincé son sac devant lui et s'être installé sur le siège.
« Oui. Je vais rencontrer le nouveau mari de ma mère. »
Ce n'était pas nécessairement une information intéressante pour le rouquin, mais Atsushi avait toujours eu l'habitude de se confier à lui et les mots étaient sortis sans qu'il y réfléchisse. Chuuya hocha la tête d'un air compatissant ― ses propres parents étaient toujours ensemble, mais cela ne l'empêchait pas de faire preuve d'une grande empathie. C'était une des raisons pour lesquelles Atsushi était tombé amoureux de lui.
Chuuya était toujours une épaule présente pour les autres.
(Mais en avait-il une pour lui-même, d'épaule ?)
« Et toi ? reprit finalement Atsushi une fois que l'autre se fut assis à nouveau. Pourquoi vas-tu à Yokohama ? » Il n'était pas certain d'avoir une envie folle de faire la conversation avec son ex-petit ami, mais le trajet allait être on-ne-peut-plus long s'il se déroulait dans un silence gêné.
« Je vais rencontrer mon frère. Biologique. »
Le jeune homme aux cheveux flamboyants ajouta le dernier mot sur un ton rapide, comme s'il avait soudainement réalisé que l'information était incomplète sans cette indication. Ce dernier écarquilla les yeux avec surprise : il savait que Chuuya avait commencé à se renseigner sur ses parents biologiques, qu'il n'avait jamais connus, mais ignorait que sa recherche pour remonter son ADN avait été aussi concluante. Le jeune homme aux cheveux roux sembla remarquer sa surprise, car il esquissa un petit sourire :
« Tu es la première personne à le savoir. Je n'ai pas dit à mes parents que j'allais sécher aujourd'hui pour le voir.
― Je suis sûr que tout se passera bien. » sourit à son tour Atsushi. Chuuya secoua la tête positivement, comme pour chasser en même temps toutes ses pensées négatives.
« J'espère. On a déjà discuté par messages... Tout devrait bien se passer. »
Il se doutait que son ancien petit ami était nerveux : rencontrer sa famille biologique avait toujours été un de ses objectifs, quand bien même il était délicat à atteindre. Il adorait sincèrement ses parents adoptifs, Atsushi en avait conscience ― et il avait parfois le sentiment de les trahir en essayant de retrouver ceux qui partageaient son sang. Combien de fois le jeune homme aux cheveux argentés avait-il essayé de le rassurer en lui disant que ce n'était pas le cas ? Chuuya avait tous les droits de vouloir partir sur les traces de ceux qui lui avaient donné la vie, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi l'avaient-ils abandonné.
Il n'était d'ailleurs pas certain que le jeune homme se soit entièrement libéré de ses troubles, même s'il allait rencontrer son frère biologique. Il suffisait de voir sa posture raide et ses gestes parasites pour comprendre qu'il ressentait un certain stress malgré tout. Voyant que l'autre s'était muré dans un silence songeur, Atsushi n'insista pas et tira son portable de son sac pour le consulter. Il y découvrit plusieurs appels manqués de son père et soupira légèrement. Celui-ci n'était pas vraiment d'accord avec la démarche d'Atsushi de se rendre à Yokohama pour rencontrer sa mère et son « nouveau père », mais n'avait pas objecté sur le coup... Sans doute voulait-il qu'il change d'avis maintenant : il lui avait déjà fait le coup plusieurs fois.
Désolé papa, songea-t-il, mais je dois le rencontrer au moins une fois pour savoir avec qui maman a refait sa vie. Il avait beau n'en ressentir aucune envie personnelle, il devait bien cela à sa mère envers qui il ne conservait aucun grief malgré sa disparition soudaine.
Il s'enfonça un peu plus confortablement dans son siège et soupira. Son regard se posa sur la fenêtre ; il apercevait des bâtiments du centre-ville au loin. Un long panache de fumée semblait s'échapper d'une des tours les plus hautes, et des sirènes étaient audibles au loin.
Un incendie ? songea le jeune homme. Voilà qui risquait de mettre la pagaille dans leur petite ville...
« Je parie sur une origine criminelle.
― Et moi sur un accident. Regarde, les flammes se répandent. Si c'était criminel, le coupable aurait fait attention à ce que cela ne touche pas autant de bâtiments.
― C'est peut-être un pyromane.
― Plus le feu sera répandu, plus la peine sera lourde s'il se fait prendre. Le plus logique aurait été d'être prudent.
― Les pyromanes n'ont pas toujours le sens de la demi-mesure.
― Dites donc vous deux, vous pourriez avoir une conversation moins lugubre ?
― Non. »
La réponse, prononcée de concert par Osamu et Fyodor, fit froncer les sourcils au professeur Oda, qui les toisait depuis son siège adjacent. Nul doute que le professeur aux cheveux auburn regrettait de s'être proposé en accompagnateur pour cette sortie scolaire à Yokohama. Dazai le connaissait si bien qu'il pouvait à peu près lire les émotions de son visage : une part de lui était inquiète pour ses deux étudiants à la conversation tout sauf normale, tandis que l'autre songeait qu'il aurait été surprenant qu'ils conversent simplement de la pluie et du beau temps.
« Ils disent que c'est un accident. Dazai a raison. » La voix de Shibusawa, qui consultait son téléphone, assis à l'autre bout du couloir aux côtés d'un Alexander déjà endormi, résonna soudainement et fit s'afficher une moue agacée sur le visage de Dazai.
« On ne voulait pas savoir ! » protesta-t-il. Il adressa néanmoins un sourire moqueur à Fyodor ensuite. « Ravi de gagner encore une fois notre joute verbale.
― Cela fait trente-six à trente-sept. Je suis toujours en tête. » rétorqua posément le lycéen aux cheveux violets.
L'année scolaire avait commencé six mois auparavant, amenant avec elle le retour de leur compétition annuelle : gagner le plus de débats contre l'autre. Fyodor et Dazai étaient dans la même classe depuis leur première année de lycée ― pour le plus grand malheur de tous leurs professeurs au bout de quelques jours ― et avaient instauré cette habitude dès la cérémonie, quand ils avaient tous deux argumenté sur l'explication la plus plausible à la soudaine panne d'électricité qui était survenue alors que le directeur montait sur scène.
(Les dés étaient pipés : Fyodor avait demandé à ses deux amis d'enfance, Nikolaï et Shibusawa, de couper l'électricité, ce qui lui avait garanti une première victoire. Dazai n'était cependant pas du genre à baisser les bras facilement, et ils avaient continué tout au long de l'année.)
« Il y en a eu plusieurs coup sur coup, commenta Shibusawa de nouveau, tout en faisant défiler les informations sur son téléphone. Apparemment, les incidents se multiplient et les pompiers sont débordés.
― Coup de malchance s'abattant sur le Japon ? ironisa le jeune homme aux cheveux bruns.
― Ils parlent plutôt d'émeutes. » Fyodor et Tatsuhiko parlèrent en même temps ― l'un avait les nouvelles sous les yeux, l'autre le fixait simplement avec amusement. Le jeune homme aux cheveux violets ajouta ensuite :
« Trente-huit à trente-six.
― Tricheur. On n'a même pas débattu avec des arguments. » Le brun laissa échapper un profond soupir avant de poser le menton sur la paume de sa main et d'observer le quai qui se vidait. « Pourquoi va-t-on à Yokohama pour un voyage scolaire ? On ne pouvait pas aller directement à Tokyo ?
― Il y a plus de choses intéressantes du point de vue de notre programme à Yokohama, répondit le professeur Oda sans même le regarder. Et puis, c'est plus facile de gérer un groupe scolaire dans une ville moins grande qu'une capitale.
― On peut se gérer tout seuls, lâcha le brun avec un grand sourire.
― J'en doute. »
Alors que Dazai allait protester, un coup de sifflet retentit dans la gare, et les portes du train coulissèrent pour se fermer. Enfin, ils partaient. Le brun se cala un peu mieux dans son siège ― il allait sans doute très vite aller se balader une fois que le train serait parti et aurait adopté sa vitesse de croisière, mais il pouvait ainsi observer un peu mieux ses camarades. Ils étaient une vingtaines dans le wagon, tous parmi les élèves du groupe de soutien du professeur Oda. La plupart considéraient que Fyodor et Dazai avaient volé des places aux autres, car ils faisaient partie du groupe mais n'en avaient objectivement pas besoin, mais ceux-ci étaient très heureux de pouvoir quitter un peu leur campagne et leur lycée élitiste pour découvrir le reste du Japon. Le brun était déjà parti à Tokyo, avec ses parents quand il était jeune, mais il ne connaissait que de nom la métropole de Yokohama.
Autant dire qu'il avait hâte de découvrir un peu mieux cette ville... mais uniquement parce qu'il y voyait de nombreuses opportunités de créer des débats avec Fyodor, et bien sûr, de les gagner. Après tout, ils étaient en dernière année et c'était leur dernière chance de triompher sur l'autre. A l'issue de la première année, Fyodor avait remporté la victoire de leurs petits débats. Dazai avait pris sa revanche l'année suivante. Ils étaient donc à égalité et Dazai avait bien l'intention de gagner définitivement.
Une fois que le train eut adopté une allure constante, permettant aux passagers de se déplacer sans craindre les accélérations soudaines, il se redressa pour partir officiellement en quête du wagon restaurant. Officiellement seulement, parce qu'il voulait surtout faire un tour des wagons pour observer les gens. C'était quelque chose qu'il aimait faire au quotidien, aussi psychopathe que cela puisse sembler. Les gens ne cessaient de l'étonner par la multiplicité de leurs attitudes et réactions.
Il avança donc entre les sièges, remontant tout d'abord le train vers l'avant et détaillant les passagers. La plupart d'entre eux étaient des travailleurs à l'air soucieux ou des personnes âgées discutant tranquillement. Aucun autre groupe en voyage scolaire ne semblait présent, mais le regard de Dazai accrocha quelques visages de jeunes lycéens comme lui : dans un wagon, il repéra un jeune homme aux cheveux gris clair en pleine conversation par messages à en juger par son visage tendu ; dans un autre, juste avant la première classe, il aperçut un frère et une sœur aux cheveux noirs chacun tenant un livre dans ses mains. Quelques autres jeunes étaient à bord mais ils retinrent beaucoup moins son attention.
Ce qui l'attira en revanche, ce fut le petit attroupement qu'il rencontra au niveau des toilettes qui séparaient la quatrième et la cinquième voiture. Un contrôleur aux cheveux blonds rassemblés en une queue de cheval était penché dans une cabine, tandis que d'autres voyageurs écoutaient ce qu'il disait. Dazai en fit de même en se plaçant légèrement sur le côté ― sa curiosité était piquée.
« Monsieur, s'il vous plaît. » Le contrôleur semblait très légèrement exaspéré, quand bien même son ton restait poli et composé. Il n'obtint pas de réponse que le jeune lycéen pouvait entendre depuis son point d'observation ; et il ne dut pas en obtenir du tout, car il reparla quelques secondes plus tard : « Pouvez-vous me montrer votre billet ? »
Il y eut un nouveau silence et le jeune homme aux cheveux bruns décida de se déplacer pour avoir une meilleure vision des toilettes. Il dut pour cela pousser beaucoup de passagers qui le regardèrent avec agacement, mais parvint à se faufiler assez près pour entrapercevoir une silhouette recroquevillée dans la petite cabine, qui évitait de regarder dans leur direction, perdue dans la contemplation du mur.
Un bref coup d'œil permit à Dazai de se rendre compte que c'était vraisemblablement un sans-abri assez éprouvé par un quelconque événement qu'il ne pouvait deviner. L'homme disparaissait presque entièrement sous ce qui ressemblait à une couverture chaude qui ressemblait à s'y méprendre à un futon ; seul son visage de profil était discernable.
« Ils seront bientôt là... » murmurait-il en boucle ― Osamu pouvait s'en rendre compte maintenant qu'il s'était rapproché.
Sans doute n'avait-il plus toute sa tête, songea avec détachement le lycéen aux cheveux bruns. Au prochain arrêt, l'équipage allaient probablement le contraindre à descendre puisqu'il perturbait selon toute logique la quiétude du train.
Il fit demi-tour sur ce constat froid ― il fallait qu'il repasse devant le professeur Oda pour le rassurer car il était déjà parti depuis une dizaine de minutes ― et traversa un autre couloir entre deux wagons. Il manqua alors de heurter quelqu'un venant en sens inverse. L'individu, de petite taille, laissa échapper un juron peu élégant avant de le foudroyer du regard.
« C'est trop vous demander de faire attention ? » souffla-t-il sur un ton ennuyé.
Dazai l'entendit à peine, trop occupé à scruter avec attention le visage du nouveau venu. Ses yeux bleus lançaient des éclairs et il repoussa une mèche de cheveux roux qui tombait dans son champ de vision pour le toiser ― malgré ses centimètres d'écart, il parvenait plutôt bien à s'imposer, nota le brun avec amusement. Il songeait aussi que c'était la première fois depuis longtemps qu'il voyait quelqu'un d'aussi « coloré » ― quand on côtoyait Fyodor et Shibusawa, on s'habituait à voir uniquement des nuances de blanc, de gris et éventuellement de mauve sur les autres. Le nouveau venu, lui, avait du rouge et du bleu en majorité, mais aussi d'autres teintes sur ses vêtements.
« Pardon, finit-il par s'excuser. Je ne vous avais pas remarqué. » Il ravala son envie de faire une remarque sur la taille de l'autre ― une hôtesse n'était pas loin et il ne voulait pas faire d'esclandre qui se rendrait aux oreilles de ses professeurs. Celui-ci plissa les yeux avant de répondre :
« C'est moi qui m'excuse. J'ai été inutilement désagréable. » Cette remarque sembla lui coûter un effort considérable et Osamu ne put résister à le taquiner :
« Ne vous inquiétez pas, à votre âge, c'est normal. »
Sa promesse de ne pas faire d'esclandre avait été bien vite balayée par la tentation de faire une pique bien acerbe. Il était capable de se retenir une fois, pas deux... Son interlocuteur expira longuement avant de le foudroyer à nouveau du regard.
« Je prendrais garde à ne plus déranger le troisième âge. » finit-il par rétorquer.
Le sourire d'Osamu s'élargit. Il aimait bien ce nouveau venu. Il n'avait pas sa langue dans sa poche. Mais alors qu'il allait faire une remarque pour renchérir, un cri résonna dans le train.
Un cri strident, probablement d'une femme, marqué par la peur.
Tous les passagers se figèrent, tandis que le cerveau de Dazai se mettait à tourner à vive allure. Que se passait-il ? Une dispute ? Une agression envers un membre du personnel ? Il regretta l'absence de Fyodor, ils auraient pu faire de cet événement leur nouveau sujet de dispute.
Il fit un pas en avant pour se diriger dans la direction du cri et faillit alors heurter l'inconnu aux cheveux flamboyants qui prenait la même direction au lieu, vraisemblablement, de retourner à sa place. Ils se jaugèrent du regard ― Dazai avait un petit sourire, l'autre un air ennuyé.
Ce voyage s'annonçait très intéressant.
Chuuya était certain d'une chose : ce type en uniforme scolaire lui tapait sur les nerfs. Avec son air d'imbécile heureux et ses remarques puériles, il avait tout pour lui prendre la tête, ce qu'il détestait, bien évidemment. Personne n'aimait qu'on joue avec ses nerfs ― et les gens qui disaient que ceux qui se chamaillaient le plus faisaient les plus beaux couples étaient de profonds abrutis. Quand on détestait quelqu'un, cela ne signifiait pas qu'on pouvait l'aimer du jour au lendemain.
L'autre lui colla aux basques telle une glue alors qu'il essayait de se rapprocher de l'origine du cri. D'autres passagers en faisaient de même, et ils se retrouvèrent rapidement bloqués devant une porte séparatrice trop étroite pour être traversée par tout le monde en même temps. Le lycéen maudit tous les dieux pour les centimètres qu'ils avaient oublié de lui accorder, car il ne voyait strictement rien. Tous les gens devants étaient trop grands, et leur champ de vision commun était de toute manière bouché par un autre attroupement plus haut.
Même l'abruti semblait rencontrer des difficultés à comprendre ce qui se passait. Le silence se prolongeant, des murmures interrogateurs commencèrent à emplir la zone où ils trouvaient.
« Qu'est-ce que c'était ?
― Un passager souffrant peut-être ?
― Il hurlerait toujours si c'était le cas.
― Quelqu'un a contacté le conducteur ou l'équipage ?
― Oui, moi tout à l'heure.
― Je crois que quelqu'un arrive. »
Toutes les têtes pivotèrent pour regarder derrière, Chuuya compris. Il aperçut en effet une jeune femme en costume cintré aux couleurs de la compagnie ferroviaire, cheveux noirs assemblés dans un chignon haut, se diriger dans leur direction. La foule se fendit pour la laisser passer, alors qu'elle remontait le wagon avec un air inquiet sur le visage.
« Mesdames et messieurs, votre attention s'il vous plaît. » déclara-t-elle après s'être immobilisée entre les deux grands attroupements. « Tout l'équipage s'excuse pour la gêne occasionnée. Nous vous prions de rejoindre vos sièges afin de faciliter notre contrôle de la situation et...
― A L'AIDE ! » Le soudain cri qui résonna dans tout le wagon les fit tous sursauter. Chuuya essaya tant bien que mal de se mettre sur la pointe des pieds pour distinguer quelque chose, sous le regard amusé de l'autre idiot brun qui voyait tout un peu mieux (apparemment).
« Que se passe-t-il ? s'exclama un passager.
― C'est une mauvaise blague ? » s'enquit une autre. L'hôtesse avait pali considérablement et elle échangea un regard avec un de ses collègues aux cheveux roux venu la rejoindre. Celui-ci reprit la parole en conservant un ton égal :
« Gardez votre calme et regagnez vos sièges. Merci. »
Il prit ensuite les devants et se dirigea vers l'origine de l'appel à l'aide. Malgré sa demande, personne ne bougea et tous les regards restèrent fixés sur lui alors qu'il s'éloignait. Le silence était revenu et Chuuya sentait son cœur battre à tout rompre. La plupart des autres passagers semblaient assez anxieux eux aussi et il surprit plusieurs murmures paniqués. Que se passait-t-il ? Pourquoi cet appel à l'aide ?
Il flottait dans l'air une atmosphère anxieuse dont le rouquin se doutait de l'origine : sur les réseaux sociaux et dans les journaux télévisés, dont l'un d'eux était diffusé dans les wagons, s'enchainaient les vidéos et les témoignages ahurissants. Dans les rues, des gens se mettaient soudainement à en agresser d'autres sans raison. Des coupures d'électricité survenaient dans les bâtiments sans crier gare, des cendres tombaient sur certaines habitations tandis que des quartiers entiers étaient ravagés par les flammes et que des immeubles du gouvernement étaient pris d'assaut.
Le monde ne semblait pas tourner rond ce matin-là. Chuuya avait vu les annonces, elles étaient omniprésentes en ligne, et il sentait lui aussi ce malaise s'accroître en lui avec ce cri. Sans tomber dans la paranoïa, il avait l'impression que la situation entière commençait à leur échapper. Dans ce train, ils étaient coupés du reste du monde, presque dans une petite bulle tranquille.
Mais à l'arrivée...
Le seul qui semblait serein, c'était ce type bizarre qu'il avait croisé un peu plus tôt. Il observait le tout avec un air impénétrable.
« Chuuya ? » Il tressaillit en entendant son nom ― mais ce n'était qu'Atsushi qui l'avait rejoint. L'inquiétude était aussi lisible sur son visage. « Qu'est-ce qu'il se passe ?
― Si seulement on le savait, répondit le rouquin.
― Probablement une agression, lâcha le brun à leurs côtés, et tout le monde se tourna vers lui pour l'écouter. Peut-être que quelqu'un est monté sans autorisation et que cette personne a employé la force pour rester quand on a tenté de la faire descendre. » C'était une explication plus que convaincante, songea Chuuya, mais l'attitude hautaine de l'autre plus tôt l'avait suffisamment agacé pour qu'il pense cela à contrecœur.
« J'espère que cela va aller pour le personnel de bord... »
Atsushi semblait anxieux ― Chuuya savait que son empathie démesurée ressortait dans ce genre de situations. Il posa une main qui se voulait réconfortante sur son épaule dans un vieux réflexe et le regretta quand il vit l'autre se raidir et se décaler légèrement. Il le regretta d'autant plus en surprenant le regard curieux que Dazai leur décocha après avoir été témoin de cette réaction. Chuuya lui retourna un regard noir pour le dissuader de dire quoi que ce soit. Il n'avait pas besoin que l'autre empire la situation avec ses remarques.
De plus, il était toujours compliqué pour lui de devoir expliquer que oui, Atsushi et lui étaient sortis ensemble, et que oui, il était celui qui avait rompu parce qu'il avait ressenti un déséquilibre dans leurs façons d'aimer. Atsushi avait un grand cœur, prêt à se remplir d'amour pour Chuuya ― et s'il en était flatté, il avait vite senti que lui-même ne retournait pas ces sentiments avec autant de force. C'était idiot : Atsushi était quelqu'un de bien. De trop bien, même. Chuuya aurait voulu l'aimer autant qu'il le faisait.
Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore.
(Il détestait ce putain d'adage.)
Un nouveau cri déchira le silence et fit reculer tout le monde ― celui-ci semblait plus proche que les précédents. Et puis, d'autres résonnèrent, de plus en plus aigus et désespérés. Chuuya blêmit ― un petit coup d'œil à ses côtés lui apprit qu'Atsushi était aussi pâle que ses cheveux, que la plupart des passagers semblaient également au bord du malaise et que même Dazai avait froncé les sourcils.
Certains voyageurs essayèrent de s'approcher pour trouver l'origine des cris, mais la majorité restait figée par la peur ― Chuuya ne les blâmait pas, lui aussi avait les jambes en coton. Les cris résonnaient désormais dans tout le wagon en continu, trahissant la peur et la douleur de tous ceux qui les émettaient, mais aussi quelque chose de plus insidieux que le lycéen n'était pas sûr de réussir à nommer.
Au bout d'un moment dont la longueur était impossible à déterminer, le brun esquissa le geste de fendre la foule pour venir en aide à ceux qui criaient ― mais, une seconde plus tard, les passagers les plus en avant se retournèrent en hurlant et prirent la fuite sans se soucier de heurter la foule encore amassée à l'arrière. Chuuya dut se plaquer contre la porte des toilettes pour ne pas se faire piétiner ― il tourna immédiatement son regard vers la raison de leur terreur pure et sentit son cœur s'accélérer encore plus.
Un homme aux longs cheveux sombres se tenait devant eux. Ses vêtements étaient déchirés et couverts de sang, la peau de son cou semblait avoir été violemment lacérée, et ses yeux étaient hagards. Il les dévisagea un instant, vacillant sur sa position. Puis, il grimaça, faisant apparaître ses dents et un filet de bave. Et enfin, il s'élança.
Il aurait atteint le brun encore devant lui si Chuuya ne s'était pas jeté en avant pour attraper le poignet de celui-ci et avait détalé en sens inverse, attrapant Atsushi avec sa main libre. Ils remontèrent les wagons à toute allure, mettant en garde les passagers qui les regardaient faire médusés. Le rouquin ignorait ce qui était en train de se passer, mais ce n'était pas normal. Pas du tout.
Autour d'eux, les cris augmentaient de plus en plus. Aux hurlements de terreur des passagers se mêlaient aux bruits émis par l'homme inquiétant ― d'étranges grognements qui ne le faisaient même plus ressembler à un humain doté de parole. Ces grognements étaient si forts qu'on aurait dit que plusieurs personnes les émettaient ― et en se tournant, Chuuya découvrit que l'homme n'était en effet plus seul. D'autres individus s'étaient joints à lui, en moins mauvais état physique mais tout de même blessés au niveau du cou. Ils se jetaient sur les passagers les plus lents et pris de court, et le rouquin détourna les yeux ensuite, effrayé par la perspective de ce qu'ils leur faisaient.
Qu'est-ce qui est en train de se passer putain ?
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