「 épisode quatre 」

nda - vous savez à quel point c'est dur de trouver des temps morts dans Dernier Train pour Busan ? 😭 mon découpage est catastrophique parce que tout s'enchaîne à une vitesse indécente. j'espère malgré tout que le chapitre n'est pas trop confus ou rapide-

j'en profite pour annoncer que cette histoire aura des bonus qui viendront par moments se rajouter entre les épisodes que je poste là : il y a quelques scènes que je ne peux pas adapter au sein de l'histoire car elles concernent des personnages annexes mais qui restent, à mon sens, intéressantes pour combler les vides que je laisse parfois. donc, il y aura prochainement un épisode bonus entre les chapitres trois et quatre qui reviendra sur la situation du train et la raison pour laquelle il part sans certains passagers. Ce ne sera pas le seul bonus, mais j'annoncerai les autres le moment venu !

en attendant, bonne lecture ! Le prochain chapitre sortira le 02 mars :)

chapitre quatre, regarder en avant
(derrière ne restent que les regrets et les cadavres)
.

Avec un nouveau juron, Chuuya se précipita sur la fenêtre, confirmant ses craintes profondes : ce n'était pas une vue de l'esprit, le train était bien en train d'avancer doucement pour quitter la gare.

« Putain ! » lâcha-t-il de nouveau.

Il ne pouvait pas croire qu'ils allaient les abandonner... Ignoraient-ils que tout le monde n'était pas dans le train ? C'était une possibilité mais Chuuya la trouvait offensante. Et inquiétante. N'y avait-il plus personne pour remarquer leur absence ?

« Il faut qu'on se dépêche ! » s'exclama Dazai. Néanmoins, son regard se porta sur les zombies qui leur bloquaient le passage (mais leur tournaient encore le dos) et il fronça les sourcils.

« T'aurais pas encore un plan de génie pour nous tirer d'affaire ? s'enquit Chuuya.

À part frapper ces zombies tu veux dire ? » rétorqua le brun, visiblement pince-sans-rire.

Leurs deux compagnons gardèrent le silence, sans doute en proie à une grande panique intérieure. Dazai leur jeta un regard en coin en attrapant la première chose qui lui passait, à savoir une brique qui traînait et dont l'utilité première était sans doute de maintenir une porte ouverte en permanence. Le bruit de la pierre contre le sol résonna dans le silence relatif et fit converger vers eux l'attention de tous les monstres alentours.

Chuuya n'était clairement pas convaincu par cette décision.

Et il le fut encore moins en voyant que le brun arrivait à peine à la soulever.

Heureusement que les zombies étaient lents.

« Tu parles d'un plan. » Il prit la brique des mains du lycéen avant de la balancer sur la tête du zombie le plus proche d'eux. Celui-ci tomba en arrière et se heurta aux autres qui venaient à toute allure dans leur direction ― Chuuya n'était pas peu fier de son lancer, mais l'autre idiot renifla d'un air méprisant.

« Il aurait mieux valu la jeter sur la fenêtre pour qu'on puisse sortir par là, génie. » Chuuya admit en son for intérieur que c'était une bien meilleure idée mais se garda bien de le dire. À la place, il balaya les environs d'un regard rapide avant de foudroyer Dazai du regard.

« Je pense que j'obtiendrais le même effet en balançant ta tête dure, t'inquiète. »

La vérité, c'était qu'il avait compris qu'ils n'avaient rien d'autre à jeter contre la vitre, sauf si quelqu'un transportait dans sa poche une brique ou quoi que ce soit d'aussi lourd, ce dont il doutait largement. Et le temps leur était compté. Le regard du rouquin passa successivement des fenêtres qui donnaient sur le quai au groupe de zombies qui chargeait de nouveau dans leur direction. Dazai et les deux autres reculèrent mais lui resta immobile.

Lorsque le premier zombie l'atteignit, il esquiva son attaque sans trop de mal ― ils étaient bien plus lents que tous ceux avec qui il s'était battu par le passé. Puis, avec un geste qui se voulait expert, il attrapa celui-ci par les épaules, le fit basculer vers la fenêtre et, en fin de compte, encastra son crâne dans le verre d'un coup de pied savamment placé dont il avait le secret.

Le verre ne se brisa pas sur le coup, mais Chuuya n'eut qu'à donner un second coup de poing par-dessus le zombie sonné pour que la fenêtre s'ouvre.

« Venez ! » cria-t-il ensuite en se tournant vers ses camarades, après avoir enjambé le rebord de la fenêtre.

Le train n'était déjà plus accessible depuis le bout du quai le plus proche d'eux, et il continuait de s'éloigner doucement. Ses acolytes étaient également aux prises avec d'autres zombies, et Chuuya tenta de leur venir en aide pour leur faciliter le passage jusqu'à la fenêtre en donnant quelques coups à ceux qui passaient à proximité de lui, après avoir couvert au maximum sa peau.

Le premier à l'atteindre fut l'un des deux hommes, le plus petit. Il hésita avant de s'élancer en entendant les cris des zombies derrière lui ; il sauta de la fenêtre jusqu'au dôme quelques mètres en dessous, dont le but purement esthétique trouvait enfin une utilité pratique, et se réceptionna maladroitement dessus. Tandis que son ami s'élançait à son tour, il se laissa glisser jusqu'en bas et disparut du champ de vision du jeune homme aux cheveux flamboyants.

Il espérait qu'il parviendrait à se faire remarquer par le conducteur du train, et que celui-ci ralentirait alors pour leur laisser une chance.

Dazai le rejoignit à son tour, cessant alors de distraire les zombies qui se dirigèrent de concert vers eux. Les deux jeunes hommes sautèrent l'un après l'autre par la petite fenêtre ; et si Chuuya se réceptionna bien sur le dôme, il dut retenir le brun par le bras, celui-ci ayant commencé à glisser vers l'extérieur et risquant de s'écraser sur la voie s'il n'essayait pas un tant soit peu de se retenir.

« On croirait que t'as jamais fait ça de ta vie, bougonna le rouquin en descendant précautionneusement, en le tenant toujours par le bras.

Sauter d'une fenêtre en hauteur pour échapper à un groupe de zombies qui veut ma peau ? Je ne l'ai jamais fait, effectivement.

A voir ton aisance naturelle, je dirais que c'est de l'activité sportive que tu n'as jamais fait.

Quelle méchanceté ! J'ai de très bonnes notes en éducation physique, je te ferais signaler. Je voulais juste savoir ce que ça faisait, de tomber ainsi. » Le rouquin lui adressa un regard sidéré.

« Tu crois pas que c'est pas le moment de se lancer dans ce genre d'expériences ?

C'est toujours mieux que de se laisser manger par un zombie. »

Chuuya décida de laisser tomber le sujet, comprenant que son interlocuteur était juste complètement tordu. Discuter avec lui lui apparaissait comme une perte de temps incommensurable, et le temps, ils ne l'avaient pas. Le train roulait toujours, et la tête de queue commençait même à disparaître de leur champ de vision.

« Là, c'est le moment de me montrer tes fameuses bonnes notes en sport. » lâcha le jeune homme aux cheveux flamboyants. Il laissa tomber la main de son interlocuteur pour chercher du regard leurs deux acolytes. Dazai lui intima cependant de partir en avant d'un geste du menton.

« Comme tu l'as souligné, on a pas le temps pour ça. Les zombies arrivent, et le train s'en va.

Mais... Ces deux-là...

Regarde. » le coupa le brun.

Il lui désigna du menton un groupe de zombies qui était rassemblé en un seul point, autour de ce qui ressemblait à deux corps. Un frisson parcourut le rouquin lorsqu'il entraperçut des vêtements maculés de sang, malgré tout familiers.

« Ils ont dû être pris de court par les zombies. Et on ferait mieux de s'assurer que ce ne soit pas notre cas. »

Chuuya ne parvenait pas à détacher les yeux de ces deux types dont il ne connaissait même pas le nom et qui étaient en train de mourir. Il savait que c'était déjà trop tard pour eux, mais la profonde injustice de la situation lui donnait une furieuse envie de crier. Il se sentait à peine capable de bouger ; une pression sur ses doigts le ramena à la réalité. Dazai était toujours là, lui aussi.

« C'est trop tard pour eux, mais pas pour nous, OK ? » Le train qui continuait de rouler loin d'eux semblait crier le contraire, mais Chuuya ne protesta pas. Il prit une profonde inspiration avant de hocher la tête.

« OK. » répondit-il.

Et puis, ils mirent à courir.

Les zombies qui se baladaient sur le quai ne tardèrent pas à les repérer. Ils étaient nombreux : il y avait des militaires, mais aussi des passagers qui avaient sans doute été mordus en tentant de remonter dans le train. Par il ne savait quel miracle divin, ils étaient beaucoup plus en retrait sur le quai qu'eux ; ainsi, même s'ils les repérèrent au bruit de leurs chaussures sur le sol, ils n'eurent pas le temps de bouger pour tenter de les toucher ― ils étaient déjà passés aussi vite que possible.

Lorsque Chuuya prit conscience que le train était sur le point de dépasser le bord du quai, il songea que c'était sans doute la fin pour eux.

Mais au même moment, la porte la plus en arrière du train s'ouvrit, et une jeune femme aux longs cheveux noirs en sortit. Elle leur tendit une main en s'agrippant de toutes ses forces au métal de la voiture.

Une main salvatrice, que le soleil derrière elle illuminait presque.

Et que Dazai parvint à attraper ― il courait vite finalement, Chuuya devait l'admettre, et il n'avait jamais été aussi content de toujours tenir sa main.

Et puis, la jeune femme les hissa tant bien que mal à bord du train.

Le duo se laissa tomber sur le sol, le souffle court.

Honnêtement, Chuuya n'aurait pas été surpris d'apprendre qu'ils étaient morts.

Mais la chaleur qu'il ressentait à cet instant présent au fond de son cœur et de ses tripes lui dictait qu'il était encore bien en vie.

Ryunosuke en était certain : s'il y avait quelqu'un en train de les regarder là-haut, il devait trouver toute cette situation hilarante.

Lorsqu'ils étaient descendus du train, il avait pensé qu'ils allaient enfin pouvoir retrouver un semblant de vie normale. Ils allaient tomber sur l'armée qui allait les escorter en sécurité le temps que cela se calme, et puis ils pourraient rejoindre leurs parents et enfin avoir des nouvelles. Leurs téléphones à Gin et lui demeuraient silencieux, et leurs appels étaient restés sans réponse.

Bien sûr, il n'allait pas laisser une quelconque panique l'envahir. Pas comme tous ceux qui les entouraient depuis le début de cette mésaventure et qui avaient enchainé crise d'angoisse et crises de larmes en imaginant le pire pour leurs proches parce qu'ils ne répondaient pas.

Certes, c'était quelque chose d'inquiétant en soi. Mais dans toute la cohue qui avait envahi les villes à en juger par les réseaux sociaux, il était plus que probable que les choses soient compliquées en ville présentement.

(Il avait volontairement évité de chercher le nom de l'hôpital où se trouvait son père et sa mère actuellement dans un moteur de recherches.)

Quoi qu'il en fut, Ryunosuke espérait qu'on allait leur donner de bonnes nouvelles, ou en tout cas des nouvelles assez encourageantes pour dissiper les inquiétudes et le sentiment de malaise qui s'était emparé de tout le monde.

Il aurait dû savoir que l'optimisme n'apporte jamais rien de bon.

Quand ils étaient entrés dans le hall, il avait senti que quelque chose clochait. Personne d'autre qu'eux n'était en vue, et la gare semblait elle aussi avoir été balayée par une vague de panique. Gin avait également dû sentir que tout ceci était anormal car elle s'était rapprochée de lui et avait murmuré :

« Où sont les militaires ? »

La seule chose qui lui avait répondu avait été un cri en provenance de ceux qui se trouvaient au devant du groupe, vite suivi par des bruits de zombies. Un groupe était apparu dans leur champ de vison en poussant des grognements et la panique avait suivie : tout le monde s'était retourné et Ryunosuke avait agrippé sa sœur de toutes ses forces.

Pendant un bon moment, il s'était trouvé dans l'incapacité totale de savoir ce qui se passait autour d'eux. Des gens hurlaient, tombaient, se marchaient les uns sur les autres. Les cris humains se mêlaient à ceux des zombies et il en devenait difficile de savoir de quelle nature étaient les gens qui étaient le plus nombreux aux alentours. À deux reprises, le jeune homme aux cheveux bicolores avait eu des mouvements de recul protecteurs en direction de sa sœur après avoir vu des individus inquiétants se diriger vers eux ; les deux fois ne furent que des fausses alertes heureusement.

Les choses se complexifièrent lorsqu'un second groupe de zombie arriva dans le hall, sortant d'on ne savait où. Le mouvement de foule fut si brutal que le frère et la sœur Akutagawa furent séparés ― et le jeune homme avait eu beau scruter les alentours de toutes ses forces une fois ses esprits recouvrés, il avait dû se rendre à l'évidence.

Il avait perdu Gin.

Hors de question de repartir sans elle, avait-il songé et il s'était élancé à sa recherche. En vain. Alors qu'il passait en revue les visages, aussi bien des vivants que des zombies, tout en répétant le prénom de sa cadette comme une longue litanie, une main s'était posée sur son épaule.

« Hey. Ne reste pas ici, c'est dangereux. » Celui qui avait parlé était un homme probablement un peu plus âgé que lui, aux cheveux auburn et aux yeux bleus. Il avait cet air que prennent souvent les adultes quand ils aperçoivent un enfant qui a besoin d'aide et cela agaça Ryunosuke qui le foudroya du regard.

« Il faut que je retrouve ma sœur. »

Peu importe la dangerosité supposée de l'endroit, il n'allait pas partir sans elle. Hors de question.

Tous les deux, ils devaient rejoindre leurs parents.

Tous les deux, ils devaient rester ensemble.

Il devait veiller sur elle, il était l'aîné après tout.

« Tu ne risques pas de la trouver ici, avait rétorqué son interlocuteur. Regarde le chaos ambiant. » Il lui avait désigné les cris et les zombies environnants d'un geste de la main. « Si ta sœur te cherche aussi, elle finira par se diriger vers le train. C'est là qu'on doit tous retourner. »

Au loin, les plus rapides étaient déjà en train d'atteindre les wagons de première classe en criant de terreur. Les zombies n'étaient pas encore lancés à leurs trousses, sans doute n'allaient-ils pas le faire tant qu'il y aurait encore des gens en vie dans le hall, aussi ces gens avaient-ils pu trouver un refuge dans ce train.

Mais cela ne durerait sans doute pas.

Ryunosuke avait lentement pris conscience du fait que les cris cessaient autour d'eux, non pas parce que les zombies diminuaient en nombre mais parce qu'il n'y avait quasiment plus âme qui vive réellement autour. Tous les passagers de ce train ― lui compris ― n'étaient pas des combattants. Ils étaient de simples civils paniqués et pris de court par une situation que personne n'aurait pu imaginer, à part dans ses cauchemars.

Ils étaient des hommes mortels ; comment ne pas en prendre conscience devant les corps qui s'amoncelaient sur le sol devant eux ?

« On a plus le temps. »

L'inconnu aux cheveux auburn l'avait tiré sans ménagement, et le jeune homme aux cheveux bicolores s'était laissé faire. Il avait alors remarqué qu'il n'était pas le seul sous la tutelle provisoire de cet adulte prévenant ; avec eux, il y avait également le type qu'il avait rencontré plus tôt.

Le jeune homme aux cheveux argentés qui leur avait cédé sa place.

Et qu'il avait, sans trop savoir pourquoi, réconforté après l'avoir trouvé en train de pleurer sur le sol.

Atsushi Nakajima.

Il l'avait perdu de vue après avoir rejoint sa sœur. Il pensait que le jeune homme avait retrouvé son ex-petit ami en descendant, mais il s'était vraisemblablement trompé.

Sauf si le jeune homme n'avait pas survécu, bien sûr.

Et soudainement, le paysage avait changé ; ils s'étaient retrouvés dehors, en train de descendre à toute vitesse les escaliers menant au quai. Derrière eux, nombre de zombies avaient déjà commencé à les poursuivre ; Ryunosuke ne voyait que quelques silhouettes encore debout dans le hall et il ignorait s'il s'agissait de zombies ou non. Le chaos était tel qu'il était facile de se méprendre.

Une chose était sûre, il avait complètement perdu Gin.

La poigne du jeune homme aux cheveux auburn était ferme contre son bras et il n'était pas parvenu à s'en défaite malgré tous ses efforts jusqu'à ce qu'ils atteignent les wagons de première classe dont ils étaient sortis un peu plus tôt. Ryunosuke ignorait comment il avait fait, mais le type inconnu était parvenu à dépasser une bonne partie de la foule avant eux ; le jeune homme aux cheveux bicolores n'apercevait malgré tout pas sa sœur dans la foule.

Il avait songé qu'il allait pouvoir la chercher à l'abri des zombies maintenant qu'ils étaient sur le quai mais avait été vite détrompé par des cris de panique : dans leur désespoir, plusieurs passagers s'étaient rués sur les premiers wagons à leur portée, oubliant que certains étaient remplis de zombies.

Les monstres s'étaient déversés sur le quai sous le regard mortifié des survivants.

Comment pouvaient-ils encore s'en sortir en vie ? Ryunosuke ignorait s'il y avait encore un espoir dans cette situation, mais son « sauveur » avait semblé avoir une opinion plus tranchée sur la question. D'un pas rapide et décidé, il s'était dirigé vers un wagon de première classe dans lequel s'engouffraient d'autres passagers et leur avait fait signe de le suivre.

Cependant, avant que Ryunosuke n'ait pu esquisser le geste de le rejoindre, il y avait eu de grands cris, et des zombies s'étaient mis à littéralement pleuvoir sur le sol. Le jeune homme aux cheveux bicolores n'avait aucune idée d'où ils sortaient, mais ils avaient semé la pagaille sur leur passage, se ruant sur les passagers les plus proches et les empêchant alors de rejoindre les wagons sûrs de première classe.

Nakajima, qui avait avisé une fille tombée au sol devant eux qui implorait les dieux de la laisser en vie, s'était dépêché de lui venir en aide, tandis que Ryunosuke continuait de chercher sa sœur du regard, en vain.

Lorsque son interlocuteur l'avait interpellé de nouveau, lui rappelant que le moment n'était pas opportun, il avait consenti à stopper ses recherches désespérées. Il avait dû accepter l'évidence, sa sœur n'était pas sur le quai. Au moins n'était-elle pas parmi les zombies qui y déambulaient.

La voix du jeune homme était pressante et Ryunosuke avait compris pourquoi en se retournant : le train avait commencé à rouler. C'était un mouvement encore faible, difficile à déceler, mais il était certain que le véhicule était doucement en train de quitter la gare. Akutagawa s'était donc dépêché de le rejoindre dans le wagon le plus proche ― priant pour qu'au moins l'une des voitures soit exempte de zombies.

Peut-être n'avait-il pas prié assez fort, ou peut-être les dieux avaient-ils simplement décidé de se moquer de lui.

En tout cas, en mettant un pied dans le compartiment, il avait compris à quel point la vie était d'une cruelle ironie.

Il y avait des zombies de part et d'autre d'eux.

Et aucune sortie de secours.

Atsushi essaya de faire le point le plus objectif possible de leur situation sans céder à la panique.

Ils étaient trois : lui-même, Ryunosuke Akutagawa, et la jeune fille à qui il était venu en aide et qui, visiblement, était trop sonnée pour parler de nouveau.

(Il pouvait le comprendre : elle avait vraisemblablement été séparée de ses proches, et avait manqué de se faire écraser puis mordre par un zombie. Elle était chanceuse d'avoir survécu.)

Ils se trouvaient entre deux voitures remplies de zombies qui, fort heureusement, ne les avaient pas encore aperçus, trop occupés à avancer sans but entre les sièges maintenant qu'ils n'avaient plus de proies à dévorer.

Atsushi osait à peine respirer de crainte de les mettre en péril.

Ils étaient des cibles vulnérables. Ils pouvaient essayer de fermer les portes séparatrices mais ils savaient tous les trois très bien que cela ferait trop de bruit. Il faudrait impérativement qu'ils ferment les deux portes en même temps, en priant pour qu'aucune d'elle ne se coince... Ce qui semblait bien peu probable vu les débris de verre au sol et les coups qu'elles semblaient avoir encaissés.

Que faire dans cette situation ? Le jeune homme aux cheveux argentés regrettait de n'avoir personne à qui se référer. L'inconnue était trop sonnée pour parler, et Akutagawa préférait visiblement essayer de joindre sa sœur en lui envoyant une pluie de messages ― l'appeler aurait été plus efficace, mais bien trop risqué. Le moindre son les condamnait.

Il balaya du regard leurs environs, cherchant une solution désespérée pour s'assurer qu'aucun zombie ne leur tombe dessus d'ici au prochain arrêt. Ils avaient perdu leur sauveur de vue, mais Atsushi était certain qu'il était monté dans un des wagons de première classe. Beaucoup de passagers avaient dû s'y réfugier de nouveau... Chuuya aussi, il l'espérait.

Il ne l'avait pas aperçu depuis leur descente, trop perdu dans ses pensées. Son père ne répondait plus et l'adrénaline due à tout ce qui venait de produire avait momentanément chassé de ses pensées le désespoir de la réalité actuelle. La douleur n'avait pas quitté son cœur et, s'il l'avait pu, il se serait roulé en boule pour oublier tout ceci.

Mais il ne voulait pas mourir et condamner tout le monde pour autant.

Avisant soudainement une cabine de toilettes laissée entrouverte, il eut une idée. A petit pas, il se dirigea vers celle-ci en faisant signe aux autres de le suivre. Il passa la tête à l'intérieur ; à sa grande stupeur, il y avait déjà une silhouette recroquevillée et il crut, pendant quelques instants, qu'ils étaient tous morts.

Cependant, lorsque l'inconnu tourna la tête dans sa direction, Atsushi ne lut que de la terreur dans ses yeux. C'était encore un humain, comme eux. Il était roulé en boule, presque comme s'il souhaitait se dissimuler sous une couverture ― mais il n'y avait plus rien dans ses mains ― et du sang maculait ses cheveux noirs, mais il ne semblait pas blessé.

Atsushi lui intima de rester silencieux en posant un doigt sur ses lèvres, et fit signe aux deux autres d'entrer dans la cabine en silence. Ils allaient être à l'étroit, mais au moins pourraient-ils fermer la porte à clé et s'isoler des zombies...

« Attention ! »

L'inconnu recroquevillé cria soudainement en regardant derrière lui, et Akutagawa attrapa le col d'Atsushi avec force pour le trainer à l'intérieur, lui permettant par la même occasion d'éviter une attaque de zombies venue de derrière. Avant qu'Atsushi ne puisse entièrement intégrer ce qui se produisait, il se retrouva plaqué contre une des parois des toilettes, tandis qu'Akutagawa essayait tant bien que mal de fermer la porte.

Cependant, l'un d'entre eux parvint malgré tout à incruster sa tête dans l'entrebâillement, pour leur plus grand désarroi. Ils eurent beau forcer, impossible de le faire reculer.

Et donc, impossible de fermer la porte.

« On va tous mourir. » lâcha l'inconnu à voix basse.

Personne ne prit la peine de répondre quoi que ce soit. Atsushi partageait son point de vue dépressif, mais une petite voix en lui lui soufflait que se lamenter ne leur apporterait rien de bon.

Même si dans une telle situation... Il était difficile de trouver le positif. Il essaya de se concentrer sur l'idée qu'on viendrait peut-être à leur secours au prochain arrêt, si les gens s'apercevaient de leur situation.

Mais soudainement, une annonce retentit, à peine audible dans les cris des zombies et ceux de terreur de l'inconnu recroquevillé, et brisa ses maigres espoirs.

« Mesdames et messieurs, c'est votre conducteur qui vous parle. Pour votre sécurité, ce train ne marquera plus aucun arrêt d'ici à Yokohama. Je répète, ce train ne marquera plus aucun arrêt d'ici à Yokohama. » Ryunosuke Akutagawa laissa échapper un claquement de langue méprisant en entendant ces mots, tandis qu'une vague de panique s'emparait du jeune homme aux cheveux argentés.

« Merveilleux. On est censés tenir comme ça pendant encore combien de temps ? Deux heures ? »

Personne n'eut envie de lui répondre. Il avait raison, bien sûr. Cela semblait absolument risible de penser qu'ils pourraient tenir tête aux zombies pendant encore deux heures. Mais que pouvaient-ils faire d'autre ? Joindre quelqu'un ? Mais qui ? Qui pouvait bien leur venir en aide dans cette situation ?

Comme une réponse muette à sa question, une sonnerie emplit soudainement la cabine de toilettes.

« C'est mon portable. » grimaça Akutagawa, comme s'il se souvenait seulement maintenant qu'il ne l'avait pas mis en silencieux. Il jeta un regard en coin à Atsushi. « Réponds. C'est peut-être ma sœur. »

Le jeune homme fouilla dans ses poches pour trouver son portable, essayant de ne pas penser à leur proximité soudaine. Une fois qu'il eut l'appareil en main, il le décrocha après avoir vérifié qu'il s'agissait bien de Gin Akutagawa.

« Ryu ? » Atsushi décida de ne pas relever le surnom affectueux au risque d'essuyer les foudres du concerné. « Tu vas bien ? reprit la jeune femme sans attendre de réponse. Je suis dans un des derniers wagons. Avec... » Il y eut des murmures en arrière-plan. « Chuuya, Dazai et Fyodor.

Chuuya ? Il va bien ? » Atsushi se souvint à peu tard qu'il ne s'était même pas présenté et que la jeune femme devait toujours penser qu'elle parlait à son frère.

« Atsushi ? entendit-il de façon un peu étouffée de l'autre côté du combiné, sans doute en provenance de Chuuya.

Si vous êtes en vie vous pouvez nous filer un coup de main au lieu de taper la conversation ! » lâcha soudainement l'aîné Akutagawa, qui tentait toujours tant bien que mal de bloquer les zombies qui essayaient d'entrer dans leur cabine.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Vous allez bien ? » Les voix de Gin Akutagawa et de Chuuya se mélangèrent et le jeune homme eut du mal à distinguer leurs questions.

« On est coincés dans les toilettes, expliqua-t-il en essayant de modérer sa voix. Il y a des zombies autour de nous...

Dans quelle voiture ? » demanda une autre voix qu'il identifia comme celle du brun qu'ils avaient rencontré plus tôt, ce Dazai.

Un silence lui répondit. Honnêtement, Atsushi n'avait pas songé une seule seconde à regarder dans quelle voiture ils étaient. Il avait eu d'autres préoccupations, comme celle de rester en vie. Alors le numéro de la voiture...

« Entre les voiture quatre et cinq. » La jeune fille s'exprima pour la première fois.

« On est en voiture treize..., lâcha Gin en entendant cela.

Et la zone la plus sûre, c'est la première classe ! s'écria l'inconnu. En voiture trois !

Quoiqu'il en soit, aidez-nous ! Implora soudainement Atsushi On ne tiendra pas longtemps face à ces zombies !

Vous ne voulez pas avoir notre mort sur la conscience, n'est-ce pas ? » renchérit une nouvelle fois l'inconnu. Il y eut un silence lourd de sens pendant quelques instants.

« On va venir vous aider, lâcha Gin lorsqu'il porta de nouveau le combiné à son oreille.

Même s'il y a huit voitures remplies de zombies entre nous. » railla une voix qu'Atsushi ne reconnut pas.

Cette remarque lui fit prendre conscience que, même s'il avait lui aussi imploré le petit groupe de leur venir en aide, c'était quelque chose d'infiniment plus facile à dire qu'à faire. Traverser huit voitures de zombies ? Même en espérant que toutes n'en contenaient pas, cela semblait absolument impensable. Comment allaient-ils seulement survivre aux attaques de ces monstres sans cervelle ?

Dans leur égoïsme, les prisonniers de la cabine de toilettes avaient oublié que ceux qu'ils prenaient pour leurs sauveurs étaient aussi humains qu'eux, et loin d'être en situation favorable. S'ils avaient été en première classe les choses auraient été différentes, mais dans cette situation...

« Peu importe le nombre de voitures, je ne vais pas abandonner mon frère, lâcha Gin ce qui fit sortir le jeune homme aux cheveux argentés de ses pensées.

Et je n'abandonnerai pas Atsushi non plus. » appuya Chuuya. Le jeune homme esquissa un petit sourire en entendant son ton ferme qui indiquait que rien ne le ferait changer d'avis. C'était du Chuuya tout craché, et c'était étonnamment réconfortant.

« Soyez prudents, murmura-t-il sans trop savoir s'ils entendraient.

Atsushi, c'est ça ? répondit la jeune femme aux cheveux noirs. Aide mon frère. Il ne l'admettra jamais, mais il a souvent besoin qu'on lui donne un coup de main. Encore plus maintenant. »

Le jeune homme aux cheveux argentés hocha la tête, même si elle ne pouvait pas le voir. Il lui en faisait la promesse intérieure. Il raccrocha ensuite sur ces mots ― leur conversation n'améliorait pas l'état d'excitation des zombies ― et se rapprocha d'Akutagawa. Ce n'était pas difficile en raison de l'étroitesse de leur refuge de fortune et ils n'auraient sans doute jamais été aussi proches dans une autre situation. La porte qui les séparait des zombies vibrait à chaque coup, et le jeune homme aux cheveux argentés avait la sensation qu'elle pouvait se briser à n'importe quel moment.

« Est-ce qu'on tiendra jusqu'à ce que l'aide arrive ? murmura-t-il, plus pour lui-même mais les autres saisirent malgré tout son propos.

Est-ce qu'elle viendra seulement ? lâcha l'inconnu qui n'avait pas bougé depuis le début.

Ce n'est pas en étant défaitiste qu'on va s'en sortir. » rétorqua sur un ton cassant le jeune homme aux cheveux argentés ― il était rarement aussi sec avec les gens, surtout quand il ne les connaissait pas, mais celui-ci finissait par peser douloureusement sur son moral déjà très bas.

« S'ils ont huit voitures à remonter, cela va prendre du temps, souffla à son tour Akutagawa. Et c'est en partant du principe qu'ils arriveront en vie, ajouta-t-il sur un ton bas. Mais... » Il coula un regard dans la direction d'Atsushi et soutint son regard intensément. « Je suppose qu'on peut être optimistes. Ne serait-ce que pour ne pas mourir désespérés. »

Atsushi esquissa un petit sourire. Il avait connu des encouragements plus inspirés. Néanmoins, eh bien... Cela ferait l'affaire en attendant que leur sort soit scellé.

« Au fait, je m'appelle Atsushi Nakajima, se présenta-t-il à l'intention des deux autres qu'il n'avait rencontrés que récemment. Et lui c'est Ryunosuke Akutagawa. » ajouta-t-il en constatant que celui-ci ignorait délibérément sa tentative de conversation.

« Kyôka. Kyôka Izumi, se présenta en réponse la jeune femme aux cheveux noirs qui parlait à peine.

Quelle importance, se présenter maintenant ? » protesta l'inconnu. Il changea malgré tout d'avis en quelques secondes et ajouta : « Katai Tayama. »

Peut-être le moment était-il en effet mal choisi, mais il ne voulait pas considérer ceux qui partageaient sa situation comme de vulgaires inconnus. Cela lui semblait un peu trop cruel. Il y avait déjà tant de victimes dont il ignorait le nom...

Il pouvait au moins retenir celui des survivants.

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