Noir sur noir

Cette nouvelle est une participation au concours de nouvelles intitulé "Le concours Dolomède" et organisé par PotatoWizzard42. Le thème était : la matière noire. J'espère que ça vous plaira. Et sur ce... Bonne lecture !

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- Feu ! Hurla l'homme qui, depuis une plate-forme, surplombait la salle de contrôle.

Les murs de la base tremblèrent, les particules de poussière dans l'air frisonnèrent, comme si le cœur même de la terre s'était réveillé sous leurs pieds. Tout les regards se levèrent vers le dôme de verre et se fixèrent sur une traînée de lumière qui filait dans la nuit. Au loin, la silhouette d'un vaisseau renvoyait son ombre sur leur planète. Et ce vaisseau, il n'était pas de leur côté.

Le Sergent-Major Falkor crispa ses mains sur son pupitre alors que leur tire s'enfonçait dans les ténèbres de l'espace. L'étoile filante perdait de son éclat. D'ici, on ne le voyait presque plus : elle se faisait avaler. Et pendant ce temps, personne n'osait bouger. Tout le monde était figé, dans l'attente, les mains crispées sur les commandes, les yeux rivés sur les écrans...

Mais, après de longues secondes, le ciel était toujours aussi sombre. Un silence de plomb tomba sur la salle.

- Cible manquée. Annonca le coordinateur de la huitième unité.
- Coordonnées inchangées. Ajouta celui de la troisième. Ils sont toujours là.

Si la batterie à particules actives, la BAPA comme on l'appelait, l'une des plus puissantes armes de l'armée, n'était pas capable de toucher ce vaisseau, alors, s'il en venait d'autres... La planète était perdue. Falkor connaissait cette arme mieux que personne. Il l'étudiait depuis des années.

La BAPA était composée de pièces qualibrées, coordonnées les unes avec les autres, au millimètre prêt, afin de créer une arme capable de générer plus d'énergie cinétique et électromagnétique que n'importe quelle autre. Aucun vaisseau ne pouvait se protéger contre ses rayons, contre ses millions de particules chargées et accélérées à une vitesse proche de celle de la lumière.

Derrière le Sergent-Major, une femme s'avança. Les mains dans le dos, elle décida de poser la question que tout le monde chuchotait à voix basse mais que personne n'osait demander à voix haute. C'était une femme aux traits durs, comme taillés à même la pierre, du nom de Valens. Elle se posta aux côtés de son supérieur.

Sur son uniforme au col haut, une médaille attestait de son titre de cheffe d'état-major, le grade juste au-dessous de celui de l'homme qui se tenait courbé sur son pupitre, les doigts posés sur ses notes comme si elles étaient capables de lui dire ce qui n'allait pas. Lui, il se croyait de retour en enfance, à jouer aux jeux des différences.

- Sergent-Major ? Dit-elle d'une voix ferme, la tête presque trop haute.
- Oui. Répondit celui-ci en se fichant bien des codes habituels.
- Quels sont vos ordres ?

Dans le ciel, un deuxième vaisseau se dessina à travers les étoiles, comme un aigle étendrait ses ailes dans le ciel nocturne, prêt à plonger sur ses proies. Falkor releva les yeux vers Valens, des yeux vides : il ne savait pas. Sa vis-à-vis secoua la tête : ils étaient des soldats, ils ne pouvaient pas abandonner. Et alors...

- Ré-activer le système principal et vérifiez que les sous-systèmes sont opérationnels ! Cria Falkor en se redressant.

D'une main, il balaya les croquis de la BAPA, les ordres de ses supérieurs et tout le reste. Puis, il se tourna vers ses hommes, au centre de la pièce, comme le rouage principale d'une immense horloge. Ils allaient se les faire, à l'ancienne.

- Confirmez les coordonnées des cibles. Ajouta Valens.

Elle s'était positionnée aux côtés du Sergent-Major, le sourire aux lèvres. Elle le préférait comme cela.

- Analysez les cibles. Je veux que vous sachiez tout de ces fumiers ! Dit-elle en soutenant le regard des unités auxquels elle s'adressait. Le modèle de leurs vaisseaux, leurs vitesses, leurs faiblesses...

Pendant un moment, certaines affichèrent un air grave avec ce regard si caractéristique de ceux qui se demandent s'ils vont rentrer chez eux, ce soir.

- Analysez les cibles. Répéta Valens. On s'active !

Malgré les ordres qui pleuvaient et qui ne laissaient pas de place à la protestation, tous savaient que, si leurs premiers tirs n'étaient pas arrivés jusqu'à leurs cibles, c'étaient qu'elles étaient impossibles à toucher. Quelque chose les protégeait...

- Cible verrouillée. Annonça une voix.
- Cible confirmée... Répliqua Valens. Attendez l'ordre d'ouvrir le feu.

Elle se tourna ensuite vers le Sergent-Major qui continuait d'observer la valse des ombres dans le ciel. Un troisième vaisseau se positionna aux côtés des autres, puis un quatrième, et un cinquième... Une telle flotte ne pouvait n'être que celle de leur pire ennemi, la planète voisine de Galliana : Sorako. Falkor s'apprêtait à donner l'ordre qu'ils attendaient tous. C'est trois mots qui signaient, en temps normal, la désintégration pure et dure de leurs cibles.

"Feu à volonté"

Mais ces mots ne résonnèrent pas dans le silence car, au même moment, la porte de la salle de contrôle fut poussée avec une telle force qu'elle alla ricocher contre le mur. Dans le rectangle de lumière que formait cette brèche, la silhouette d'une femme armée d'une longue lame orientale se dessina. Cette femme se précipita à l'intérieur mais, juste derrière elle, deux hommes de la sécurité se découpèrent en ombres chinoises et l'empêchèrent d'aller plus loin.

- Elle est entrée sans autorisation, Sergent-Major ! Commença l'un d'eux en levant un pistolet vers elle.
- C'est une Sorakienne. Une salle espio- S'écria l'autre avant de se manger un coup de pied dans l'entrejambe et de s'effondrer.

La femme se jeta vers l'autre homme et, avant qu'il n'ose appuyer sur la gachette, elle posa sa lame sur son cou et se plaça dans son dos.

- Tu as de la chance de ne pas terminer comme ton collègue. Lui, il n'avait qu'à pas me traiter de "salle pute". Commenta-t-elle. Lâche ton arme. Non, mieux, lâchez tous vos armes.

Le soldat laissa tomber le pistolet qu'il tenait et leva ses mains en l'air, le visage crispé.

- Je suis là en amie.

Le silence qui s'installa de nouveau dans la pièce régna le temps de plusieurs battements de cœur. Tout les yeux se tournèrent vers le Sergent-Major qui posa une main sur celle de Valens pour qu'elle range son arme à feu.

- Je suis des renseignements. Annonça l'intruse en baissant sa lame. Ces idiots ne voulaient pas me laisser passer alors...
- Une preuve. La coupa Falkor en s'avançant alors que l'otage se dégageait et reculait derrière lui. Vous avez une preuve ?

Il fallait dire que le Sergent-Major Falkor était un homme qu'il ne valait mieux pas froisser. Il n'était pas particulièrement violent mais, les multiples médailles à sa poitrine et le nom qu'il s'était forgé, tout cela forçait le respect. La femme rangea sa lame et tira une carte puis, plongeant ses yeux bleus dans ceux de son vis-à-vis, elle se présenta :

- Agent, 3-002. Nom de code, Evolet. Je suis née sur Sorako, j'étais l'une de leur meilleure scientifique pendant des années... Ce qu'il faut retenir, c'est que, à présent, je suis ici et, il se trouve que je sais pas mal de chose à leur sujet.

Elle leva un doigt et le pointa droit sur les vaisseaux qui se ressemblaient autour de leur planète. Falkor attrapa la carte que lui tendait la jeune femme et, comme tout lui semblait en ordre et qu'il n'avait plus beaucoup de temps, il congédia les deux agents de sécurité d'un geste de la main et attrapa l'épaule de la dénommé Evolet pour l'emmener à sa place, au centre de la pièce.

- Nous avons peu de temps. Ne nous en faite pas perdre plus encore. Chuchota-t-il à son oreille alors qu'elle s'avançait face à tout ces scientifiques.

Certains s'étaient levés à l'entrée de l'inconnue, d'autres s'étaient figés, comme frappés par un sortilège. Lorsque Falkor mit une main devant lui, ils comprirent le message. L'heure n'était plus à la panique. Il fallait réagir et les alliés de dernières minutes n'étaient pas de trop. Alors, tous se rassirent.

- Les scientifique sur Sorako ont débuté un programme, il y a quelques années. Le programme "征服黑夜". Autrement dit, "conquête de la nuit". Je suppose que pour vous tous, ici, le terme de "matière noire" n'est pas un terme inconnu. Souvenez-vous, cette matière qui ne se laisse pas influencer par la lumière, invisible en quelque sorte, et qui est pourtant si présente dans l'univers qu'elle peut tout changer. Et bien, cette matière, le gouvernement de Sorako veut l'utiliser, en profiter plutôt, et depuis peu, il en est capable.

La femme s'arrêta, seul le bruit de la BAPA emplissait le silence de longs vombrissements et de crissements, comme si elle était impatiente de déployer son potentiel sur une cible.

- Cette matière noire peut créer des "illusions" et ce, grâce au phénomène de lentille gravitationnelle. Ce phénomène s'observe lorsque la lumière d'un objet est courbée par la présence d'une masse massive entre l'objet et l'observateur. Expliqua la femme sans s'arrêter une seule seconde. Vous, en l'occurrence.

Elle connaissait son sujet, c'était une évidence. Les scientifiques autour d'elle commençaient à l'écouter avec plus d'attention, avec plus de concentration même, alors que la pression sur leur épaule s'accentuait à chaque seconde qui s'écoulait.

- Imaginez un gouvernement capable, grâce à ce phénomène, de contrôler la distorsion des images, leur multiplication, leur amplification...

Une étincelle s'alluma dans le regard du Sergent-Major.

- Et maintenant, imaginez que vous puissiez détecter cette matière noire alors... Vous comprendrez où sont les limites entre la vérité et les mensonges. Alors, vous pourrez contrer les attaques du gouvernement dont nous parlons.

Elle fouilla dans ses poches et, dans un geste théâtral...

- Et bien, messieurs, voici de quoi trouver la position de ces vaisseaux qui se cachent derrière de faux miroirs.

La femme posa une plaque de métal sur le bureau en face d'elle et l'activa. Aussitôt, leur planète s'afficha sous la forme d'un hologramme. Autour de Galliana s'affichait une toile, comme tissée là par une araignée il y a des milliards d'années.

- C'est une toile cosmique. La matière visible se regroupe dans les puits de potentiel gravitationnel créés par la matière noire. Expliqua Evolet en passant sa main à travers la toile et renvoyant des reflets bleutés sur les murs de la salle. Avec un peu de bonne volonté, vous pouvez lancer la riposte dans quelques minutes.

Falkor observa l'hologramme et, affichant l'un des rares sourire dont il était capable, il lança :

- Nous avons peu de temps mais... Pensez à vos proches. Ce soir, vous pourrez leur raconter comment vous avez sauvé le monde !

D'autres sourires, secoués par l'adrénaline, se dessinèrent sur toutes les lèvres alors que les réelles coordonnées de la flotte ennemie étaient enfin calculées. Falkor se tourna vers Evolet. Il posa de nouveau sa main sur son épaule mais, cette fois, ça n'était pas pour la forcer à avancer mais pour la secouer doucement, en silence, comme pour remplacer un "merci" qu'il se refusait à prononcer.

- C'est rien. Dit-elle. Vous êtes de l'armée, je suis de la science. Parfois, il faut juste mélanger plusieurs choses pour un bon cocktail. Et puis... Cette matière noire, c'est toute une histoire. 

Evolet afficha un sourire alors que la BAPA commençait à charger un nouveau tir qui, cette fois-ci, toucherait sa cible.

- Et puis un jour, j'ai pensé : en vérité, c'est peut-être juste... noir sur noir.

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MOT DE LA FIN :
Voili voilou ! J'espère que ma participation est acceptée même si je suis à la limite de la fin du concours et que c'est presque plus une nouvelle, à ce niveau. Je crois que ça donne 1 900 mots (soit, un peu prêt 7 minutes de lecture)... Toutes mes excuses aux juges qui vont se taper ce gros pavé :')

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