Chapitre trois : ... L'histoire se met en marche.
Le mage noir jouait distraitement avec un pion en bois, une moue distraite plaqué sur le visage. Son regard suivait la mage violette qui arpentait la pièce de long en large.
- "Tu fera attention, je crois que le tapis se met à fumer, la nargua-t-il, affalé sur sa chaise.
- Fais moi plaisir et garde tes remarques pour toi, Loyde," lui répondit-elle d'un ton cassant sans cesser ses déplacements.
Le brun haussa les épaule avec un petit reniflement, faisant bouger la chape d'ombres qui stagnait autour de lui. Le comportement de sa supérieur était... inhabituel. La femme qui respirait la confiance en elle et l'arrogance avait laissé la place aux doutes. Cela faisait plusieurs années qu'elle parvenait à éviter piège sur piège et à maintenir la toute puissance de sa famille. Mais la situation avait brusquement dégénérée il y a quelques mois, la forçant à déployer des forces armées. Le camps adverse était passé à la vitesse supérieur et cela ne les arrangeait pas.
- "Cette raclure a réussit à réunir plus de familles que je ne le pensais... grogna la femme en se penchant sur la carte déployée sur la table. Et arrête de jouer avec ça, enchaîna-t-elle en lui tapant la main qui tenait le pion en bois.
- Ce sont essentiellement de petites familles, beaucoup de nouveaux seigneurs. Ils sont nombreux mais ils n'ont pas les mêmes appuis. Les Ad Avior ont perdu le soutien des Célestins depuis qu'ils ont rejoint le nouvel ordre, idem pour ceux qui les suivent.
- Les Célestins n'engageront pas le combat, même face à des adeptes du nouvel ordre. Pas tant que les prêtresses ne seront pas en danger. Mais c'est vrai que leur formation de soignantes et leurs vœux de dévouement pourraient être utiles...
- Et puis, il nous reste toujours beaucoup d'alliés... Les Ad Waradi sont toujours de notre côté. C'est un avantage non négligeable, ils ont la main sur les ressources de platine. On pourrait aussi essayer de rallier les Jalad...
- Les Jalad nous enverront sur les roses... Ils n'ont toujours pas digéré le départ de leur fils, marmonna-t-elle.
- Ça va faire plus de quinze ans... Faudrait peut-être qu'ils pensent à passer à autre chose. Puis c'est pas comme si on y était pour quelque chose. Pour avoir été aussi inconscient c'est qu'il avait un sérieux problème, soupira le brun en s'allongeant encore un peu plus sur la table.
- Tu es sûr de vouloir parler d'inconscience ?" ricana la mage violette en le transperçant de son regard d'or.
Le brun se redressa et quitta finalement sa chaise pour venir se placer tout près de la femme, tellement près que leurs respirations se mêlaient.
- "Je n'ai fait que me mettre au service des vainqueurs." souffla-t-il d'un ton enjôleur alors qu'un filament de l'obscurité qui l'enveloppait venait caresser la joue de la mage violette.
Loin d'être intimidée, elle se contenta de le repousser du plat de la main, le mage noir se laissa faire avec nonchalance mais continua à la fixer de son regard écarlate.
- "Garde ton numéro de charmeur pour ce soir, je n'ai pas le temps de jouer maintenant."
Le mage noir afficha une moue déçue en tirant à lui sa chaise pour se laisser tomber dessus. Non, décidément il n'aimait pas l'état dans lequel était la femme, quand elle était préoccupée, elle ne faisait plus attention à lui.
Alors que son regard balayait la carte, il s'arrêta sur un point précis de la frontière, tout au Nord du territoire.
- "Si c'est le nombre qui manque, on peut toujours acheter des soldats. Après tout, on a le platine avec nous. Et tant qu'à faire, ça permettrait de vérifier si les rumeurs disaient vrai... Un Ad Manawir chez les mercenaires ? Ce serait cocasse..." lui susurra-t-il.
La femme s'immobilisa avant de lui jeter un regard perçant. Elle avait déjà pensé à faire appel aux mercenaires, bien entendu, mais elle ne s'y était pas encore résolue. Elle aussi avait entendu les rumeurs, celle de son frère, échappant à son exécution dans le royaume voisin grâce à un phénomène qui avait ébranlé les masses. Grâce à la princesse déchue qui avait visiblement réussi à faire acte de magie.
La mage violette n'y croyait pas. Dans les mois qui avaient suivi cette affaire, les scientifiques de tous les pays s'étaient penchés sur le sujet pour essayer de comprendre. Cela n'avait rien donné et après quelques années, l'histoire était devenue une sorte de légende urbaine.
La femme eut un très léger mouvement de sourcils alors qu'elle réfléchissait à la proposition. Ses doigts s'agitèrent dans le vide comme si elle maniait une sorte de boulier et quand ils se stoppèrent, un sourire malveillant s'étendait sur son visage. Loyde se dérida à son tour.
- "Et revoilà la Lyllias que je connais !
- Envoie un message aux Ad Waradi et sois convaincant. On a besoin de platine rapidement et en grande quantité.
- Comme si tu avais le moindre doute quand à mes capacités de persuasion, ronronna le jeune homme en se levant pour se rapprocher d'elle encore une fois. "Comme si je t'avais déçu, ne serait-ce qu'une seule fois."
Loyde n'était pas très grand, moins que Lyllias en tout cas, mais sur l'instant sa présence le rendait presque oppressant. Il savait que c'était en partie pour ça que près de dix ans après leur rencontre, il se tenait toujours à sa droite. Pour ça et ses capacités magiques et son sang froid hors du commun.
- "Bien sûr que non, ta fierté t'empêcherait d'échouer, susurra la mage violette. Tu serais capable de mourir pour elle.
- Qui ne mourrait pas par fierté ?" la nargua-t-il.
Le jeu de regard dura quelques secondes avant que Lyllias ne se décide à s'emparer des lèvres du mage noir. L'échange fut presque brutal mais trop court au goût du brun qui lâcha un petit gémissement quand la femme recula après lui avoir mordu une dernière fois la lèvre inférieure.
Le jeune homme fit la moue pendant quelques secondes, campant sur sa position pour espérer faire plier la mage violette mais cette dernière se détourna avec un sourire moqueur. Contrarié, Loyde bougea à son tour, se contentant de quitter la pièce sans accorder un regard de plus à la femme.
Une fois dans les couloirs du manoir, il se permit une pose devant l'une des fenêtre qui donnait sur la ville. Depuis qu'il était arrivée ici, huit ans plus tôt, il avait eu le temps de se faire au décors. Mais des fois, les grandes étendues de bâtiments gris lui filaient le cafard. Il se demandait régulièrement si les enfants qui étaient nés ici savaient seulement à quoi ressemblait un arbre. Un soupir lui échappa alors qu'il reprenait sa marche, ça faisait un moment qu'il n'avait pas fait un saut dans sa ville natale.
Mais il savait qu'il n'en n'aurait pas l'occasion avant un moment. Les tensions avec les Ad Avior était à leur paroxysme et les hostilités allaient crescendo alors ils devaient se préparer au plus vite. Et puis avec l'arrivée du frère de Lyllias... Il savait ce que ça voulait dire, la mage violette ne le laisserait pas lui échapper une deuxième fois. Son emplois du temps allait être chargé.
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