Chapitre 1

Trop de rouge, de blanc et de lumière. Trop de sapins, de parfums d'agrumes et de chocolats chauds. Trop de chants, de faux sourires et de mièvreries. Rien ne me serait épargné. Tout me rappelait ce que je n'avais pas : une famille et de la compagnie. J'étais seul pour les fêtes de fin d'année. Pas que je fus orphelin comme certains ou rejeté comme d'autres. Mes parents avaient juste choisi de s'offrir une croisière dans les Caraïbes pour leurs vingt-cinq ans de mariage. Ils m'avaient jugé assez vieux pour me débrouiller tout seul. J'étais autonome depuis longtemps. À vingt et un ans, je travaillais depuis mes seize ans et je louais mon propre appartement depuis deux ans. Il n'était pas grand ni luxueux vu mon salaire mais c'était le mien, décoré selon mon goût au fil du temps. Les copains et les amis, j'en avais, pas de problème de ce côté-là. Mais je n'avais pas eu envie de leur imposer ma présence pendant ses évènements très familiaux. Pas d'amoureux à chérir non plus, je ne l'avais pas encore croisé, les princes charmants étant plus rares que les crapauds. Je ne devais pas me plaindre, je le savais, il y a des gens bien plus malheureux que moi en ce monde.

Comme le jeune SDF qui se trouvait au coin de la rue ce matin. Il semblait si paumé avec des vêtements vraiment trop légers pour ce temps froid. Un bonnet et une écharpe cachaient en partie son visage, ne laissant voir que de grands yeux bleus plein de détresse. Son regard m'avait touché et m'avait permis de relativiser mon malheur. Je ne pouvais pas faire grand-chose pour lui à part l'aider à se réchauffer. Alors quand j'étais revenu du petit bistrot voisin où je prenais habituellement mes repas, je lui avais tendu une grande tasse de soupe fumante et un cookie en lui souhaitant un joyeux Noël. J'avais été récompensé d'un sourire éblouissant puis j'étais retourné m'occuper de la boutique.

Cette bonne action m'avait apporté un peu de réconfort et me faisait me sentir mieux. Mais ce n'était pas assez pour changer mon état d'esprit actuel. J'étais resté d'humeur un peu morose. J'aurais aimé avoir un compagnon qui m'attendrait chez moi préparant le réveillon et qui me sourirait comme le jeune clochard quand je rentrerais ce soir. Mais ce n'était qu'un rêve, une utopie. Alors pour oublier, j'ai continué de bosser comme un forcené ; ce que je faisais ces derniers temps pour que mes collègues profitent de ce temps festif. Ça m'avait occupé l'esprit assez longtemps pour éviter de penser à ma solitude. Celle-ci s'était rappelée à moi vers dix-huit heures quand j'avais vu la rue se vider. Tout le monde s'en était allé au chaud pour commencer à passer un moment convivial et joyeux. Depuis le silence et la sensation d'absence dominaient mon âme et mon corps. Je n'avais plus eu qu'une hâte, fermer la grille et m'enfermer chez moi jusqu'au vingt-sept décembre.

Voilà le temps était venu de rentrer chez moi, le magasin était clos depuis cinq minutes. Manteau, écharpe, gants, cartons à jeter dans la poubelle prévue à cet effet .Je sortais par la porte arrière et fermais. Un miaulement attira mon attention. Mais que faisait un chat dans le conteneur ? Encore un mauvais tour de quelques adolescents en mal de reconnaissance. Je n'avais jamais compris la cruauté envers les animaux. Je me penchais pour attraper la victime.

- Allez, je vais te sortir de là ! dis-je doucement en tendant les mains vers lui.

J'observais la bestiole. Drôle de chat ! Le plus grand que je n'ai jamais vu. Le félin avait un pelage crème presque blanc avec des taches rondes à peine plus foncées comme celle d'un léopard des neiges. Il se laissait faire, presque trop docile. Son regard était exactement du même bleu intense que celui du jeune sans-abri avec cette même touche de tristesse et de résignation. Je vérifiais son état général. Il semblait un peu trop mince, mais n'avait aucune blessure visible. Je le caressais doucement dans une tentative de réconfort.

- Tu n'as rien, je peux te rendre ta liberté. L'informais-je en voulant le reposer sur le sol enneigé.

Il ne semblait pas décider à partir et se mit à ronronner dans mes bras.

- D'accord ! Je t'emmène chez moi ! Mais pas de bêtises, pas de coup de griffes et je te donne un toit et à manger pour ce soir.

Je le serrais contre moi et repris la marche vers mon appartement en appréciant qu'il se love doucement contre moi. J'aimais la sensation de sa tête fouissant dans mon foulard pour chercher la chaleur de mon cou. J'avais presque l'impression qu'il tentait de s'imprégner de mon odeur, de se fondre en moi de peur de me perdre. Cela me fit sourire.

Je passais le seuil de mon logement avec le petit félin emmitouflé dans mon manteau. Je n'avais pas vraiment envie de le poser, mais il fallait bien que je me déshabille et que je nous prépare à manger. Je le déposais donc sur le coussin bleu suédois qui se trouvait sur mon canapé blanc et me dirigeais vers le coin-cuisine. Je disposais sur un plateau une assiette avec le contenu d'une boite de thon pour l'animal. Je continuais mes allées-retour vers le réfrigérateur pour sortir un peu de foie gras, du beurre salé, du saumon fumé et je complétais le tout par du pain toasté. J'ouvrais une bouteille de vin blanc et me servis un premier verre. Voilà tout était prêt pour ma soirée en presque solitaire. J'emportais les victuailles jusqu'à la table basse. J'observais le chat manger délicatement tout en sirotant le liquide doré. Voilà comment j'ai passé mon réveillon de Noël, à grignoter et boire en compagnie d'un félin peu farouche qui me regardait de ses grands yeux saphir.

Je ne sais pas si c'était l'alcool, la fatigue ou la combinaison des deux, au dessert je me mis à parler à l'animal.

- Le chat, que puis-je souhaiter en ce soir de Noël et pour la nouvelle année qui va commencer ? Si je te disais la paix dans le monde, j'aurais l'impression d'être une miss hypocrite concourant à un prix de beauté et cela ne serait pas honnête. dis-je en ouvrant une deuxième bouteille et en allant chercher mon dessert, une coupelle de mousse au chocolat.

Je cherchais une cuillère et commençais à déguster cette petite gourmandise cacaotée tout en continuant mon monologue.

- Si je disais de l'argent, cela serait aussi un mensonge, car celui-ci n'a jamais fait le bonheur de personne continuais-je.

Je m'arrêtais dans ma réflexion à haute voix, intrigué par l'attitude du félin qui semblait réellement m'écouter tout en m'observant.

- Si je disais l'amour, ça serait plus honnête, mais c'est si difficile dans notre société actuelle. On ne vit que pour soi, en égoïste, oubliant l'autre. Les gens consomment l'amour comme le sexe les confondants souvent. Je ne veux pas de ce genre d'amour. Pas de coups d'un soir, de relations sordides dans une backroom ou d'une histoire par dépit. Non rien de tout ça. Je veux le vrai l'authentique celui qui te lie et te construit. Tu comprends ? le questionnais-je.

Pas de réponse, mais un petit hochement de tête presque imperceptible.

- Je vais être franc avec toi et tu ne vas surement pas me croire! Mais je suis encore vierge, car j'attends la personne qui fera battre mon cœur. Je veux lui offrir tout de moi, corps et âme. Tu sais à cause de ça, on me juge ridicule, romantique avec trop de principes.

Je stoppais ma logorrhée devant l'air surpris du chat.

- T'as raison l'alcool ne me réussit pas. Ça me rend encore plus triste. On n'a pas tous le vin joyeux. Je ferais mieux d'aller me coucher. Bonne nuit le chat. Dis-je en partant vers la chambre.

Elle était plongée dans le noir, faisant ressortir les lumières de la ville. Je refermais les rideaux. Je ne voulais pas que tout ce rouge et cet or me rappellent ma solitude. Je me déshabillais et jetais mes vêtements sur la chaise où comme d'habitude la moitié tombait par terre. Je m'allongeais sur mon lit remontant la couette sur moi pour me construire un cocon, dans lequel je pourrais m'abandonner à rêver que je n'étais pas seul.

Je fermais les yeux en attendant que le sommeil vienne. Je somnolais presque quand je sentis un petit corps monter sur le lit. J'avais un squatteur d'espace privé. Je le laissais faire. Il n'y avait pas que moi qui avais besoin de compagnie. Puis je m'endormais rassuré par cette douce présence.





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