Chapitre 6

Je me tenais dans le salon, entourée de guirlandes et de boîtes remplies de décorations de Noël, ma joie palpable alors que je me préparais à créer une ambiance chaleureuse et simple. Chaque objet avait été soigneusement choisi pour apporter une touche naturelle à la maison, loin des excès des fêtes commerciales. Je voulais que notre intérieur soit un havre de paix, un endroit où l'on pourrait vraiment se sentir chez soi. Mais lorsque Thomas entra, son expression sérieuse assombrit instantanément mon humeur.

Il scruta les guirlandes de baies rouges et les bougies au parfum de pin que j'avais disposées sur la cheminée. J'attendais une réaction positive, mais son visage trahissait une contrariété évidente.

— Evelyn, dit-il en se raclant la gorge, je pense que tu es un peu trop... minimaliste.

Je me retournai, surprise par son commentaire. Je croyais que cette ambiance épurée et douce plaira à tout le monde, y compris à lui.

— Comment ça, minimaliste ? Je pensais qu'on voulait quelque chose de simple et accueillant, pas une explosion de dorures.

Il secoua la tête, son agacement palpable.

— C'est Noël, Evelyn. C'est censé être grandiose, éblouissant ! La maison devrait refléter l'opulence de la saison, pas une ambiance de... de chalet.

Je sentais ma frustration grandir, et une boule de tension se forma dans ma poitrine.

— Et si, pour une fois, on essayait de faire les choses simplement ? Peut-être que tout le monde n'a pas besoin d'une démonstration de richesse, Thomas. Peut-être qu'ils apprécieront une ambiance authentique, loin du faste et de l'extravagance.

Il me regarda, les sourcils froncés.

— Ce n'est pas une question de richesse, Evelyn. C'est une tradition, une façon de célébrer. Tu ne comprends pas.

J'avais l'impression que ma tentative d'intégration se heurtait à un mur.

— Je ne comprends pas ? dis-je, ma voix tremblant légèrement. Depuis que je suis ici, j'essaie de m'intégrer à vos traditions. Mais parfois, j'ai l'impression que rien de ce que je fais n'est jamais assez.

Il soupira, visiblement exaspéré.

— C'est peut-être parce que tu refuses de t'adapter. Tu t'accroches à cette idée de simplicité, mais ici, ce n'est pas comme ça qu'on fait les choses.

Un silence pesant s'installa entre nous, chaque mot résonnant comme une cloche sinistre dans l'air. Je le regardai, la déception me serrant le cœur.

— Peut-être que c'est là le problème, Thomas, murmurai-je, presque à moi-même. Peut-être que je ne suis pas celle que tu attendais.

La tristesse dans ma voix sembla lui faire mal. Il détourna le regard, sa mâchoire se contractant comme s'il tentait de maîtriser une émotion plus profonde.

— Evelyn, murmura-t-il finalement, ce n'est pas... ce n'est pas ce que je voulais dire.

Je secouai la tête, le cœur lourd, et me mis à ranger les guirlandes que j'avais posées. Je savais que notre dispute n'était pas vraiment à propos des décorations. C'était une confrontation d'incompréhensions, de doutes, et de ce sentiment lancinant que nous étions sur des chemins divergents.

— Je crois qu'on devrait arrêter là pour aujourd'hui, dis-je, la voix brisée, en rassemblant mes affaires. Tu as peut-être raison. Ce n'est peut-être pas ma place ici, après tout.

Sans un mot de plus, je quittai la pièce, laissant Thomas seul au milieu des décorations inachevées. Ses propres émotions tourbillonnaient dans l'air lourd de tension. En fermant la porte derrière moi, je sentis un vide immense s'installer dans mon cœur. Je ne savais pas si nous pourrions jamais trouver un terrain d'entente.

Je quittai le salon avec la sensation oppressante que quelque chose s'était brisé, peut-être irréparablement. En montant les escaliers, chaque pas résonnait comme un coup de marteau sur mes propres convictions. Avais-je eu tort d'insister pour garder les choses simples, de vouloir imposer ma vision d'un Noël chaleureux et épuré dans cette maison qui semblait vouloir autre chose ?

Arrivée dans la chambre, je me laissai tomber sur le lit, le regard fixé sur le plafond. La voix de Thomas résonnait encore dans ma tête, son ton froid et la manière dont il avait insinué que je ne faisais pas d'effort pour m'adapter. C'était faux, pourtant. Depuis notre rencontre, je n'avais cessé de m'ajuster, d'apprendre à intégrer des traditions et des habitudes qui n'étaient pas les miennes. Mais ce soir, tout cela semblait inutile, voire insignifiant.

Après quelques minutes, j'entendis des pas monter les escaliers. Thomas s'arrêta devant la porte, hésitant visiblement à entrer. Finalement, il frappa doucement.

— Evelyn... Est-ce que je peux entrer ?

Je pris une grande inspiration et répondis d'une voix presque éteinte :

— Oui, entre.

Il poussa la porte, l'air moins sûr de lui que tout à l'heure. Il s'approcha du lit et s'assit au bord, laissant un espace prudent entre nous.

— Je suis désolé, murmura-t-il. Je ne voulais pas te faire sentir que... que tu ne faisais pas partie de cette maison.

Je me redressai, cherchant ses yeux.

— Mais c'est ce que tu as dit, non ? Que je n'avais pas compris ce que signifiaient vos traditions, que je ne m'intègre pas vraiment.

Il baissa la tête, visiblement embarrassé.

— Je crois... Je crois que je me suis laissé emporter, dit-il finalement. La vérité, c'est que ces traditions comptent beaucoup pour moi. Elles me rappellent mon enfance, ma famille et Elizabeth... Et peut-être que je m'y accroche un peu trop, sans laisser de place à ce que toi, tu pourrais apporter.

Cette admission me surprit, et je sentis une partie de ma rancœur se dissiper.

— Thomas, je comprends que ces traditions soient importantes pour toi. Mais j'ai besoin que tu comprennes que j'ai aussi ma propre vision de ce que pourrait être notre vie ensemble. Je ne veux pas effacer ce qui compte pour toi, mais... j'aimerais aussi qu'on trouve un équilibre.

Il hocha la tête, pensif, comme si mes mots mettaient en lumière quelque chose qu'il n'avait jamais envisagé. Après un instant, il se tourna vers moi, et dans ses yeux, je vis une lueur de sincérité.

— Tu as raison. Je veux qu'on construise quelque chose ensemble, pas que tu te plies à mes traditions sans pouvoir y ajouter les tiennes. Si tu veux un Noël simple, je suis prêt à essayer. Peut-être même que ça pourrait nous faire du bien, à tous les deux.

Je souris doucement, touchée par son effort. C'était un début, une petite ouverture, mais elle signifiait beaucoup.

— Merci, Thomas. C'est tout ce que je demandais.

Il me prit la main, et pendant un moment, nous restâmes assis là en silence, nos doigts entrelacés, chacun cherchant à comprendre comment deux personnes avec des visions si différentes pouvaient finalement construire quelque chose ensemble.

Peut-être qu'après tout, cette querelle sur la décoration n'était que le premier pas vers quelque chose de plus fort, de plus profond.

Après ce moment d'apaisement, nous sommes restés assis l'un à côté de l'autre, dans un silence chargé de réflexion. Je sentais la chaleur de sa main dans la mienne, et malgré la dispute, cette simple connexion semblait nous ramener à l'essentiel.

— Peut-être que, dis-je finalement, on pourrait trouver un compromis pour cette année. Un mélange de ce que tu aimes et de ce que j'aimerais essayer. Tu as toujours ton idée de grand sapin majestueux, mais... peut-être que je pourrais choisir les décorations, apporter une touche un peu plus discrète ?

Thomas sourit, visiblement soulagé. Il hocha la tête avec une expression plus douce, presque attendrie.

— D'accord. Un grand sapin, mais des décorations sobres. Je pense qu'on peut faire ça.

Cette solution me réchauffa le cœur, non pas parce qu'elle résolvait complètement nos désaccords, mais parce qu'elle montrait que nous étions prêts à travailler ensemble, à construire quelque chose qui nous ressemblait tous les deux.

— Et pour le reste de la maison ? ajoutai-je, un peu taquine. Pas de guirlandes lumineuses sur chaque porte ?

Il éclata de rire, et je vis ses épaules se détendre un peu plus.

— Je ferai attention, promis. Mais tu devras supporter au moins une ou deux bougies parfumées. J'ai un faible pour celles à la cannelle.

Je levai les yeux au ciel, faussement exaspérée.

— La cannelle, vraiment ? Ça envahit tout l'espace ! Mais... d'accord, une bougie. Juste une.

Son rire se transforma en un sourire plus intime, et il passa une main dans mes cheveux.

— Tu vois, on est déjà en train de créer nos propres traditions, murmura-t-il. C'est peut-être ça, le vrai sens des fêtes.

Il avait raison. À travers cette dispute, ce compromis et cette prise de conscience mutuelle, nous étions en train de poser les premières pierres de notre propre histoire, de cette vie à deux que nous essayions de bâtir.

Le lendemain, nous avons fait les boutiques ensemble, main dans la main, cherchant des décorations qui correspondent à notre vision partagée. Pour la première fois, je ne sentais plus la tension de nos différences. Au contraire, chaque concession, chaque choix fait ensemble me semblait enrichir notre complicité.

De retour à la maison, nous avons installé notre sapin — grand et imposant comme il l'avait souhaité, mais orné de petites touches élégantes, comme je l'imaginais. Thomas alluma sa fameuse bougie à la cannelle, et je l'observais tandis qu'il ajustait une guirlande. La douce odeur envahissait la pièce, créant une atmosphère chaleureuse, presque apaisante.

Je m'approchai de lui, glissant mes bras autour de sa taille. Il se retourna, surpris, et m'enlaça doucement.

— Merci, murmurai-je. Merci d'avoir fait cet effort.

Il m'embrassa tendrement sur le front, et dans ce baiser, je sentis toute la tendresse qu'il avait pour moi, malgré nos désaccords.

— Tout ce que je veux, Evelyn, c'est que cette maison soit la nôtre. Pas seulement la mienne ou la tienne, mais la nôtre, répondit-il doucement.

En regardant notre sapin, illuminé de mille petites lueurs, je compris que c'était exactement ce que nous étions en train de faire.

Le lendemain matin, l'air frais de décembre s'infiltre par les fenêtres mal isolées de notre demeure victorienne. Tandis que je remontais les lourdes tentures pour laisser entrer la lumière, je me surpris à contempler les draperies riches et ornées que Thomas avait fait installer la veille, en dépit de nos discussions. Chaque angle de la pièce semblait chargé d'un faste que je trouvais presque oppressant. La broderie dorée, les motifs baroques, les candélabres en cuivre... tout me rappelait à quel point Thomas et moi avions des conceptions opposées de ce que devait être un foyer.

Alors que j'ajoutais une énième fois une étagère, Thomas fit son entrée dans le salon. Son regard acéré s'attarda immédiatement sur l'endroit où j'avais placé quelques vases en porcelaine bleue, d'une simplicité délibérée qui tranchait avec le reste de la pièce.

— Evelyn, ces vases... J'aurais plutôt imaginé des statues plus imposantes pour habiller cette étagère, dit-il d'un ton mesuré mais critique, les mains croisées derrière son dos.

Je soupirai, résistant à l'envie de répliquer sèchement.

— Thomas, chaque recoin de cette maison n'a pas besoin de briller d'opulence. Je pense que quelques touches de simplicité peuvent... alléger l'ambiance.

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