Chapitre 3
Les jours suivants, la maison des Thomas s'animait peu à peu sous la magie des préparatifs de Noël. Réveillée chaque matin par le doux chant des oiseaux et le parfum des biscuits cuisant dans la cuisine, je me sentais de plus en plus à ma place. La maison, autrefois silencieuse, résonnait maintenant de mes rires, des éclats de voix de Mme Jenkins et du crissement du papier de soie utilisé pour envelopper les décorations.
Je commençai par le hall d'entrée, où un grand sapin de Noël trônait majestueusement. Je m'emplois à le décorer avec soin, accrochant des boules de verre colorées et des guirlandes étincelantes. Je me perdais dans l'instant, laissant libre cours à ma créativité tout en m'imaginant la magie de Noël qui s'installerait peu à peu dans la maison. À chaque nouvelle décoration, je ressentais un frisson d'excitation.
Pendant ce temps, la cuisine devenait le cœur battant de la maison. Je passais de nombreuses heures aux côtés de Mme Jenkins, à préparer des plats traditionnels pour le bal de Noël. Elle me montra comment réaliser des biscuits épicés et des tourtes au sucre, les odeurs enivrantes se mêlant aux souvenirs de sa propre famille qui se rassemblent autour de la table.
— C'est important de perpétuer ces traditions, disait-elle en roulant la pâte. Elles rendent les fêtes encore plus spéciales.
Je hochai la tête, absorbant ses paroles avec gratitude. Chaque recette était un lien avec l'histoire de cette maison et de cette famille, et je me sentais honorée d'en faire partie, même si c'était d'une manière humble.
Au fur et à mesure que les jours passaient, je m'attaque aussi aux invitations pour le bal de Noël. M. Thomas m'avait donné une liste de ses contacts, et je m'assurai que chaque lettre soit écrite à la main avec soin, scellée avec une cire rouge pour un effet traditionnel. En l'écrivant, je me demandai comment l'événement se déroulerait et quel serait l'état d'esprit de M. Thomas face à cette fête.
Bien que M. Thomas fût souvent absent, plongé dans ses affaires, je sentais sa présence, comme une ombre discrète dans les couloirs de la maison. Parfois, lorsque je m'attardais dans le grand salon à disposer les décorations, je percevais son regard sur moi, un mélange d'intérêt et de curiosité. Je l'aperçois dans un coin de l'une des pièces, observant mes gestes avec une intensité qui me faisait légèrement rougir.
Un après-midi, alors que je terminais de disposer des bougies sur la cheminée, je l'entendis approcher. Je me retournai, mon cœur battant la chamade.
— Mademoiselle Evelyn, vous avez fait un excellent travail, déclara-t-il en entrant dans le salon. La maison semble déjà prête à accueillir la magie de Noël.
Sa voix, profonde et légèrement rauque, résonna dans la pièce. Je ne pouvais m'empêcher de ressentir un frisson de fierté à ses compliments.
— Merci, monsieur, dis-je en souriant. J'essaie de faire de mon mieux pour rendre cette maison aussi festive que possible.
M. Thomas se rapprocha du sapin, effleurant l'une des boules de verre d'un air pensif. Ses yeux se posèrent sur moi, et un sourire léger effleura ses lèvres. Ce moment, bien que bref, fut suffisant pour me faire oublier toutes mes appréhensions. Je savais qu'au fond de son cœur, il était touché par mes efforts.
— Vous apportez une lumière à cette maison, continua-t-il. Ma femme aurait aimé voir ce que vous avez accompli.
Son ton était empreint d'une mélancolie douce, et je comprenais à quel point la perte de sa femme le pesait encore. À cet instant, je réalise que je ne décorais pas seulement la maison pour Noël, mais que je participais aussi à un processus de guérison pour lui. Mon cœur se serra à cette pensée.
— J'espère que cela lui rend hommage, dis-je doucement. C'est un honneur pour moi de contribuer à cette tradition familiale.
Il hocha la tête, son regard s'éclairant d'une lueur d'émotion.
— Vous avez un bon cœur, mademoiselle Evelyn, murmura-t-il. Je suis reconnaissant de vous avoir ici.
Je ressentis une chaleur agréable envahir ma poitrine. Les journées se succédaient, et avec elles, une complicité inattendue semblait s'installer entre nous. Même si M. Thomas restait distant dans sa manière d'être, je percevais peu à peu sa vulnérabilité, et cela m'encourageait à être présente pour lui.
Les préparatifs pour le bal de Noël avancent à grands pas. Chaque détail, des plats aux décorations, prenait forme, et l'excitation montait. Je ne pouvais m'empêcher de me demander comment serait cette soirée. Allait-elle apporter un peu de réconfort à M. Thomas ? Était-ce le moment où il commençait à guérir ? Je le souhaitais de tout mon cœur.
Alors que je continuais à travailler, une pensée me traversa l'esprit : et si cette année, nous célébrions ensemble un Noël dont nous nous souviendrons longtemps ?
Les jours précédant Noël, la maison ressemblait à une véritable scène de conte de fées. Chaque pièce brillait de guirlandes lumineuses, des branches de houx ornaient les rebords des fenêtres, et des bougies parfumées à la cannelle et au pin créaient une ambiance chaleureuse. Le grand salon, où aurait lieu le bal de Noël, était devenu l'endroit le plus magique de la maison, avec le sapin majestueux au centre et des guirlandes de neige artificielle accrochées partout.
Mme Jenkins et moi travaillions sans relâche pour peaufiner chaque détail, en vérifiant que chaque élément était en parfaite harmonie. La journée du bal approchait à grands pas, et je me sentais de plus en plus impatiente. Ce n'était pas seulement une fête, mais un moment d'espoir, de réconfort et, peut-être, de renouveau pour M. Thomas.
La veille du bal, je m'affaires dans la cuisine, préparant les derniers desserts avec Mme Jenkins. Alors que je plaçais des petits fours sur un grand plateau argenté, M. Thomas entra soudain dans la pièce. Sa présence imposante, bien que familière maintenant, me fait sursauter.
— Mademoiselle Evelyn, tout est parfait, dit-il en jetant un regard appréciateur autour de lui. Vous avez fait un travail remarquable.
— Merci, monsieur, répondis-je en souriant, légèrement embarrassée par son compliment.
Il resta là un instant, ses yeux se perdant dans les flammes qui dansaient dans l'âtre de la cuisine, comme si une pensée lointaine venait de le captiver. Après un moment de silence, il se tourna de nouveau vers moi.
— Evelyn, dit-il doucement, demain soir sera une soirée importante, et je tiens à ce que vous soyez là... en tant qu'invitée, ajouta-t-il avec un sourire en coin. Vous méritez de profiter pleinement de cette soirée.
Surprise, je rougis. J'avais prévu de rester en retrait et de m'occuper des derniers détails en coulisses. Mais son invitation était sincère, et je ne pouvais refuser cette proposition.
— Merci, monsieur, ce serait un honneur, répondis-je, touchée.
Le lendemain, les heures précédant le bal furent intenses. J'enfilai une robe longue couleur émeraude, simple mais élégante, et relevai mes cheveux en un chignon lâche, quelques mèches s'échappent pour encadrer mon visage. Alors que je me regardais dans le miroir, j'avais du mal à me reconnaître. Ce soir, je n'étais pas seulement la gouvernante. Je me sentais différente, comme si le bal de Noël allait transformer non seulement la maison, mais aussi une part de moi-même.
Lorsque les premiers invités arrivèrent, je descendis dans le hall, accueillant chaque visage familier ou nouveau avec un sourire. La maison résonnait des rires et des conversations animées, la musique jouant doucement en fond. Je sentais la magie de Noël s'installer dans chaque recoin, dissipant les ombres et remplissant l'air de chaleur.
C'est alors que je le vis. M. Thomas, vêtu d'un élégant costume noir, se tenait près de la cheminée, un verre à la main. Il semblait plus détendu, presque heureux, comme si l'esprit de Noël avait, pour une fois, allégé le poids qu'il portait. Son regard croisa le mien, et il me sourit, un sourire vrai, qui semblait provenir d'un endroit profond et sincère.
Il s'approcha de moi, tendant sa main.
— Mademoiselle Evelyn, me feriez-vous l'honneur de m'accorder cette danse ?
Mon cœur battait la chamade. Je pris sa main, légèrement tremblante, et il m'entraîna au centre de la salle où les invités formaient un cercle autour de nous, leur attention maintenant dirigée vers cette première danse. La musique démarra, douce et envoûtante, et nous nous mîmes à danser.
Au début, je me sentais nerveuse, peu habituée à être au centre de l'attention. Mais la chaleur de la main de M. Thomas dans la mienne, et la bienveillance de son regard, apaisèrent mes doutes. Au fil des pas, la nervosité s'évanouit, remplacée par une sensation de confiance et de bonheur simple. La danse devint une parenthèse hors du temps, où le monde autour de nous disparaissait.
Quand la musique cessa, les invités applaudirent, et M. Thomas m'adressa un sourire empli de gratitude.
— Vous êtes incroyable, murmura-t-il doucement. Je n'aurais pas imaginé passer un Noël aussi joyeux depuis... longtemps.
Ses mots me touchèrent plus que je ne pouvais l'exprimer. J'eus envie de répondre, de lui dire à quel point cette soirée comptait pour moi aussi, mais avant que je ne puisse prononcer un mot, il serra doucement ma main et ajouta, les yeux brillants :
— Merci, Evelyn, pour tout ce que vous avez fait pour cette maison... et pour moi.
À cet instant, j'eus l'impression que la magie de Noël n'était pas seulement dans les décorations ou la musique, mais dans les liens invisibles qui se tissent peu à peu entre nous.
La danse achevée, je restai près de M. Thomas, échappant quelques instants à la foule joyeuse qui virevoltait sur la piste de danse. L'atmosphère était pleine de vie, et j'observais chaque sourire, chaque rire, comme si ce moment allait s'évanouir d'une seconde à l'autre. Pour une fois, la demeure semblait abriter un véritable foyer, où les visages radieux renvoient la chaleur que les murs avaient tant absorbée.
Alors que je m'apprêtais à rejoindre Mme Jenkins en cuisine pour vérifier le service, Thomas attrapa mon bras, son regard insistant.
— Evelyn... restez encore un instant, dit-il avec douceur.
Surprise, je m'arrêtai, le regardant avec curiosité.
— Vous avez déjà fait tant pour cette soirée, murmura-t-il en souriant. Accordez-vous quelques instants de répit.
Nous restâmes côte à côte, en silence, observant les convives. Thomas semblait ailleurs, son regard perdu dans ses pensées, comme si quelque chose le troublait. Après un moment, il murmura, presque pour lui-même :
— Noël... Cela fait longtemps que je n'avais pas ressenti cette atmosphère ici. Cette maison était devenue... froide, vide.
Je sentis une tristesse dans ses mots qui m'ébranla. J'avais toujours perçu une certaine distance, un voile de mystère autour de lui, mais à cet instant, il me paraissait vulnérable, exposé d'une manière que je ne l'avais jamais vu auparavant.
— Vous avez apporté un changement ici, Evelyn. Cette chaleur, ce sourire... Je ne sais pas comment vous faites, mais tout semble différent depuis que vous êtes arrivée.
Touchée par ses paroles, je ne trouvai rien à répondre. Un silence se posa entre nous, non pas gênant, mais rempli de quelque chose d'indéfinissable, comme une promesse silencieuse.
Soudain, un léger bruit se fit entendre derrière nous. Je tournai la tête pour voir un couple de jeunes enfants s'approcher du sapin, les yeux émerveillés par les décorations scintillantes. L'un d'eux tendit la main pour toucher l'étoile qui brillait au sommet, mais étant trop petit, il échoua, un air de déception sur le visage.
Thomas, observant la scène, sourit doucement, et avant que je ne puisse réagir, il se pencha vers le garçon et murmura :
— Montre-moi, jeune homme. Avec un peu d'aide, tu pourras atteindre l'étoile.
Il souleva délicatement l'enfant dans ses bras, et celui-ci, ravi, parvint à toucher le sommet du sapin. L'étoile vibra légèrement sous ses doigts, émettant une lueur encore plus intense, et l'enfant éclata de rire, sa joie résonnant dans la pièce.
En les regardant, mon cœur se serra. Cet homme que je croyais distant, presque insensible, montrait un visage différent, empli de tendresse et d'attention. C'était un moment de grâce, où tout paraissait plus clair, plus lumineux.
Une fois le garçon reposé au sol, Thomas se tourna vers moi, un sourire sincère sur les lèvres.
— C'est cela, l'esprit de Noël, murmura-t-il. Ces moments simples, mais si précieux.
— Oui, répondis-je en hochant la tête, incapable de détourner mon regard de lui. C'est exactement cela.
Alors que la soirée avançait, Thomas et moi continuâmes à discuter, parfois de choses anodines, parfois de sujets plus profonds. Je découvris peu à peu un homme marqué par des années de solitude et de silence, mais qui, ce soir, semblait prêt à laisser entrer un peu de lumière dans sa vie.
Lorsque minuit approcha, les invités se rassemblèrent autour du sapin pour échanger leurs vœux. Je m'éclipsai doucement, laissant M. Thomas retrouver ses invités, et me dirigeai vers une fenêtre, contemplant la neige qui tombait doucement à l'extérieur, recouvrant le jardin d'un épais manteau blanc.
Je sentis alors une présence derrière moi. En me retournant, je découvris Thomas, une coupe de champagne à la main.
— Evelyn, chuchota-t-il, alors que la cloche de minuit sonnait au loin. Merci pour ce Noël. C'est sans doute le plus beau que cette maison ait connu depuis longtemps... et c'est grâce à vous.
Je sentis mes joues s'empourprer, mais je lui rendis son sourire, émue. Ce Noël avait ravivé quelque chose en lui, mais aussi en moi, comme si les murs de la maison, baignés de lumière, s'étaient enfin ouverts à des possibilités infinies.
Et dans cet instant fugace, alors que nous regardions ensemble le ciel étoilé, je sus que cette soirée marquait un tournant, non seulement pour la maison, mais aussi pour nous.
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